NATIONALITE : la multi-nationalité (samedi, 13 août 2011)
Un lecteur a eu l’amabilité et la patience de commenter ou critiquer de nombreuses propositions de mon essai de programme présidentiel pour 2012. Comme chaque point mérite des développements et que le tout serait très long, je publie séparément ma réponse à chacun des objets, en rappelant la proposition en question et la position dudit lecteur.
14. Suppression de la multi-nationalité
Les multinationaux devront choisir et seront dénaturalisés en l’absence de choix au bout d’un an. Dans l’intervalle, les droits politiques des multinationaux seront suspendus en France.
Brath-z :
Outre qu'il est parfaitement opposé aux traditions françaises de suspendre les droits d'une catégorie de citoyens (quand bien même leur statut serait sujet à caution à cause d'une mesure réglementaire, comme c'est le cas ici), je dois vous faire part de mon extrême scepticisme quant à la pertinence de l'établissement d'une telle règle. J'avoue avoir été, jadis, partisan de l'interdiction pure et simple de la multinationalité. Mais ayant, dans le cadre de mes études, été amené à étudier de près la communauté arménienne en France, j'ai changé d'opinion.
Je vous explique rapidement : depuis 1915, plus de cinq cent mille arméniens sont venus sur notre sol au cours de vagues successives. Ces populations ont rapidement obtenu la nationalité française, mais malgré la politique assimilationniste active et volontariste de la IIIème République, elles ont formé depuis une véritable communauté à part, avec ses modèles familiaux, sociaux, culturels, économiques, etc. caractéristiques et distincts des traditions françaises. Même, un terme a été inventé pour rendre compte de cette différentiation : l'arménité. Conçue comme un patrimoine à transmettre aux générations futures, l'arménité devait rester inviolée par « l'invasion » d'autres cultures jusqu'au retour à la « terre promise », c'est-à-dire une Arménie libre et indépendante (la courte période d'autonomie de la RSS d'Arménie entre 1918 et 1922 avait d'ailleurs vu le retour au pays de près d'un million et demi d'Arméniens). Depuis 1991 et, surtout, 1993 (cesser-le-feu avec le Khazakstan), cette Arménie libre et indépendante existe, certes perfectible. Et, de fait, une partie de la « diaspora arménienne » y est retournée. Mais, le plus souvent, il s'agit de la diaspora récente, celle qui a fuit l'Arménie au cours des années 1960 à 1980.
La plupart des descendants des exilés de 1915 aux années 1950 sont restés dans leur pays d'accueil, notamment la France. Ceci pour une raison simple : c'est là qu'ils sont nés et qu'ils ont vécu toute leur vie. Bien que les Arméniens aient formé une communauté très soudée et éloignée du reste de la population, le mode de vie français s'est « insinué » au sein de « l'arménité », et les différences culturelles avec l'Arménie sont trop importantes pour que le « retour » de ces Arméniens étrangers en Arménie ne soit pas autre chose qu'une nouvelle immigration. Sans oublier qu'en 1991 encore, à peine 1% de la « communauté arménienne en France » disposait de la nationalité arménienne. Les 99% restants étaient exclusivement français. Or, on a assisté à un phénomène tout à fait étrange à partir du début des années 2000 : le nombre de descendants d'immigrés arméniens prenant la nationalité arménienne a explosé (au point qu'aujourd'hui plus de 350 000 des 500 000 membres de la « communauté arménienne » ont la double nationalité française et arménienne) et ce alors même que la « communauté arménienne », pour la première fois, se délitait pour se fondre dans la population française (en 2007, 60% des unions impliquant un(e) membre de la « communauté arménienne » se faisaient hors de la « communauté arménienne », pour à peine 5% en 1980), au point que d'après les autorités religieuses arméniennes en France (les Arméniens sont dans leur immense majorité chrétiens, mais la chrétienté d'Arménie est distincte du reste de la Chrétienté) la « communauté » aura totalement disparu dans 15 ou 20 ans. Les études anthropologiques sur le phénomène ont toutes conclu la même chose : en prenant la « nationalité des ancètres » que ni eux ni généralement leurs parents n'ont eu, les jeunes membres de la « communauté » accomplissent symboliquement un « retour à la terre promise » et s'abstraient ainsi de l'obligation de préserver et transmettre « l'arménité ». Ainsi a pu commencer une réelle assimilation de la « communauté arménienne ».
Par conséquent, instaurer comme règle absolue l'interdiction de la multi-nationalité est à mon avis excessif et peut s'avérer contre-productif (cf l'exemple arménien, donc). A mon avis, il serait de bien meilleur rapport de pouvoir permettre à des citoyens français, dont les parents ou grand-parents (je pense que deux générations, c'est suffisant) sont immigrés de pouvoir obtenir la nationalité du pays d'origine de leurs ancêtres sans devoir renoncer à la nationalité française. En revanche, un « français de souche » (citoyen français né en France et dont les parents et les grands-parents étaient tous français nés en France, d'après l'INED) ne pourrait acquérir une autre nationalité sans devoir renoncer à la nationalité française. De plus, parmi ceux autorisés à avoir plusieurs nationalités, il faut impérativement préciser une hiérarchie entre la « nationalité principale » et les autres éventuelles : la citoyenneté étant exclusifs attachement à la patrie et participation à la vie publique nationale, tout individu exerçant ses droits civiques dans un autre pays (vote, candidature, nomination dans l'état, poste officiel, etc.) se verrait interdire de les exercer en France, et sa nationalité française ne pourrait être sa « nationalité principale ». Pour les autres nationalités, laissons les pays concernés juger.
Réponse :
Merci pour ces informations historiques, mais, encore une fois, vous réagissez à une proposition sans la replacer dans le cadre global de mon projet. Peut-être avez-vous répondu au fur et à mesure sans prendre connaissance de l’ensemble. Le fait est que, d’après mon projet, la nationalité n’a d’importance que pour les individus réellement attachés à la nation France. Inversement, il est important que la France n’accorde la nationalité qu’à des individus qui lui sont attachés et qui ont à cœur de défendre ses intérêts. La nationalité, d’après mon projet, s’acquiert par des devoirs particuliers et confère les droits politiques. La citoyenneté, elle, est un statut distinct, le statut de base, celui qui relève du domaine social ou économique. Ces concepts découlent d’un projet plus vaste qu’il est impossible d’appliquer à la lettre dans un contexte monétaire. Je fais de mon mieux pour l’adapter.
Vous ne pouvez pas comprendre mes propositions si vous n’intégrez pas les distinctions que je fais entre citoyen de France (sans nationalité ou d’une autre nationalité que française), citoyen Français (citoyen et français uniquement), immigrés (citoyen de France depuis moins de dix ans) et étrangers (de passage). Ces distinctions sont commandées par les Principes, par le bon sens et par les intérêts de la France. (Il est vrai que, dans les explications qui suivent la proposition, je ne parle que de Français et d’étrangers, c’est-à-dire des cas opposés. Mais, vous voyez, qu’il y a, pour moi, d’autres nuances qui, du reste, n’invalident pas le Principe.)
Des Citoyens doivent être égaux en Devoirs et en Droits. C’est le cas, qu’ils soient français ou non, nés ici ou ailleurs. Mais, compte tenu du phénomène migratoire d’une part, et de l’anti-patriotisme latent d’autre part, la France ne peut attacher le droit de cité à la simple citoyenneté. D’ailleurs, ce droit doit, comme tout droit, être la contrepartie de devoirs. La nationalité qui le confère doit donc s’acquérir en remplissant des devoirs particuliers. Cette distinction entre simples citoyens ou citoyens de France et citoyens français n’établit pas une inégalité en droits entre eux. N’entrent dans la balance de l’Egalité que les droits des individus qui se sont acquittés des mêmes devoirs. Dès lors que les droits politiques sont le pendant de devoirs que les citoyens peuvent remplir volontairement, ceux qui ne remplissent pas lesdits devoirs ne jouissent pas desdits droits et ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Tous les citoyens demeurent égaux sur le plan de la citoyenneté. Les citoyens nationaux sont égaux sur tous les plans. La différence de droits entre les uns et les autres n’est pas une inégalité, c’est-à-dire une injustice : c’est la règle du jeu. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.
« Outre qu'il est parfaitement opposé aux traditions françaises de suspendre les droits d'une catégorie de citoyens ». Elles ont bon dos les traditions françaises. Je ne m’occupe que des Principes. Voulez vous une révolution sans révolution ?, comme dirait l’autre. Il est fatal que l’application des Principes bouleverse les abus établis. Mais quelle autre boussole que les Principes doit-on prendre et suivre aveuglément pour établir l’harmonie sociale ? Ce n’est pas la mesure que je propose qui mettrait certains en porte-à-faux : ce sont les lois antérieures, inepte et nulles, qui les ont mis en porte-à-faux vis-à-vis de la France. Je tiens aujourd’hui pour nulles et non avenues toutes les lois, car aucune n’a été ratifiée par le peuple. C’est donc sans scrupule que j’en propose d’autres, d’autant plus que c’est malheureusement sans portée. Les lois françaises ne sont pas faites pour satisfaire les immigrés aux intérêts divers mais pour assurer les intérêts de la France. Et qui peut faire des lois dans ce sens si ce n’est des Français éprouvés ? Je ne sais pas si ces idées sont dans la tradition française, mais elles sont assurément dans la ligne des Robespierre et des Saint-Just. N’est-ce pas eux, notamment, qui ont fait chasser de la Convention les députés étrangers ? « Ne croyons pas les charlatans cosmopolites, et ne nous fions qu’à nous mêmes. » (Saint-Just)
« je dois vous faire part de mon extrême scepticisme quant à la pertinence de l'établissement d'une telle règle. » Je ne suis pas sûr que, au moment où vous avez écrit cela, vous maîtrisiez bien la règle dont vous contestez l’établissement, du moins la proposition. Je répète que, selon moi, la nationalité et la citoyenneté sont deux concepts et deux statuts distincts. Dans ces conditions, la non acquisition ou la perte de la nationalité française n’a pas le même sens qu’aujourd’hui où la notion de « citoyenneté », telle que je la définis, n’existe pas, car ce terme désigne en fait la nationalité. Ne seraient français que des individus désireux et dignes de l’être. Vous trouvez que ma proposition n’est pas pertinente : mais qu’en est-il de votre position qui sous-entend que le droit de cité en France peut être reconnu à des étrangers de cœur et même à des individus officiellement étrangers ? Pourquoi la France devrait-elle reconnaître comme Français des individus qui ne se considèrent pas eux-mêmes comme tels ? S’ils ne veulent pas être français, pourquoi la France le leur imposerait-elle, alors que la citoyenneté pourrait leur suffire et qu’ils pourraient même conserver ou prendre une autre nationalité ?
Vous me parliez de « liberté ». Hé bien ! la liberté, c’est de faire des choix et de les assumer. La France a besoin de patriotes qui la choisissent, non de Français « comme vous et moi » qui ne savent pas sur quel pied danser et veulent manger à tous les râteliers. Pourquoi des individus sont-ils le cul entre deux chaises ? C’est leur problème, ce n’est pas à la France de le résoudre, encore moins d’en pâtir. Son devoir, à elle, est de fixer des règles claires, de présenter des choix. La multinationalité n’est rien d’autre que dispenser les individus de faire un choix, c’est-à-dire de ménager des individus aux dépens des nations. Elle dévalorise la notion de nationalité et sape le concept de nation. C’est une arme perverse entre les mains des mondialistes contre la souveraineté des peuples et la démocratie.
L’exemple que vous prenez se situe dans le contexte actuel où le mode d’acquisition de la nationalité est aussi inepte que la notion même de nationalité est insipide. Il ne démontre rien par rapport à mon système. D’ailleurs, la conclusion que vous en tirez rejoint ma proposition sur le fond, quoiqu’elle soit brouillonne sur la forme. Vous établissez en douce les mêmes distinctions que moi entre simples citoyens et citoyens français, vous n’hésitez pas à déchoir des droits politiques les multinationaux qui en jouissent et exercent ailleurs, mais vous n’osez pas appeler un chat « un chat ». En outre, sans vouloir vous offenser, vous n’êtes pas assez rigoureux dans les Principes ni assez critique vis-à-vis des conceptions actuelles. Vous croyez pouvoir faire du neuf avec du vieux ! Je veux dire que vous oubliez que des droits doivent être liés à des devoirs et que, par conséquent, la nationalité qui confère les droits politiques ne peut être acquise de naissance ou par d’autres biais que les devoirs, et ce par qui que ce soit. Transposez donc en lois les conséquences de ces Principes irréfragables au lieu de faire découler la loi des difficultés que vous croyez devoir surmonter.
Pour paraphraser qui vous savez, c’est vrai, je suis « intraitable comme la vérité, inflexible, uniforme, j'ai presque dit insupportable, comme les principes ».
11:12 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |