CAPITALISME ET MARXISANTS (dimanche, 19 mai 2019)
Tout ce qui existe sous le capitalisme n’est pas intrinsèquement capitaliste. Ce qui est intrinsèquement capitaliste est ce qui peut être dénaturé par Largent (croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger), lequel n’existe que dans la tête des hommes et n’a d’incidence que sur les rapports sociaux, donc sur leur perception du monde et d’eux-mêmes. Autrement dit, n’est pas intrinsèquement capitaliste, mais naturel, ce qui demeurait si Largent n’existait plus.
Les marxisants qui rejettent tout ce qui existe sous le capitalisme comme capitaliste en soi prouvent par-là qu’ils en saisissent mal l’essence et sont donc incapables de l’abattre, d’autant plus que, en versant dans un nihilisme absolu sous prétexte d’amour universel, en proscrivant tous les mots, tous les concepts, toutes les notions, toute chose, tout ce qui fait le monde réel du point de vue des hommes, ils sont incapables de formuler un projet, de proposer une alternative. Cette opposition systématique ne débouche sur rien de constructif. En somme, ils s’opposent à tout au nom de RIEN. Impossible de les prendre en défaut, croient-ils, puisqu’ils proposent RIEN comme idéal suprême. Et les adeptes du RIEN ont toujours raison, puisque tout « vouloir » est une erreur, pour ne pas dire une hérésie selon eux. Ils s’érigent ainsi en gardiens du temple de la Vérité dont ils prétendent n’être que les « humbles dépositaires ». Professant tout et son contraire, disant ici l’inverse de ce qu’ils disent ailleurs, jonglant sans distinction avec le vrai et le faux, tantôt logiques tantôt ineptes, ils s’en tirent par le verbiage, deviennent ainsi des virtuoses du baratin et se lobotomisent eux-mêmes. Mais n’ayant toujours RIEN à opposer au capitalisme, ils comptent qu’il se détruira lui-même ; ils excluent d’entreprendre quoi que ce soit contre lui avant qu’il (Largent) ait tout détruit et qu’il n’y ait plus rien à sauver ni personne pour réagir ; ils interdisent toute pensée, toute attitude autre que passive, sous peine d’excommunication ; ils exigent que les hommes s’en remettent, comme eux, au Saint-Esprit jusqu’à la Saint-Glinglin. N’ayant pas davantage la moindre idée réaliste de ce en quoi consistera la société ou le monde post-capitaliste (quoique étant les seuls à le savoir en tant qu’anticapitalistes soi-disant radicaux et dépositaires autoproclamés du Vrai immanent), incapables de décrire les nouveaux rapports qui s’établiront entre les citoyens ou les hommes (car hostiles à tout « système », donc incapables d’en concevoir un), ils proclament que l’Humanité et le Prolétariat trouveront dans leur génie les réponses à tout le moment venu, c’est-à-dire que l’Humanité et le Prolétariat auront le génie qu’eux-mêmes n’ont pas, c’est-à-dire, encore, que ces Guides de l’Humanité et du Prolétariat ne savent pas où les conduire, c’est-à-dire, enfin, que, d’ici-là (Quand ? Jamais.), nul ne peut ni ne doit tenir un discours anti-capitaliste différent et plus consistant qui ferait de l’ombre aux Êtres de Lumière que sont ces adeptes du RIEN, ces chantres du néant, ces champions du vide.
Plus exactement, les marxisants sont fondamentalement spiritualistes et raisonnent avec les hommes comme si ceux-ci étaient ou pouvaient être ici-bas des esprits à l’état pur. Ils ne cherchent donc pas à résoudre les problèmes concrets, puisqu’ils croient que, avec la fin du capitalisme, les hommes seront des êtres parfaits, quasi désincarnés et interconnectés aussi bien entre eux qu’avec le Tout. Sauf que la Terre n’est pas, par définition, le séjour des Dieux ou des Anges, mais celui d’êtres de chair et de sang. C’est cette approche verticale (spirituelle) des choses qui les amène à nier le réel et à tenir un discours surréaliste, impropre à résoudre le problème social (horizontal), c’est-à-dire celui des rapports entre des êtres ayant une survie à assurer, des besoins à remplir et une société à organiser. Ils occultent les contingences matérielles parce qu’ils croient que, délivrés du capitalisme, les hommes seront des Êtres de Lumière et d’Amour, sans désirs, sans passions, sans besoins, sans limites. Ils ne raisonnent pas avec les hommes qui existent mais d’après des hommes qui, même sans Largent, ne seront jamais tels qu’ils se les imaginent. Ils nient les hommes eux-mêmes, d’où leur tendance à parler « d’humains » (faute de pouvoir parler ouvertement d’« esprits » ou d'« anges »), terme aseptisé au possible qui a cependant l’avantage de leur conférer une aura humaniste alors que, à bien y réfléchir, il n’y a rien de plus déshumanisant. En fait, ils ne sont pas anticapitalistes ; ils sont contre tout ce qui a une réalité. Ils ne veulent pas l'anéantissement de Largent, donc du capitalisme, de l'individualisme et de l'inégalité ; ils veulent l’éradication de toute chose ; ils voudraient que le monde réel soit irréel, qu’il réponde à leurs fantasmes, qu'il devienne, comme par enchantement, une sorte de Paradis indéfinissable. Tout ceci explique pourquoi ils sont réticents à aborder les questions concrètes — qui pour eux n’ont pas lieu d’être et pour lesquelles ils n’ont, de toute façon, aucune réponse sérieuse (au pire, l’Humanité y répondra en temps et en heure) — et aussi pourquoi, quand ils sont contraints de répondre quelque chose pour sauver la face, ils prônent le mondialisme et le collectivisme, donc le collectivisme mondial (tout ne fait qu’un), ce qui n’est jamais qu’une réponse de Normand. Car ils se gardent bien de rentrer dans les détails pratiques d’une idée aussi foireuse ; ils sont évasifs et surréalistes ici comme partout. Bref, tout cela ou RIEN, c’est du pareil au même. CQFD
10:45 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |