ACCUSATION DE L'ARGENT : un de plus (jeudi, 01 décembre 2011)
Chaque jour de crise financière qui passe voit se confirmer ce que j'écrivais en 2000, dans le Réquisitoire contre Largent :
« Largent, la croyance que la notion de valeur est nécessaire pour échanger, naquit de la nécessité de troquer. Une fois Largent ancré dans les esprits, c’est son support seul qui évolua, qui évolue encore. Avec les unités monétaires virtuelles, cette longue évolution touche à sa fin, fin qui précipitera celle de Largent lui-même. Car la monnaie n’aura bientôt plus de consistance ; Largent, plus de corps ; l’âme, plus d’enveloppe. Un souffle pourra emporter le tout comme le vent disperse la fumée ! Or n’en doutons pas, tôt ou tard, une nouvelle tempête se lèvera. » (p. 136)
« Ainsi, quoique la monnaie perpétue la conception individualiste des échanges et que le système monétaire soit en théorie un système d’échange individualiste, les individus, en pratique, n’échangent plus ni directement ni indirectement entre eux et la notion de valeur marchande n’a plus de raison d’être. Autrement dit, la façon dont les hommes échangent aujourd’hui ne correspond plus à leur conception de l’échange. La réalité a évolué plus vite que les mentalités, et Largent, fondement de l’échange individualiste, est devenu un anachronisme.
» Les hommes ne s’en sont pas rendus compte, mais une conception révolutionnaire de l’échange s’est développée sous Largent et malgré lui. Il ne s’agit plus d’échanges entre individus, mais d’échanges entre l’individu et la « Société ». Il ne s’agit plus d’échanger des objets contre d’autres, mais de remplir des devoirs envers la « Société », via les entreprises, afin d’obtenir des droits dans cette « Société ». Il y a donc une nette évolution dans le bon sens, vers la dimension sociale que l’échange n’aurait jamais du perdre. Certes, Largent et ses mécanismes ne permettent pas d’aller plus loin, c’est-à-dire de lier l’accès au marché à la Citoyenneté elle-même. Mais l’évolution ne s’arrêtera pas, alors que Largent, lui, arrive au terme de la sienne. La prochaine étape sera donc inévitablement l’anéantissement de Largent et la disparition de la notion de valeur marchande. » (p. 69)
Après l'article d'Anlsem Jappe, "L'argent est-il devenu obsolète ?", paru dans le Monde le 1er novembre, c'est au tour d'Alain de Benoist de resserrer l'étau sur Largent dans son livre Au bord du gouffre. La faillite annoncée du système de l’argent :
La faillite annoncée du système de l’argent. Le 11 septembre 2001, à New York, les tours du Centre mondial du commerce (WTC) s’enflamment. Un symbole ! Sept ans plus tard, une crise financière profonde se déclenche aux Etats-Unis, puis s’étend rapidement au reste du monde. Elle trouve son origine immédiate dans une surchauffe de l’endettement privé. Pour sauver les banques et les compagnies d’assurances, les Etats empruntent à leur tour. En 2011, la crise de la dette privée s’est muée en crise de la dette publique. Les marchés financiers attaquent les Etats les plus faibles. La Grèce est la première touchée, suivie par le Portugal et l’Espagne, en attendant l’Italie et la France. Aujourd’hui, tout le monde pilote à vue. Le système financier international vacille sur ses bases, l’euro semble au bord de l’implosion. La dette ne cesse d’augmenter, doublée de déficits d’une ampleur encore jamais vue. Les estimations contradictoires des experts s’ajoutent à l’impuissance des politiques. Est-ce la fin annoncée du système de l’argent ?
Ce livre retrace les étapes de la crise financière mondiale actuelle, et s’efforce d’en identifier les causes. Mais il va bien au-delà. Il fait le point sur la situation économique qui prévaut de nos jours et sur les problèmes sociaux qui l’accompagnent. La crise actuelle n’est pas une simple crise conjoncturelle, mais une critique structurelle, systémique. Elle est la conséquence de la logique du capital, qui ne connaît qu’un mot d’ordre : toujours plus ! Toujours plus de profits, plus de marchandises, plus d’échanges, fût-ce au prix de mesures d’austérité qui frappent les plus faibles. Un tel système ne peut durer éternellement. Voici pourquoi.
Au bord du gouffre. La faillite annoncée du système de l’argent d’Alain de Benoist. Editions Krisis 2011. 19 euros.
Commande auprès des éditions Krisis, 5 rue Carrière-Mainguet, F-75011 Paris
Source : Front Alternationaliste
A la vérité, la façon d'exposer le fond du problème indique, une fois de plus, que le véritable problème échappe à l'auteur. Je n'ai pas encore lu son livre, mais ma tête à couper qu'il se livre à une sorte d'analyse marxiste de la monnaie et non à une critique, à la lumière des Principes de l'ordre social, de ce que j'appelle Largent. Il ne faut donc pas s'attendre à une révolution. Cet ouvrage va dans le bon sens, il prouve que les choses bougent, mais il faut aller beaucoup plus loin.
Philippe Landeux
01:57 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Cet ouvrage va "dans le bon sens" mais pourtant vous dites ne pas l'avoir lu.
Vous affirmez que l'auteur se livre (vous n'utilisez même pas le conditionnel) à une sorte (sic) d'analyse marxiste mais pourtant cet ouvrage "va dans le bon sens" et bien que vous ne l'ayez pas lu...
Comprenne qui pourra.
Écrit par : Pierre | jeudi, 01 décembre 2011
Il y a des signes, des mots, des tournures qui ne trompent pas. Cela fait maintenant 14 ans que je dénonce Largent et je n'ai encore jamais croisé quelqu'un qui comprenait le problème. Les gens les plus audacieux parlent de la monnaie, du système monétaire. Arrivent ensuite ceux qui parlent des banques et du système financier, qui sont donc encore plus loin que les précédents du fond du problème. Or il suffit de voir les mots qu'ils emploient pour comprendre à quel niveau ils se situent.
Ainsi, quand je lis : "Elle est la conséquence de la logique du capital, qui ne connaît qu’un mot d’ordre : toujours plus ! Toujours plus de profits, plus de marchandises, plus d’échanges, fût-ce au prix de mesures d’austérité qui frappent les plus faibles. Un tel système ne peut durer éternellement. Voici pourquoi.", je vois tout de suite que l'auteur va dénoncer les abus et les dangers du système financier, mais pas la monnaie et encore moins Largent. Cela ne veut pas dire qu'il ne dira pas des choses intéressantes, mais il est d'avance certain qu'il ne va pas au fond du problème et n'apporte, en définitive, aucune solution.
Ainsi, quand Anselm Jappe conclus son article par : "Personne ne peut dire honnêtement qu'il sait comment organiser la vie des dizaines de millions de personnes quand l'argent aura perdu sa fonction. Il serait bien d'admettre au moins le problème." il n'y a rien d'étonnant. Quand on parle de la fonction de l'argent, et non de la nature de Largent, il est évident que l'on parle de la monnaie sans même comprendre ce qu'elle est fondamentalement. Par suite, sa conclusion est prévisible.
Écrit par : Philippe Landeux | jeudi, 01 décembre 2011
Concernant l'article d'Anselm Jappe, le blog "Palim Psao" nous dit la chose suivante : "Cet article d'Anselm Jappe est paru dans le journal « Le Monde » le 31 octobre 2011, de manière extrêmement tronquée à l'insu de son auteur. Des personnes qui ne connaîtraient pas les réflexions d'Anselm Jappe mais plus certainement certains commentateurs de la critique de la valeur qui n'y ont jamais rien compris, pourraient ainsi prendre ce texte pour une critique d'abord de l'argent et de la chrématistique, ce qui démontre encore une fois leur confusion (de très longue date) au sujet de la critique de la valeur qui concerne bien entendu une critique du travail et de la valeur."
Autrement dit, cet article ne permettrait pas de comprendre la pensée de son auteur. C'est fréquent dans la presse. J'ai même récemment vu un sociologue qui était venu commenter lui-même son propre article, en disant "ce n'est pas du tout ce que j'ai voulu dire !". Les journaux retravaillent les articles, et parfois même en ré-écrivent des morceaux, pensant "synthétiser" la pensée de l'auteur, qui ne se reconnaît plus dans ce qu'il est censé avoir écrit.
Écrit par : Seb | mercredi, 11 janvier 2012
Merci Seb pour cette info qui n'a au fond rien d'étonnant pour quelqu'un qui n'a lui-même aucune confiance dans les journalistes. Il n'en reste pas moins que Jappe, dont j'ai vu d'autres articles, de Benoist, Kurtz, sur lequel je suis en train d'écrire, sont encore très loin d'avoir mis le doigt sur l'essentiel.
Écrit par : Philippe Landeux | mercredi, 11 janvier 2012