DE LA FIN DE L’ARGENT LIQUIDE À LA FIN DE LARGENT TOUT COURT (jeudi, 14 mai 2020)

Annonce.jpg

Pour voir la vidéo, cliquez ICI

Dans cette vidéo, nous allons traiter la question de la disparition de l’argent liquide. Mais nous n’allons pas nous précipiter sur le morceau. Nous allons prendre de la hauteur pour saisir le problème dans son ensemble.

Avant de se demander si la disparition de l’argent liquide sera une bonne ou une mauvaise chose, il me semble qu’il faut se demander ce qu’est l’argent tout court et si c’est une bonne ou mauvaise chose. Mais une bonne ou une mauvaise chose par rapport à quoi ? Je dis que, en tant que paramètre social, l’argent doit être comparé par rapport à ce que devrait être une Société. Pour savoir si l’argent remplit ou non son office, s’il le remplit bien ou mal, il faut sortir de sa logique à lui, sans quoi on le comparerait à lui-même, ce qui ne serait en rien une comparaison. On ne peut pas critiquer sérieusement l’argent si on adopte d’emblée ses propres critères ou si on ne lui oppose que de vagues intuitions pétries inconsciemment de préjugés monétaires. Je dis donc qu’avant de s’intéresser à l’argent, sous quelque forme que ce soit, il faut savoir ce qu’est une Société dans l’absolu.

Les Sociétés sont constituées d’être vivants qui, pour accroître leurs chances de survie, unissent librement leurs forces… librement, sans quoi la Société, loin d’être un havre de paix, serait elle-même un danger. La Société naît donc de l’instinct de conservation et a pour raison d’être d’assurer, autant qu’il est en elle, la sécurité de ses membres. Autrement dit, les Citoyens ont le devoir de se protéger mutuellement pour garantir à chacun la sécurité en tant que droit. Au fondement de la Société, que j’appelle « Cité », il y a donc le Principe d’Égalité des Citoyens en devoirs et en droits. Tous les besoins individuels et collectifs que la Cité a pour mission de satisfaire, ou se charge de satisfaire, font de la satisfaction de ces besoins un droit du Citoyen, et des actions qui contribuent à les satisfaire un devoir du Citoyen, un devoir envers ses Concitoyens et la Cité. Il ne faut pas perdre de vue qu’un Citoyen n’a que les droits que la Cité lui reconnaît et que ses Concitoyens lui garantissent par les devoirs qu’ils remplissent envers lui. Un Citoyen ne génère directement pas ses propres droits, mais il jouit des mêmes droits que ceux qu’il reconnaît et garantit à ses Concitoyens en remplissant envers eux les mêmes devoirs que ces derniers ont envers lui. Au final, c’est en s’acquittant d’un faisceau de devoirs qu’un individu devient et demeure Citoyen, et c’est la Citoyenneté qui, une fois reconnue, lui confère les droits du Citoyen.

Nous avons parlé de la Sécurité, mais, si celle-ci est le premier besoin, ce n’est évidemment pas le seul, et, d’ailleurs, les besoins s’étendent à mesure que les capacités individuelles et collectives s’accroissent. Ainsi, au-delà du devoir passif de ne pas agresser ses Concitoyens, et du devoir actif de les protéger, les Citoyens, pour faire face à l’ensemble des besoins de la Cité, doivent s’acquitter d’une multitude de tâches qui relèvent d’un devoir que l’on pourrait résumer par cette formule : « participer à la vie de la Cité, selon ce que celle-ci considère comme une participation ». En retour de ce devoir, tous les Citoyens ont également le droit de profiter des bienfaits de leur Cité. Or une partie de ces bienfaits consiste en biens et produits destinés à un usage personnel, dont les Citoyens ne peuvent donc profiter individuellement que s’ils ont sur eux le droit de propriété. Ce droit ne peut leur être conféré que par la Cité. Toute la question est de savoir comment ces biens ou produits peuvent être répartis entre les Citoyens.

Il y a deux cas, deux situations : soit ces biens et produits, désirés par tous, ne sont disponibles qu’en faible quantité, auquel cas la Cité doit organiser leur partage et en attribuer une part relativement égale à chaque Citoyen ou établir une sorte de rationnement ; soit ces biens et produits existent en grande quantité, auquel cas la Cité n’a pas besoin de se mêler de la répartition et peut autoriser tous les Citoyens à y accéder librement, l’égalité portant alors, non sur les parts, mais, plus logiquement, sur le droit. Dans ce second cas, le partage pourrait être égal en théorie, puisque tous les Citoyens ont le même droit, la même force pour ainsi dire, mais la part de chacun est en réalité différente, puisque tous n’ont pas les mêmes goûts ni les mêmes envies et usent de leur droit chacun à leur manière. Ces différences en propriétés résultent alors de la Liberté, tandis qu’une égalité en la matière révèlerait une tyrannie.

À l’heure de la production industrielle, et des biens et produits courants en abondance, partage et rationnement n’ont aucune raison d’être (sauf cas particuliers). Le mode de répartition qui doit prévaloir est le libre accès. Chaque Citoyen doit avoir le droit d’accéder librement au marché du fait même qu’il soit Citoyen. En d’autres termes, à l’heure de la production industrielle, le droit d’accéder au marché, et d’y accéder librement, doit être conféré par la Citoyenneté. Tel est, de nos jours, le mode d’échange conforme aux Principes de l’Ordre social. Tel n’est pas du tout le mode d’échange actuel.

Aujourd’hui, et depuis des lustres, l’accès au marché est conféré par la monnaie. C’est la monnaie qui incarne ce droit et tous ceux qui passent par lui. C’est, en effet, par l’accès au marché, donc via la monnaie, que les individus jouissent du droit de manger, de se loger, de s’habiller, de se chauffer, de circuler, etc. Quasiment tous les droits passent par la monnaie. Je rappelle qu’un droit ne consiste pas à user de ses facultés naturelles mais à profiter des bienfaits de la Cité en retour de son propre dévouement. Par ailleurs, la monnaie est une unité de valeur qui sert payer les hommes et à établir ainsi la soi-disant valeur des choses. Les hommes sont donc payés différemment. Leur droit d’accéder au marché est non seulement limité, mais encore inégal. En outre, on ne peut jouir des droits incarnés par la monnaie qu’en se dépouillant d’elle, c’est-à-dire en payant, de sorte qu’un même individu a de moins en moins de droits et est inégal par rapport à lui-même dans le temps. Inversement, il appartient à chacun de se procurer, aux dépens d’autrui, et par quelque moyen que ce soit, cet élément vital, ce qui insuffle l’individualisme et suscite la guerre de chacun contre tous. Enfin, la monnaie circule ; elle passe de main en main et ne peut pas se répartir également, de par le jeu des valeurs. Comme, en plus, elle incarne les droits, c’est-à-dire du pouvoir, les hommes entre les mains desquels elle se concentre ont plus de pouvoir que les autres, du pouvoir pour s’allouer tous les services, graisser toutes les pattes, imposer leurs prix et capter toujours plus de monnaie. Le système monétaire, par quelque bout qu’on le prenne, est inégalitaire et tend vers toujours plus d’inégalité. S’il a sa logique, ce n’est en rien celle de la Société. Il bafoue tous les Principes de l’Ordre social.

Les hommes ne recourent pas à la monnaie par hasard. Ils croient que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger. Cette croyance est ce que le Civisme appelle « Largent », qui s’écrit « L » majuscule, « argent » tout attaché. Je n’entrerai pas ici dans le débat de savoir d’où vient cette croyance. Le fait est qu’elle met en œuvre la logique du troc, dont elle est, à mon sens, le produit, fut-il pratiqué initialement entre communautés. Je m’explique.

Le troc est un mode d’échange dans lequel les individus s’échangent entre eux un ou des biens dont ils sont propriétaires, et mettent de ce fait ces biens en équivalence. Si on pense à un bien contre un bien, on ne comprend pas. Mais imaginez quelqu’un qui échange une chose contre trois quelque chose. La première chose vaut trois quelque chose ; ce quelque chose est l’unité qui sert à mesurer ou plutôt à établir la valeur de la première chose. Ainsi, les notions de valeur et d’unité de valeur sont présentent dans le troc direct, pour ne pas dire qu’elles en naissent. Le troc indirect, via des biens utilisés potentiellement ou exclusivement en tant qu’unités de valeur, c’est-à-dire de monnaie d’échange, n’est qu’une évolution. Les monnaies, telles que nous les connaissons, rendent plus pratique cette forme d’échange, mais aggravent encore son caractère asocial et antisocial. Car, sous prétexte d’être pratiques pour échanger, elles sont aussi plus pratiques pour voler, escroquer, spolier, spéculer, exploiter, opprimer, persécuter, etc. Quoi qu’il en soit, on recourt à une monnaie, à une unité de valeur, parce qu’on croit que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger ; et cette croyance condamne à échanger sur le mode du troc (monétaire ou non) et à ne pas concevoir d’autre mode d’échange que lui, c’est-à-dire un échange de propriétés entre individus. Cette croyance porte donc en elle le troc, la monnaie, le système monétaire, tout ce qui en découle, tout ce que nous avons sous les yeux. Tant que cette croyance perdure, le système reste entier ou est appelé à ressusciter.

Deux petites remarques.

Premièrement, nous avons vu que l’échange monétaire est individualiste. Pourtant le fait même que les individus soient obligés d’échanger montrent qu’ils sont dépendants les uns des autres et complémentaires, comme le sont des Citoyens. Autrement dit, les individus formeraient vraiment Société si la monnaie, qui n’est qu’une fiction, mais dont les conséquences sont bien réelles, n’enveloppait de sa logique antisociale, tel un brouillard, une réalité fondamentalement sociale.

Deuxièmement : Si les individus ne peuvent échanger ou vendre que des propriétés, il faut qu’ils soient propriétaires de ce qu’ils produisent ; il faut qu’ils produisent pour eux. Dans ces conditions, produire n’est pas un devoir envers la Société. C’est une forme de participation à la vie de la Cité mais qui, ici, n’a pas la dimension d’un devoir. Et puisque la monnaie, qu’il appartient à chacun de gagner comme il peut, incarne les droits, la Société est dispensée de ces garantir droits, elle n’a plus à jouer son rôle, elle perd sa raison d’être, elle n’existe plus qu’en apparence.

Une chose que le Civisme, avec son concept de Largent (c’est-à-dire la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger), permet de comprendre, c’est que, bien que Largent soit né du troc et que les premières monnaies aient été matérielles pour faire du troc comme précédemment, c’est-à-dire pour continuer à échanger des objets, en réalité il n’a jamais été indispensable que les unités de valeur soient matérielles ou matérialisées. Dès lors que les hommes croient que la notion abstraite et absurde de valeur marchande est nécessaire pour échanger, les unités de valeur peuvent être tout autant abstraites et absurdes que cette croyance. Le système ne repose pas sur la matérialité de la monnaie, mais sur la croyance des hommes. L’unité de valeur est un concept qui peut exister en n’étant rien de plus, en n’ayant aucune matérialité. Il est même dans la logique des choses que les monnaies matérielles, qui n’ont donc jamais été qu’un support et un prétexte à la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger, tendent à devenir toujours plus immatérielles jusqu’à n’avoir plus aucune matérialité et finissent pas se confondre avec la croyance elle même, c’est-à-dire que les unités de valeur n’existent plus que par la croyance en la nécessité de leur existence.

Ce qui nous amène enfin à notre sujet : la disparition de l’argent liquide.

Comme nous venons de le voir, le processus de dématérialisation de la monnaie est inéluctable et entamé depuis longtemps. L’informatique l’a accéléré et va permettre de le mener à son terme. Un autre processus, inhérent au caractère inégalitaire de la monnaie, est à l’œuvre : celui de sa concentration entre quelques mains, processus au bout duquel il y a, en théorie, sa concentration entre les mains d’une seule personne. En pratique, une seule personne ne peut pas détenir tout l’argent. En revanche, quelques personnes peuvent, en effet, concentrer entre leurs mains tout le pouvoir que Largent confère, un pouvoir qui surpasserait celui des États, un pouvoir sans limite qui s’étendrait sur le monde entier, un pouvoir qui supposerait l’abattement des frontières, l’asservissement des peuples et l’anéantissement des récalcitrants. Alors serait réalisé sur la Terre le « Royaume Universel de Largent » que d’aucuns nomment « Nouvel Ordre Mondial » et auquel certains essayent de trouver d’autres explications que la seule force des choses insufflée par Largent, pour ne pas avoir à remettre eux-mêmes Largent en cause.

La disparition de l’argent liquide, autrement dit la généralisation de la monnaie virtuelle, participe de ce second processus. Si elle relève assurément de la volonté des puissants de ce monde et des puissances d’argent de tout contrôler, elle est aussi une phase de plus, quoique la phase ultime, de la quête ordinaire d’une monnaie toujours plus pratique, et elle est aussi une fatalité de l’évolution technologique. Tout concourt à ce que rien n’empêche ce processus d’aller au bout, y compris la volonté de le stopper. (Je m’expliquerai plus loin sur ce point.) Dans l’état actuel des choses, nous sommes déjà asservis par l’État qui sait tout de nous, qui a sur nous tout pouvoir et dont la monnaie constitue la principale trique (via les impôts, les taxes, les amendes, etc.), bien avant la police et les tribunaux. Mais nous sommes tenus de bien d’autres manières, via l’argent. N’oublions pas que nos droits passent par la monnaie. Celui qui a le pouvoir de vous donner de l’argent ou de vous obliger à payer, est maître de vos droits, maître de vos vies. Cela a toujours été le cas et l’est plus encore depuis que nous ne produisons plus rien seuls et sommes totalement interdépendants les uns des autres, autrement dit depuis que nous avons tous un besoin absolu d’argent pour accéder au marché. Ce besoin d’argent nous place dans la dépendance de ceux qui peuvent nous en donner ou nous en prendre : État, patrons, banques, propriétaires, assurances, etc. Que la monnaie soit matérielle ou virtuelle ne change déjà rien pour la plupart des gens. La disparition de l’argent liquide ne nuira qu’à ceux qui perçoivent ou manipulent de l’argent discrètement voire illégalement : travailleurs au noir, clandestins, employeurs, commerçants, commerciaux, mendiants, voleurs, dealers, truands, trafiquants, mafias, services secrets. Certains n’ont pas lieu de se plaindre. On comprend, en revanche, le désir légitime de certains autres d’échapper, grâce à l’argent liquide, à la surveillance étroite et à la pression étouffante, pour ne pas dire au racket permanent, d’un État inique et despotique. Une certaine liberté va en effet disparaître en même temps que certains abus. Sous ce rapport, les avantages compensent les inconvénients. Il est vrai, cependant, qu’aucune liberté nouvelle ne naîtra pour balancer celles qui seront perdues, tandis que les valets de Largent, et l’État particulièrement, tiendont, plus que jamais, nos vies entre leurs mains et ne manqueront pas d’abuser, à nos dépens, de cette suprématie renforcée.

Mais si cette évolution fait le jeu du capitalisme et de Largent à court terme, elle est aussi la dernière étape avant leur mort. Protester est non seulement vain mais encore contre-révolutionnaire à double titre.

Tout d’abord, ceux qui déplorent la disparition de l’argent liquide n’ont pas les moyens d’empêcher qu’il disparaisse. Les grands intérêts capitalistes et la marche du progrès rendent sa disparition inéluctable. Qu’ils s’inquiètent pour eux-mêmes ou au nom de la Liberté, ils n’y changeront rien.

Ensuite, Largent est-il une si bonne chose qu’il faille le défendre sous prétexte de s’opposer à la disparition d’une illusion ? Car, que veulent, au final, ceux qui s’opposent vainement à la disparition de l’argent liquide, sinon la perpétuation du système monétaire lui-même, donc du capitalisme, donc de Largent, donc de tout ce qui en découle ? Et ces gens-là auraient la prétention d’être des anticapitalistes et des révolutionnaires, alors même que leurs considérations les plus élevées sont au ras des pâquerettes ?

Enfin, et c’est ici que la connaissance du Civisme est indispensable pour voir les tenants et les aboutissants de tout ceci, la disparition de l’argent liquide a pour corollaire la généralisation de la monnaie virtuelle et sa manipulation par l’usage exclusif de cartes de crédit. Or, d’après les Principes que nous avons posés plus haut, un Citoyen doit avoir le droit d’accéder librement au marché parce qu’il est Citoyen ; ce droit doit lui être conféré par la Citoyenneté. Mais comment un Citoyen peut-il prouver sa Citoyenneté aux commerçants ? Beaucoup de moyens peuvent être imaginés, mais une carte à puce en est assurément un bon. Le Civisme envisage ainsi de doter les Citoyens de Cartes dites civiques. Entendons bien que ces cartes ne serviraient pas à manipuler de la monnaie (il n’y en aurait plus), mais seulement à accéder à l’information au sujet de la Citoyenneté. Ce système utiliserait exactement le même genre d’infrastructure que celui des cartes de crédits. Passer de l’un à l’autre ne serait qu’un jeu d’écriture informatique. Et c’est le capitalisme qui, croyant servir ses intérêts, met en place tout ce qu’il faut pour tourner la page de Largent ! Dès lors, n’est-il pas contre-révolutionnaire de vouloir l’empêcher de commettre cette erreur fatale pour lui, sans aucun profit pour nous ? Il n’y a qu’en n’ayant aucune notion des Principes de l’Ordre social et aucun projet conforme à ces Principes, en naviguant à courte vue, que l’on peut commettre soi-même un tel faux pas.

Heureusement, rien ni personne ne peut entraver le cours des choses. L’argent liquide va disparaître et Largent tout court va toucher au faîte de sa puissance… d’où il ne pourra que tomber. Il n’y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéienne…

Ceci étant, Largent ne tombera pas tout seul, il faudra l’y aider, et on ne peut pas le faire tomber n’importe comment. Là encore, la conception qu’en a le Civisme est décisive. Sans elle, Largent est vaguement appréhendé à travers la monnaie, de sorte que l’illusion ordinaire est de croire qu’il suffit d’abolir la monnaie pour anéantir Largent, piège dans lequel il sera d’autant plus facile de tomber que la monnaie n’aura aucune réalité matérielle et qu’elle sera techniquement facile à balayer. Ce réflexe, qui est celui de tous les gens qui clament « À bas l’agent ! », consiste à s’en prendre à la monnaie, qui est extérieure aux hommes, et à négliger Largent qui, en tant que croyance, est en chacun de nous. C’est une solution de facilité qui, si tant est qu’il soit possible de la mettre en œuvre, ne résout rien à la longue. En fait, une croyance ne peut être anéantie que par l’adhésion à une autre, adhésion qui sera d’autant plus forte qu’elle sera inconsciente. Ainsi, de la même manière que Largent nous est inculqué par la pratique de l’échange monétaire, seul l’échange pratiqué sur un nouveau mode pourra inculquer aux hommes, sans qu’il soit besoin de leur faire la leçon, les préceptes de ce nouveau système. Et les hommes seront d’autant plus enclins à adopter ce nouveau système, fut-il fondamentalement différent, qu’il ne changera fondamentalement rien en apparence. C’est là toute la force du Civisme. Les Cartes civiques s’utiliseront comme des cartes de crédits, mais elles inculqueront la logique de l’Égalité et les Principes de la Cité qui supplanteront, dans les esprits, Largent et l’individualisme. Continuité sur le plan pratique ; révolution sur le plan moral. Aucune autre théorie ne présente de tels avantages ni une telle cohérence. Au vrai, les autres se résument à éradiquer la monnaie et s’en remettent, pour le reste, qui au Saint-Esprit, qui au génie du prolétariat, qui à la bonté des hommes, dogmes d’une incommensurable niaiserie qui les dispensent surtout d’approfondir leurs sujets : Largent d’un côté, la Société de l’autre.

09:57 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |