ENCORE ET TOUJOURS CONTRE CETTE EUROPE (samedi, 21 mai 2011)

En 2005, à l'époque du référendum sur le traité constitutionnel européen (TCE), j'avais écrit le texte suivant. Il est toujours d'actualité.

"Largent divise les hommes.
Comment pourrait-il unir les nations ?"

 

TABOU SUR LES ARGUMENTS MASSUE
contre le projet constitutionnel européen

Jusqu’ici les partisans du NON au projet constitutionnel européen se sont laissés piégés par la tactique des partisans du OUI. Cette tactique consiste à vouloir que les électeurs se concentrent exclusivement sur le texte même du projet et ses subtilités, comme si l’Europe était une abstraction sans histoire, comme si cette Constitution allait être appliquée hors de tout contexte et affranchie de son influence. Il y a quelque temps, M. Pasqua a dit dans une émission télévisée qu’il lui suffisait de lire l’article 1er du projet pour savoir à quoi s’en tenir quant au reste. En fait, il est inutile de lire le projet tout court. Car à qui veut-on faire croire que 25 pays dont le seul véritable lien est l’Euro, que ces 25 pays capitalistes ne formeront pas demain une Europe super-capitaliste et donc capitalo-libérale. Or le capitalo-libéralisme, qu’il soit appliqué dans un pays ou à l’échelle de l’Europe reste du capitalo-libéralisme.  Et, par nature, le capitalo-libéralisme repose sur l’inégalité et implique une politique de droite. Pourquoi donc croit-on que les Français, en particulier ceux de gauche, ne se retrouvent plus dans la politique des soi-disant partis de gauche. Ces dernières années ont démontré que le vrai gouvernail n’est pas ou n’est plus entre les mains des politiques. Le pouvoir a eu beau changer de mains, les choses, elles, n’ont pas bougé. Pire, il semblerait que nous ayons atteint tout ce que le capitalo-libéralisme autorise en matière sociale, et que, depuis, nous régressions comme pour mieux nous ménager des reconquêtes artificielles et des succès illusoires.  

Les partisans du OUI au projet de Constitution européenne soutiennent que ce projet est neutre, qu’il n’est ni de gauche, ni de droite. Peut-être. Mais le contexte dans lequel il sera appliqué, lui, commande à droite. Cette Europe anéantira-t-elle les inégalités ? fera-t-elle que la France d’en bas s’élèvera ? que la France d’en haut cèdera de ses privilèges ? L’Union Européenne a changé de nom. Mais rappelons-nous qu’elle s’appelait il y a peu Communauté Economique Européenne et que le lien entre ses divers pays membres est l’Euro. Ceci n’annonce-t-il pas suffisamment la raison d’être de l’Europe pour ceux qui aujourd’hui la construisent et qui demain en seront la tête ? Non, ce n’est pas l’Europe des peuples pour les peuples, l’Europe de la démocratie et de l’Egalité, l’Europe de la fraternité que nous construisons ou que l’on nous force à construire… c’est l’Europe du pactole.

Pensons bien à ceci : les peuples avancent chacun à leur rythme. Ils ont chacun leur histoire et leur sensibilité. Ils ont chacun leur expérience et leurs expériences à faire. Or l’Europe réunit 25 pays, 25 peuples. Les pays de l’Est sortent à peine du communisme et sont avides de capitalo-libéralisme. Les pays de l’Europe occidentale, eux, ont plus d’un siècle d’expérience en la matière. Il y a de fait une Europe à deux vitesses. Combien de temps encore les peuples de l’Europe occidentale souffriront-ils le capitalo-libéralisme ? Aujourd’hui, faute de vraie alternative, d’alternative réaliste, ils s’y résignent ou se débattent sans succès. Mais demain ? Qu’adviendra-t-il lorsqu’un peuple de l’Europe occidentale osera enfin se lever et s’attaquer au socle même de l’Europe ? C’est simple : dans le cadre de l’Europe, il ne pourra pas bouger. Plus exactement, aucun peuple ne le suivra et tous les gouvernements s’uniront pour briser son élan. En pratique, ceci n’empêchera rien. Quand un fruit est mûr, il tombe. Pour accomplir sa destinée, ce peuple sera donc obligé de sortir de l’Europe, de cette Europe. L’Europe, unie autour du projet constitutionnel que l’on nous propose ou d’un autre, n’est donc pas en soi un rempart infaillible contre le changement qui sera bientôt nécessaire, mais elle sera un obstacle de plus à franchir dans un temps où les difficultés ne manqueront pas.

C’est encore un non-sens de croire que nous aurons plus de courage politique, plus d’idées, plus d’audace à 25. L’Europe, disent les partisans du OUI, doit être le laboratoire du monde. Elle doit trouver les solutions au problème écologique, donner l’exemple de la démocratie, etc. C’est vrai, il est urgent de trouver des solutions. Mais l’histoire démontre que la recherche n’avance que grâce à des personnes isolées, seules, souvent dénigrées par leurs contemporains. Le nombre permet d’agir, pas de réfléchir sur des questions pointues. Par définition, les idées qui bousculent les préjugés ne peuvent émerger de la foule.

En somme, que va nous apporter cette Europe ? Elle va cautionner au niveau d’un continent, un système voué à la faillite (tous les experts en économie sont formels sur ce point) et dont nous commençons à voir les limites. En élargissant les frontières et en accroissant la population, elle va noyer la contestation dans la masse. Elle permettra certes de résoudre des problèmes, mais des problèmes souvent nés de la construction européenne elle-même. En fait, elle ne résoudra aucun des problèmes nationaux, en particulier le problème fondamental de l’inégalité, que les nations n’ont pas su résoudre elle-même. Les partisans du OUI misent sur la force de l’union. Mais cette union existe déjà au niveau des nations et, malgré l’unité nationale, les problèmes en question n’ont pourtant jamais trouvé de réponse. Néanmoins, il n’y a qu’au niveau national que des réponses pourront être sinon trouvées du moins mises en œuvre. Car le temps presse, et l’unité nécessaire pour réformer en profondeur l’ordre social ne sera pas réalisée au niveau de l’Europe avant longtemps.

Observons enfin qui défend ce projet de Constitution. Qui parmi eux a jamais eu un vrai projet social ? Les uns ont laissé la fracture sociale ouverte ; les autres sont notoirement en quête d’un projet. Sont-ce ces gens qui peuvent nous guider vers l’avenir ? Sont-ce ces gens qui pourraient déceler le piège tendu aux peuples derrière les belles et creuses paroles couchées sur du papier ? Le présent débat leur a donné l’occasion d’ouvrir la bouche, mais ont-ils exprimé une seule idée novatrice ? Non. Ils ont appliqué à l’Europe le discours bien pensant et politiquement correct qu’ils tiennent depuis 30 ans aux Français. Pouvait-il en être autrement ? Ils n’ont manifestement pas d’idées pour la France et ce n’est certes pas l’Europe qui fera d’eux des génies. En revanche, ils ont déployé leur perfidie habituelle. Ils ont accusé les partisans du NON de jouer sur la peur des Français, et c’est eux qui brandissent le spectre de l’isolement ! Ils sont prêts à avoir du courage dans le cadre de l’Europe, comme s’ils pouvaient avoir celui qu’ils ne montrent pas en France. Ils disent défendre la France et ne jurent plus que par l’Europe ! Alors quoi ? Il n’y a donc rien à faire en France ? La France n’est plus ?

Allons ! ne soyons pas dupes une fois de plus. Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête si nous refusons de les suivre. Ne ratifions pas leur projet par dépit, faute de mieux. Reconnaissons que cette Europe n’est pas et ne peut devenir celle dont nous rêvions. Ne croyons pas que cette Europe nous donnera la solution du grand problème social ; elle ne peut au contraire que nous distraire de cette recherche. 

 

Philippe Landeux

Publié par Riposte Laïque

Le 29 mai 2005, le Peuple français rejetait ledit projet à une majorité de 55 % des voix. Le 14 février 2008, le parlement français, par 366 pour, 52 contre, 22 abstentions, ratifiait ledit traité dans une nouvelle version. Les européistes, grands démocrates devant l'Eternel, donnaient ainsi au Peuple français une leçon de démocratie à leur façon. 

 

18:08 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |