LA RÉVOLUTION ET SES LEÇONS (samedi, 01 avril 2017)
Nous nous heurtons aujourd’hui au même problème que les révolutionnaires, les vrais révolutionnaires (Robespierre, Marat, Saint-Just), en leur temps : la puissance des riches, l’hégémonie du capital (individualiste, inégalitaire, apatride, mondialiste), en un mot Largent. Et la plupart de nos contemporains sont aussi aveugles qu’ils l’étaient eux-mêmes sur la véritable nature de l’ennemi, à la différence qu’eux avaient des excuses que nous n’avons plus. La technologie moderne (production de masse, informatique, cartes à puce) permet en effet d’instaurer l’Égalité (bien comprise : l’égalité des citoyens en devoirs, dont celui de participer à la vie de la cité, et en droits, dont celui d’accéder librement au marché) et d’anéantir Largent, c’est-à-dire d’instaurer un mode d’échange fondé sur les Principes de l’ordre social et non plus sur la notion de valeur marchande, où le droit d’accéder au marché serait conféré par la citoyenneté, elle-même attestée grâce à une carte à puce, et non plus par des unités monétaires (incarnant les droits) gagnées on ne sait comment et se répartissant fatalement de manière inégalitaire (voir « Le Civisme »). Que l’on admette ou non la possibilité d’un pareil système, mon but n’est pas ici de l’exposer, de l’expliquer, mais de faire comprendre mon point de vue.
Je pars du postulat que, quoique cela demandera encore une « révolution » ou une « évolution révolutionnaire », il est possible aujourd’hui d’appliquer les Principes invoqués par les révolutionnaires, notamment celui d’Égalité, qui est la condition de la démocratie au vrai sens du terme, au sens de souveraineté du peuple (un système inégalitaire étant par définition oligarchique). Mais si ce à quoi les révolutionnaires aspiraient fondamentalement n’est réalisable qu’aujourd’hui, il s’ensuit :
1) que cela était hors de leur portée en leur temps,
2) que n’ayant pas la possibilité technique d’anéantir Largent et d’abolir la monnaie (au nom de l’Égalité et de la Patrie), cette idée ne leur effleurait pas même l’esprit,
3) que ne pouvant rayer Largent de l’équation, ils le conservaient sans en avoir conscience et sans voir les contradictions théoriques et pratiques avec les principes qu’ils professaient,
4) que, étant obligés de conserver la monnaie, par laquelle passe la plupart des droits, tout en aspirant à l’égalité en droits, ils ne pouvaient admettre que « la monnaie n’est autre chose que du droit » (quoique les mesures financières visant à réduire les inégalités monétaires en soient la démonstration), que sa seule existence est garante de l’inégalité, puisqu’elle ne peut se répartir également, et que l’Égalité est donc une vue de l’esprit dans un système monétaire,
5) qu’ils avaient de ce fait une conception de l’Égalité dénaturée par Largent,
6) qu’ils cherchaient moins à atteindre l’Égalité, aussi inaccessible qu’inconcevable pour eux, qu’à contenir ou contrer les effets inégalitaires de Largent, autrement dit qu’ils ne visaient pas l’Égalité mais seulement moins d’inégalités, moins de disparité entre les fortunes,
7) que ne pouvant ni remonter à la source de l’inégalité, ni la tarir, ils en voyaient la cause ailleurs (dans certains hommes, dans les lois, dans l’organisation politique, dans l’éducation, etc.), se lançaient sur tous les fronts qui étaient autant de leurres et multipliaient les mesures aussi légitimes en apparence que vouées à l’échec,
8) que, ne pouvant triompher de Largent, ils devaient fatalement en être les victimes.
Voilà ce que l’analyse permet de comprendre et ce que l’étude des faits permet de constater et de valider.
Le XVIIIe siècle vit monter en puissance la bourgeoisie, c’est-à-dire les riches ou, comme on disait aussi, « l’aristocratie de l’argent ». Cette montée en puissance s’accompagna d’une philosophie, celle des Lumières, prônant la souveraineté et la liberté des riches (des « propriétaires »), proclamant sans le dire Largent roi. La liberté absolue pour les riches d’exploiter les hommes et de spéculer sur les marchandises pour s’enrichir davantage fut érigée en doctrine que nous appellerions « libérale ». Ce courant avait vu le jour bien avant la Révolution ; il sembla s’imposer en 1789, sous la Constituante, mais rencontra une vive opposition et ne triompha incontestablement, et jusqu’à nos jours, qu’à partir de 1794, après l’exécution de Robespierre. Ainsi, ce qui caractérise la Révolution, ce n’est pas la mise en place de l’ordre bourgeois, c’est-à-dire l’avènement de Largent, mais au contraire la montée en puissance d’un mouvement opposé, d’un mouvement anti-bourgeois, « anti-libéral », plus exactement « anti-capitaliste », un mouvement en faveur du peuple, un mouvement démocratique et égalitaire. Ce mouvement fut incarné au plus haut point par Robespierre.
En 1788, le royaume est endetté dangereusement. Les Ordres privilégiés (Clergé, Noblesse) ont jusque-là refusé de payer. Louis XVI en est réduit à convoquer les États Généraux, c’est-à-dire à réunir des représentants des trois Ordres (Clergé, Noblesse, Tiers États), qui seuls peuvent créer de nouveaux impôts. La Révolution est amenée par un problème d’argent. Les bourgeois, qui avaient le vent en poupe, trouvent là l’occasion d’accélérer le processus qui doit faire tomber le pouvoir dans leurs mains. Tout se passe d’abord à merveille. La Constituante uniformise le royaume, abolit les privilèges des provinces, supprime les frontières intérieures, décrète la liberté du commerce (libéralisme), prive les pauvres du droit de cité, abolit les corporations, interdit les grèves et les pétitions, constitue une garde bourgeoise et adopte la loi martiale pour réprimer affamés et mécontents. Mais en son sein, un député s’oppose de toutes ses forces à cette politique : Robespierre. Lui veut la souveraineté du peuple (démocratie) et la justice sociale (moins d’inégalités). Il est seul ou presque et ne pèse donc rien à l’Assemblée. Mais il a derrière lui l’opinion publique. On l’appelle « l’Incorruptible ».
Une Assemblée législative succède à la Constituante. Que des bourgeois. Une faction domine : les Girondins. Ce sont les champions de la « propriété », les défenseurs inconditionnels du libéralisme (Largent). Ils veulent aussi la guerre à tout prix, tant pour détourner le peuple des souffrances qu’occasionne leur politique que pour remplir les caisses de l’État, toujours vides (malgré la confiscation des biens du clergé et la création des assignats). C’est au club des Jacobins, dont ils font alors partie, qu’ils trouvent dans Robespierre, qui n’est plus député, un détracteur acharné. La guerre, voulue aussi bien par les Girondins que par la Cour, est un piège ; elle donnera aux puissances étrangères l’occasion d’entrer en France et d’écraser les révolutionnaires. Il faut s’y préparer, mais pas la rechercher. Rien à faire. La guerre est déclarée, alors que la France n’est pas en état de la faire. Les armées désorganisées se débandent au premier contact. Les armées austro-prussiennes temporisent mais sont prêtes à envahir le territoire et à fondre sur Paris. C’est alors que tout ce que la France compte d’énergique se soulève et renverse la monarchie (10 août 1792), à la barbe de la Législative, elle-même contrainte de se dissoudre.
Pendant que les volontaires courent au devant de l’ennemi, la nouvelle Assemblée, appelée « Convention », élue au suffrage universel, se réunit (21 septembre 1792). Mais si Paris, au contact des événements, a élu des Jacobins (Robespierre, Marat, Danton), les départements ont renvoyé les Girondins qui, d’entrée, monopolisent toutes les places. Et les Girondins détestent Paris et ses élus qui leur ont fait échec. Au lieu de gagner une guerre qu’ils ont provoquée, ils persécutent Marat et Robespierre, ils calomnient Paris pour la faire haïr des départements, ils tergiversent pour sauver un roi aux dépens de la République… et, bien sûr, ils sont plus que jamais les champions des « propriétaires ». Au printemps 1793, les armées, un moment victorieuses, sont à nouveau en déroute, des départements sont en révolte ouverte, le peuple partout a faim : il faut agir. La 2 juin 1793, la commune de Paris, d’accord avec les Jacobins, fait cerner la Convention qui décrète d’arrestation les meneurs Girondins. Gardés à domicile, ceux-ci en profitent pour s’échapper et prêcher de vive voix la révolte dans les départements.
S’ouvre alors la deuxième période de la Convention, dominée cette fois par les Montagnards, dont les Jacobins sont le noyau dur, et Robespierre le leader. Mais dans quel état la France est-elle, après 4 ans d’agitation politique et un an et demie de guerre ? L’économie est en lambeaux. Toutes les frontières extérieures sont assiégées. Les deux tiers des départements sont en révolte, quoique le plus souvent de manière superficielle (des révoltes de notables, d’administrateurs, favorables aux Girondins). La « Vendée » tend les bras à l’Angleterre, à qui Toulon s’est livrée. Il ne s’agit pas d’administrer un pays en paix, mais de parer milles coups. Aux grands maux les grands remèdes. Il faut lever, armer, équiper et approvisionner 2 millions d’hommes. Tout cela coûte. Le moins cher sera le mieux. Il faut calmer la rapacité des fournisseurs, l’avidité des marchands (établissement du maximum des prix et de comités aux accaparements). Il faut déjouer les traîtres qui, d’indulgence en indulgence, ont conduit la France au bord du gouffre. Il faut tendre tous les ressorts pour sauver la République, qui se veut en faveur du peuple ou le sera quand les conditions le permettront. Pour l’heure, c’est la guerre, qui accapare toutes les ressources et toutes les pensées.
Mais la tension est source de divisions. Les hommes qui ont éjecté les Girondins n’avaient ni les mêmes raisons ni le même caractère ni le même projet. Les querelles de personnes se mêlent aux désaccords politiques. On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. La « Terreur », pourtant nécessaire, ne va pas sans abus. Danton (soupçonné d’avoir été un agent anglais) invoque ces abus pour faire cesser la Terreur (en réalité pour sauver ses amis arrêtés pour corruption). Il veut signer une paix de compromis (au désavantage de la France) et instaurer un régime bourgeois. Il rallie sous sa bannière Girondins et royalistes. D’autres veulent au contraire que la Terreur soit portée à tous les excès. Ce sont Hébert et les Cordeliers, qui essayent d’entraîner à leur suite le peuple de Paris. Robespierre se garde de ces deux extrémités. Le Comité de salut public, dont il fait partie depuis le 27 juillet 1793, est sur la même ligne (quoique composé d’hommes de tendances différentes). Dans cette lutte à mort, le Comité frappe le premier. D’abord Hébert, ensuite Danton. Ce danger passé, ce sont les membres des comités eux-mêmes (comités de salut public et de sûreté générale) qui se divisent et qui surtout attaquent sournoisement Robespierre, qui parce qu’il s’est opposé à la déchristianisation, qui parce qu’il abhorre les représentants en mission sanguinaires, qui parce qu’il veut un régime social et démocratique, qui parce qu’il s’oppose à la guerre de conquête, qui parce qu’il le jalouse tout simplement. Mais Robespierre incarne la Révolution. Pour l’abattre, il faut d’abord le déconsidérer, le calomnier, le ridiculiser, le faire craindre, le faire haïr, l’affaiblir, le paralyser ; il faut mentir et le faire taire. Un complot se trame. Le 8 thermidor (26 juillet 1794), Robespierre, qui ne participe plus au comité depuis un mois, tente de le déjouer. Il expose à la Convention toutes les manœuvres dont il est l’objet et tout ce qui compromet selon lui la chose publique. Son discours est décrété d’impression, mais ses ennemis en font renvoyer l’examen aux comités qu’il vient de dénoncer ; ils gagnent la première manche. La journée du lendemain va être chaude. L’appui du Marais (la masse des députés du centre) sera décisif. Les fausses listes de proscription qui circulent, attribuées à Robespierre, n’ont pas eu l’effet escompté. On sait que Robespierre n’est pas un sanguinaire, lui qui a protégé les « 73 » députés girondins et a contre lui les furieux de la Terreur. Dans la nuit, les conspirateurs promettent aux uns d’arrêter la Terreur, dont ils sont eux-mêmes les auteurs, aux autres, de revenir sur les mesures sociales adoptées depuis un an (maximum, lois de ventôse, etc.). Marché conclu. Le 9 thermidor (27 juillet 1794), Robespierre (ainsi que Saint-Just, Couthon, Lebas et Robespierre jeune) est décrété d’arrestation par une meute en furie, sous des accusations diverses et contradictoires. L’insurrection improvisée de la Commune ne change rien. Robespierre n’y croit plus. Il est exécuté le lendemain.
Mais, en frappant Robespierre, sous des accusations délirantes, en faisant un crime de toute aspiration sociale et de toute fermeté (en faveur du peuple), ses ennemis (plus personnels que politiques) ont ouvert un boulevard à la réaction bourgeoise, qui balaye tout. Les suspects sont relâchés en masse. Le club des Jacobins est fermé au bout de 3 mois (12 novembre 1794). Les membres des comités de salut public et de sûreté général sont, pour la plupart, proscrits dans les mois qui suivent. Ceux qui redoutaient tant Robespierre en raison de leurs crimes ou de leur corruption ont retourné leur veste et sont des vedettes : Fouché, Fréron, Tallien, Barras, etc. (Carrier, Lebon et Fouquier-Tinville sont toutefois irrécupérables et paieront pour les autres.) Les Girondins détenus sont réintégrés (tandis que les ex-Montagnards sont envoyés petit à petit en prison). Le suffrage censitaire est rétabli, ainsi que la liberté du commerce (le libéralisme). Le maximum (qui du reste était une mesure provisoire) est supprimé. Les prix s’envolent. La guerre de rapine devient la norme (Napoléon s’en fera un devoir.). C’est le règne des fournisseurs, des spéculateurs, des apparatchiks, des anciens et nouveaux riches. Au printemps 1795, les Parisiens affamés se soulèvent, deux fois (12 germinal, 1er prairial), au cri de « du pain et la constitution de 1793 ». Ils sont réprimés. Les quartiers populaires sont désarmés. En octobre (4 vendémiaire), ce sont les royalistes, à qui les conventionnels ont volé l’élection, qui se soulèvent et sont réprimés à leur tour. L’ordre bourgeois est établi ; plus rien ne le menacera. Le roi n’est plus. Vive Largent !
J’ai brossé à grands traits l’histoire de la Révolution. J’aurais pu entrer dans mille détails qui n’apportent rien à la compréhension du mouvement de fond et brouillent au contraire la perception des choses ; qui, surtout, détournent l’attention des bonnes leçons à tirer.
Dans cette histoire, je vois Largent et sa marque du début à la fin, depuis les causes de la Révolution à la nature de ses fossoyeurs ; je vois une lutte permanente entre ceux qui veulent le faire roi, avec tout ce que cela implique économiquement, politiquement, idéologiquement, et les révolutionnaires qui veulent l’Égalité ou du moins défendent les notions qui lui sont consubstantielles : nation, peuple, patriotisme, démocratie (lois faites ou ratifiées par le peuple), solidarité nationale, droit des citoyens à être armés, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, non-ingérence (autant de combats qui furent ceux de Robespierre).
Mais je vois aussi des révolutionnaires qui n’opposent à Largent que des mesurettes incapables de renverser la force des choses (impôts universels et progressifs, garantie d’un revenu, augmentation des salaires, gel des prix, etc.), qui coupent des têtes pour en voir repousser dix, qui s’épuisent, qui désespèrent et qui sont finalement vaincus. La puissance politique qu’ils parviennent miraculeusement à avoir ne leur sert qu’à contenir les riches, jusqu’à ce qu’ils soient anéantis au premier faux pas. Sans doute auraient-ils pu demeurer au pouvoir un peu plus longtemps s’ils avaient été aussi sanguinaires que le dit leur légende (écrite par qui ?) ; ils auraient alors prolongé leur existence, mais trahi tous leurs idéaux et péri quand même sous le poids de leurs contradictions.
J’en tire la leçon qu’il est dans la nature des choses que Largent et les riches, ses valets, dominent dans un système monétaire ; que, dans la mesure où il y aura toujours des riches dans un tel système (de par l’origine et le fonctionnement de la monnaie), il est vain de les comprimer si le but n’est pas d’anéantir Largent lui-même, car, comme on dit : « Chassez le naturel, il revient au galop ». On pourrait aussi citer cette phrase de Saint-Just, qui n’imaginait sans doute pas cette application : « Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. »
La Révolution fut un grain de sable dans la montée en puissance de la bourgeoise, dans la marche au trône de Largent. Sans la Révolution, Largent serait arrivé au pouvoir sans encombre ; il serait devenu roi au-dessus du roi et notre situation serait aujourd’hui exactement la même (comme dans les pays qui sont actuellement des monarchies), car elle ne découle pas de ce qu’ont fait ou simplement voulu faire les révolutionnaires il y a de cela 200 ans, mais de la force des choses insufflée par Largent. Accabler les révolutionnaires des maux qui nous désolent et qu’ils déploreraient eux-mêmes, c’est disculper Largent sans même prendre en compte son existence ; c’est faire à sa manière –– et il y a mille manières possibles –– la même erreur que les révolutionnaires ; c’est forger notre impuissance et préparer de nouveaux échecs. Mais, à l’heure où la patrie est plus que jamais en danger, nous n’avons pas le droit d’échouer.
Largent — qui porte en lui les principes matérialiste, inégalitaire, oligarchique, individualiste et mondialiste — doit être combattu et anéanti au nom de l’Égalité et de la Patrie. Sous ce rapport, les révolutionnaires ne s’étaient pas trompés d’étendard. Ceux qui ne rallient pas cet étendard sont de facto sous celui de Largent. Mais l’expérience démontre qu’il ne suffit pas d’aspirer à l’Égalité et d’être un patriote intelligent et énergique pour ne pas être dupe de Largent. Encore faut-il identifier ce dernier, savoir comment l’écraser et, surtout, en avoir les moyens. Or ces trois choses sont liées. Ce que ma théorie du « Civisme » permet de comprendre, c’est que, à leur époque, les révolutionnaires n’avaient pas les moyens de mettre en œuvre l’Égalité et ne pouvaient donc pas la concevoir correctement, étant obligés de conserver la monnaie tant sur le plan pratique qu’intellectuel ; de sorte que, ne pouvant renverser Largent, il n’était pas même utile pour eux de l’identifier formellement. Ils ont donc agi par intuition ; ils ont « bricolé ». Tout ce qu’ils voulaient était juste en soi mais pas dans l’absolu, et allait bien souvent à l’encontre de la nature du système monétaire. Par suite, le système a résisté ; les révolutionnaires ont insisté ; la machine s’est emballée ; tout a dégénéré. Mais tout jouait, au fond, contre les révolutionnaires. Et bientôt les tenants du système ont repris les rênes.
Tout système se maintient par la violence sous une forme ou une autre. Les révolutionnaires ont été violents. Mais le système qui permet aux uns d’affamer les autres, qui donne tout le pouvoir aux riches, qui couvre un traître et tire sur les mécontents, qui déclare des guerres pour détourner l’attention de ses turpitude, n’est-il pas violent ? Ne mérite-t-il pas d’être combattu ? Comment, sinon par la force, puisqu’il est sourd aux protestations pacifiques ? Les révolutionnaires n’usèrent, en somme, que du droit de légitime défense. Ne peuvent être invoqués contre eux que des sophismes du genre de ceux qui annihilent aujourd’hui la légitime défense, qui font que celui qui se défend avec succès est présenté comme un coupable, et le vrai coupable comme une victime. (Bien sûr, certains ont profité de cette période troublée pour commettre des crimes, mis sur le compte de la Révolution ou de la République. Mais je n’appelle pas « révolutionnaires » tous les contemporains de cette époque, et ceux que je désigne ainsi font l’objet de vagues anathèmes, jamais d’accusations précises.)
Les révolutionnaires devraient être révérés par tous ceux qui, aujourd’hui, savent la France au bord du gouffre et connaissent les traîtres et les idiots qui l’y ont mené ; ils sont dans la même position qu’eux, face aux mêmes ennemis et pour la même raison ; comme eux, ils ont des choix terribles à faire, ils doivent trancher dans le vif. S’ils suivent leur exemple, ils peuvent espérer sauver la patrie. S’ils minaudent, nous sommes morts. La patrie ou la mort ! Voilà où nous en sommes rendus. Nous pouvons nous laisser mourir pour n’encourir aucun reproche. Nous pouvons réagir à la hauteur des circonstances, et alors nous aurons, comme les révolutionnaires, des morts sur la conscience et du sang sur les mains ; alors nous devrons assumer devant l’Histoire ce que nous aurons fait et même ce qui se sera fait malgré nous ; alors nous montrerons la France sauvée à ceux qui, confis de moraline, nous poursuivront de leur haine pour avoir eu le cran et le bon sens qu’ils n’auront pas eu.
Héritiers authentiques de la Révolution et tenants de la tradition contre-révolutionnaire (catholique et aristocratique) devraient oublier les querelles dépassées de leurs ancêtres, pour ne songer qu’aux combats qui les réunissent aujourd’hui et qui tous, en dernière analyse, leur sont imposés par Largent.
J’ai déjà montré que le combat pour l’Égalité et la Patrie ne peut être remporté qu’en anéantissant Largent, qu’en instaurant un système d’échange autre que monétaire. Mais les chantres de la contre-révolution ne tiennent-ils pas eux aussi en exécration les bourgeois, l’aristocratie de Largent ? Ne parlent-ils pas avec nostalgie de l’aspect social et protecteur de la monarchie, détruit par la bourgeoisie au nom de Largent ? N’abhorrent-ils pas le matérialisme, le mercantilisme, la course au profit, le capitalisme et la ploutocratie, conséquences de la monnaie, donc de Largent ? Ne dénoncent-ils pas, par exemple, l’immigration-invasion et la destruction de la famille, qui sont l’une et l’autre dans la logique de l’individualisme, inhérent à Largent, et de son revers le sans-frontiérisme (mondialisme, universalisme) ? On pourrait multiplier encore longtemps les exemples.
Notre monde tourne autour de Largent ; il est façonné par lui, jamais pour le meilleur, toujours pour le pire. Il est aisé d’apercevoir sa responsabilité dans les maux qui nous submergent, pour peu que l’on sorte la tête du guidon, que l’on prenne un peu de hauteur. Les « contre-révolutionnaires » doivent arrêter de ne voir que des questions morales dans les politiques destructrices qui ont manifestement Largent pour moteur et pour but. Ils doivent enfin décider s’ils veulent remplacer une oligarchie par une autre, sachant que toute oligarchie est fondée sur l’inégalité et l’oppression du peuple dont ils prétendent se soucier ; et s’ils veulent se contenter encore longtemps de postures face au système ou le vaincre pour de bon. S’ils sont conséquents avec eux-mêmes, s’ils veulent servir le peuple et renverser le système, c’est-à-dire terrasser Largent, il n’y a pas d’autre voie que celle de l’Égalité (bien comprise) et de la Patrie.
Les révolutionnaires empruntèrent d’instinct cette voie et, avec eux, tout le peuple français, à l’exception des nobles, du haut clergé et des bourgeois (les oligarques de l’époque), lesquels, à force de manigances pour défendre leurs intérêts, et de propagande pour couvrir leurs trahisons, ont brouillé les pistes et allumé le feu. Des gens ordinaires qui aspiraient tous grosso modo à la même chose se sont retrouvés, sur des malentendus, dans des camps opposés, à se livrer une guerre à mort. L’oligarchie voudrait encore que ces camps hérités du passé soient irréconciliables pour être à jamais manipulables. Raison de plus de les réconcilier. Et c’est en cela, aussi, qu’est utile une connaissance approfondie de la Révolution : pour désarmer les passions. Que chacun reconnaisse les limites et les contradictions de la ligne de sa famille politique, à l’origine des dissensions fratricides. Que les uns et les autres ne commettent plus leurs erreurs respectives qui toutes conduisent à l’échec. Qu’enfin le véritable ennemi soit démasqué, ou plutôt reconnu, car il règne depuis longtemps et aujourd’hui à visage découvert : Largent.
Il n’y a qu’une révolution : celle qui vise au bien du peuple, donc à l’Égalité (bien comprise). La contre-révolution, elle, est, consciemment ou non, le camp de l’inégalité et de Largent. C’est à la lumière de ces définitions qu’il faut apprécier les mouvements historiques et qualifier les mouvements politiques. Révolutionnaires et contre-révolutionnaires ne sont pas toujours ceux qui revendiquent l’un ou l’autre de ces qualificatifs. Nos ancêtres se sont déchirés en pure perte pour des chimères. Aujourd’hui, il doit être clair pour tous que la contre-révolution n’est pas seulement le parti des riches, des banques et de la finance mais plus largement celui du système monétaire et de Largent (donc du capitalisme, de l’inégalité, de l’individualisme et du mondialisme), et que celui de la Révolution est, à l’opposé, celui de l’Égalité (donc d’un système non-monétaire) et de la Patrie. S’interroger sur la façon ou les moyens de mettre en œuvre l’Égalité, c’est-à-dire d’anéantir Largent, est une chose ; mais tirer prétexte de cette difficulté (résolue par le Civisme) pour conserver le système monétaire, l’inégalité, le capitalisme et tout ce qui va avec, en est une autre. On n’est pas un révolutionnaire ou un opposant sérieux au système quand on n’en remet pas en cause la base et que, de fait, on tourne en rond à l’intérieur.
Pas de national sans social ;
Pas de social sans Égalité ;
Pas d’Égalité sous Largent.
Largent est un Tyran !
L’Égalité ou la Mort !
Vive la Révolution !
Vive la France !
Philippe Landeux
1er avril 2017
08:32 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |