DEMOCRATIE ET DROIT DE VOTE (dimanche, 13 février 2011)

Contrairement à ce que l’on ne cesse de nous répéter, nous ne sommes pas en démocratie, pas véritablement, et ce n’est certainement pas en continuant à ignorer et à violer un peu plus les principes que nous nous en rapprocherons. Ce que nous appelons la démocratie représentative n’est qu’une caricature de la démocratie, une négation de la souveraineté du peuple dont elle prétend émaner.

La démocratie est l’empire du peuple. C’est de lui que tous les pouvoirs tirent leur légitimité. C’est lui qui fait les lois ou, à défaut de les faire directement, doit ratifier celles qu’ont faites ses mandataires. Seuls les règlements approuvés par le peuple sont légitimes et dignes du nom de « lois ». Le peuple n’est en rien tenu de respecter et de se soumettre à des lois qui ne sont ni de près ni de loin son ouvrage. De telles lois sont l’œuvre de tyrans.

La démocratie représentative qui retire au peuple le droit de faire les lois, pour le remettre entre les mains d’élus, est une tyrannie. Que la démocratie directe et le mandat impératif soient impossibles dans une grande nation est une chose. Mais que, sous prétexte de ces impossibilités, les mandataires du peuple soient totalement libres d’agir au nom du peuple sans jamais en référer au peuple, et se substituent ainsi au peuple, en est une autre. Et que l’on ne vienne pas dire que le peuple a voté pour eux, pour leur programme. Le peuple en réalité n’a guère le choix. Entre une poignée de candidats, chaque électeur en choisit un. Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ? Ce peut être par conviction ou par défaut. Ce peut être pour tout ou partie de son programme. Il peut arriver qu’un électeur soit en totale harmonie avec son élu, mais il est impossible qu’un peuple soit en totale harmonie avec ses élus. Il s’ensuit que des élus qui agissent librement selon leur volonté, respectant ou non leur programme, contrarient en tout ou partie la volonté du peuple dont ils sont sensés être l’organe. Il n’y a qu’un remède contre cette dérive : soumettre à la ratification populaire les décisions des élus, les lois comme les traités internationaux. (Il s’agit ici de poser les principes, non d’entrer dans tous les détails pratiques.) Et que l’on ne vienne pas non plus dire que les élections régulières tiennent lieu de ratification ou de sanction. Ne plus voter pour quelqu’un n’a rien à voir avec empêcher un élu de nuire. Les élections n’ont jamais empêché que se répètent sans cesse les mêmes abus, fut-ce de la part de nouveaux élus !

Mais, dira-t-on, pourquoi les lois faites par des députés doivent-elles être ratifiées par le peuple ? Parce que les lois sont sensées être favorables à l’intérêt général et que seul le peuple peut être juge de ce qui lui convient. Peu importe d’ailleurs qu’il soit bon ou mauvais juge, car, si l’expérience prouve qu’il a mal jugé, son intérêt le portera naturellement à rectifier son erreur. Mais ceux qui jugent à sa place, sans subir les conséquences de leurs décisions, sans être stimulés pour revenir sur leur jugement, sont nécessairement de mauvais juges et fatalement de vrais tyrans !

Il en va de même pour les individus. Ce qui légitime pour un individu le droit de voter et de manière générale les droits politiques, c’est le fait qu’il vive perpétuellement sous les lois qu’il contribue à faire (adopter), qu’il soit attaché physiquement et sentimentalement à la nation, que son intérêt soit que les lois soient justes et bonnes pour son peuple et son pays (d’un point de vue national). Un individu qui, pour quelque raison que ce soit, se sent étranger à la nation ou l’est manifestement, un individu qui ne considère pas les intérêts de la nation comme les siens et qui, partant, est susceptible de l’abandonner à tout instant par caprice et surtout s’il faut la défendre, n’a aucun droit de contribuer à lui donner des lois qui seront probablement contraires à l’intérêt national, sous lesquelles il ne vivra peut-être jamais, dont il ne subira pas les conséquences ou qu’il aura d’autant moins envie de corriger si elles sont mauvaises pour la nation qu’il ne partage pas son point de vue. A moins d’être suicidaire, une nation n’a pas à reconnaître de droits politiques à des individus dont la fidélité n’est pas attestée et qui sont potentiellement des traîtres.

La nationalité est censée témoigner de l’attachement à la nation ; c’est donc elle, et ce qu’elle suppose, qui confère les droits politiques. Mais, aujourd’hui, elle s’obtient par la naissance, le mariage, la résidence et les sollicitations. Elle n’implique aucun devoir matériel et moral envers la nation et ne prouve en rien la fidélité envers elle. Quand elle n’est pas automatique, elle s’obtient sans avoir à satisfaire d’exigences identitaires, ou si peu, et sans avoir à renoncer à une autre nationalité éventuelle, la double nationalité étant par nature contraire à l’allégeance exclusive. Dans ces conditions, la nationalité est vide de sens pour bien des individus qui ne méritent ni d’être français, et ne le sont que sur le papier, ni d’avoir le droit de cité en France. Dans la mesure où une société repose sur les lois, il est donc primordial de revoir le mode d’acquisition de la nationalité qui fait de tout Français un législateur. En attendant, la moindre des choses est d’affirmer le principe selon lequel seule la nationalité confère les droits politiques, ce qui exclut naturellement que les étrangers en jouissent à quelque niveau que ce soit.

Le fait que des étrangers ne jouissent pas de droits politiques n’est pas une privation, c’est justice. A l’inverse, leur en accorder, sans que rien ne le justifie et quand tout s’y oppose, serait un abus en appelant d’autres, une brèche allant toujours en s’élargissant. Il ne faut pas être devin pour comprendre qu’accorder aujourd’hui aux étrangers le droit de vote aux municipales amènerait demain de nouvelles revendications tout aussi infondées quoique plus aberrantes. Dès lors qu’un principe est violé, il n’existe plus. Pourquoi les étrangers, ayant obtenu le droit de vote aux municipales sous prétexte qu’ils vivent dans la commune depuis un certain temps, n’obtiendraient-ils pas le droit de vote aux législatives, puisqu’ils vivent sous les lois de la France, puis aux présidentielles, puisque les décisions du président français les concernent aussi ? Pourquoi les étrangers ayant obtenus le droit de voter ne conserveraient-ils pas ce droit après avoir quitté la France ? Mais allons au bout de cette logique absurde : pourquoi ne pas organiser directement les élections françaises à l’étranger, puisque, dans cette logique, voter en France n’est pas le droit exclusif des Français résidant en France ? D’ailleurs, ceux qui agitent le droit de vote des étrangers ne sont-ils pas aussi ceux qui condamnent toute limite et toute maîtrise de l’immigration et qui, de fait, organisent l’invasion de la France et l’anéantissement physique et moral du peuple français ?

Du reste, il faut bien avoir conscience que le droit de vote n’est qu’un droit politique parmi d’autres. Or, si le principe d’après lequel les droits politiques sont attachés à la nationalité n’est pas reconnu, qui peut garantir que, demain, les étrangers ne prétendront pas être éligibles ou avoir accès aux fonctions publiques ? Comment ces revendications manifestement illégitimes pourront-elles être alors combattues quand les principes qui les rejettent sans appel auront été anéantis pour permettre des abus moins criants ?

Tous ceux que les principes dépassent et que l’angélisme aveugle taxeront cette position de xénophobe, raciste… Il est certes plus facile d’opposer des insultes aux principes ! Mais les gens de bonne foi doivent s’apercevoir qu’il n’y a dans ce discours universels, valable dans tous les pays, aucune haine envers les étrangers et qu’il s’agit au contraire de prévenir un conflit que les démagogues nous préparent au nom de leurs bonnes intentions et de leurs mauvais calculs. Refuser en toute logique le droit de vote aux étrangers n’est en rien être hostile aux étrangers, puisque personne ne conteste ce droit aux Français d’origine étrangère, c’est-à-dire aux immigrés naturalisés qui, eux, ont scellé leur destin à celui de la France. Mais au nom de quoi accorder ce droit à des personnes qui ne se sont pas engagées pareillement envers la France (ce qui est en soi respectable et ne pose pas de problème tant qu'il s’agit de cas isolés) ? Leur accorder un tel droit serait vider la nationalité du peu de sens qu’elle a encore et saperait les efforts d’intégration des immigrés désireux de perdre cette étiquette. Que ceux qui font tout pour qu’être Français ne veuille plus rien dire et accusent sans cesse de racisme leurs détracteurs nous expliquent donc comment ils espèrent que des immigrés s’intègrent quand l’intégration sera devenue inutile et même impossible vu que la France n’aura plus de consistance. Qu’ils nous expliquent également en quoi leur démagogie conjure le racisme quand, en poussant les étrangers à prendre les Français pour des abrutis, en favorisant la naissance d’un parti de l’étranger, elle ne peut que développer chez les Français un rejet viscéral de tout ce qui est étranger ou assimilé !

Il faudra bien un jour reconnaître et déclarer avec force que les droits ne tombent pas du ciel mais sont le fruit de devoirs, que celui qui fait ou ne fait pas un choix doit l’assumer au lieu de s’en prendre aux autres, et que ce n’est pas aux individus qui se moquent que la France tombe en décrépitude ou ne voient pas qu’ils la conduisent à la ruine, à donner des leçons de morale et de politique aux Français.

Philippe Landeux

05:38 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook | |  Imprimer |