LA PARABOLE DU FLEUVE (samedi, 23 décembre 2017)

Cinq explorateurs, chacun dans une barque, descendaient le fleuve Largent. Quelques remous les avaient obligés à ramer, mais, dans l’ensemble, ils se laissaient plus emporter par le courant qu’ils n’avançaient à force de bras. Une promenade. Ils avaient tout leur temps pour admirer les paysages. Ils en oubliaient qu’ils voguaient tels des bouchons.

Soudain le paysage se mit à défiler plus vite, de plus en plus vite. Le courant prenait une vitesse annonciatrice d’un danger. Et, de fait, à un kilomètre de là, le fleuve s’abîmait dans une chute vertigineuse.

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Surpris, chaque explorateur réagit à sa manière et fixa son sort.

Le premier, soit qu’il ait été curieux de percer le mystère, soit qu’il ait voulu comme toujours arriver avant les autres, soit qu’il ait juste voulu s’amuser après des jours de routine, rama de toutes ses forces dans le sens du courant, vers la chute mortelle.

Le second, d’un caractère opposé, prit la résolution inverse ; il rama de toutes ses forces à contre-courant, si bien que, malgré l’impétuosité du fleuve, il reculait, il s’éloignait du péril. Mais il tomba bientôt d’épuisement. Il n’avait gagné qu’un répit. Sa barque fut emportée jusqu’au terminus.

Le troisième, ni casse-cou ni foudre de guerre, se voulut plus malin que les deux premiers. Il se mit à ramer à contre-courant, sans enthousiasme, comme on fuit à contrecœur. Il fit longtemps du sur-place. Mais le peu d’effort que cela nécessitait n’en fut pas moins épuisant sur la durée.

Le quatrième, plus intelligent, trop intelligent, croyant que les autres avaient tout tenté et qu’il n’y avait rien à faire, se convainquit que la seule action valable était de baisser les bras. « Après la pluie, le beau temps », se dit-il. Dès lors il ne vit plus dans la chute fatale qu’un mauvais cap à passer.

Le cinquième, enfin, aussi peu enclin au mimétisme qu’à la philosophie, rama vers la rive, accosta la première berge venue et continua son chemin à pied… seul. Il ne devait jamais plus revoir les autres. Le fleuve avait eu raison des matamores et des illuminés.

 

Moralité :

Largent est irrésistible si on reste dans son sillage ; il n’est plus rien si on prend un autre chemin. Il suit son cours ; suivons le nôtre.

 

Philippe Landeux

22 décembre 2017

09:40 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |