L'IMPOSTURE DU GENOCIDE VENDEEN (jeudi, 16 octobre 2014)
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La République révolutionnaire (1793-1794) a-t-elle oui ou non envisagé, décidé, organisé et mis en œuvre un génocide en Vendée ?
Un génocide, c’est l’extermination ou l’exécution de mesures tendant délibérément à exterminer une population pour ce qu’elle est, une population définissable par ses gênes ou ses croyances, identifiable par son physique ou ses traditions ou simplement par sa présence sur un territoire ; c'est tuer ou tout mettre en oeuvre pour tuer tous les individus appartenant à cette population.
Or, d'après Reynald Secher, auteur de la thèse d'un génocide vendéen, la guerre dite de Vendée fit 117.000 victimes pour une population de 825.000 habitants (Vendée militaire). Outre que le chiffre de 117.000 n'est pas un comptage mais un calcul (population qu'il y aurait du y avoir après le conflit moins la population réelle), outre que ce chiffre met dans le même sac les Blancs, les Bleus, les émigrés ou réfugiés non-rentrés, et qu'inversement il ne prend pas en compte les étrangers à la région morts dans ce conflit dans l'un ou l'autre camp, ce chiffre, aussi atroce que soit la réalité qu'il recouvre, est très loin de 825.000. La population de la région appelée "Vendée militaire" n'a pas été exterminée ; en dépit des massacres, des horreurs, des exactions, des crimes de guerre, etc., il n'y a pas eu concrètement de génocide.
La thèse d'un génocide ne tient donc que s'il est prouvé que la République d'alors en avait entrepris un. Pour le savoir, pour déceler cette volonté, il faut consulter les documents émanant des plus hautes autorités, à savoir les décrets de la Convention nationale (Assemblée des députés), les arrêtés du Comité de salut public et les lettres, proclamations et arrêtés des représentants en mission sur place. Telle est la nature des documents que je vais vous mettre sous les yeux pour que vous puissiez juger par vous-mêmes. Je me permettrai néanmoins de signaler en gras les passages qui devraient retenir l'attention. J'ajoute que la lecture de ces seuls passages est édifiante et suffit donc pour ceux qui n'ont pas le temps de tout lire.
Tous ces documents proviennent soit de la série des "Recueil des actes du Comité de salut public avec la correspondance des représentants en mission" d'Alphonse Aulard (19 volumes, pour la période qui nous concerne), soit des suppléments de Marc Bouloiseau (3 volumes), soit de la série de Archives Parlementaires (62 volumes).
Enfin, je précise que, bien que la première guerre de Vendée s'acheva au début de l'année 1795 (17 février, traité de la Jaunaye avec les Vendéens de Charette, ratifié le 2 mai par Stofflet, 20 avril, traité de la Mabilais avec les Chouans), la plupart des documents qui vont suivre datent d'avant le 9 thermidor (27 juillet 1794), car le plus fort de la guerre eut lieu fin 1793 - début 1794, donc du vivant de Robespierre, et qu'une des principales raisons de cette controverse est précisément d'accabler ce dernier.
Le 4 mars 1793, l'insurrection débute à Cholet (Maine-et-Loire) avec une émeute contre le recrutement. Une levée de 300.000 hommes dans toute la France a été votée le 24 février par la Convention, car la France est en guerre depuis le 20 avril 1792. Cette guerre a été voulue par la Cour, pour la perdre, et par les Girondins, pour remplir les caisses. Quoi qu'il en soit, la guerre est là, il faut la faire et, à l'approche de la campagne de 1793, il faut reconstituer les effectifs, car les volontaires de 1792 ont pour beaucoup regagné leurs foyers.
20 mars 1793 — LOI contre la rébellion au recrutement
Le 18 mars, la nouvelle de l’insurrection dans l’Ouest parvient à la Convention qui adopte les 19-20 mars une loi générale (pour toute la France), en 10 articles, contre la rébellion au recrutement.
Art. 1er — Ceux qui sont ou seront prévenus d’avoir pris part aux révoltes ou émeutes contre-révolutionnaires qui ont éclaté ou éclateraient à l’époque du recrutement, dans les différents départements de la République, et ceux qui auraient pris ou qui prendraient la cocarde blanche, ou tout autre signe de rébellion, sont hors la loi. En conséquence, ils ne peuvent profiter des dispositions des lois concernant la procédure criminelle de l’institution des jurés.
Art. 6. — Les prêtres, les ci-devant nobles, les ci-devant seigneurs, les émigrés, les agents et domestiques de toutes ces personnes, les étrangers, ceux qui ont eu des emplois ou exercé des fonctions publiques dans l’ancien gouvernement ou depuis la Révolution, ceux qui auront provoqué ou maintenu quelques-uns des attroupements des révoltés, les chefs, les instigateurs, ceux qui auront des grades dans ces attroupements, et ceux qui seraient convaincus de meurtre, d’incendie ou de pillage, subiront la peine de mort.
Quant aux autres détenus, ils demeureront en état d’arrestation, et il ne sera statué à leur égard qu’après un décret de la Convention nationale, sur le compte qui lui en sera rendu.
Art. 9 (20 mars). — Les commandants de la force publique feront incessamment publier une proclamation portant injonction à tous les rebelles de se séparer et de mettre bas les armes.
Ceux qui auront obéi et seront rentrés dans le devoir, aux termes de la proclamation et dans le délai de 24 heures, ne pourront être inquiétés ni recherchés.
Ceux qui livreront les chefs ou auteurs et instigateurs des révoltes, dans quelque temps que ce soit, avant néanmoins l’entière dispersion des révoltés, ne pourront être poursuivis, ni les jugements rendus contre eux mis à exécution. [Amendement Lanjuinais]
Les personnes désignées dans la première partie de l’article 6 ne pourront profiter des dispositions du présent article, et elles subiront, dans tous les cas, la peine portée par la présente loi. [Amendement Saint-André]
[…]
La présente loi sera portée par des courriers extraordinaires dans tous les départements de la République. [Amendement Monmayou] (AP60-347 ; signalé en note par Aulard, III-336)
27 mars 1793 — PROCLAMATION DES REPRESENTANTS — contre les malveillants
De Fontenay-le-Peuple, Carra, commissaire dans les Deux-Sèvres et la Vendée, écrit au Comité de défense générale et joint à sa lettre la proclamation aux habitants de ces départements que lui et son collègue Auguis viennent d’arrêter.
Proclamation des commissaires de la Convention nationale
Dans les départements des Deux-Sèvres et de la Vendée (extrait).
« […] Citoyens de la Vendée et des départements vendéens, nous sommes venus au milieu de vous pour vous demander, au nom de la patrie, des secours pour vous-mêmes, pour vos propres foyers, pour garantir vos propriétés, votre liberté. Quel spectacle affligeant s’est présenté à notre vue, lorsqu’au lieu de trouver des frères sur les côtes maritimes de la Vendée, nous y avons vu des hommes transformés en esclaves des traîtres émigrés, en brigands féroces, en ennemis de la patrie et de la vraie religion ! Nous venions vous annoncer que les recrutements sur vos côtes seraient destinés en très grande partie à la garde de ces mêmes côtes et de votre propre pays. Nous vous annonçons aujourd’hui que la Convention nationale, dans son auguste sagesse, a supprimé les droits de patentes et que bientôt elle s’occupera de modifier la contribution mobilière pour les habitants des campagnes. Si tant de bienfaits ne dessillent pas les yeux des hommes égarés, alors la nation développera dans ces contrées toute sa puissance et sa justice, et nous ne doutons nullement de nos succès, car la Providence sera toujours du côté des hommes libres. — […] Nous invitons en conséquence les bons citoyens des villes, des campagnes et de l’armée à nous dénoncer ceux qui se rendraient coupables de la manœuvre des fausses nouvelles, des fausses alarmes et des cris inconsidérés de Sauve qui peut, Nous sommes trahis, etc. — Fait à Fontenay-le-Peuple, le 27 mars 1793, an II (sic) de la République française. Les commissaires de la Convention nationale dans les départements des Deux-Sèvres et de la Vendée, — Signé : Carra, Auguis. » (II-550)
16 avril 1793 — ARRETE DU CSP
« Le Comité a arrêté qu’il sera proposé à la Convention nationale de décréter qu’il sera sursis dans les départements de l’Ouest au jugement et à l’exécution des coupables pris les armes à la main ou dans les attroupements des révoltés, jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli et que les révoltés soient soumis. » (III-281)
Je n’ai pas trouvé ce décret.
7 mai 1793 — CIRCULAIRE DE LA CONVENTION — sur le rôle des représentants
Sur la proposition du Comité de salut public, la Convention adopte une circulaire, en trois partie, sur le rôle et les fonctions des représentants en mission. La deuxième partie concerne les représentants dans les départements de l'Ouest.
II. Des fonctions des représentants du peuple relatives aux armées des côtes maritimes, aux forces navales, aux ports et aux côtes.
Le premier devoir et le plus pressant des représentants du peuple députés près les armées des côtes de l’Océan est de concourir de tout leur pouvoir à éclairer des citoyens égarés, à dissiper des rebelles, à faire punir des brigands, des chefs de révoltés, et à rendre à la patrie des citoyens que la séduction, l’ignorance et les préjugés en ont séparés.
Les représentants du peuple autoriseront l’enlèvement et le dépôt dans des lieux de sûreté des femmes, des enfants, des bestiaux, des grains, des denrées, des meubles et des effets des révoltés pour les préserver des horreurs de la guerre, pour éteindre le feu de la guerre civile en lui ôtant tout aliment, si les généraux proposent cette mesure et la croient nécessaire. Mais ils recommanderont aux soldats de la patrie, qui se trouveront de cette expédition, le respect pour le malheur et l’infortune. Ils avertiront que toute violence, toute infidélité, serait un attentat flétrissant et digne du dernier supplice.
Ils feront publier des adresses et des proclamations pour justifier la sévérité des mesures que l’état de guerre commande, assurer l’inviolabilité des dépôts et annoncer à tous ceux qui se trouveront momentanément privés de leurs effets qu’ils leur seront rendus aussitôt qu’ils auront posé les armes et qu’ils seront rentrés dans le devoir.
Ils emploieront tous les moyens que leur influence et leur caractère mettront à leur disposition, pour assurer l’approvisionnement et les subsistances de l’armée et de tous les bataillons qui vont s’y rendre pour les rebelles.
Ils annonceront à l’armée sa destination, qui sera d’éclairer des hommes égarés, de leur en imposer par un grand développement de forces, de les conquérir à la liberté, de leur donner l’exemple de la fraternité et du respect du aux propriétés. Aucun citoyen ne doit avoir des pertes à déplorer ni de traces désastreuses à montrer sur le passage des défenseurs de la patrie. Il s’est commis de grandes fautes ; on est tombé dans de honteuses erreurs. La Convention nationale n’entendra plus le récit affligeant d’actions indignes des défenseurs de la patrie. [Cette dernière phrase explique sans doute pourquoi il est difficile de trouver dans la correspondance des représentants le récit détaillé des atrocités, qu’elles aient été commises par les républicains ou les rebelles.]
Les représentants du peuple porteront ensuite leur attention sur les plans qui leur seront adressés, et ils en surveilleront l’exécution.
A leur arrivée ils s’occuperont de l’incorporation des recrues ; ils observeront que l’armée de la Vendée sera composée de deux éléments, que les circonstances ne permettront pas de confondre.
Ils feront effectuer l’incorporation des recrues levées en exécution du décret du 24 février, mais ils maintiendront en bataillons séparés les citoyens qui ne se rendent à l’armée que pour terrasser le fanatisme et dissiper les rebelles, et ils permettront à ces bataillons de se retirer, lorsque la tranquillité publique sera entièrement rétablie.
L’armée des côtes de l’Océan deviendra alors une armée d’observation, chargée de veiller à la défense des côtes et de s’opposer à l’ennemi s’il tentait une descente. » — Suivent des consignes relatives à la flotte et à la défense des côtes qui était une véritable obsession. (IV-23)
23 mai 1793 — PROCLAMATION DE LA CONVENTION
Le 18 mai,
« Le Comité a adopté un projet d’adresse aux citoyens égarés des départements de l’Ouest. Le citoyen Barère s’est chargé de la présenter à la Convention nationale. » (IV-221)
Le 23 mai, la Convention adopte la proclamation suivante (extrait) :
La Convention nationale aux citoyens des départements troublés
« [...] Infortunés ! comme on vous trompe ! Les prêtres, qui se disent les seuls catholiques, sont payés par l’or de l’Angleterre protestante. Le prodigue-t-elle pour venger votre religion, qu’elle persécute et qu’elle méprise ? Non, c’est pour que la France se déchire de ses propres mains, que votre sang coule pour la cause de l’esclavage, ou le nôtre pour celle de la liberté, c’est toujours du sang français. Le gouvernement anglais, dont vous n’êtes que les instruments aveugles, toujours prêt à jouir et à profiter de vos défaites, insulte dans son cabinet à votre malheureuse crédulité. — Les complices, les exécuteurs de cette trame exécrable, sont-ils donc à vos yeux les dignes interprètes des volontés du ciel ? Dans les hommes qui ont vendu à des tyrans étrangers le sang de leurs frères, pouvez-vous reconnaître les ministres d’une loi de douceur et de charité ? Abjurez ces honteuses erreurs ; abandonnez au fer de la loi ce vil ramas d’esclaves insolents, de prêtres hypocrites, qui ont fait de vous les agents abusés de leur scélératesse vénale ; jurez avec nous de maintenir la République ; jurez de ne plus employer vos armes que pour la défendre ; de purifier par ce noble usage, ces armes que la rébellion, le crime, ont souillées : montrez-nous, par votre haine pour la royauté, dignes de reprendre le nom de Français ; alors vous ne trouverez plus que des frères dans la République entière, qui s’arme à regret pour vous punir ; qui, prête à vous écraser de toute sa puissance, pleurerait sur des succès achetés au prix de votre sang. » (AP65-354)
23 mai 1793 — PROCLAMATION DES REPRESENTANTS A NANTES
De Nantes, Merlin et Sevestre, représentants à l’armée des Côtes de Brest, envoient au Comité le procès-verbal de leurs opérations et diverses pièces dont une « proclamation pour engager les citoyens à quitter les révoltés ». (Sup1-269)
Je n’ai pas le texte de cette proclamation, connue que par cette mention dans Bouloiseau. (Rien dans les AP.)
12 juin 1793 — LETTRE DES REPRESENTANTS — pour évacuer la population
De La Rochelle, Mazade et Garnier, représentants à l’armée des Côtes de la Rochelle, écrivent au Comité de salut public (extrait) :
« Cette guerre n’est point une guerre ordinaire. C’est une guerre de chicane : il faut que la ruse et l’imagination dirigent l’intrépidité. Il faut à la fois tendre des pièges, cacher sa marche, tourner les difficultés mêmes du pays contre l’ennemi, avoir des espions sûrs à quelque prix que ce soit ; et, pour que nos succès soient fructueux, surtout il faut, à mesure que nous avancerons dans le pays insurgé, brûler les moulins, enlever les hommes, femmes et enfants, et les placer dans l’intérieur de la République. Car ce sont ces femmes, ces vieillards, ces enfants qui nous font le plus de mal, soit parce qu’ils alimentent eux-mêmes l’armée ennemie, soit parce que, sous prétexte de vendre leurs denrées, ils viennent jusqu’au milieu de nous connaître nos mouvements et nos forces. Et, nous devons vous le dire, vous ne réduirez ce pays qu’en déportant la génération actuelle dans d’autres points de la France, et en le repeuplant d’hommes nouveaux. […] — Signé : Mazade, Garnier. » – Lettre reçue le 20 juin. (IV-532)
22 juin 1793 — LETTRE DES REPRESENTANTS
De Niort, Auguis, Lecointe-Puyraveau et Jard-Panvillier, représentants à l’armée des Côtes de la Rochelles, écrivent au Comité de salut public et demandent, notamment, que la Convention publie un décret distinguant entre les rebelles, les coupables et les simples égarés. – lettre reçue le 27 juin. (V-56) — Analyse dans Aulard.
6 juillet 1793 — PROCLAMATION DES REPRESENTANTS
Les représentants du peuple près l’armée des Côtes de la Rochelle,
aux habitants des campagnes. (In extenso)
« Bons habitants des campagnes, on vous trompe, on vous égare. — Écoutez la voix de vos frères, de vos amis. — Ne cherchez point à verser leur sang, c’est à regret qu’ils répandent le vôtre. — Expliquons-nous, avant de nous combattre. — Des nobles, des prêtres, au nom d’un Dieu de paix et de bonté, vous excitent au meurtre et au pillage. — Vous êtes Français, et ces monstres arment vos mains contre des Français. — Ouvrez donc les yeux, jugez leurs motifs et les nôtres. — Que veulent ceux qui vous dirigent et vous égarent ? — La royauté, l’esclavage, tous les anciens abus qui naguère pesaient sur vos têtes. — Les dîmes, les aides, la gabelle, les banalités, les chasses, la corvée. — Ils veulent vous attacher de nouveau à la terre comme le bœuf qui trace vos sillons. — Ils vous parlent de religion ! En avaient-ils, quand ils s’emparaient de vos propriétés, quand ils opprimaient vos familles, quand ils respectaient moins votre existence que celle des animaux qui dévastaient vos moissons. — Nous, au contraire, que voulons-nous ? — Que tous les hommes soient égaux, qu’ils soient aussi libres que l’air qu’ils respirent, que vos personnes, vos propriétés, vos opinions religieuses soient respectées. — Ne les croyez pas quand ils vous disent que nous voulons détruire votre religion, égorger vos femmes, vos enfants, ravager vos champs, incendier vos maisons... — Il n’en est rien, bons et crédules habitants des campagnes. — Ce vœu barbare n’entrera jamais dans l’âme de vos frères, de vos amis. — Nous vous le déclarons au nom de la patrie, nous ne pénétrerons au milieu de vous, que pour y ramener la paix et la tranquillité. — Hâtez-vous, de votre côté, de vous soumettre aux lois de la République, rangez-vous sous ses drapeaux. — Respectez la volonté souveraine du peuple qui ne l’a établie que pour son bonheur et le vôtre. — Nous tendrons, nous ouvrirons nos bras à tous les citoyens égarés qui reviendront à nous. Nous protégerons de toutes nos forces leurs familles, leurs biens, leurs personnes. — Mais en même temps, nous jurons une haine implacable, une guerre éternelle à tous les mauvais citoyens, qui, malgré les paroles de concorde et de fraternité que nous nous plaisons à leur porter, cherchent encore à tremper leurs mains dans le sang de leurs frères. »
Fait en commission centrale, à Saumur, le 6 juillet 1793, l’an II de la République une et indivisible.
Signé : Richard ; Choudieu ; Bourbotte, Turreau. (AP68-676)
Le 12 juillet, Bourbotte et Tallien écrivent à la Convention :
Les rebelles ont renoncé à Nantes et évacué la rive droite de la Loire. « L’armée part en ce moment et marche sur eux ; Biron va se rendre à Niort pour diriger la division qui s’y trouve conformément au plan adopté [le 9, à Angers, d’après la lettre de Merlin et Cavaignac de la veille (Sup1-426)]. Nous nous empresserons de vous faire part des événements qui vont suivre ; nous espérons que les défenseurs de la République vengeront avec éclat les outrages multipliés que les brigands de la Vendée font depuis si longtemps à la liberté. — Nous n’oublierons rien pour ramener à la patrie ceux qui ne sont qu’égarés ; nous avons chargé l’avant-garde de l’armée de distribuer une nouvelle proclamation dont nous vous faisons passer des exemplaires, nous dénonçons au tribunal révolutionnaire les hommes qui formaient à Saumur le Comité d’administration des rebelles ; nous avons cru devoir ne traduire à ce tribunal que ceux qui ont signé des actes attentatoires à la souveraineté du peuple ; nous avons seulement imposé aux autres l’obligation de s’y présenter quand ils en seront requis. Nous vous faisons passer l’arrêté que nous avons pris sur cet objet ; nous vous envoyons également copie d’un autre arrêté portant l’établissement d’une commission militaire. Le maintien de la discipline parmi les troupes et la nécessité de réprimer l’audace des contre-révolutionnaires nous ont paru commander cette mesure. — Salut et fraternité, — Signé : Bourbotte, Tallien. » – Lettre lue à la Convention le 13 juillet (AP68-675), renvoyée au Comité de salut public. (Sup1-429)
26 juillet 1793 — ARRETE DU CSP — sur les mesures à appliquer en "Vendée"
« D’après la lecture des dépêches des représentants du peuple près l’armée des Côtes de la Rochelle et des administrateurs d’Indre-et-Loire, en date des 19, 20, 21 et 23 juillet, le Comité a arrêté les mesures suivantes pour être exécutées sur-le-champ par le conseil exécutif :
Il sera procédé à l’épurement de l’état-major de l’armée des Côtes de la Rochelle et des commissaires des guerres, pour y substituer des officiers généraux et des commissaires d’un patriotisme prononcé ;
Les généraux de l’armée des Côtes de la Rochelle tiendront la main à l’exécution rigoureuse des lois rendues contre les déserteurs, les fuyards, les traîtres et ceux qui jettent les armes et vendent leurs habits [loi du 28 mars] ;
L’organisation des compagnies des pionniers et des ouvriers sera accélérée. Ils seront choisis dans les communes les plus patriotes ;
Les généraux feront un choix pour former des corps de tirailleurs et de chasseurs intrépides ;
Il sera envoyé par le ministre de la guerre des matières combustibles de toute espèce pour incendier les bois, les taillis et les genêts ;
Les forêts seront abattues, les repaires des rebelles seront détruits, les récoltes seront coupées par les compagnies d’ouvriers pour être portées sur les derrières de l’armée et les bestiaux seront saisis ;
Les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l’intérieur ; il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté avec tous les égards dus à l’humanité ;
Il sera pris des mesures par le ministre de la guerre pour préparer tous les approvisionnements d’armes et de munitions de guerre et de bouche de l’armée, qui, à une époque prochaine, fera un mouvement général sur les rebelles ;
Aussitôt que les approvisionnements seront faits, que l’armée sera réorganisée et qu’elle sera prête à marcher sur la Vendée, les représentants du peuple se concerteront avec les administrations des départements circonvoisins qui se sont maintenus dans les bons principes, pour faire sonner le tocsin dans toutes les municipalités environnantes et faire marcher sur les rebelles les citoyens depuis l’âge de seize ans jusqu’à celui de soixante ;
La loi qui expulse les femmes de l’armée sera rigoureusement exécutée ; les généraux en demeurent responsables ;
Les représentants du peuple et les généraux veilleront à ce que les voitures d’équipages à la suite des armées soient réduites au moindre nombre possible et ne soient employées qu’au transport des effets et matières strictement nécessaires ;
Les généraux n’emploieront désormais pour mots d’ordre que des expressions patriotiques et que les noms des anciens républicains ou des martyrs de la liberté, et dans aucun cas le nom d’aucune personne vivante ;
Le présent arrêté sera envoyé sur-le-champ au Conseil exécutif, au ministre de la guerre et aux représentants du peuple près l’armée des Côtes de la Rochelle. »
Signé : Prieur de la Marne, B. Barère, Hérault (V-371, n° 1)
Le 1er août, Barère fit décréter cet arrêté auquel étaient ajoutés deux articles, au début et à la fin :
Art. 1er. — « Le ministre de la guerre donnera sur-le-champ les ordres nécessaires pour que la garnison de Mayence [ayant capitulé avec les honneurs devant les Prussiens le 23 juillet. Ndla] soit transportée en poste dans la Vendée. Il sera mis à cet effet à la disposition du ministre de la guerre, 3 millions pour l’exécution de cette mesure. »
Art. 14. — « Les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la République ; il en sera distrait une portion pour indemniser les citoyens qui sont demeurés fidèles à la patrie, des pertes qu’ils auront souffertes. » (AP70-108)
27 juillet 1793 — DECRET — contre les pillards et les violeurs
« La Convention adopte le projet de décret présenté par Jeanbon Saint-André avec l’article additionnel de Garnier (de Saintes).
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de Salut public, décrète :
Art. 1er. — Tout individu qui dans les armées françaises sera convaincu d’avoir mis sous les caissons de l’artillerie des mèches artificielles, pour produire une explosion destinée à servir en même temps de signal aux ennemis et à répandre la terreur dans l’armée de la République, sera soumis à la peine de mort portée par la loi et fusillé à la tête de l’armée, d’après la déclaration d’un jury civil nommé à cet effet.
Art. 2. — La même peine sera appliquée contre ceux qui se seront rendus coupables de viol ou de pillage sur les propriétés des citoyens.
Art. 3. — Les conducteurs d’artillerie, de charrois, de vivres, d’hôpitaux ambulants, et autres qui, pouvant sauver leurs voitures et leurs chevaux, seront convaincus d’avoir abandonné ces mêmes voitures, leurs canons et caissons, et d’avoir coupé les traits de leurs chevaux pour fuir, ou de les avoir vendus ou livrés à l’ennemi, seront punis de la même peine. » (AP69-583)
Tous les crimes en question avaient été signalés par Bourbotte et Turreau dans leur lettre du 19 juillet lue la veille.
21 septembre 1793 — PROCLAMATION DES REPRESENTANTS — contre les pillards
De Nantes, les représentants à l’armée des Côtes de Brest, Gillet, Ruelle et Philippeaux, signalent au Comité de salut public que l’incendie des repaires des brigands commençait à introduire dans l’armée l’amour du pillage, et le pillage amenait les défaites, parce qu’un soldat chargé de butin ne voulait ou ne pouvait pas se battre. Ils ont donc fait deux proclamations, dont une, le 21 septembre, que voici :
« Braves soldats ! Vous êtes armés pour faire respecter la Liberté, pour protéger les personnes et les propriétés ; les Brigands que vous combattez ont porté dans tous les lieux qu’ils ont envahi la dévastation et le pillage ; c’est à vous que la loi a confié l’honorable mission de punir leurs forfaits. Comment se peut-il donc faire qu’il se soit trouvé parmi vous des hommes assez lâches pour les imiter ? — Soldats ! Les repaires des rebelles doivent être détruits, incendiés. L’asile du crime ne doit pas souiller plus longtemps le sol de la Liberté ; mais toutes les maisons dans le pays révolté n’appartiennent pas aux rebelles ; des Citoyens qui sont restés fidèles à la république, qui sont aujourd’hui dans nos armées ou réfugiés dans nos villes avaient aussi des propriétés et la loi vous ordonne de les respecter. — Les propriétés des rebelles, leurs meubles, leurs bestiaux sont confisqués au profit de la nation. La Patrie les destine au soulagement des femmes et des enfants des braves guerriers qui sont morts en combattant pour la liberté et à l’indemnisation due aux patriotes pour les pertes que les Brigands leur ont fait éprouver [décret du 1er août]. Une commission est établie pour veiller à leur conservation. C’est à cette commission que vous devez déposer les effets que le sort des armes a mis dans vos mains ; celui qui se permettrait de les retenir ou de les vendre se rendrait coupable de vol public. — Soldats ! Telle est la règle de vos devoirs. Ceux-là doivent être rayés de la liste des guerriers qui abandonnent la poursuite de l’ennemi ou leur poste de bataille pour se livrer au pillage. Une punition éclatante sera le partage de ces indignes soldats qui compromettent par le vil appât du gain le salut et la gloire de leurs camarades. Une loi juste et sévère a prononcé la peine [la peine de mort, le 27 juillet], les représentants du peuple et les généraux la feront exécuter. »
Dans Vendée, du génocide au mémoricide (p. 58), Reynald Secher cite cette proclamation mais l’attribue au Comité de salut public. Les imprimés qui se trouvent aux Archives Nationales (AF II 268, dos. 2255) et accompagnent la lettre desdits représentants ne laissent aucun doute sur ses auteurs.
1er octobre 1793 — DECRET ET PROCLAMATION — pour finir la guerre avant le 20
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du Comité de salut public [fait par Barère], décrète :
Article 1er. — Le département de la Loire-Inférieure demeure distrait de l’armée des Côtes de Brest et est réuni à celle des Côtes de la Rochelle, laquelle portera désormais le nom d’armée de l’Ouest.
Art. 2. — La Convention nationale approuve la nomination du citoyen L’Échelle, général en chef, nommé par le Conseil exécutif pour commander cette armée.
Art. 3. — La Convention nationale compte sur le courage de l’armée de l’Ouest et des généraux qui la commandent pour terminer d’ici au 20 octobre l’exécrable guerre de la Vendée.
La reconnaissance nationale attend l’époque du 1er novembre prochain pour décerner des honneurs et des récompenses aux armées et aux généraux, qui, dans cette campagne, auront exterminé les brigands de l’intérieur et chassé sans retour les hordes étrangères des tyrans de l’Europe. » (VII-166)
Proclamation de la Convention nationale à l’armée de l’Ouest :
« Soldats de la liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d’octobre. Le salut de la patrie l’exige, l’impatience du peuple français le commande, son courage doit l’accomplir. La reconnaissance nationale attend, à cette époque, tous ceux dont la valeur et le patriotisme auront affermi sans retour la liberté et la République. » (VII-167, note 1)
23 octobre 1793 — DECRET ET PROCLAMATION — la Vendée est terminée
Les 16 et 17 octobre, les troupes de la République écrasent les rebelles à Cholet. Les représentants sur place écrivent au Comité et à la Convention que la guerre est terminée, qu'il ne reste que quelques fuyards aux trousses desquels ils sont.
Le 23 octobre, au nom du comité de Salut public, Barère annonce à la Convention « que la Vendée n’est plus », c’est à dire que la guerre de Vendée est finie. « La Convention a voulu, dit-il, que cette guerre fût terminée avant la fin d’octobre, et la guerre de la Vendée est terminée avant l’époque prescrite. »
Après la lecture de plusieurs lettres des représentants du peuple près l’armée de l’Ouest, et au milieu des acclamations des citoyens présents à cette séance :
« La Convention nationale décrète que les nouvelles de la destruction des brigands dans la Vendée seront envoyées à toutes les armées et aux départements par des courriers extraordinaires et insérées dans les « Bulletins » qui seront envoyés à toutes les communes et Sociétés populaires. » (AP77-450)
Proclamation aux armées
« Soldats républicains ! les lâches satellites de la tyrannie ont fui devant vous à votre approche. Ils ont abandonné Dunkerque et leur artillerie ; ils se sont hâtés d’échapper à leur ruine entière en mettant la Sambre entre eux et vos colonnes victorieuses. Le fédéralisme a été frappé dans Lyon. L’armée républicaine est entrée dans Bordeaux pour lui porter le dernier coup ; les Piémontais et les Espagnols sont chassés de notre territoire ; les défenseurs de la République viennent de détruire les rebelles de la Vendée ; ils ont exterminé leurs cohortes sacrilèges. Cette terre coupable a dévoré elle-même les monstres qu’elle a produits ; le reste va tomber sous la hache populaire. Partout où la tyrannie n’a point trouvé l’appui de la trahison, la victoire a suivi les drapeaux de la liberté, et le génie du peuple français triomphe. — Soldats républicains ! il reste encore au delà de la Sambre, il reste encore sur les bords du Rhin et de la Moselle, des esclaves féroces armés contre la sainte cause que nous défendons ; ils sont couverts du sang de vos femmes et de vos enfants ; ils le sont du sang des représentants de la nation. Ô douleur ! il en reste jusque dans nos cités, il en reste dans l’exécrable Toulon. Le moment est venu de punir tous leurs forfaits. L’heure fatale des tyrans sonne, et c’est par vos mains qu’ils doivent périr. — Soldats républicains ! les mânes de vos frères égorgés vous implorent, la gloire vous appelle, la patrie vous regarde, les représentants de la nation vous encouragent et vous guident. Marchez ; frappez ; que dans un mois le peuple français soit vengé, la liberté affermie, la République triomphante ; que les tyrans et les esclaves disparaissent de la terre, qu’il n’y reste plus que la justice, le bonheur et la vertu ! — Les membres du Comité de salut public, — Signé : Robespierre, Hérault, Carnot, Billaud-Varenne. » (VII-585, n° 9)
29 octobre 1793 — ARRETE DU CSP — pour écraser les fuyards
Après la victoire de Cholet, les 16 et 17 octobre, commence l’épisode appelé La Virée de Galerne (du 18 octobre, passage de la Loire par 30.000 rebelles à St Florent, au 23 décembre, écrasement à Savenay). La guerre n'est pas finie, contrairement à ce qu'ont cru les républicains. L'armée rebelle, qui traine à sa suite de nombreux "civils", sillonne les départements de Mayenne, d'Ille-et-Vilaine, de la Sarthe et de la Manche, infligeant défaite sur défaite aux républicains.
« Le Comité de salut public arrête :
1° que le ministre de la Guerre donnera des ordres au général de l’armée des Côtes de Cherbourg pour qu’il fasse passer à Fougères le plus de troupes qu’il sera possible, principalement celles qui sont dans le département de la Manche, sans cependant exposer les côtes ;
2° que ces forces, arrivées à cette destination, seront sous le commandement du général Rossignol, qui les réunira aux autres de son armée, pour attaquer vigoureusement les rebelles retirés dans les environs de Laval ;
3° que l’armée de l’Ouest les attaquera de son côté, étant conduite par le général Chalbos, qui en aura provisoirement le commandement, en l’absence du général L’Échelle, mais que, dans le cas où les différents corps seraient à portée de combiner leurs opérations, ce sera l’officier supérieur en grade qui prendra de suite le commandement en chef du tout ». – Écrit par Prieur.
Signé : Carnot, C.-A. Prieur, Robespierre, B. Barère, Billaud-Varenne (VIII-91, n° 5)
11 novembre 1793 — ARRETE DU CSP
Le Comité arrête le plan d’action pour anéantir les rebelles ayant passé la Loire.
« Le Comité de salut public arrête ce qui suit :
1° Toutes les forces dirigées contre les rebelles en deçà de la rive droite de la Loire seront réunies sous le commandement du général Rossignol ;
2° Ce général rassemblera ses forces, agira en masse, poursuivra les ennemis sans relâche et avec méthode ; il ne risquera point d’affaire générale avant le secours qui doit lui arriver, à moins que le succès ne soit presque certain ; il entretiendra la correspondance la plus active avec le Comité de salut public ;
3° Le ministre de la guerre donnera les ordres les plus prompts pour renforcer l’armée dirigée contre les rebelles ; à cet effet, il y fera passer, sans aucun délai, 15,000 hommes de l’armée du Nord sous les ordres du général Duquesnoy ;
4° Le ministre de la guerre donnera en même temps les ordres nécessaires, tant au général Sépher qu’au commandant de l’armée de l’Ouest, ainsi qu’à ceux qui sont à la tête des rassemblements armés de l’Orne et de la Sarthe, pour qu’ils fassent marcher, à la demande du général Rossignol, toutes les forces qui sont à leur disposition ;
5° Le ministre de la guerre fera partir sur-le-champ un officier de confiance, qui se rendra à Alençon et de là à Laval et à Rennes, s’il est possible, et qui dépêchera lui-même des courriers de ces différents lieux pour instruire le ministre de la position des rebelles et de celle de nos armées ; cet officier continuera de même de donner des renseignements sur l’état des choses, en s’approchant de plus en plus des brigands, et ce jusqu’à ce qu’il lui soit donné l’ordre de revenir à Paris. » – Écrit par Prieur (de la Côte d’Or).
Signé : Billaud-Varenne, C.-A. Prieur, Carnot (VIII-335, n° 6)
Le 15 novembre, les rebelles échouèrent à prendre Granville et son port (pour tendre la main aux Anglais). Dès lors commença leur reflux vers la Loire, dans l'espoir de la retraverser. Mais ils furent repoussés à Angers, écrasés au Mans et achevés, pour ainsi dire, à Savenay, car il y eut de nombreux survivants qui se cachèrent en attendant de repasser la Loire ou d'alimenter la chouannerie.
22 décembre 1793 — LETTRE DE GARNIER — sur les enfants
D’Alençon, Garnier (de Saintes), représentant chargé de la levée en masse dans la Manche et l’Orne, signale au Comité que les habitants de Sablé et des environs, qu’il avait appelé à se lever le 15 décembre, ont trouvé et tué en fouillant les campagnes plus de 1.000 brigands, et fait 200 prisonniers : des femmes et des enfants.
« Les officiers municipaux me prévinrent qu’après les avoir harangués et avoir cherché à les régénérer à une nouvelle existence, ils avaient vu couler de leurs yeux les larmes du repentir, qu’elles avaient instamment demandé de vivre sous les lois de la République, et qu’on leur conservât l’existence et du travail. Ils ont placé les enfants chez de bons républicains, qui les prennent en remplacement de leurs enfants de la première réquisition, et leur inspireront les principes de l’amour de la liberté. Je pense que vous n’improuverez pas cette conduite ; car on peut sauver à la patrie bien des êtres qui, trop jeunes pour avoir une volonté à eux et ne pas oublier bientôt les fausses impressions que le fanatisme leur avait suggérées, peuvent devenir d’excellents patriotes sous l’œil des bons citoyens qui les élèveront. Quant aux femmes, je pense qu’on doit les juger, à moins qu’une loi de faveur ne les condamne à la réclusion. » – Lettre reçue le 3 janvier. (IX-588 ; Sécher, Vendée, du génocide au mémoricide, p. 124)
22 janvier 1794 — LETTRE DE LAIGNELOT — sur les colonnes infernales
De Brest, Laignelot, représentant à Brest, écrit au Comité.
« Je viens d’écrire aux administrateurs du district de Challans, département Vengé, que j’appuierai auprès de vous une pétition qu’ils vous ont faite, et dont ils m’ont envoyé copie. Ils vous demandaient d’arrêter cet incendie, ces dévastations qui les désolent et qui font du plus beau pays de la République le désert le plus horrible. Citoyens collègues, oui, il fallait détruire ce qui pouvait servir de repaire aux brigands, et alors la propriété du patriote ne devait pas être plus respectée que celle du contre-révolutionnaire ; mais il ne fallait pas porter le fer, la flamme, la famine, le viol partout indistinctement ; il ne fallait pas consumer en pure perte ce qui pouvait servir à alimenter les armées républicaines. Voici le plan de ces hommes affreux qui, au nom de la patrie l’égorgent, et qui, combattant les brigands, font plus de ravages que les brigands mêmes. [...] Il faut, ont dit les ultra-révolutionnaires, brûler tous les grains de la Vendée, et la famine se fera sentir à Bordeaux, dans la Dordogne, dans nos armées du Midi, et les vaisseaux ne pourront plus sortir à temps du port de Rochefort ; la Rochelle manquera de vivres, de bestiaux, et la guerre civile se prolongera. J’ai traversé la Vendée, j’étais avec l’armée qui chassa Charette de Machecoul [Notez que ceux qui ont envoyé les détails de cette affaire n’y étaient pas et ont menti. (Note de l’original)], et qui le mit en fuite presque sans effort, et je suis surpris que ce chef de brigands ne soit pas pris, ou entièrement défait. La plupart de ceux qui commandent, ou restent dans l’inaction, ou se heurtent réciproquement. Nul ensemble, nul plan, ou plutôt il n’y en a qu’un, celui d’éterniser cette guerre. On n’a jamais vu Dutruy à la tête de son armée un jour de combat ; il s’enivre, caresse une femme aux Sables, tandis qu’on se bat à Bouin. J’ai passé huit jours dans la Vendée, je commençais à y faire quelque bien, et j’y ai gémi, et je m’y suis indigné de ce que j’ai vu : les troupes les plus indisciplinées, les plus rapaces ; les chefs les plus inexpérimentés, les plus avides, les plus désordonnés ; des administrations sans forces et menacées ; les patriotes confondus parmi les traîtres ; le deuil, l’épouvante, le désespoir. Et tout cela s’explique, lorsqu’un représentant du peuple [Carrier ?] ose dire publiquement qu’il ne faut point de pain où l’on ne doit plus laisser d’hommes. Adieu, mes chers collègues, je finis, car j’ai le cœur trop serré. » – Lettre reçue le 12 février. (X-383)
6 février 1794 — ARRETE DU CSP — désarmement et rappel de Carrier
« Le Comité de salut public délibérant sur la situation actuelle de la Vendée, arrête :
1° Il sera proposé à la Convention nationale de décréter [ce qu’elle fit le 10 février] que tous les citoyens des pays qui ont participé à la révolte de la Vendée et qui ne font point partie des troupes soldées, seront tenus de déposer sous vingt-quatre heures leurs armes à feu, de quelque espèce qu’elles soient, entre les mains des agents nationaux, et ceux-ci entre celles de l’autorité militaire dans l’espace d’une décade. Les citoyens ou agents nationaux réfractaires à cette loi seront punis de mort par une Commission militaire.
2° Chaque bataillon conservera une seule pièce de canon. On fera placer toutes les autres dans les places fortes. Il sera conservé seulement un quart au plus de l’artillerie légère et de celle de position ; un autre quart sera envoyé sur les derrières de l’armée dans les places fortes, et tout le reste sera envoyé sans délai à l’armée des Pyrénées occidentales.
3° Les ennemis seront poursuivis sans relâche jusqu’à leur entière destruction. Les généraux qui ne mettraient pas dans cette expédition toute l’activité possible seront dénoncés comme ennemis de la patrie. Les subsistances seront saisies partout et envoyées aux armées et dans les places fortes. Il en sera de même des bestiaux et des chevaux propres au service des troupes et de tout ce qui peut être utile à leur entretien.
4° Il sera proposé à la Convention nationale de faire remplacer Carrier, qui demande son rappel, par un autre représentant ; Prieur (de la Marne) sera chargé de le remplacer. Le rapport sur la conduite de Westermann sera fait dans le plus court délai. »
Signé : Carnot (X-724, n° 4)
Le même jour, le Comité (Carnot) écrit au général Turreau qui a mis sur pied, de son propre chef, le plan des colonnes dites infernales.
« Tu te plains, citoyen général, de n’avoir pas reçu du Comité une approbation formelle à tes mesures. Elles lui paraissent bonnes et pures ; mais, éloigné du théâtre des opérations, il attend les grands résultats pour se prononcer dans une matière sur laquelle on l’a déjà trompé tant de fois aussi bien que la Convention nationale. Les intentions du Comité ont dû t’être transmises par le ministre de la Guerre. Nous nous plaignons nous-mêmes de recevoir trop rarement de tes nouvelles. Extermine les brigands jusqu’au dernier, voilà ton devoir. Nous te prescrivons surtout de ne pas laisser une seule arme à feu dans les départements qui ont participé à la révolte et qui pourraient s’en servir encore. Armes-en les soldats de la liberté. Nous regarderons comme traîtres tous les généraux, tous les individus qui songeraient au repos avant que la destruction des rebelles soient entièrement consommée. Encore une fois, recueille toutes les armes et fait passer ici sans délai toutes celles qui ont besoin de réparation. Nous t’envoyons un arrêté arrêté du jour] propre à seconder tes vues. » (Reynald Secher, Vendée, du génocide au mémoricide, p. 141)
Il n'est pas inutile de rappeler ici les instructions que Turreau donna à ses troupes le 19 janvier. (Cette instruction, tirée de l’ouvrage de Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, renferme, d'après lui, des dispositions fort sages sur la discipline et la marche des troupes, mais l'extrait qu'il en donne ne contient que les ordres de destructions.)
« II sera commandé journellement et à tour de rôle un piquet de cinquante hommes pourvu de ses officiers et sous-officiers, lequel sera destiné à escorter les pionniers, et leur fera faire leur devoir. L’officier commandant ce piquet prendra tous les jours l’ordre du général avant le départ, et sera responsable envers lui de son exécution ; à cet effet il agira militairement avec ceux des pionniers qui feindraient de ne point exécuter ce qu’il leur commanderait, et les passera au fil de la baïonnette. — Tous les brigands qui seront trouvés les armes à la main, ou convaincus de les avoir prises pour se révolter contre leur patrie, seront passés au fil de la baïonnette. On en agira de même avec les filles, femmes et enfants qui seront dans ce cas. Les personnes, seulement suspectes, ne seront pas plus épargnées, mais aucune exécution ne pourra se faire sans que le général l’ait préalablement ordonnée. — Tous les villages, métairies, bois, genets, et généralement tout ce qui peut être brûlé sera livré aux flammes, après cependant que l’on aura distrait des lieux qui en sont susceptibles, toutes les denrées qui y existeront ; mais, on le répète, ces exécutions ne pourront avoir leur effet que quand le général l’aura ordonné. Le général désignera ceux des objets qui doivent être préservés de l’incendie. — Il ne sera fait aucun mal aux hommes, femmes et enfants en qui le général reconnaîtra des sentiments civiques, et qui n’auront pas participé aux révoltes des brigands de la Vendée ; il leur sera libre d’aller sur les derrières de l’armée, pour y chercher un asile, ou de résider dans les lieux préservés de l’incendie. Toute espèce d’armes leur sera cependant ôtée, pour être déposée dans l’endroit qui sera indiqué par le général. »
10 février 1794 — ARRETE DU CSP — mission Hentz et Garrau
« Le Comité de salut public arrête que les représentants du peuple Hentz et Garrau se rendront sans délai près du général en chef de l’armée de l’Ouest, pour concerter avec lui les moyens d’exterminer les derniers rassemblements de brigands qui viennent de se former. [Pas plus tard que la veille, 6.000 d’entre eux avaient occupé Cholet. Le même jour, le représentant Turreau signale un rassemblement de 3.000 à 4.000 brigands aux environs de Saumur. Ndla] A cet effet, ils prescriront au général de réunir la plus grande force disponible qu’il sera possible pour attaquer ces brigands, notamment le corps où se trouve Charette, La Rochejaquelein et les autres chefs les plus dangereux. Ces opérations militaires doivent s’exécuter nonobstant toute autre relative à l’incorporation, à l’embrigadement, de manière que, sous aucune raison, on ne s’oppose à la marche des troupes. En conséquence, si quelques mesures prises par le représentant du peuple chargé de l’embrigadement de l’armée de l’Ouest et des Côtes de Brest [Dubois-Crancé (note d’Aulard)] se trouvaient en contradiction avec l’objet qu’on se propose ici, les représentants Hentz et Garrau ou le général en chef Turreau lui notifieront le présent arrêté par une copie certifiée, et il sera tenu de concourir à ce qu’il exige. Les représentants Hentz et Garrau tiendront la main à l’exécution des derniers arrêtés du Comité de salut public. Ils se transporteront dans tous les lieux où ils croiront leur présence nécessaire. S’ils y rencontrent leurs collègues près l’armée de l’Ouest, ils se concerteront avec eux. Ils rendront le général de l’armée responsable de négligence ou du défaut d’activité des opérations, si, sous quinzaine, les brigands, tant en deçà qu’au delà de la Loire, ne sont pas totalement anéantis. Ils sont enfin investis de pouvoirs illimités pour ordonner toutes les mesures que le bien de la République leur paraîtra exiger dans cette partie de son territoire. » – Écrit par Prieur (de la Côte d’Or).
Signé : Jeanbon St-André, C.-A. Prieur (XI-38, n° 2)
Cet arrêté aurait pu être une réponse à la lettre de Laignelot du 22 janvier (voir plus haut) dans laquelle il dénonçait la volonté de certains de prolonger la guerre ; mais il répondait surtout aux attentes formulées par Jullien, l’agent du Comité, dans sa lettre à Robespierre du 4 février : « On dit que la Vendée n’est plus, et Charette, à quatre lieues de Nantes, tient en échec les bataillons de la République qu’on lui envoie les uns après les autres, comme dans le dessein de les sacrifier. [...] Il faut sans délai charger un général, sous sa responsabilité, d’exterminer à terme fixe le reste des rebelles : vous chargez bien un corps constitué d’exécuté un décret à terme fixe, et le rendez responsable de l’exécution ; faites-en de même pour les généraux ». (Mémoires de Levasseur (de la Sarthe), tome II, p. 201 ; Buchez & Roux, Histoire parlementaire de la Révolution française, tome XXXI, p. 317 ; citée en partie par Pierre Gascar dans L’ombre de Robespierre, p. 215) Les conseils de Jullien furent systématiquement suivis par le Comité. C'est lui qui, le 3 février, demanda expressément le rappel de Carrier, ce que le Comité fit le 6 février.
Le 12 février (24 pluviôse), la Convention décréta officiellement l’envoi de Hentz et Garrau près l’armée de l’Ouest « pour y prendre toutes les mesures de salut public qu’ils croiront nécessaires. Ils sont investis de pouvoirs illimités, de même que les autres représentants du peuple près les armées ». (XI-95)
12 février 1794 — RAPPORT DE BARERE — condamnation des colonnes
Barère fait décréter l’envoi de Hentz et Garrau à l’armée de l’Ouest suite au rapport suivant, dans lequel il dénonce la conduite des colonnes de Turreau (extrait) :
« Granville, Angers, Le Mans, Chantonnay, la Loire même, furent les vastes tombeaux des rebelles. — Depuis, les triomphes de nos armes sur Bouin [le 6 décembre], Noirmoutier [le 3 janvier], et les restes infects de l’armée de Charette durent rassurer les esprits, et la République reprenait en même temps des forces sur les bords de la Méditerranée et du Rhin. — Les troupes nationales n’avaient plus qu’à évacuer les subsistances de la Vendée, en comprimer l’effroyable population née pour la révolte, en désarmer les habitants, et y former une administration militaire et révolutionnaire jusqu’à la paix. — Il fallait ensuite y porter de la cavalerie propre à exterminer les brigands, faire passer aux Pyrénées une partie de l’artillerie inutile ou plutôt dangereuse, et transporter sur les bords de l’Océan une grande partie de l’infanterie. — Ces diverses vues ont été remplies par le comité de salut public ; et il se reposait, pour leur exécution, sur la gloire que les généraux avaient obtenue en détruisant les rebelles, et encore plus sur la volonté constante de la Convention de faire obéir aux mesures du gouvernement national. Il se reposait surtout, pour les mesures de l’intérieur de la Vendée, sur l’esprit et les termes des décrets qui ordonnent de détruire et d’incendier les repaires des brigands et non pas les fermes et les demeures des bons citoyens. — Il espérait surtout que l’armée de l’Ouest, fidèle aux maximes et aux ordres du gouvernement national, ne disséminerait jamais ses forces, et s’occuperait bien plus de détruire le noyau des rebelles et les rassemblements des brigands qui pouvaient se former de nouveau, que de sacrifier les habitations isolées, les fermes utiles et les villages fidèles ou non dangereux. — Cependant, lorsque le comité, après quelques jours de silence, a voulu vérifier les faits, et connaître quelle était la véritable exécution donnée à ses arrêtés, quel a été son étonnement de voir des forces morcelées dans la Vendée, des troupes républicaines disséminées sur les divers points de la Vendée ; des rassemblements de brigands se reformer s’organiser et relever une tête insolente ; et la troupe royaliste, éparse et fugitive naguère sous les ordres de La Rochejacquelein, de Stofflet et de Charette, s’ameuter et se grossir de tous les mécontents que la barbare et exagérée exécution des décrets avait formés de nouveau dans un pays qu’il ne fallait plus que désarmer, garnisonner de cavalerie, repeupler d’habitants fidèles, et administrer avec le bras nerveux d’une administration militaire et révolutionnaire ! » (AP84-646)
Février - Mars - Avril — EVACUATIONS
Les lettres qui suivent sont importantes par la violence de leur contenu et le contraste qu’elles offrent avec l’arrêté pris par leurs propres auteurs.
Le 19 février, de Nantes, Garrau, Hentz et Francastel, représentants à l’armée de l’Ouest, écrivent au Comité de salut public :
« Citoyens collègues, — Nous avons eu hier au soir, une première entrevue avec le général en chef de l’armée de l’Ouest [Turreau]. Cet homme paraît avoir du mérite et de la franchise ; il est sûr que tous les malveillants le décrient, et ce qu’il y a de singulier, c’est qu’ils ne disent rien que de vague contre lui. — Le résultat de notre entretien avec lui sur la guerre de la Vendée est parfaitement conforme aux données qui nous parviennent de tous les militaires : c’est que les rebelles n’ont plus aucune consistance politique, qu’ils sont totalement dissous, mais qu’il reste encore beaucoup d’hommes qui se tiennent épars quand ils voient une force supérieure, et qui se rassemblent très facilement pour se jeter sur les parties faibles. — Le général en chef nous a promis de les détruire tous : mais il faut se faire une autre idée des rebelles que celle que l’on a eue jusqu’ici ; c’est que tous les habitants qui sont à présent dans la Vendée sont des rebelles très acharnés ; c’est que les femmes, les filles, les garçons au-dessus de douze ans sont les plus cruels ; ils exercent des cruautés inouïes sur nos volontaires : les uns sont coupés par morceaux et les autres brûlés, et ce sont des femmes qui commettent ces atrocités. — Il n’y a d’habitants dans la Vendée que ces féroces (sic) ; les uns prétendent qu’ils sont encore au nombre de quinze mille ; d’autres, au nombre de vingt-cinq mille en tout et épars dans les forêts, où ils ont amassé vivres, bestiaux et où ils se font des cabanes. — Sur ce pied-là, la guerre de la Vendée ne sera complètement terminée que quand il n’y aura plus un habitant dans la Vendée, et encore sera-t-il à craindre que les scélérats des pays voisins, qui sont détestables pour l’esprit public, ne viennent se retirer dans ces bois qui sont indestructibles en plusieurs parties ; mais cela sera difficile, au moyen des précautions qui seront prises. — Le général et tous ceux qui connaissent l’état des choses ne voient donc de difficulté que dans celle de saisir les rebelles, qui ont des repaires assurés dans les forêts et qui ne se montrent que pour détruire ; il n’y a dans ce cas d’autre moyen que de les traquer dans chaque partie et de présenter sur chaque point une force supérieure à la leur totale. Tel est le plan du général. Il doit, dans deux ou trois jours, faire faire de telles fouilles qui les fera partir de leurs tanières. Il nous a expliqué les raisons de la division de son armée, qui a donné lieu aux petits revers que nous avons éprouvés ; il prétend que c’est à cette division que nous devons la destruction des rebelles qui ont été tués depuis ce temps-là ; mais nous lui avons répondu qu’il n’y avait qu’une manière de se disculper, c’est de détruire entièrement les rebelles avant quinze jours [arrêté du Comité du 10 février]. — Sur des ordres du ministre, il avait retenu la division du Nord et le général Duquesnoy ; mais il vient de nous promettre qu’avant quinze jours, il les renverra à leur destination à Cherbourg. Il y a déjà un germe de division entre le général en chef et le général Duquesnoy ; celui-ci se trouve d’un avis contraire aux autres généraux ; vous remarquerez que le général Duquesnoy fut déjà en discussion dans l’armée du Nord avec le général en chef ; on attribue cela à son chef d’état-major, que l’on dit n’être rien moins que patriote ; nous saurons empêché que cela n’ait des suites. — Garrau, l’un de nous, va accompagner le général en chef dans la chasse à donner aux brigands ; Hentz, qui ne peut courir à cheval, à cause de la faiblesse de sa santé, restera à Nantes avec Francastel, qui va mieux, et dont la présence est ici très utile, jusqu’à ce que quelqu’un vienne en cette ville. Alors ils iront en d’autres points où l’on peut aller en voiture, ce qui est impossible dans un désert où il n’y a ni chevaux, ni chemins praticables ; car tel est l’état de l’intérieur de la Vendée. — Hentz et Francastel se proposent de ne pas quitter, que tout ne soit terminé et organisé ; mais il faut envoyer une personne d’une santé robuste pour suivre les camps et marcher à la tête des colonnes. Supposez cependant que tout ne soit pas terminé avant le départ de Garrau ; car, si on peut joindre les rebelles, c’est fait d’eux ; les noyaux bien dissous, on fera dans ce pays des courses de cavalerie qui tuera tout ce qu’elle rencontrera ; il ne pourra y avoir de . . . . [grâce ?] que pour les réfugiés quand ils pourront rentrer. — La Vendée contient une quantité immense de vivres ; quand elle sera purgée, elle fournira de grandes ressources. — Nous vous le répétons ; la Vendée n’est pas dans le seul département qui porte ce nom ; elle est dans tout le pays qui environne ; mais son site, les repaires qu’elle présente seront toujours le rendez-vous des contre-révolutionnaires ; il y a péri plus de cent cinquante mille personnes, qui ne sont pas à coup sûr de la Vendée. — Nous vous recommanderons de nous faire réponse sur-le-champ à la lettre ci-jointe relativement à Cholet [Cette pièce manque. (note d’Aulard)] ; tout le monde s’accorde à demander la destruction de cette ville ; ne vous arrêtez pas aux lamentations des pleurards ; tous les modérés, tous les meneurs de Sociétés populaires de ces pays-ci disent qu’il ne faut pas détruire, parce que c’est le moyen de finir. — Salut et fraternité, — Signé : Garrau, Hentz, Francastel. » (XI-279)
Le lendemain, 20 février, Garrau, Hentz et Francastel, à Nantes, arrêtent que les habitants du département de la guerre [c’est-à-dire la Vendée] se retireront à 20 lieues au moins.
Cet arrêté est connu notamment par l’arrêté du Comité de salut public du 29 ventôse (19 mars) suivant :
« Le Comité de salut public, voulant éviter l’affluence aux environs de Paris des réfugiés, qui, en vertu de l’arrêté des représentants du peuple Garrau, Hentz et Francastel, daté de Nantes, le 2 de ce mois [2 ventôse – 20 février], doivent s’éloigner à vingt lieues au moins du département de la guerre, arrête que le Conseil exécutif prendra sur-le-champ les mesures nécessaires pour que ces réfugiés ne puissent approcher de Paris à moins de vingt lieues, et qu’en conséquence il donnera des ordres aux corps administratifs et municipalités circonvoisines pour les faire refluer, et en empêcher les rassemblements. Le Conseil exécutif rendra compte dans deux jours des mesures qu’il aura prises pour l’exécution du présent arrêté. » – Écrit par Carnot.
Signé : Carnot, Robespierre (XII-53, n° 2)
Le 26 février, de Nantes, Hentz et Francastel écrivent au Comité de salut public :
« Citoyens collègues, — Nous voyons dans les journaux que le Comité de salut public s’occupe du gouvernement provisoire de la Vendée. Voici quelques réflexions qui pourraient servir à cette organisation. — On peut compter que les onze douzièmes de ce pays appartiennent à la République, et il deviendra par cette raison indispensable de déclarer ce pays appartenir à la République, sauf les indemnités à accorder à ceux qui se présenteront avec des titres. Ces indemnités consisteront en somme, avec laquelle ils pourront acheter des biens nationaux ailleurs que dans la Vendée, s’il est possible. — La race d’hommes qui habite la Vendée est mauvaise ; elle est composée ou de fanatiques, qui sont le peuple, ou de fédéralistes, qui sont les messieurs. Ce qui prouve que la race est mauvaise, c’est qu’il y a si peu de bons qu’ils n’ont pas contenu les rebelles ; c’est qu’ils n’ont pas même dénoncé dans le temps où on pouvait empêcher l’incendie. — D’autre part, si vous ne déclarez la Vendée confisquée à la République, sauf les indemnités, alors il va y avoir pillage ; ceux qui resteront s’empareront de tout, et la République sera lésée. — Il faut un grand exemple ; il faut apprendre aux malveillants que la vengeance nationale est sévère, et qu’un pays qui a coûté le sang de tant de milliers de patriotes ne doit plus servir d’asile à ceux qui se sont révoltés contre le gouvernement, ou qui ne s’y sont pas oppsés. — L’arrêté que nous venons de prendre relativement aux réfugiés va être disséminé, et tous ceux qui ne sont pas les forcenés incorrigibles, les faibles, les mitoyens en profiteront et se retireront dans l’intérieur. — Voulez-vous faire une déportation des habitants de ce pays ? La voilà exécutée d’avance ; il ne restera plus qu’à prendre des mesures pour faire un sort aux Vendéens dispersés dans la République, pour les indemniser même généreusement, de sorte que, tout à la fois, nous trouverons les moyens de purger plus facilement la Vendée en détruisant ce qui va rester, et de disperser dans la République des gens qu’il sera toujours dangereux de laisser ensemble. — Jamais les femmes de ce pays ne deviendront raisonnables ; c’est surtout elles qu’il faut expatrier. L’égoïsme, le fanatisme, la rage contre les patriotes sont au comble dans ce pays ; qu’ils tiennent un volontaire, ils le coupent en morceaux, ou le brûlent à un arbre. — Tous les renseignements qui nous arrivent nous apprennent que le projet était bien formé de renouveler une insurrection dans le Morbihan, qui devait se soulever et se répandre dans la Vendée ensuite, pour se joindre au noyau de Charette et ramasser ce qui se trouve encore d’habitants dans ce pays. — L’activité des généraux de brigade Avril et Cambray, qui sont à Savenay, département de la Loire-Inférieure, a empêché l’insurrection. Les Vendéens, nous l’espérons, demeureront seuls, et vous apprendrez incessamment la dissolution du noyau et la destruction du plus grand nombre. — Comptez bien qu’il n’y a rien de bon dans la Vendée. Sommes-nous victorieux ? Ils sont à nos genoux. Sommes-nous malheureux ? Ils sont rebelles. — Il faudra de toute nécessité transporter dans le pays le plus fertile de la République une peuplade de républicains, qui saura bien détruire ce qui reste des brigands mieux qu’une armée. [Même idée dans leur lettre du 26 mars, note 507.] — Cet ordre de choses serait préférable. Une fois établi, il vous dispenserait d’un gouvernement particulier ; il cultiverait un sol qui donne l’abondance, et qui, sans cela, va être longtemps désert et inculte. — Pesez ces observations ; prenez-en ce que vous croyez utile. — Signé : Hentz, Francastel. » – Lettre reçue le 22 mars. (XI-425)
Le même jour, de Nantes, Lequinio, représentant dans la Charente-Inférieure et la Charente, écrit au Comité de salut public :
« [...] Au lieu de poursuivre sans relâche les brigands, lorsqu’ils [les généraux républicains] ont eu des succès, ils se sont donnés du repos et ont laissé aux brigands le temps de se rallier, de se raffermir, et, ce qu’il y a de pis, de grossir leurs bandes d’une multitude d’hommes qu’ils sont allés prendre dans leurs villages, qu’ils ont forcés de marcher sous peine de mort et dont le nombre est accru à mesure que les pelotons se grossissaient. Divisés et poursuivis sans relâche, ils n’auraient pu contraindre personne ; raffermis par le repos, ils ont enveloppé des villages dans leurs groupes renaissants, et ceux-là même qui se sont rendus coupables en marchant, quoique par force, le sont devenus de plus en plus en forçant eux-mêmes les autres ; c’est à ne jamais finir si l’on suit la marche qu’on avait prise. » Les villes ne sont pas précisément le théâtre de la guerre, sauf exception, et des agents nationaux intelligents, énergiques et actifs, pris ailleurs, suffiraient à ranimer l’énergie qui fait partout défaut. « Quant à ce qui fait précisément le théâtre de la guerre, au point où les choses en sont réduites, je crois qu’il n’y a d’autre parti à prendre que de tout exterminer et de faire venir des colons des autres départements pour cultiver ce pays qui est peut-être le plus fertile de la République. Je crois que si par séduction, argent, violence ou autrement, on avait pu s’emparer des chefs, il serait possible de n’exterminer que les étrangers, car quoique l’on puisse croire, ce sont les hommes du pays même qui sont les moins dangereux ; ils seraient réduits à l’instant s’ils étaient [laissés] à eux-mêmes ; mais ce sont les prêtres, les nobles, les étrangers et les déserteurs mêlés au milieu d’eux qui rendent leur réduction impossible. Il faut donc nécessairement les égorger tous. C’est le parti que facilite l’arrêté que mes collègues Garrau, Hentz et Francastel viennent de prendre, en faisant retirer dans l’intérieur de la République tous les réfugiés de ce pays, réduits au désespoir, ainsi que le sont les habitants de ce pays, et pervertis par les scélérats étrangers qui sont au milieu d’eux et qu’il n’est pas possible d’en séparer. Il est impossible maintenant qu’on use envers eux des moyens que l’on pouvait employer autrefois de concert avec la poursuite des étrangers. Il faut donc se décider à tout massacrer, mais il faut pour cela ne dormir ni jour ni nuit [...] » – Lettre reçue le 5 mars. (Sup2-507)
Le 27 mars, le Comité de salut public (sans précision) écrit aux représentants dans le département de la Vendée :
« Lorsqu’il se fait par vos ordres, citoyens collègues, des émigrations de citoyens de la Vendée, vous devez dans votre sagesse aviser aux moyens de leur assurer, dans les départements où ils passent et où ils arrivent, des moyens de subsistances, et ces moyens, les extraire des départements d’où ils sortent. » (XII-226)
Le 24 avril, le Comité arrête :
« Le Comité de salut public arrête que les représentants du peuple à l’armée de l’Ouest prendront les précautions nécessaires pour que les citoyens qui, en exécution de leurs arrêtés, sortent du département de la Vendée et de ceux environnants, ne puissent se porter vers les points des côtes maritimes qui sont voisins de ces mêmes départements. » – Écrit par Collot-d’Herbois. Signé : Collot-d’Herbois, Couthon, B. Barère (XIII-27, n° 10)
Le 25 avril, le Comité de salut public (sans précision) écrivit à Hentz, Francastel, Turreau et Garrau, représentants dans les départements de l’Ouest :
« Il est une mesure importante, citoyens collègues, que le Comité de salut public vous invite à ajouter aux dispositions de vos arrêtés sur les réfugiés de la Vendée. Plusieurs se sont déjà retirés vers les côtes maritimes ; il pourrait en résulter de très grands dangers au moment où la perfidie anglaise doit venir s’y briser. Éloignez-en tout ce qui pourrait y porter la contagion et présenter à ces lâches insulaires un motif d’espérance ; prévenez tous moyens de correspondance entre eux et les rebelles, dont la plupart des réfugiés pourraient n’être que des agents secrets. Prenez sur-le-champ toutes les mesures pour faire refluer dans l’intérieur tous les individus qui se trouvent atteints par vos arrêtés. Nos côtes ne doivent recevoir que des républicains éprouvés ; leur approche doit être interdite à tout ce qui peut offrir un caractère équivoque et douteux. » (XIII-56)
1er mars 1794 — LETTRE DES REPRESENTANTS — Evacuation
De Nantes, Garrau, Hentz, représentants à l’armée de l’Ouest, Prieur (de la Marne), représentant dans le Morbihan et la Loire-Inférieure, et Francastel, représentant dans l’Indre-et-Loire et le Maine-et-Loire, écrivent au Comité (extrait) :
« […] Tous les rapports nous annoncent encore qu’il existe d’autres rassemblements de brigands [que celui de Charette, estimé à 4.000 ou 5.000 hommes dont moitié bien armés], et que les habitants du pays sont dans un état de guerre perpétuel avec les soldats de la République, qu’ils égorgent partout où ils peuvent les surprendre. — Les femmes et les enfants ne sont pas dans de meilleures dispositions ; ils servent les uns et les autres d’espions aux brigands, qu’ils avertissent de tous les mouvements de nos armées. Aussi pensons-nous que, pour terminer cette guerre désastreuse, et qui, sans de grandes mesures, pourrait se prolonger encore longtemps, il n’y a d’autre parti à prendre que de faire exécuter le décret du 1er août, qui veut que les repaires des brigands soient détruits, et que les femmes, les enfants, les vieillards et les subsistances soient portés sur les derrières des armées. — Salut et fraternité. — Signé : Garrau, Hentz, Prieur de la Marne, Francastel. » (XI-485)
6 mars 1794 — LETTRE DES REPRESENTANTS — Evacuation
De Cholet, Hentz, représentant à l’armée de l’Ouest, et Francastel, représentant dans l’Indre-et-Loire et le Maine-et-Loire, écrivent au Comité :
« Le désespoir des brigands augmente en raison de leur détresse, et cet état les rend par moment redoutables. L’obligation de n’avoir que des petites colonnes laisse des vides, et ils se portent avec fureur là où nous ne sommes pas, là où tout n’est pas détruit ; nous venons d’apprendre qu’ils commettent leurs horreurs, c’est-à-dire leurs massacres des patriotes dans le canton de Loroux et autour de Saint-Florent. L’opiniâtreté des habitants de ce pays est inconcevable ; malgré nos proclamations de se retirer, les facilités que nous donnons aux réfugiés, il en est beaucoup qui restent. Cependant, notre mesure a produit le plus grand effet et il vient d’évacuer plus de dix mille personnes de la Vendée. Cela désole les brigands, qui vont se trouver seuls, et qui voient bien qu’on les fera infailliblement périr. Tout Cholet a évacué hier ; il n’y reste personne, on n’a rien brûlé. [...] » – Lettre reçue le 14 mars. (XI-577)
9 mars 1794 — LETTRE DE FRANCASTEL ET HENTZ
De Saumur, Francastel, représentant dans l’Indre-et-Loire et le Maine-et-Loire, et Hentz, représentant à l’armée de l’Ouest, écrivent au Comité de salut public.
« Citoyens nos collègues, — Nous profitons du premier moment de relâche pour vous instruire de ce que c’est que la Vendée actuelle, car elle change de face chaque jour ; mais soyez tranquilles sur les résultats : ils ne peuvent qu’être rassurants. Nos collègues Garrau et Prieur n’ont pas longtemps soutenu l’horrible spectacle de ce pays affreux, où l’on ne voit que des ruines et des morts, où règne le silence le plus lugubre. Ils sont revenus à Nantes. Nous leur avons laissé la place, en reprenant la leur, et nous venons de parcourir la Vendée depuis Nantes jusqu’à Saumur en passant par Mortagne, Tiffauges, Cholet, Coron, Vihiers, Doué. — Les dispositions militaires adoptées sont celles-ci : deux fortes colonnes aux ordres, l’une de Cordellier, l’autre d’Haxo sont vers le Bocage aux trousses de Charette, qui a le plus fort rassemblement. — Deux autres colonnes, que nous venons de faire organiser avec la garnison de Cholet et partie de celle de Doué, sont aux ordres, l’une de Grignon, l’autre du général en chef [Turreau]. La première poursuit Stofflet, qui a environ 1,500 brigands, réfugiés dans la forêt de Vezins, d’où ils se portent sur tout ce qu’ils peuvent rencontrer et forcent tout le monde à les suivre ; la dernière colonne va balayer quelques rassemblements qui se forment dans le canton du Louroux et vers Saint-Florent. Saumur est couvert par 600 hommes d’infanterie et 300 hommes de cavalerie, qui sont placés à Doué, pays de plaine très dégagé. — Nous avons évacué Cholet, comme vous savez [le 5 mars] ; nous n’y avons pas mis le feu, mais nous n’y avons rien laissé qui puisse servir à l’ennemi, et nous avons fait détruire les fours ; nous désirons que l’ennemi vienne s’y loger ; nous l’y travaillerons du bon genre, car ce poste est intenable. [Les rebelles de Stofflet incendièrent Cholet le 10 mars.] — Nous avons laissé bonne garnison à Mortagne et à Tiffauges, afin d’entretenir la communication avec Nantes par Mortagne, également bien gardé, pendant que les colonnes travaillent dans l’intérieur et sur les rassemblements. — Les rebelles n’ont d’autre but en ce moment que de surprendre des postes pour les égorger, s’emparer de leurs armes et de leurs munitions ; nous y avons remédié, et nous pensons que cela leur est impossible. Le seul embarras est de s’en saisir ; ils se portent avec fureur là où nos colonnes ne sont pas, et ils fuient comme des lièvres à la vue des mêmes colonnes et se retirent dans les bois, d’où ils s’éloignent rarement. — Les mesures que nous avons prises les chagrinent beaucoup. Comme nous avons fait évacuer de Cholet et de l’intérieur plus de six mille femmes et enfants qui étaient leurs espions, ils ne savent plus nos affaires, et ils sont désorientés à chaque point. En voici une preuve : avant-hier, à une demi-lieue de Vihiers, nous apercevons sur une hauteur, à portée et demie de canon de celle où nous étions, la troupe de Stofflet, composée d’environ quinze cents hommes, sortir d’un bois, descendre rapidement la côte, pour venir nous attaquer. Nous arrêtons aussitôt notre marche, nous nous développons en bataille, et surtout nous nous étendons sur la droite pour l’en envelopper. A l’instant, ils s’arrêtent ; nous tirons six coups de canon (c’étaient ceux de Cholet que nous emmenions sur les derrières) ; vous les eussiez vus se sauver dans le bois qu’ils venaient de quitter ; la cavalerie, mise à leur chasse, a tué quelques traîneurs. — Or cela nous prouve qu’ils ignorent nos mouvements et nos forces ; car, s’ils les eussent su, ils ne se seraient pas présentés à combattre six mille hommes de bonne troupe ; Grignon, comme vous pensez bien, est à leur suite. — Nous pouvons vous assurer que c’est la plus méprisable canaille ; elle va comme un troupeau de cochons. Il est vrai qu’elle prend facilement et promptement tous les mouvements, qu’elle attaque avec furie. Mais, si leur première fusillade n’a pas eu d’effet, ils sont perdus. Au reste, ils perdent peu de monde dans les combats, parce qu’ils se sauvent comme des lapins ; mais nous les tuons en détail, en faisant périr tout ce qui se trouve dans le pays, et puis ils périront de misère ; plus de fours, plus de moulins, plus de villages ; on les chasse, il faudra qu’ils succombent. — Cholet nous faisait bien du mal ; outre les six mille femmes, qui espionnaient pour l’ennemi, on y perdait la garnison que nous avions là. Ces malveillants intimidaient les faibles et les lâches, ou amollissaient les autres, et nos meilleurs bataillons s’y perdaient, témoin ce qui s’est passé la veille de notre arrivée. C’est un événement que les malveillants dénaturent déjà pour faire croire à la résurrection de la Vendée, et que nous nous empressons de vous dire aujourd’hui, car ne croyez pas qu’on puisse vous écrire quand on parcourt ce pays où l’on se couche sur la dure et très souvent à l’air, où la vie n’est pas riante. — Le 12 ou le 13 du courant [ventôse – 2 ou 3 mars], le commandant à Cholet a su que le même Stofflet était à Vezins avec la même troupe dont nous venons de vous parler ; il a envoyé quinze cents hommes pour les envelopper et les prendre. Cette force a été divisée en deux colonnes pour cerner le village de Vezins. Une colonne a donné, et l’autre n’a pas voulu se battre ; cela a mis du désordre ; car elle s’est enfuie. L’autre colonne s’est repliée, et nous avons perdu environ cent hommes. Le commandant de Cholet a envoyé ce soir environ trois mille hommes pour attaquer le même Stofflet. Cette seconde tentative n’a pas été malheureuse, parce que nous n’avons rien perdu, mais elle a été sans succès, puisque nos soldats n’ont pas voulu marcher sur l’ennemi, et tout cela venait de ce que les habitants de Cholet mettaient la terreur dans nos armées en disant que nous ne connaissions pas le nombre de nos ennemis, qu’il y en a plus qu’il ne faut pour nous cerner, et que, quand nous serons pris, nous serons massacrés. Nous nous sommes assurés que c’est le motif pour lequel trois mille hommes de bonnes troupes n’ont pas voulu en combattre quinze cents de brigands, dont plusieurs ne sont pas armés. — Ne croyez donc pas aux prétendues déroutes que les malveillants répandent. Vous savez tout ; il n’y a eu aucune déroute, puisque à chaque occasion il y a eu retraite, puisque l’ennemi n’est pas venu à Cholet ; mais il est sûr que la garnison de Cholet était travaillée. Vous en avez la preuve deux fois depuis environ un mois ; elle a fléchi devant Stofflet, qui n’avait pas le quart de nos forces. — La bonne preuve que la Vendée ne sera jamais redoutable, c’est qu’elle ne contient plus d’habitants, qu’une quinzaine ou une vingtaine de mille habitants de l’ancienne population, qui devait être de plus de 160,000 habitants. — Nous sommes sûrs d’avoir fait évacuer tout ce qui n’est point criminel dans ce pays ; tous les jours on en tue, et, à la fin, leur destruction est inévitable, mais ce sont les plus scélérats et les plus cruels des hommes. — Il faut avoir bien du courage pour faire cette guerre, et notre armée est exposée aux plus cruelles épreuves ; les soldats sont sûrs d’éprouver les plus affreux tourments, s’ils tombent entre les mains des rebelles ; aussi la seule manière de les décourager, c’est de leur dire que nous n’avons pas de forces supérieures aux leurs, et nous sommes bien aises de l’affaire d’avant-hier, où ils ont vu qu’ils n’ont affaire qu’à une poignée de scélérats. — D’autre part on n’a pas de lit, on est toujours couché sur la dure, parce que nous ne traînons pas une seule voiture après nous, pas d’effets de campement. On n’a que du pain et très souvent la plus mauvaise eau. — La viande ne leur manque heureusement pas. Les courses continuelles qu’il faut faire sont bien fatigantes. C’est égal, le soldat ne se plaint qu’au moment où il souffre. Le temps est heureusement beau depuis trois jours. — Demain, nous nous remettons en marche avec l’armée, qui est sur le chemin de Saint-Florent, et Turreau, qui prend ici ce qu’il y trouve de troupes en état. — Le désarmement s’opère bien, et il produit beaucoup de fusils dont nous armons une foule de soldats qui étaient sans armes ; cela a augmenté nos ressources. — Il résulte de tout ce que nous venons de vous dire que, quand la guerre de la Vendée sera complètement terminée, il n’y restera point d’habitants, puisqu’on y aura tout détruit. Ainsi il est impossible que vous vous occupiez d’aucune loi sur son gouvernement. Il faudra déclarer tout le pays confisqué à la République, sauf l’indemnité aux réfugiés, et le nombre de ces réfugiés est très faible, relativement au reste qui est coupable, qui a péri et qui périra. Ces réfugiés ne valent rien ; ce sont des lâches en général. Il n’y a de réfugiés dignes d’intérêt que ceux qui se sont mis dans nos bataillons. Consultez là-dessus Bourbotte, Turreau, Carrier et ceux qui ont vu la Vendée sans prévention et sans intérêt particulier. — Le général Turreau est le meilleur de son armée, mais il est dur ; ce n’est pas Rossignol. Au reste il faut avoir bien du caractère et bien de la force pour résister dans le pays le plus affreux. Il faut faire tuer des scélérats que l’on rencontre espionnant dans les campagnes ou cachés dans les genêts. C’est une chose bien terrible que de faire la guerre dans un désert, que de marcher sur des cadavres, que de ne pas trouver un asile. Ne faites des reproches aux généraux qui sont dans la Vendée. A coup sûr ils ne s’amollissent pas. Au reste, ce qui encourage le soldat, c’est qu’il nous voit couchés près de lui, partageant ses privations et sa misère. Cela ne peut durer longtemps pour nous, mais il faut que quelqu’un le fasse. Nous ne nous plaignons pas. Il faut des représentants dans l’armée ; dites à ceux qui bavardent que cela est fort aisé. — Salut et fraternité, — Signé : Francastel, Hentz. » (XI-577)
18 mars 1794 — LETTRE DES REPRESENTANTS
De Nantes, Hentz, Garrau, Prieur (de la Marne), représentants à l’armée de l’Ouest écrivent au Comité de salut public :
« […] Tenez-vous bien en garde contre tous les rapports et les demandes qu’on vous fait par toutes les Sociétés populaires, toutes les autorités constituées des Sables, de Fontenay-le-Peuple, de Niort, Luçon, même de la Rochelle, etc. Tous ces gens-là entravent les mesures qui, malgré eux, finissent pour toujours la malheureuse guerre de la Vendée. Tantôt ils s’opposent à ce qu’on brûle les repaires des brigands, à ce qu’on leur ôte les moyens de subsister, en brûlant les moulins, en détruisant les fours et surtout en mettant sur les derrières, en faisant rentrer dans l’intérieur les femmes, les enfants, les vieillards, qui étaient tous les boulangers et les espions des brigands ; tantôt ils répandent la terreur dans le pays, en disséminant de fausses mauvaises nouvelles. Telle cette Société qui a écrit au ministre de la guerre… [...] » (XII-48)
20 mai 94 — LETTRE DE LAIGNELOT — Chouans et distinction
De Vitré, Laignelot, représentant dans la Mayenne et l’Ille-et-Vilaine, écrit au Comité de salut public :
« Citoyens collègues, — Les Chouans existent, mais bientôt ils ne seront plus. Nous avons chaque jour sur eux des avantages, et nous ne les laisserons pas respirer qu’ils ne soient absolument défaits. Quoi qu’on ait dit que ce n’était rien, que ce n’était qu’un ramas de malheureux qui, ne pouvant trouver asile en aucun lieu, faisaient le métier d’assassins, j’ai trouvé, moi, que c’étaient de parfaits organisateurs de guerre civile, et que celle-ci n’eût pas tardé à devenir autant et même plus dangereuse que celle de la Vendée. En effet, dans les cinq départements de la ci-devant Bretagne, dans presque toutes les communes, elle a des germes qui n’attendaient qu’un moment propice pour éclore, et Dieu sait quand on aurait pu parvenir à les étouffer. Les chefs le savent si bien qu’ils ont divisé leurs troupes par petits pelotons sur une étendue immense de terrain. Des Chouans font aujourd’hui en tel lieu une entreprise, et dans le même jour, à quinze, vingt lieues de là, d’autres Chouans paraissent et en tentent une pareille. Toutes les villes sont remplies de royalistes qui les protègent sourdement. Tous les riches sont de leur parti. Quoi qu’il en soit, citoyens collègues, n’ayez nulle inquiétude : nos affaires vont. Le général Moulin, le général Vachot et la plupart de ceux qu’ils ont employés sont dans mes principes. Les Chouans seront exterminés : j’entends les véritables chouans, et une immense population et des riches propriétés [seront] à la République. Il ne coulera que le sang impur, et le sang innocent sera respecté. Je ne m’épargnerai en rien ; je parcourrai les villes, les campagnes, et j’espère trouver ici, comme partout ailleurs, que l’homme est essentiellement bon, et que, pour le rendre méchant, il faut le tromper. — Adieu, citoyens collègues, salut et fraternité. — Signé : Laignelot. » (XIII-632)
Mai - juin 1794 — LES RECOLTES
Le 21 mai 1794, le Comité de salut public arrête les dispositions pour opérer les récoltes en Vendée.
« Le Comité de salut public, voulant établir l’ordre et la sûreté publique dans le département Vengé, arrête :
1° Il sera fait, dans chaque commune du département Vengé, un recensement exact de toutes les familles et de tous les individus qui y sont domiciliés.
2° Chaque chef de famille déclarera ses propriétés ou la consistance et l’étendue de son exploitation ; s’il est fermier ou locataire, le nombre de ses chevaux, bestiaux, équipages, charrues et charrettes, la quantité de grains et de boissons qui lui restent. Il remettra toutes ses armes à la disposition des agents de la République.
3° Il sera dressé en même temps un état en masse et aperçu de toutes les terres chargées de récolte, en distinguant les différentes espèces de grains et productions, et l’étendue ou quantité de terre chargée de chaque espèce.
4° On constatera, par la déclaration des cultivateurs les plus intelligents, s’il existe dans chaque commune ou canton un nombre suffisant d’individus pour faire la récolte, si dans les années précédentes il s’y rendait des ouvriers et journaliers des districts voisins, et dans quels lieux il s’en présentait au temps de la récolte.
5° On constatera s’il existe dans chaque commune ou canton les bâtiments nécessaires pour tous les usages indispensables, logements, fours, écuries, étables, granges, caves, greniers, soit pour l’exploitation, soit pour la conservation.
6° On désignera les lieux où le dépôt des récoltes doit se faire, dans ou hors les cantons, les moyens de transport suffisants ou à suppléer.
7° On déterminera s’il convient de faire transporter les récoltes en gerbes, ou s’il est plus utile de les conserver sur les lieux, de les faire battre et de faire transporter les grains dans les dépôts et magasins qui seront désignés.
8° Il sera pris, pour la conservation et la sûreté de toutes les récoltes des particuliers, les mêmes précautions que pour la sûreté et la conservation des récoltes appartenant à la nation.
9° Dans les lieux où il n’y aura pas sûreté suffisante et où les récoltes seraient exposées au pillage des brigands, les grains des particuliers seront transportés, soit en gerbes, soit battus, comme il aura été reconnu plus utile, après en avoir fait constater la quantité. Il ne sera laissé à la disposition du cultivateur que l’approvisionnement de deux mois, à raison du nombre d’individus composant sa famille ou employés à son exploitation.
10° Il sera délivré des graines pour l’ensemencement des terres et pour la consommation ultérieure de chaque famille. Il sera tenu un compte pour chaque famille de sa récolte.
14° L’exécution des dispositions ci-dessus sera confiée à un nombre suffisant de citoyens, qui seront nommés par le Comité de salut public sur la présentation de la Commission d’agriculture, et qui correspondront immédiatement avec cette Commission, à laquelle ils rendront compte de toutes leurs opérations.
16° La force armée appuiera et protégera les opérations des agents, qui s’exécuteront progressivement en avançant dans le pays. Elle dissipera et détruira tous les obstacles. Elle ne laissera dans la commune aucuns individus qui ne soient domiciliés et qui ne se fassent enregistrer.
17° La force armée parcourra en ordre et en force tout le pays, de manière que, dans tous les points où elle se portera, elle ne puisse éprouver aucune résistance, et que tout cède au nombre, à la force, à l’ordre, à la discipline et à la bonne tenue.
18° Les agents se réuniront dans une commune voisine et à portée des lieux par lesquels on devra commencer les opérations. Les commandants officiers généraux de l’armée, seront invités à s’y rendre. On rassemblera quelques administrateurs et autres citoyens connus par leur civisme, leur intelligence et leur probité, réunissant ces trois qualités au plus haut degré et n’ayant entretenu aucune liaison avec les ennemis de la Révolution. On arrêtera dans cette assemblée le plan et l’ordre des opérations des agents et de la marche des troupes.
19° Ce plan, qui ne sera qu’un itinéraire, sera dressé avec précision, et il en sera adressé une expédition au Comité.
20° Comme il est essentiel que toutes les opérations qui doivent précéder la récolte s’exécutent dans le plus court délai et qu’elles commencent en même temps sur plusieurs points, on règlera ces différents points par districts et par arrondissements ; on appuiera les opérations sur chaque point par une colonne de l’armée plus ou moins forte. La direction de chaque point et de chaque colonne sera telle que les colonnes puissent se soutenir et qu’elles ne puissent être coupées ; qu’elles aient leurs communications libres ; qu’en avançant des différents points, elles se rapprochent des lieux les plus exposés aux brigands, les détruisent et rendent le pays entièrement libre et sûr. »
Signé : Carnot, Collot-d’Herbois, R. Lindet (XIII-345, n° 3)
Instruction pour les agents :
« L’arrêté du Comité de salut public (du 2 prairial), dont il est remis une copie à chaque agent, doit leur servir de guide dans toutes leurs opérations et leurs démarches. Ils méditeront sur chacun des articles qui la composent, pour se pénétrer de l’étendue de leurs devoirs, les connaître parfaitement et les remplir avec cette exactitude rigoureuse qui caractérise le vrai républicain. Ils sentiront bientôt que la mission qui leur est confiée est une des plus importantes dans les circonstances actuelles. Il ne s’agit pas moins que de conserver à la France conséquemment à eux-mêmes, à leurs frères, une des plus belles récoltes qui aient jamais existé ; de la soustraire à la rapacité des brigands intérieurs, d’assurer l’existence de la population immense des départements qu’ils désolent, et de prouver ainsi à l’Europe entière que le peuple français toujours grand, toujours ferme, toujours énergique, ne laisse échapper aucune des mesures de salut public qui lui sont présentées par la sagesse et l’humanité. Les agents n’oublieront pas, sans doute, que la nature de leur mission leur impose un devoir qui doit être cher à leur cœur, celui de faire aimer, respecter la Révolution dans un pays si souvent trompé et dévasté par les contre-révolutionnaires ; c’est à eux de surveiller et de démasquer ceux qui pourraient se cacher encore sous des formes républicaines. C’est à eux à démontrer par leur conduite et leurs discours que le salut du peuple est dans l’affermissement de la Révolution ; que seul, il est l’objet de la sollicitude de la Convention nationale et du Comité de salut public, et que les principes de la liberté, de l’égalité auxquels nous devons déjà notre force et notre puissance, peuvent seuls nous rendre à la paix et au bonheur. Ils se conformeront avec la plus scrupuleuse exactitude au plan d’opération qui sera adopté dans l’Assemblée, indiqué par l’art. 18 de l’arrêté du Comité de salut public, et ils l’exécuteront, pour ce qui les concerne de concert avec les autorités constituées et la force militaire. Ils se réuniront au nombre de deux sur tous les points où ils agiront, et même en plus grand nombre, lorsque les circonstances l’exigeront afin de mettre plus d’ordre et de célérité dans les opérations. Ils mettront toute l’activité dont ils sont capables dans leur correspondance avec la Commission d’Agriculture et des Arts, à laquelle ils écriront deux fois par décade ; et, pour que cette correspondance l’éclaire plus utilement, ils conviendront ensemble avant de se séparer d’un mode uniforme de tableau pour la population, les récoltes, le lieu de leur dépôt et leur conservation. Lorsqu’ils auront des doutes, ils s’adresseront, pour les résoudre, à la Commission d’Agriculture et des Arts, si les circonstances permettent ce retard, sinon ils se décideront de concert avec les autorités constituées et instruiront la Commission de leurs décisions. Ils auront soin de communiquer leur marche à la Commission et lui indiquer les endroits où elle pourra leur adresser les réponses. Enfin, ils doivent s’appliquer en faisant preuve de fermeté, de justice et d’énergie, à démontrer qu’ils ne perdent jamais de vue les principes de l’humanité et toutes les vertus républicaines.» (Sup3-153, note)
Le 4 juin (16 prairial), le Comité (Billaud, Lindet et Barère) arrête les ordres de marches des colonnes devant assurer la protection des récoltes :
Ordres de marche
« Les agents présentés par la Commission d’agriculture et des arts, acceptés par le Comité de salut public, se réuniront à Fontenay-le-Peuple. Le commandant en chef ou un général de division, ou un officier général d’un autre grade désigné par le général en chef, se rendra pareillement à Fontenay avec plusieurs officiers de l’état-major pour concerter la marche et les opérations prescrites par l’arrêté du 2 prairial [21 mai]. Le général de l’armée fera rassembler à Fontenay un corps de troupes suffisant pour former trois colonnes dont l’une se portera sur la route de Fontenay à Nantes, une autre se rendra à Luçon et traversera le département de la Vendée par la Roche-sur-Yon. La 3e se rendra aux Sables d’Olonne et parcourra le territoire situé entre la mer et la route des Sables à Nantes ; la colonne intermédiaire, s’avançant du midi au nord, se tiendra toujours à portée d’appuyer la colonne de la droite ou celle de la gauche. La marche des trois colonnes sera constamment réglée autant qu’il sera possible en direction parallèle, afin que celle du milieu puisse se porter avec la même facilité vers les deux autres colonnes. Les trois colonnes ne marcheront qu’en ordre de bataille et seront dans un état continuel d’observation et de surveillance ; elles seront précédées d’avant-gardes d’éclaireurs. Elles observeront la discipline la plus exacte ; elles ne livreront aucun combat ; elles ne feront aucune attaque qu’autant qu’elles apercevront des hommes rassemblés en état d’hostilité ou de rébellion. Elles maintiendront l’ordre et la sûreté dans tous les lieux que les agents de la Commission parcourront. Elles traiteront comme rebelles ceux qui auront des armes, qui n’auront pas de domicile, qui ne seront pas réunis à leurs familles, qui ne se présenteront pas dans les assemblées des communes et ne s’y feront pas inscrire conformément à l’arrêté du 2 prairial ; on n’emploiera la force que dans le cas de nécessité. S’il existe des rassemblements à la frontière, on les dissipera en s’y portant avec une grande supériorité de forces, avec l’ensemble et un ordre constamment suivi. La 3e colonne s’avancera vers St-Jean-de-Monts, et s’il s’y trouve encore des hommes en état de rassemblement ou de révolte, elle fera ses dispositions pour détruire ces rassemblements en tournant ce lieu du côté de la mer, en se concertant avec les garnisons de Beauvoir, de La Garnache, et de Challans, et même avec la colonne intermédiaire qui, si elle n’est pas obligée d’appuyer sur sa droite, se rendra à Palluau et pourra concourir au succès d’expédition (sic) sur St-Jean-de-Monts. Tandis que les trois colonnes parcourront le département Vengé dans l’ordre qui vient d’être tracé, un cordon de troupes à poste fixé, et en état d’observation, interceptera tout passage et toute communication aux hommes suspects entre la Vendée et le département de Mayenne-et-Loire [Maine-et-Loire]. Les agents de la Commission feront publier dans le département Vengé une proclamation [voir ci-dessous au 21 juin] pour annoncer l’objet de leur mission, ordonner à tous les habitants de se retirer dans leurs communes et de se présenter au jour qui sera indiqué pour se faire inscrire sur la liste qui sera dressée de tous les habitants, et déclarer que ceux qui ne seront pas inscrits sur ces listes seront traités en rebelles. » (Sup3-193)
Le 21 juin, les agents de la Commission d’agriculture et des arts dans le département Vengé firent la proclamation suivante, qui fut abusivement interprétée comme une amnistie :
Proclamation des Agents
« Quelques contrées de la France avaient levé l’étendard de la révolte à la voix des ennemis du peuple ; elles ont lutté un moment contre leur patrie ; mais le masque, qui couvrait les traîtres, a tombé. Ces hommes ont rougi d’avoir servi la cause des conspirateurs ; ils ont imploré la clémence nationale ; on n’a vu en eux que des citoyens égarés ; leur crime a été oublié, et ils ont trouvé, parmi leurs frères, sûreté et protection ; les grands coupables seuls ont été punis. Habitants de la Vendée, victimes malheureuses des prêtres et des nobles, la même grâce vous attend, si vous rentrez dans le devoir. La République ne composera jamais avec des brigands ; mais aussi elle sera constamment indulgente pour des hommes qui n’ont été que séduits ou entraînés par la violence. Nous savons qu’un très grand nombre ne respire (sic) que la paix et la tranquillité, qui les retiennent par la terreur, s’ils ne craignaient de trouver la mort parmi leurs frères. — Citoyens, les républicains ne frappent que le crime ; ils ne terrassent que la rébellion ; ils ne sont terribles qu’envers leurs ennemis. Ils sont fidèles à leurs amis et ils aiment le retour à la vertu. Loin d’eux toute espèce de ruse ; cette ressource ne peut être employée que par la faiblesse et l’hypocrisie, et, on le sait assez, quand la République menace, elle est toujours prête à frapper, comme, quand elle promet sûreté et protection, elle tient toujours parole. Ceux qui vous disent le contraire sont des calomniateurs. — Hommes égarés ou intimidés par certaines mesures que le gouvernement n’a point autorisées, la patrie vous ouvre ses bras ; rentrez dans vos foyers ; continuez à cultiver vos champs ; préparez-vous à moissonnez vos abondantes récoltes, et soyez sûrs que le gouvernement fermera les yeux sur le passé ; on ne pensera plus au mal que pour chercher le moyen de le guérir. — Le moment actuel est favorable pour montrer votre repentir et obtenir grâce. Nous sommes chargés de l’exécution d’arrêtés du Comité de salut public relatifs aux récoltes de la Vendée. Ils portent qu’on prendra le dénombrement des habitants, qu’ils se feront inscrire pour travailler aux moissons et qu’on leur laissera des vivres. On dressera un état des récoltes des particuliers, à qui on fera délivrer des subsistances au fur et à mesure qu’ils en auront besoin. On aura soin de leur fournir de quoi ensemencer leurs terres. — Rentrez donc avec sécurité dans vos foyers, remettez-nous vos armes, et nous vous donnons l’assurance la plus positive que vous ne serez point inquiétés. Si vous étiez sourds à notre voix, nous vous le déclarons, on ne verrait plus en vous que des ennemis irréconciliables, et on continuerait à vous faire une guerre à mort. — Les généraux et commandants de la force armée sont chargés de faire respecter les personnes et les propriétés ; ainsi les habitants de la Vendée n’auront à craindre aucun excès de la part du soldat ; mais aussi tout attroupement leur sera expressément interdit. S’ils contrevenaient au présent ordre, on emploierait la force pour les dissiper et les détruire. — Chaque habitant rentrera dans le devoir, se rendra dans sa commune. Il s’occupera là à cultiver paisiblement son champ, jusqu’au moment où les colonnes des armées républicaines s’avanceront dans le pays ; alors il sera ouvert un registre, sur lequel il se fera inscrire, et il sera employé aux travaux de la moisson, qui fait son espérance et celle de sa famille. Il sera instruit du jour on les agents arriveront dans sa commune, où il pourra les attendre avec confiance. — Les agents déclarent que tous ceux qui ne seront pas inscrits sur ces listes seront traités en rebelles. — Signé : Brafaut, Guillemot l’aîné, Rivière, Fery, Pilley, Fleuret, Coret, Millet, Hervieux, Rouval et Jacquemi. » (XIV-761, note 1)
2 juillet 1794 — ARRETE DU CSP
« Le Comité de salut public, délibérant sur la situation de l’armée de l’Ouest, arrête :
1° Les vingt-cinq mille hommes qui doivent être extrait de l’armée de l’Ouest pour se rendre à Châlons-sur-Marne seront réduits à quinze mille.
2° Les fusils des volontaires qui se rendent aux hôpitaux, ceux qui peuvent se trouver au dépôt ou disséminés, seront recueillis avec soin : les généraux sont chargés, sous leur responsabilité, de prendre les mesures les plus rigoureuses pour la conservation des armes : toute négligence à cet égard sera regardée comme un crime, et les chefs en seront responsables.
3° Il ne sera remis d’armes à feu qu’aux anciens militaires. Ceux de la première réquisition seront employés à faire la moisson et exécuter les différents travaux pour lesquels ils seront requis par les généraux ou les représentants du peuple, ou bien envoyés à Brest ou à Rochefort pour servir dans la marine.
4° Les généraux retireront les troupes de leurs cantonnements, les feront camper et les tiendront dans une activité perpétuelle. Ils rendront compte chaque jour aux représentants du peuple près l’armée de l’Ouest de ce qu’ils auront fait pour l’extermination des brigands. Chaque jour d’inaction sera regardé comme un crime.
5° Ils seront responsables de l’indiscipline des troupes, ainsi que des actes d’inhumanité qui ne pourraient qu’aigrir le mal au lieu d’y mettre fin.
6° L’exécution des mesures prescrites par les arrêtés des 2 et 16 prairial [21 mai et 4 juin, ci-dessus] relatifs à la récolte du département Vengé s’étendra à tout le territoire où la récolte existe encore. Les arrêtés seront assujettis aux modifications qui seront jugées nécessaires par les représentants du peuple près l’armée de l’Ouest. »
Signé : Carnot (XIV-656, n° 18)
13 juillet 1794 — LETTRE DE BO — Distinction brigands / cultivateurs
De Nantes, Bo, représentant à Nantes, écrit au Comité de salut public :
« Citoyens collègues, — Il est affligeant, mais nécessaire de mettre sous vos yeux le tableau des assassinats que commettent chaque jour aux environs de Nantes les brigands des deux rives de la Loire. Depuis que je suis ici, je ne cesse d’en avertir les généraux, et leurs réponses sont qu’ils n’ont pas assez de forces pour les diviser sur tous les points, que la plupart de leurs soldats sont sans armes et qu’ils font tout ce qu’ils peuvent. Mais ce n’est pas assez : il faut protéger les patriotes, les paisibles cultivateurs, il faut exterminer les brigands. [...] » (XV-153)
23 juillet 1794 — LETTRE DU CSP — Ménager les faibles
Le Comité (Carnot) écrit aux représentants près l’armée de l’Ouest, à Niort :
« [Nous vous renvoyons, chers collègues, une lettre des membres de la Commission militaire séante à l’Île de la Montagne, par laquelle vous verrez à quel excès de malveillance est porté l’abus d’une proclamation [voir au 21 juin] faite par les agents préposés à la surveillance des récoltes. (A. N., AF II 269)] Où donc a-t-on pris que le gouvernement voulait faire grâce aux auteurs, fauteurs et instigateurs des outrages faits à la souveraineté du peuple dans la Vendée ? Hâtez-vous, au contraire, chers collègues, de livrer au glaive vengeur tous les promoteurs et chefs de cette guerre cruelle, et que les scélérats qui ont déchiré les entrailles de leur patrie reçoivent enfin le prix de leurs forfaits. Les femmes, les enfants, les vieillards, les individus entraînés par la violence ne méritent pas sans doute le même sort que les monstres qui ont ourdi la révolte, qui l’ont servie de leur volonté comme de leurs bras, et l’on peut prendre à leur égard des mesures de sûreté moins rigoureuses. Mais ce serait abandonner le pays aux horreurs d’une guerre nouvelle et la vie des patriotes à la merci des brigands que d’user envers ceux-ci d’une indulgence absurde et meurtrière. Vous voudrez donc bien, sans perdre un moment, chers collègues, ordonner que la justice révolutionnaire reprendra son cours, et ne pas perdre de vue que nous n’avons qu’un seul but, celui de terminer enfin l’horrible guerre de la Vendée, objet dont on s’écarte également, soit par une lâche indulgence, soit par des exécutions qui, en frappant sur la faiblesse, ne pourraient que révolter la justice et l’humanité. »
Signé : Carnot. (XV-379)
Suite à la lettre de Garnier (de Saintes) du 22 décembre, signalée plus haut, Secher commente ainsi : « Aucune loi n’est prise dans ce sens et, en conséquence, ces femmes [prisonnière] partagent le sot commun des prisonniers, c’est-à-dire la mort. Lorsque le Comité, par l’intermédiaire de Carnot, soulève enfin le problème des femmes, des enfants et des vieillards, le 5 thermidor an II (23 juillet 1794), soit cinq jours avant la chute de Robespierre, leur sort est confirmé » (Vendée, du génocide au mémoricide, p. 125). Outre le fait que la présente lettre porte aussi sur « les individus entraînés par la violence », que Carnot n’était pas seulement intermédiaire du Comité mais le principal organisateur de la guerre, que Robespierre ne participait plus au Comité depuis le 1er juillet, mais il faut bien arriver à l’impliquer dans cette affaire pour le salir, outre que Secher omet la partie de la dernière phrase (ici en itallique), on voit bien qu’il fait dire à cette lettre exactement son contraire. Le Comité demande que les femmes, les enfants, les vieillards et les égarés soient ménagés, et non pas tués. C’est également ainsi qu’Ingrand, qui reçut cette lettre, la compris et l’interpréta dans sa lettre du 5 août (voir plus bas).
28 JUILLET 1794 (10 thermidor an II) — EXECUTION DE ROBESPIERRE
29 juillet 1794 (11 thermidor) — LETTRE DE BO
De Nantes, Bo, représentant à Nantes, qui vient de participer aux récoltes, écrit au Comité de salut public :
« Je n’ai encore aucun détail de la seconde expédition qui s’est faite, et qui dure peut-être encore, sur la rive droite de la Loire. Je sais que partout ces brigands fuient, qu’on a peine à les atteindre, qu’ils se rallient dans les forêts, et je ne crois pas qu’on voie la fin de cette guerre sans régénérer en entier ce malheureux pays. Il n’y a pas un enfant, une femme, un vieillard qui ne servent les brigands. Je suis trop ennemi du sang pour dire qu’on égorge ces gens-là ; mais si l’on ne tue pas tout ce qui est armé, et en même temps si l’on n’enlève pas le reste de tout âge et de tout sexe pour les disperser dans l’intérieur, on aura de la peine à voir la fin de cette guerre. Vous ne pouvez compter sur le retour de ces fanatiques et royalistes. Vous serez forcés de prendre les mêmes mesures pour la partie droite de la Loire, infectée de Chouans. Toutes ces communes où ils roulent sont gangrenées, les habitants font eux-mêmes les patriotes le jour, et ils sont les Chouans la nuit. Il faudrait leur laisser faire les récoltes et ordonner ensuite à tous ces habitants de se retirer dans l’intérieur sous peine d’être rebelles à la loi, ou de remettre eux-mêmes tous les Chouans et de répondre sur leur tête de la tranquillité du pays. Les observations que j’ai pu recueillir et les réflexions qu’elles m’ont fournies me font penser que la rigueur seule peut terminer la guerre de la Vendée. » (XV-507)
30 juillet 1794 — ARRETE DES REPRESENTANTS
A Nantes, Bo et Ingrand arrêtent :
« Les représentants près l’armée de l’Ouest et dans les départements en dépendant, réunis à Nantes pour y délibérer sur les moyens propres à assurer l’exécution des arrêtés du Comité de salut public sur la guerre dite de la Vendée, considérant combien il importe de prévenir la fausse application des mesures du Comité de salut public, dont le but est de punir le crime et d’arrêter ses progrès destructeurs ; considérant que, si les révoltés des départements de l’Ouest ne sont pas également coupables, ils doivent cependant être traités tous avec cette sévérité révolutionnaire qu’accompagnent toujours la prudence et l’humanité, mais qui ne connaît d’indulgence que pour l’être faible, ignorant et trompé, dont la volonté n’a jamais pu participer à aucun délit national ; considérant que l’unité des mesures et la célérité de leur application en assurent invariablement le succès ; arrêtent : — 1 ° Tous les révoltés pris les armes à la main, ou en état de résistance ou attroupement, continueront, conformément aux arrêtés du Comité de salut public, d’être traités en rebelles et brigands. Ceux qui seraient arrêtés sans armes ou les auraient remises, mais seraient reconnus pour avoir pris une part active à la rébellion, et en avoir été les auteurs, fauteurs et instigateurs, seront jugés par la Commission militaire et révolutionnaire établie dans les départements de l’Ouest. — 2° Tous les autres habitants du pays révolté qui, n’étant point pris sous les armes, peuvent être jugés dignes de participer aux bienfaits de la liberté, seront d’abord conduits au quartier général de l’armée de l’Ouest, et employés provisoirement, et sous la surveillance des administrations et municipalités, aux travaux auxquels ils seront les plus propres, jusqu’à ce qu’il ait été statué définitivement sur leur destination, par le Comité de salut public ou les représentants du peuple près l’armée de l’Ouest. — 3° Les généraux et tous les agents employés à la destruction du brigandage et de la révolte seconderont de toutes leurs forces et de tous leurs moyens les mesures révolutionnaires ; ils ne perdront pas de vue que nous n’avons tous qu’un but, celui de terminer l’horrible guerre de la Vendée, objet dont on s’écarte également, soit par lâche indulgence, soit par des exécutions qui, en frappant sur la faiblesse, ne pourraient que révolter la justice et l’humanité. — 4° Les généraux et commandants sont particulièrement responsables de la conduite de leurs subordonnés ; ils donneront les ordres les plus précis pour qu’on n’ait jamais à reprocher aux soldats de la République et aux défenseurs de la liberté le pillage, l’incendie, des actes de férocité ; ceux qui seraient assez dépravés et assez téméraires pour s’y livrer seront traduits devant les tribunaux militaires de l’armée de l’Ouest. — 5° Le Commandant provisoire de l’armée de l’Ouest est chargé de faire mettre à exécution le présent arrêté, et de le faire connaître à toutes les divisions de l’armée et de chaque détachement qui y est employé. — Les représentants du peuple, — Signé : Bo, Ingrand. Pour copie conforme, signé : Joseph Monneron, secrétaire. » (XV-686, note 3)
Le lendemain, de Nantes, Bo, représentant à Nantes, écrit trois lettres au Comité de salut public. Dans la plus importante, il transmet l’arrêté qu’il a pris avec Ingrand pour fixer d’une manière précise la conduite des généraux dans la désagréable guerre de la Vendée. « Je pense que cette mesure, que je vous avais fait connaître dans mes précédentes lettres, aura de grands avantages : celui de ne frapper de mort que les vrais coupables, et l’autre de détruire le germe de la guerre civile en éloignant tous les particuliers capables de la fomenter. » – Lettre reçue le 5 août. (Analyse dans Aulard) (XV-571)
5 août 1794 — LETTRE D'INGRAND
De Niort, Ingrand, représentant à l’armée de l’Ouest, écrit au Comité de salut public :
« Citoyens collègues, — D’après votre lettre du 5 du présent [thermidor – 23 juillet, voir plus haut], sur les réclamations de la Commission militaire et révolutionnaire établie à l’île de la Montagne, mon collègue Bo et moi avons pris l’arrêté ci-joint [le 30 juillet] et donné des ordres pour que les chefs des brigands détenus à Challans fussent conduits de suite à la Commission révolutionnaire. Comme votre lettre prescrit de distinguer l’homme faible et trompé du véritable brigand, nous avons suivi votre vœu dans notre arrêté ; mais il se présente une difficulté dans l’exécution des mesures dictées par l’humanité et la justice. — Que ferons-nous des femmes, enfants, vieillards et autres individus qui, n’étant point pris les armes à la main ni en état de rébellion, ont cependant continué à habiter le pays révolté ? — Il nous a paru qu’il y aurait du danger à les laisser dans les lieux que pourraient encore parcourir les brigands, car ils pourraient devenir leurs victimes ou les servir. — Les ferons-nous rendre dans les communes de leurs districts qui n’ont point été révoltées, et leurs permettrons-nous d’y rester sous la surveillance des municipalités, ou les ferons-nous évacuer dans d’autres départements ? Il est important que vous décidiez sur ces questions. Vos arrêtés des 2 et 16 prairial [21 mai et 4 juin] accordaient aux révoltés qui viendraient remettre leurs armes, et se faire inscrire sur les registres des agents de la Commission d’agriculture et arts, la permission d’habiter leur domicile ordinaire et de cultiver leurs terres. — Mais, outre qu’il ne s’est présenté que très peu de ces révoltés, c’est qu’ils sont encore dans l’impossibilité d’habiter leurs anciens domiciles, leurs maisons ayant été toutes brûlées. — D’ailleurs, il n’y a réellement aucune confiance à avoir dans ces êtres égarés et fanatisés à un point incroyable. — L’état de terreur et de désespoir où la plupart de ces malheureux se trouvent pourra cependant en ramener quelques-uns dans le devoir et sous les lois de la République. — Mais je vous le réitère, je ne crois pas qu’on puisse avoir confiance en eux, et il me paraît nécessaire de prendre les plus grandes précautions à leur égard. — Déterminez, je vous prie, définitivement le sort de ceux des révoltés qui viendront librement se mettre sous la protection du gouvernement. Car votre lettre du 5 semble défendre les mesures prescrites par vos arrêtés des 2 et 16 prairial. — Je me conformerai ponctuellement, ainsi que mon collègue, à ce que vous statuerez sur cet objet, comme sur tous ceux confiés à notre surveillance. — Salut et fraternité, — Signé : Ingrand. » – Lettre reçue le 12 août. (XV-686)
8 août 1794 — LETTRE DE LAIGNELOT
De Laval, Laignelot, représentant dans la Mayenne et l’Ille-et-Vilaine, chargé de la lutte contre les Chouans, écrit au Comité de salut public (extrait) :
« […] Nous touchons au moment d’exterminer les brigands ; de toutes parts les hommes égarés rentrent, la troupe des scélérats-chefs diminue, et un effort général que nous faisons ces jours-ci, et que nous n’avons pu faire plus tôt à cause de la moisson, nous promet un succès assuré. Eh bien, des agitateurs de tribune s’étaient arrangés pour dénoncer dans plusieurs Sociétés populaires le général Vachot à l’instant où il va frapper plus fort, à l’instant où il a besoin de toute la confiance du peuple qui marche avec lui, et, sans mes soins, ces délations insignifiantes, sans fondement, dictées par la malveillance, qui n’a plus que ce moyen d’empêcher la fin d’une guerre désastreuse, pouvaient porter la plus funeste atteinte à la chose publique. Heureusement j’ai tout arrangé, et les coups que Vachot va porter seront si rapides que la calomnie n’aura pas le temps de l’atteindre. — Salut, cent fois salut à vous et à tous mes collègues, sauveurs de la République ! — Signé : Laignelot. » – Lettre reçue le 12 août. (XV-7659)
9 août 1794 — LETTRE D'INGRAND
De Niort, Ingrand, représentant à l’armée de l’Ouest, écrit au Comité de salut public (extrait) :
« Je crois que la durée de la guerre dite de la Vendée a été autant le résultat de la scélératesse et du fanatisme des révoltés que de la trahison et de l’ineptie des généraux qui y ont été employés. — Mais il est certain que, dans l’état où en sont les choses, nous n’obtiendrons jamais le résultat moral et physique que nous nous proposons, si nous n’avons une force majeure et imposante dans la Vendée. — L’homme de la Vendée, le brigand, est tellement dénaturé, les prêtres l’ont tellement dégradé et abruti que la raison et les principes ne sont plus rien pour lui ; il n’obéit qu’à la force ; encore plusieurs ne la redoutent pas même et vont gaiement à la mort. — Ceux même qui ne sont pas aussi aveugles que les autres ne seront maintenus dans le devoir que lorsqu’ils auront l’assurance que leurs chefs sont sans forces et entièrement détruits. » – Lettre reçue le 13 août. (XV-800)
16 août 1794 — ARRETE DU CSP
Le Comité (Carnot) fixe les nouveaux représentants près l’armée de l’Ouest (Laignelot, Guyardin et Dornier), remplace Moulin, général en chef, par Dumas, alors à l’armée des Alpes, suspend nombre d’officiers, arrête les mesures pour rompre toute communication entre les militaires et les habitants, exige la plus grande discipline des soldats, leur interdit le brigandage et les cruautés, invite les évacués à rentrer dans leurs foyers pour reprendre les travaux des champs, confirme la peine de mort pour les chefs des brigands mais promet le pardon aux égarés et aux citoyens entraînés de force dans la révolte. — Cet arrêté répondait, semble-t-il, à la lettre non datée de Bo, donnée par Aulard à la date du 1er août et à celle d’Ingrand du 9 août.
« [...] 7° Aucun général ne pourra avoir son quartier général dans une ville ; les représentants du peuple en interdiront le séjour à tous les militaires qui n’y seront pas de service strict. Ils défendront également les cantonnements dans les villages ; ils ne permettront pas que personne entre dans les camps ; ils feront fusiller quiconque en approcherait sous quelque prétexte que ce soit. Les vivandiers auront au loin des endroits désignés où l’on ira acheter leurs denrées. Tous ces achats seront faits avec beaucoup d’ordre, sous une police sévère et par un nombre de personnes sûres préposées à cet effet. En un mot, aucune précaution ne sera négligée pour couper toute intelligence, négociation, communication ou correspondance quelconque, non seulement avec les brigands, mais encore avec tous les habitants du pays, surtout les femmes.
8° Les représentants du peuple rendront les généraux, et ceux-ci les officiers particuliers, responsables de l’exécution rigoureuse de l’article précédent. Les représentants du peuple chasseront ignominieusement tous les officiers ou sous-officiers qui s’enivreraient, donneraient l’exemple de mauvaises mœurs ; ils feront punir suivant la rigueur des lois le brigandage des militaires et les actes de cruauté ; ils feront exercer les volontaires, organiser régulièrement les bataillons et maintenir la plus exacte discipline aux troupes de la République. [...]
12° Les citoyens qui ont été éloignés de leurs foyers par l’arrêté des représentants du peuple auront la faculté d’y rentrer et de se livrer aux travaux de la campagne.
13° Les représentants du peuple remettront la justice, le désintéressement à l’ordre du jour ; les mœurs, la voie de persuasion, la bonne foi seront mis en vigueur. Tous les chefs de brigands, tous ceux qui ont accepté des grades parmi eux seront punis de mort. Ceux qui n’auront été qu’égarés ou entraînés par la violence seront pardonnés. » (XVI-145, n° 7)
Le 8 septembre, les représentants Guyardin et Dornier rappelèrent les réfugiés des départements de l’Ouest.
15 octobre 1794 — LETTRE DE GARRAU sur sa mission en Vendée
D’Elisondo, Garrau, ex-représentant à l’armée de l’Ouest de février à avril 1794, présentement représentant à l’armée des Pyrénées occidentales, écrit au Comité de salut public (In extenso) :
« Mes chers collègues, — Les papiers publics, que je ne reçois ici que très tard, m’apprennent que Hentz et Francastel, qui étaient en mission dans la Vendée avec Prieur (de la Marne) et moi, sont accusés d’y avoir commis ou laissé commettre des horreurs, et que vous êtes chargés de faire un rapport à la Convention nationale sur leur conduite. — Je dois à la justice, à ma conscience, à la vérité de mettre sous vos yeux un tableau fidèle de ce qui s’est passé pendant ce temps et des mesures qu’eux et nous avons prises pour terminer une guerre aussi désastreuse. — C’était le 21 ou le 22 pluviôse [9 ou 10 février, en fait le 10] dernier que le Comité de salut public me proposa d’aller dans la Vendée en qualité de représentant du peuple. J’arrivais de l’armée des Pyrénées occidentales pour solliciter de lui quelque secours ; cette armée étant dans un état de dénuement effroyable, je crus d’abord devoir refuser cette proposition par plusieurs raisons : la principale était que je n’avais nulle connaissance de ce malheureux pays, ni de l’espèce de guerre qu’on y faisait ; on promit de me donner pour collaborateur un de nos collègues, qui avait déjà été en mission dans cette partie ; on m’assura que je n’y resterais que très peu de temps et qu’en attendant on pourvoirait aux besoins de l’armée des Pyrénées occidentales : j’acceptai. Le Comité nomma Hentz, que je ne connaissais pas. Hentz avait la confiance entière du Comité ; il venait de publier quelques réflexions sur la guerre de la Vendée, qui avaient été généralement applaudies et du Comité et de la Convention nationale. Carnot et particulièrement Prieur (de la Côte d’Or) me dirent beaucoup de bien de lui, de ses principes et de sa moralité. Nous partîmes. — Francastel, Turreau et Bourbotte étaient à Saumur. Nous eûmes un entretien avec ces deux premiers sur tout ce qui était relatif à l’objet de notre mission. Francastel nous suivit à Angers, de là à Nantes ; à cette époque, Carrier était reparti pour Paris et la fameuse expédition des douze colonnes du général en chef Turreau était faite. — Cette expédition, mal combinée et plus mal exécutée, paraissait avoir donné aux brigands une nouvelle vie. Dirigés en trois corps, l’un sous le commandement de Charette, l’autre sous celui de Stofflet, et le troisième sous La Catelinière (sic), ils occupaient le Bocage, les environs de Cholet et la forêt de Prince ; quelques pelotons séparés s’étaient jetés dans les bois et sur les grandes routes pour surprendre et attaquer nos convois et tomber sur les traîneurs de l’armée. — Cependant la Vendée ne présentait rien d’effrayant pour la liberté ; l’armée de l’Ouest était composée de quarante à cinquante mille combattants, à la vérité disséminés, mais qu’on pouvait rassembler en masse. Tous les brigands réunis ne formaient pas quinze mille hommes, dont un tiers seulement armé. — Mais ce qu’il y avait d’inquiétant et de malheureux, c’était que ces scélérats se portaient successivement dans les communes de l’intérieur du pays où il était resté des habitants et qu’ils y massacraient impitoyablement ceux qui ne voulaient pas embrasser leur cause ; ils avaient aussi beaucoup de leurs complices, hommes ou femmes, répandus çà et là, qui leur désignaient leurs victimes et se portaient à des actes de barbarie et de férocité dont l’idée seule fait frémir la nature. — Dans cet état de choses, il fallait prendre un parti : pour ne pas donner au hasard et voir tout par nous-mêmes, je me rendis à Montaigu [d’où il écrivit le 22 février. Ndla], où était la colonne de Cordellier ; Prieur (de la Marne), notre collègue, arrivé de Lorient, vint m’y joindre, et tous les deux nous marchâmes à la tète des troupes. — Nous ne revînmes à Nantes que lorsque la colonne de Duquesnoy, qui avait fait sa jonction avec celle de Cordellier, eut reçu l’ordre de se rendre à Rennes. — Il ne se passa rien de remarquable dans cette petite campagne, qui dura dix à douze jours, pendant lesquels nous ne cessâmes d’avoir la pluie, la grêle, la gelée sur le corps. — L’ennemi, qui était instruit par ses nombreux espions de tous nos mouvements et qui connaissait parfaitement tous les chemins jusqu’au plus petit sentier, eut l’art de nous éviter. Nous ne pûmes le joindre qu’une seule fois (c’était la bande de Charette), encore fut-il assez heureux de nous échapper, à la faveur de la nuit et en sacrifiant une soixantaine des siens. — Le lendemain de cette rencontre, je faisais payer bien cher la confiance que j’avais donnée à un de ces Vendéens prétendus convertis qui me servait de guide. Ce scélérat, au lieu de me conduire à Remouillé, où Prieur m’attendait, me mena dans une embuscade de trois à quatre cents brigands et se sauva au milieu d’eux ; je n’avais que dix ou douze cavaliers avec moi et le brave Moreau, commandant du 74e régiment ; notre sang-froid et la bonne contenance de notre petite escorte nous sauvèrent. — Je crois devoir rappeler aussi une autre anecdote qui m’est arrivée à cette même époque. — Le jour où la colonne de Duquesnoy se joignit à celle de Cordellier, nous fûmes bivouaquer dans les landes de Bouin : ces landes ont deux ou trois lieues d’étendue ; il était dix heures du soir, dans une nuit affreuse, lorsque nous y arrivâmes. L’obscurité et le mauvais temps firent que les bataillons se dispersèrent ; les uns et les autres erraient çà et là sans pouvoir se réunir ; n’ayant pas de bois pour allumer des feux, chacun prit poste où il se trouva. Je m’étais porté en avant avec un adjoint aux adjudants généraux ; le hasard me fit rencontrer un moulin qu’on avait brûlé ; j’y cherchais un abri, lorsque j’entendis courir à mes côtés ; je m’avance promptement vers l’endroit d’où partait ce bruit, j’aperçois une jeune enfant de neuf à dix ans qui fuyait à toutes jambes ; je l’appelle, je la rassure, elle vient ; je la prends sur mon cheval et l’emporte avec moi vers ma masure ruinée qu’on avait choisie pour quartier général. — J’ai gardé cette enfant pendant cinq jours ; elle m’a toujours suivi ; Prieur et moi en avons pris les plus grands soins et avons fini par la placer dans un des hôpitaux de Nantes. — Je ne cite ce trait que pour répondre aux calomnies de ceux qui ont l’atrocité d’attribuer aux représentants du peuple les cruautés auxquelles se sont portés, durant la guerre de la Vendée, quelques soldats ivres de vin et de pillage ou justement indignés de voir pour ainsi dire, au coin de chaque village, les cadavres de leurs frères mutilés, déchirés par lambeaux, et souvent brûlés vifs. — Prieur et moi avions donné l’ordre exprès aux généraux de respecter les femmes, les vieillards et les enfants et de les conduire sur les derrières de l’armée. Ce même ordre a été souvent répété en ma présence par Hentz et Francastel. J’affirme ce fait sur mon honneur. [Voir plus haut leur arrêté du 20 février] — De retour à Nantes, nous nous occupâmes des moyens de porter le plus promptement possible les derniers coups à un ennemi si terrible dans le principe, et qui commençait à relever la tète assez audacieusement pour donner au peuple de nouvelles inquiétudes et à la malveillance de nouveaux aliments de discorde et de troubles intérieurs. — Je proposai de faire une proclamation pour engager les brigands à livrer leurs chefs et à reprendre paisiblement leurs professions, arts ou métiers. Cette proposition fut vivement sentie de tous nos collègues. Mais on observa avec raison que nous ne pouvions pas, nous simples mandataires, déroger au décret qui met hors la loi tous ceux qui ont pris part à la révolte de la Vendée, et prononcer une amnistie aussi générale, surtout le système de réduire les brigands par la force étant celui que le Comité de salut public avait adopté et qu’on exécutait depuis plus de trois à quatre mois ; il fallait donc concilier nos sentiments avec nos pouvoirs et prendre un parti qui pût indirectement donner le même résultat. — Nous arrêtâmes en conséquence : — 1° D’inviter les citoyens paisibles de l’intérieur du pays insurgé à quitter momentanément leurs foyers pour sauver leur vie sans cesse menacée par les brigands et séparer l’ivraie du bon grain. — Cette mesure favorisait indirectement la sortie de ceux qui, après avoir pris les armes contre la patrie, avaient reconnu leur crime et voulaient l’expier par le repentir. — Il est même certain que plusieurs soldats de Charette, de Stofflet et de La Catelinière les abandonnèrent et profitèrent de cette voie pour se soustraire à la vengeance nationale en se confondant avec les bons citoyens. — 2° D’envoyer secrètement des émissaires vers les brigands pour les assurer de l’impunité, s’ils livraient leurs chefs et mettaient bas les armes. — Ce qui a été exécuté toutes les fois que l’occasion s’est présentée. — 3° De faire interner tous ceux qui se disaient réfugiés et qui se tenaient sur les limites du pays insurgé, mesure d’autant plus nécessaire que plusieurs scélérats, sous ce titre respectable, entretenaient des intelligences secrètes avec les chefs de brigands et leur faisaient passer des munitions de guerre et des armes. — On observera aussi que nous avons eu soin d’assurer les secours à toutes les personnes qui, eu vertu de nos arrêtés, ont quitté la Vendée et sont entrées dans l’intérieur. — 4° D’augmenter le nombre des chaloupes canonnières, afin de purger entièrement les rives de la Loire et d’en rendre libre la navigation, ce qui nous a donné la facilité de faire remonter de Nantes à Tours un convoi de plus de six à sept cents bâtiments chargés de sucre, de sel, de café et d’autres marchandises qui ont porté l’abondance dans les départements de l’intérieur et surtout à Paris [fait signalé dans leur lettre du 29 mars. Ndla]. — 5° D’éloigner de l’armée et de ses cantonnements une quantité prodigieuse de femmes qui l’infectaient et portaient dans l’esprit et le cœur du soldat le germe de tous les vices [Lettre du Comité du 18 février]. De faire sortir des villes tous les militaires, de quelque grade qu’ils fussent, que l’appât des plaisirs, souvent la crainte des combats y avaient attirés, et qui y croupissaient dans la débauche et dans l’oisiveté ; de rassembler toutes les forces capables d’agir, d’en former des masses et de les opposer dans cet état aux bandes éparses des brigands. — 6° D’établir une Commission centrale de subsistances, chargée exclusivement, pour le compte de la République, de l’extraction de toutes les denrées, bestiaux, marchandises et autres effets trouvés dans le pays insurgé. — Cette Commission (si elle a été fidèlement remplie) a dû empêcher le pillage et la déprédation de plus de douze millions d’objets précieux et de première nécessité, car les agents des fournisseurs des fourrages, les préposés aux vivres, les commissaires des guerres, les administrateurs des districts et des départements, les comités des subsistances des municipalités voisines, tous se jetaient sur la Vendée comme sur une proie commune qu’ils étaient en droit de partager. — 7° Enfin de faire exécuter, avec les égards et les ménagements que les circonstances exigeaient, le décret de la Convention nationale du . . . . . qui met les brigands hors la loi, ordonne le brûlement de leurs repaires et le transport sur le derrière de l’armée des femmes, vieillards et enfants [arrêté du 26 juillet 1793, décrété le 1er août,]. — Telles sont, mes chers collègues, les mesures que nous avons prises vous pouvez lire nos arrêtés, ils sont dans vos mains. — Travestir en crimes ces mesures que le salut public nous a dictées et en former un acte d’accusation, particulièrement contre Hentz et Francastel, c’est une injustice atroce et une insouciance des plus grandes. S’ils sont coupables. Prieur et moi le sommes : pourquoi nous séparer ? Je ne pousse pas plus loin cette réflexion douloureuse. . . . . Poursuivons. — Ces résolutions prises, Hentz et Francastel se rendirent à Angers et, de là, dans l’intérieur du pays insurgé, et ensuite vers Luçon, Fontenay, etc. Prieur et moi restâmes à Nantes pour y remonter l’esprit public, réorganiser les autorités constituées, assurer l’exécution de nos arrêtés et surveiller le Morbihan et la rive droite de la Loire. — Je ne dirai point ici ce que nous avons fait, lui et moi, pour étouffer les mouvements séditieux qui se manifestèrent le même jour (le 19 mars, v. s.) dans plusieurs districts de ce département et depuis Angers jusqu’à Nantes [Voir la lettre du 18 mars]. C’est à notre correspondance de ce temps-là avec le Comité de salut public qu’il faut avoir recours ; on y verra que, de concert avec Dubois-Crancé, qui vint nous joindre à Nantes, nous avons sauvé cette partie de la République des horreurs d’une guerre civile qui aurait été plus terrible encore que celle de la Vendée. — Je ne parlerai pas non plus des moyens sages, mais vigoureux que nous avons employés pour rendre impuissantes les manœuvres scélérates des ambitieux et des intrigants, pour mettre un frein aux déclamations de ces hommes qui, le bonnet rouge sur la tête, prêchaient des principes destructeurs de tout gouvernement, insultaient à la morale publique et foulaient aux pieds les lois sacrées de la nature ; pour arracher le masque hypocrite de ces prétendus philosophes qui fermaient les églises, brûlaient les saints de bois et volaient les vases d’argent ; pour donner enfin à l’esprit public sa véritable direction, le préserver du poison lent du modérantisme et des excès de la démagogie [Voir les lettres du 18 mars et 21 avril] ; le Comité de salut public peut consulter encore sur ce point notre correspondance et nos arrêtés. — Au reste, si je suis inculpé directement, je saurai me défendre, prouver mon innocence et imposer silence à la calomnie. — Mais, dit-on, il s’est commis des atrocités dans la Vendée ; on y a tué, massacré des femmes et des enfants. . . . ., et ce reproche, on paraît le diriger contre Hentz et Francastel. — C’est une injustice . . . . . . . Si des atrocités de cette espèce ont été commises, ce ne peut être que lorsque Turreau fit son expédition des douze colonnes ; or, à cette époque, Hentz ni moi n’étions pas arrivés dans la Vendée. — Hentz et Francastel ont (dit-on) ordonné à Turreau de brûler trente villages. Cette inculpation est encore fausse. En voici la preuve : Turreau ayant ordonné de brûler un village près de Fontenay, la Société patriotique de cette commune m’envoya une députation pour m’en instruire ; je fis partir de suite un courrier extraordinaire pour Turreau avec ordre de suspendre : Hentz et Francastel m’avaient prévenu et lui en avaient témoigné leur mécontentement d’une manière très ferme. — Au reste, je n’ai été dans la Vendée qu’en passant, et le plus beau jour de ma vie a été celui où j’en suis parti. — Carnot, à qui j’écrivais confidentiellement, peut rendre justice à mes sentiments. — Salut et fraternité, — Signé : Garrau. — P.-S. — Je pars dans l’instant à Pampelune. » (XVII-447)
1er décembre 1794 — LETTRE DES DEPUTES DE L'OUEST
Le 1er décembre 1794, 9 députés des départements de l’Ouest écrivent au Comité de salut public une lettre qui, le lendemain, provoquera la proclamation par la Convention d'une amnistie pour « Toutes les personnes connues dans les arrondissements des armées de l’Ouest, des Côtes de l’Ouest et des Côtes de Cherbourg sous le nom de rebelles de la Vendée et des Chouans, qui déposeront leurs armes dans le mois qui suivra le jour de la publication du présent décret ». On lit dans cette lettre le passage suivant, qui dit tout :
« [...] Nous ne connaissons que deux partis à prendre pour finir la guerre de la Vendée : l’un est d’exterminer jusqu’au dernier habitant de ces contrées ; mais, pour éteindre une population de 200,000 individus qui reste encore, il faut sacrifier au moins 80,000 républicains. Le moyen n’est pas proposable, et la Convention ne l’a jamais voulu. — L’autre est d’écouter la voix de l’humanité, d’user d’indulgence, de conquérir ces départements par la persuasion plutôt que par les armes. [...] »
Signé : P.-M. Delaunay (Maine-et-Loire), Menuau (Deux-Sèvres), Lofficial (Deux-Sèvres), Gaudin (Vendée), Jard Panvillier (Deux-Sèvres), Morisson (Vendée), Talot (Maine-et-Loire), Girard (Vendée) et Dandenac aîné (Maine-et-Loire). (XVIII-452).
22:14 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Je vous signale la parution récente (février 2017) d'un ouvrage aux Editions du Cerf "Vendée 1793-94 : crimes de guerre ? crimes contre l'humanité ? génocide ? une étude juridique" par Jacques Villemain. Vous y êtes d'ailleurs cité. L'auteur examine les faits de la guerre de Vendée pour les analyser au regard des définitions légales et jurisprudentielles de ces crimes posées par les tribunaux pénaux internationaux et la Cour Pénale Internationale. Ca pourrait vous intéresser...Autant vous le dire : l'auteur n'est pas d'accord avec vous.
Écrit par : Dechassin | vendredi, 24 mars 2017
Bonjour,
J'ai entendu qu'il devait sortir. Je me doute bien de ce qu'il contient et des procédés qu'il emploie. Mais merci pour l'info, je vais me le procurer. Je dirais que c'est a priori un réchauffé du "Mémoricide" de Secher, qui, lui aussi, essaye d'en imposer avec des arguments juridiques.
Écrit par : Philippe Landeux | samedi, 25 mars 2017