FONCTIONNARIAT (samedi, 03 septembre 2011)

Un lecteur a eu l’amabilité et la patience de commenter ou critiquer de nombreuses propositions de mon essai de programme présidentiel pour 2012. Comme chaque point mérite des développements et que le tout serait très long, je publie séparément ma réponse à chacun des objets, en rappelant la proposition en question et la position dudit lecteur.

114. Suppression de la garantie de l’emploi pour les fonctionnaires d’Etat


115. Réduction drastique du nombre de fonctionnaires d’Etat

Brath-z :

Toute cette partie est un tissu d'absurdités. Vraiment, je m'étonne que vous soyez un admirateur de Robespierre ou de de Gaulle. Vous n'avez manifestement pas bien compris l'action de l'un comme de l'autre, et encore moins saisi l'état d'esprit français.

Réponse :

D’une part, ce n’est pas parce que j’ai beaucoup d’admiration pour Robespierre et de Gaulle que je les suis en toutes choses. D’autre part, je ne me souviens pas que Robespierre, en particulier, ait prôné le fonctionnariat tel que nous le concevons aujourd’hui, c’est-à-dire un emploi garanti à vie quelle que soit la façon dont les fonctionnaires s’acquittent de leur devoir. En revanche, jil a dit : « il fallait enfin, encourager les dénonciations civiques contre les fonctionnaires publics prévaricateurs. » (mars 1793) Mais vous connaissez sans doute mieux sa déclaration des droits :

ART. 14. Le peuple est le souverain ; le gouvernement est son ouvrage et sa propriété ; les fonctionnaires publics sont ses commis. Le peuple peut, quand il lui plaît, changer son gouvernement et révoquer ses mandataires.

ART. 19. Dans tout état libre, la loi doit surtout défendre la liberté publique et individuelle contre l’autorité de ceux qui gouvernent.

ART. 21. Tous les citoyens sont admissibles à toutes les fonctions publiques, sans aucune autre distinction que celle des vertus et des talents, sans aucun autre titre que la confiance du peuple.

ART. 32. Les fonctions publiques ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs publics.

Certes, Robespierre a à l’esprit les élus. Mais le principe est le même pour tous les fonctionnaires, c’est-à-dire pour tous ceux qui occupent une fonction dans le service public et sont payés par le contribuable. En conséquence, je ne crois pas m’avancer beaucoup en disant que, loin de partager votre avis, sur lequel vous n’avez d’ailleurs donné aucune explication, il aurait soutenu mon point de vue.

La constitution de 1793 contient l’article suivant :

ART. 24. - Elle [la souveraineté nationale] ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n'est pas assurée.

Quant à la réduction drastique du nombre de fonctionnaires, je pense en effet qu’il faut le réduire au maximum, partout où cela est possible sans inconvénient pour la chose publique. Nous n’en avons que trop multiplié le nombre et la proportion par rapport aux actifs depuis quelques temps. Or, là encore, les révolutionnaires qui déjà ne concevaient pas l’emploi garanti à vie ne penchaient pas pour l’accroissement sans fin du fonctionnariat, bien au contraire. J’en veux pour preuve les documents suivants au sujet des régies, des « entreprises nationalisées » comme on dirait aujourd’hui :

9 novembre 1793. Le Comité (Carnot et C.-A. Prieur) écrit aux représentants à l’armée de l’Ouest qui ont remplacé le directeur de la fonderie d’Indret par un citoyen dont le civisme leur est connu. Il approuve cette mesure. « Nous vous observons cependant qu’on ne peut considérer ce mode que comme provisoire. Les régies en général ne conviennent point aux intérêts de la République : 1° parce que les régisseurs n’y apportent pas la même économie que des propriétaires ; 2° parce que l’expérience prouve que les perfectionnements dans les procédés s’y introduisent beaucoup plus tard, ou même ne s’y introduisent pas ; 3° parce que de pareils établissements sont entre les mains d’un ambitieux un moyen de puissance, qui peut être très dangereux pour la liberté de la nation. »

14 avril 1794. Le Comité (C.-A. Prieur), « considérant combien les régies nationales sont onéreuses aux intérêts de la République par le défaut d’économie, et combien elles sont défavorables au service, parce qu’elles ne livrent jamais à époques fixes ; considérant que les administrateurs des régies nationales s’occupent plus de leurs propres commodités et de l’embellissement des établissements que de l’activité des travaux et de la réalité des produits ; considérant que, dans les régies, les procédés nouveaux ne s’introduisent jamais, et que la perfection du travail ne fait aucun progrès ; considérant enfin que les régies nationales mettent à la disposition d’agents la nomination aux places, ce qui leur donne une puissance dangereuse dans un Etat démocratique », arrêta de rendre à l’entreprise (c’est-à-dire aux soins de particuliers) les régies (fonderies) d’Albi et de Saint-Juéry. (Tome XII, p. 583, n° 21)

Edifiant, non ! En partant du principe et avec du simple bon sens, Prieur a dépeint tous les travers de l’URSS. Bien que ces documents ne soient pas de Robespierre, il ne fait aucun doute que ces idées étaient celles du temps et qu’il les partageait.

Enfin, je vous le redis, les mesures que je propose ne sont pour moi que des étapes vers la Révolution. Elles peuvent avoir des inconvénients dans le contexte actuel (monétaire) mais elles faciliteront grandement les choses à l’avenir. Remarquez d’ailleurs que, sur ce sujet, le système agit révolutionnairement sans le savoir puisqu’il pousse à la réduction du nombre de fonctionnaires. Il le fait pour d’autres motifs que moi, pour des raisons financières notamment. Peu importe. Il croit tenir le triomphe ; il ne fait que creuser sa tombe.

12:18 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |