CONFERENCE du 22 septembre 2011 (vendredi, 23 septembre 2011)

Comme annoncé, j'ai tenu, hier soir, jeudi 22 septembre 2011, au Local, à Paris XV, ma première conférence. Une vidéo devrait être disponible d'ici peu. Je n'ai pas lu le texte ci-dessous (en cours d'achèvement), je me suis simplement appuyé sur son plan. Les choses furent donc moins bien présentées et je me suis rendu compte que j'en avais ommis quelques-unes, parfois importantes. Par ailleurs, faute d'écran, je n'ai pas pu illustrer mes propos par les documents inserrés ici.

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CONFERENCE

LARGENT :
LE TYRAN A ABATTRE

Jeudi 22 septembre 2011

 

« Blythe Masters n’a jamais fait de politique, elle s’est contentée simplement de travailler la source même de l’activité humaine, sa passion, le nerf de la guerre, le fruit des travaux des uns et des autres : l’argent. »

Pierre Jovanovic, Blythe Masters, p. 41

I. AVANT PROPOS

Bonsoir à tous,

Je vous remercie d’être venus assister à cette conférence qui sera la première de ma carrière et qui porte sur un sujet inédit. Je tiens aussi à remercier immédiatement et publiquement Serge Ayoub qui m’a proposé de la faire et m’a offert ainsi ma première tribune. L’Histoire s’en souviendra.

Le sujet de ce soir, « Largent, le tyran à abattre », semble original, extravagant, certains pourraient même dire rébarbatif, alors que, paradoxalement, Largent est au cœur de notre système et qu’il n’y a donc pas de sujet plus capital, c'est le cas de le dire. En fait, il n’y a pas aujourd’hui de plus grand tabou. Même s’il n’est pas bien vu d’aborder certains sujets dans certains milieux, on peut parler de tout… de tout sauf de Largent.

Notre monde tourne autour de lui, son influence sur la marche des choses est incontestable, et pourtant personne ne s’intéresse à lui, à sa nature, comme si le sujet n’avait aucun intérêt. Imaginez que l’on parle de véhicules sans jamais s’intéresser à la question du carburant ! Nous en sommes là concernant Largent. Pourquoi ?

D’abord, parce que tout le monde croit le connaître et que, du coup, personne ne s’interroge et ne sait ce qu’il est réellement. Ensuite, parce que chacun sait d’instinct la place centrale qu’il occupe dans notre système et le rôle funeste qu’il joue, que chacun perçoit sa puissance et pressent l’ampleur des bouleversements que sa chute provoquerait, que chacun a conscience qu’ouvrir le débat suppose ou conduit à une remise en cause, de sorte que tout le monde a peur pour de multiples raisons de s’attaquer à lui et donne le change sur sa lâcheté en prétendant, contre toute évidence, qu’il est insignifiant, que ce n’est qu’un moyen, que le problème est ailleurs, qu’il ne faut pas ouvrir la boite de Pandore, etc. Ainsi Largent est-il validé avant même d’avoir été considéré. Hé bien, je vous le dis, ces temps d’aveuglement et de lâcheté sont révolus : l’heure est à la vérité et à la révolution.

Je vais vous montrez Largent comme vous ne l’avez jamais vu. Je vais vous dire des évidences qui ne sont encore évidentes pour personne.

Je me présente. Je m’appelle Philippe Landeux. Je ne suis pas économiste, quoique j’ai fait un peu d’économie, en faculté — un peu, car je me suis vite aperçu que les études servaient moins à rendre libre qu’à nous transformer moralement et physiquement en rouage du système. De toute façon, malgré les apparences, mon sujet est surtout affaire d’honnêteté, de logique, d’imagination et de courage.

Je suis monté à Paris il y a une quinzaine d’années pour faire du dessin1 3 - Vive la France.jpg de presse, avec l’intention de remettre le patriotisme au goût du jour.Il s’est vite avéré que cela relevait de l’utopie, d’une part parce que le patriotisme n’étouffe pas les journaux ayant pignon sur rue, d’autre part parce que je suis incapable de dessiner sur ordre. J’ai donc abandonné rapidement cette voie. Mais, entre-temps je m’étais mis à lire et, pour je ne sais quelle raison, mon intérêt s’était porté sur la Révolution française et en particulier sur Robespierre. Ce fut le choc de ma vie. Je peux dire que c’est Robespierre qui m’a éveillé à la politique. C’est lui qui m’a amené à réfléchir, tout en me fournissant une méthode, celle qui consiste à poser le principe et à en tirer l’une après l’autre toutes les conséquences. C’est lui qui, indirectement, m’a amené à avoir les idées que je vais développer ce soir. De manière générale, la Révolution et les nombreux débats qui l’ont agité m’ont donné envie de coucher sur le papier mes réflexions sur divers sujets de société, sur des thèmes de philosophie politique, alors que je n’avais jamais écrit de ma vie, le dessin ayant été jusque-là mon moyen d’expression. Au bout de quelques mois mon attention s’est portée naturellement sur la monnaie, dont j’ignorais alors tout. Trois jours après le début de mes réflexions, le 4 décembre 1997, il m’est venu, je ne sais comment, une idée impensable : un principe m’est apparu clairement et j’ai su ipso facto par quoi remplacer la monnaie, comment anéantir ce que je n’appelais pas encore Largent.

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Je n’avais pas de talent pour écrire mais j’avais désormais le devoir de répandre cette idée par tous les moyens en mon pouvoir et quoi qu’il m’en coûte. C’est ainsi que je me retrouve devant vous ce soir.

Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas économiste. Je ne vais donc pas analyser les mécanismes du système monétaire ou de la finance internationale, c’est-à-dire les jongleries et les tripotages. D’autres ne font que ça et le font très bien, je pense notamment à Pierre Jovanovic et François Asselineau. Pour ma part, je m’intéresse à la nature même de la monnaie et à ce que j’appelle « Largent ». Car le système peut être plus ou moins bien géré et prendre différents noms, il reste que tous les systèmes que nous connaissons sont monétaires, que tous utilisent pour ainsi dire les mêmes matériaux, que tous ont des traits communs hideux parce qu’ils sont vicieux et antisociaux à la base, ce que je vais démontrer.

II. INTRODUCTION

Maintenant, cette conférence n’a pas pour objet d’expliquer comment anéantir Largent, comment organiser une société sans monnaie, mais seulement d’expliquer pourquoi Largent doit être anéanti et la monnaie abolie. Le « comment » est dans le « pourquoi ». L’erreur commune est de se précipiter sur le « comment » sans maîtriser le « pourquoi », donc sans savoir les mécanismes qu’il faut briser, les principes qu’il faut reconnaître et les préjugés dont il faut se débarrasser.

En réalité, je pourrais expliquer par le menu comment organiser une Société sans monnaie. La théorie — car ce ne peut être aujourd’hui qu’une théorie — est déjà écrite. C’est l’objet de cet ouvrage : Le Civisme ou la théorie de la Cité. On peut lire ce livre d’emblée, le comprendre et y adhérer. Mais, bien que j’y rappelle rapidement les raisons pour lesquelles Largent doit être anéanti, le lecteur, à moins de les développer par lui-même, ne dispose pas de suffisamment d’arguments pour soutenir son opinion et répandre ces idées autour de lui. Ces arguments étant exposés en long, en large et en travers dans le Réquisitoire contre Largent ou théorie de l’Egalité, je les laisse de côté pour la plupart. En fait, chacun de ces livres contient tout mais présenté d’une manière différente. Le premier, le Réquisitoire, est théorique, philosophique en quelque sorte, le second, Le Civisme, est accès sur le côté pratique.

Ces deux ouvrages sont disponibles sur Internet, sur TheBookEdition. Il faut, pour les commander, se rendre sur le site de « TheBookEdition » et taper « Landeux » dans « rechercher ». J’indique les liens sur mon blog « Philippe Landeux » dans la rubrique « livres et actualités perso ». On peut aussi les trouver en passant par google en tapant « Philippe Landeux Réquisitoire ». Je précise au passage que TheBookEdition n’est pas un véritable éditeur — il ne participe ni à la promotion ni à la diffusion — et que j’en cherche donc toujours un. Si un éditeur courageux m’entend…

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Pour en revenir à nos moutons, j’ai dis que « Largent doit être anéanti » et non pas « aboli ». Cette nuance est importante. Elle tient à la nature de Largent. Ceux qui parlent « d’abolition de l’argent » désignent la monnaie, ignorent ce qu’est véritablement Largent, ils ignorent même qu’ils l’ignorent, ils se trompent d’ennemi et de tactique et, partant, ne peuvent pas le combattre sérieusement. Or c’est un principe de guerre intemporel : il faut connaître son ennemi comme soi-même pour pouvoir en triompher.


III. LARGENT, LA MONNAIE ET LE MOYEN D’ECHANGE

Il faut distinguer trois notions : celle de monnaie, celle de moyen d’échange et Largent. Ceux qui ne font pas cette distinction, ceux qui en omettent ne serait-ce qu’une seule ne feront jamais de révolution. Ils ne peuvent pas penser Largent, ils n’ont aucun recul par rapport au système, ils sont, pour ainsi dire, coincés dans la matrice capitaliste.

Pour faire simple, disons que :

Vous noterez que cette définition n’indique pas sa nature, sa forme, son origine, la façon de se le procurer, ses modalités d’utilisation, son mode de fonctionnement, etc. Ce n’est pas celle de la monnaie bien que ce soit elle, la monnaie, qui inaugure ce concept. Le piège est évidemment de donner du moyen d’échange la définition de la monnaie et, dès lors, de ne pouvoir en concevoir d’autre qu’elle.

Contrairement à ce qu’imagine instantanément un esprit capitaliste, ces concepts ne sont pas indivisibles. Ils sont effectivement liés dans le système monétaire, mais ils ne sont pas confondus par nature.

Que se passe-t-il si l’on ne fait pas ces distinctions, ce qui est lié au fait que l’on maîtrise mal les concepts de monnaie et de moyen d’échange et pas du tout celui de Largent ?

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La Belle Verte - Une planète sans monnaie où une poignée de va-nu-pieds

résolvent tout par l'opération du Saint Esprit tel le bon sauvage de Rousseau.

On voit donc que l’ignorance de ce qu’est Largent conduit à lier moyen d’échange et monnaie, qu’il s’agisse de conserver le premier ou de supprimer la seconde, et, ce faisant, à perpétuer la nature fondamentale du système en recourant à des solutions qui sont alors contre-nature. Pour être plus clair, le système monétaire s’articule autour de trois concepts : le moyen d’échange, la monnaie et Largent (à la base). Il y a donc, en théorie, trois angles d’attaque possibles. Mais il n’y en a plus que deux si on néglige Largent. Dans ces conditions, il n’y a que deux stratégies envisageables, à défaut d’être judicieuses, pour changer le système : 1) conserver le moyen d’échange moyennant une modification de la monnaie — puisqu’il n’est pas question de renoncer à la notion de valeur, 2) supprimer la monnaie et tout moyen d’échange par la même occasion, puisque conserver un moyen d’échange serait la première stratégie, et adopter un mode d’échange direct basé sur la notion de valeur, puisque la notion de valeur n’a pas été identifiée comme la véritable base du système monétaire. Ces deux stratégies, opposées en apparence, ont donc en commun, outre le fait d’être aussi absurdes et inapplicables l’une que l’autre, de lier le sort du moyen d’échange et de la monnaie et, dans la mesure où aucune n’éradique Largent, de promouvoir des systèmes objectivement ou potentiellement monétaires. Moralité : ne pas s’attaquer à Largent condamne à l’impuissance ou à l’échec ou, comme dirait le poète, à pisser dans un violon.

Telle est la conséquence de la « croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger » qui par définition, empêche d’envisager un mode ou un moyen d’échange ne reposant pas sur la notion de valeur. En revanche, les conclusions que cette étude oblige à tirer sont, d’une part, que le système monétaire doit être attaqué par Largent pour atteindre la monnaie et proscrire tout mode d’échange reposant sur la notion de valeur, et éviter ainsi de commettre l’erreur fatale de la première stratégie, à savoir modifier simplement le fonctionnement de la monnaie ; d’autre part, qu’il ne faut pas rejeter le principe de moyen d’échange, qu’il faut au contraire en adopter un fondé sur une autre logique et capable de l’inculquer, sous peine de tomber dans le piège de la deuxième stratégie, à savoir créer un vide dans lequel Largent serait comme un poisson dans l’eau.


IV. POURQUOI « LARGENT »

Je m’arrête un instant sur ce terme insolite de « Largent ».

On ne peut ni penser ni combattre ce que l’on ne peut nommer, et si une chose n’a pas de nom, c’est qu’on ne la conçoit pas ou, du moins, qu’on la cerne mal. Or il n’existe aujourd’hui aucun mot pour désigner ce que je nomme Largent. Tous ceux qui l’évoquent se rapportent en fait à la monnaie.

Certes, la notion de valeur n’est pas nouvelle, et tout le monde sait que la monnaie en est l’étalon. La nouveauté, c’est de qualifier de « croyance » le postulat selon lequel « la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger ». Ce postulat sous-entend qu’il n’y a pas d’autre mode d’échange possible que le troc et d’autre moyen d’échange que la monnaie. C’est évidemment ce que l’on est enclin à croire quand on n’en connaît pas d’autres alors que, en raison même de ce postulat tacite, on n’en cherche pas d’autre. Au mieux cherche-t-on, pour ainsi dire, au même endroit. Résultat : on tourne en rond et le système triomphe.

De fait, il est aussi impossible de concevoir Largent — c’est-à-dire de qualifier de « croyance » et de considérer comme fausse l’idée que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger — sans connaître une alternative crédible au système monétaire, que de découvrir une alternative crédible au système monétaire sans concevoir Largent. C’est le serpent qui se mord la queue. Ceci explique (en

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Néo comprenant ce qu'est la Matrice une fois que son esprit est

déconnecté et qu'il l'a sous les yeux.

partie) pourquoi même les plus grands penseurs politiques, les plus grands révolutionnaires, ont éludé le problème ou s’y sont cassés les dents. On ne peut sortir de la quadrature du cercle que par hasard, pour ne pas dire par miracle. Et ce hasard s’est produit le 4 décembre 1997. C’est ce jour qu’un déclic s’est produit, que j’ai pensé, sans pouvoir expliquer comment, un moyen d’échange reposant sur une logique à des années lumières de la logique monétaire. Cette clé m’a permis d’échafauder en quelques jours une théorie que j’ai d’abord baptisée « SDT » (Société du Travail) et depuis « Civisme » (janvier 2003).

Cette théorie offre enfin une alternative et permet d’affirmer que la notion de valeur marchande non seulement n’est plus nécessaire pour échanger mais est même un obstacle aux échanges et un fléau dans tous les domaines. Et pourtant, il m’aura encore fallu plusieurs années avant de forger le terme « Largent ». C’est après avoir entrepris d’écrire un réquisitoire contre « l’argent », en février 2000, que me vint l’idée, le mois suivant, de personnifier l’accusé et d’éviter ainsi les périphrases. C’est alors seulement que, malgré l’infinité de choses auxquelles il renvoie, j’ai pu saisir la quintessence de Largent et le définir avec précision.

J’ai déjà donné la définition de Largent, mais j’ai dit que c’était sa définition au « sens strict ». En effet, tout ce qui découle de la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger — et vous n’imaginez pas l’étendue et la profondeur des conséquences matérielles et morales de cette croyance — est une conséquence de Largent. Il est donc possible de donner à Largent un sens large, d’invoquer « Largent » pour toute chose qui se rapporte directement ou indirectement à lui. Cet usage présente plusieurs avantages mais aussi un dangereux inconvénient.

Il n’est pas faux de dire « Largent » au lieu d’énoncer clairement la conséquence précise à laquelle on fait référence. Dans ces conditions, il est possible d’évoquer Largent à tout propos — et c’est d’ailleurs ce que je fais. A force de le citer, de le dénoncer, d’attirer l’attention sur lui, les autres finiront bien par être intrigués, par s’interroger, par admettre qu’il y a en effet un problème avec « l’argent » tel qu’ils le conçoivent. Il est en effet peu probable qu’ils connaissent la définition de Largent, et donc certain qu’une partie du discours contre Largent leur échappera ; mais ils comprendront néanmoins quelque chose qui ne sera pas totalement inexact. C’est tout l’intérêt de ce terme qui semble familier et qui, au sens large, contient bien le sens que la plupart des gens lui prêtent. Mais cet avantage est aussi un inconvénient dans la mesure où ceux qui croient savoir ce qu’est Largent risquent de ne pas se poser de questions et de rester dans l’ignorance, avec pour conséquences de mal maîtriser ce concept de base, d’être incapables de le défendre correctement et, au final, d’être plus nuisibles qu’utiles à la cause malgré leurs bonnes intentions. Ce terme étant aussi trompeur que le concept est nouveau, il ne faut donc pas hésiter à en rappeler la définition, à signaler que Largent (« L » majuscule) n’est pas « l’argent » (avec apostrophe). Ceux qui relèvent et déplorent cette répétition sont d’ailleurs ceux qui font l’erreur contre laquelle il s’agit de les mettre en garde.


V. POURQUOI L’EGALITE ? QU’EST-CE QU’UNE SOCIETE ?


J’ai dit plus haut que l’erreur commune est de se précipiter sur le « comment » sans maîtriser le « pourquoi ».

Largent est un paramètre social, un paramètre central de la « société » (citer la phrase de Pierre Jovanovic). On ne peut donc pas comprendre la nature et l’ensemble des effets antisociaux de Largent sans connaître les principes d’une Société digne de ce nom. Inversement, on ne peut pas comprendre quel mode d’échange il convient d’adopter, c’est-à-dire « comment échanger dans le respect des principes de l’ordre social », si l’on ne sait pas ou si l’on a des idées fausses sur ce que doit être une Société.

Toute Société, quelle soit humaine ou animale, a pour origine et moteur l’instinct de conservation pour la simple raison qu’hors de l’état social, dans ce que les philosophes ont baptisé l’état de Nature, règne la loi du plus fort. Les individus sont livrés à eux-mêmes, ils n’ont aucun droit et, quelle que soit leur force, ils sont perpétuellement en danger, ils doivent sans cesse être aux aguets. La seule façon d’accroître sa sécurité dans un monde régit par les rapports de force est de s’associer, de s’unir, de constituer un groupe avec d’autres congénères qui, tous, tourneront leurs forces respectives contre les ennemis extérieurs et qui, au lieu de se déchirer, se défendront mutuellement. Il s’ensuit que des Citoyens ont le devoir de défendre leur Cité et chacun de leurs Concitoyens. Ce n’est pas le concept de Société qui garantit par lui-même la sécurité en tant que droit. Ce n’est pas non plus le Citoyen qui génère ce droit pour lui-même. La sécurité de chaque Citoyen est le fait de la protection dont l’entourent ses Concitoyens, ce qu’ils ne font qu’envers ceux qui font la même chose envers eux. Or, en ayant le devoir mutuel de se défendre, de se protéger, de se secourir, les Citoyens génèrent et se garantissent mutuellement le même droit : la sécurité. Ceci est vrai pour tous les droits. L’égalité en devoirs implique l’égalité en droits. L’Egalité — c’est-à-dire l’égalité des Citoyens en devoirs et en droits, ni plus ni moins — est le principe fondamental de l’ordre social. Le concept de droit n’a aucun sens que ce soit hors de la Société ou dans l’inégalité.

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Je passe sur les développements qui amènent à cette autre conclusion : un Citoyen a le devoir de participer à la vie de la Cité sous une forme reconnue par la Cité. En retour, il a le droit de profiter de tous les bienfaits de sa Cité. Et ce qui est vrai pour un Citoyen l’est aussi pour tous les Citoyens. Autrement dit, la Citoyenneté s’acquiert en remplissant un ensemble de devoirs (fondamentaux), dont celui de participer à la vie de la Cité, et confère un ensemble de droits (fondamentaux et indirects), dont celui de profiter des bienfaits de la Cité. Ceci implique soit que les Citoyens ont droit à une part égale du produit commun, fruit de la combinaison de leurs efforts, soit qu’ils ont un égal droit d’accéder au marché, ce droit étant donc conféré par la Citoyenneté. Ce sont les conditions de « production » qui déterminent quel est le meilleur voire le seul mode possible de partage ou de redistribution. Problème : Largent exclut l’un et l’autre.

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VI. LARGENT & LE TROC

Largent — la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger — naît du troc.

1) LE TROC : raisons, conséquences

Le troc n’est pas un moyen d’échange, mais un mode d’échange. Il consiste en un échange d’objets entre individus, donc à échanger des objets les uns contre les autres. Ce mode d’échange est le seul praticable pour des hommes qui commencent à fabriquer des objets convoités avec l’intention de les échanger. Alors, le mode de fabrication est artisanal, et les artisans qui ne participent plus aux activités collectives et n’ont donc plus droit à une part du produit commun ne peuvent pas donner leurs produits (ce qui ne satisferaient personne, sauf l’heureux élu), ils doivent les échanger, et ils échangent naturellement avec le plus offrant. Mais ceux qui participent à la vie de la Cité dans le cadre d’activités collectives et qui en retirent une part égale n’ont rien de particulier à échanger et ne peuvent déterminer l’artisan à échanger avec eux. Petit à petit, tous les Citoyens se mettent donc à s’activer pour leur propre compte afin de posséder quelque chose en propre à échanger au besoin. Car le troc implique que les protagonistes de l’échange soient propriétaires de ce qu’ils échangent. On ne peut pas échanger des biens qui ne nous appartiennent pas !

Mais pourquoi la Société reconnaît-elle et garantit-elle aux individus la propriété sur des objets qui n’ont pas été produits pour elle, dans le cadre d’un devoir envers elle, et qui sont échangés sans qu’elle ait son mot à dire ? Elle devrait s’en laver les mains ! Mais c’est précisément parce que les individus eux-mêmes n’ont pas d’autre choix pour échanger que la Cité cautionne une pratique contraire aux principes de l’ordre social, qui la dépouille de sa fonction « économique ». Alors que le troc prouve que les capacités des hommes et de la société se sont étendues, alors que le champ d’application des devoirs et des droits devraient être étendu en proportion, la Cité est paradoxalement réduite à sa fonction « politique », ramenée à sa raison première et au sens primaire : la sécurité. Les individus n’ont plus le devoir de participer à la vie de la Cité, ni les droits qui en découlaient sous sa garantie ; ils n’ont plus du Citoyen que le devoir de défendre la Cité.

Dans ces conditions, il n’est pas difficile de comprendre comment la dichotomie entre le politique et l’économique a permis, avec l’évolution, la marginalisation des femmes et l’institution de l’esclavage. Quand un Citoyen ne peut plus être défini comme un « individu participant à la vie économique et sociale de la Cité », il devient possible de « travailler », d’être utile à la Cité sans être Citoyen, sans même avoir aucun droit. C’est aussi de la réduction du Citoyen à un être politique que viennent la confusion actuelle entre citoyenneté et nationalité et l’insignifiance de ces deux concepts.

Alors que nous n’avons pas encore abordé le cœur du sujet, nous voyons que le troc — l’échange direct entre individus — est un mode d’échange dramatique d’un point de vue social. Avec lui, ce n’est plus « un pour tous, tous pour un » mais « chacun pour soi ». Quoique le cadre restreint dans lequel il se pratique limite les dégâts, il n’en détruit pas moins la Société du point de vue des Principes, les choses ne pouvant aller qu’en s’aggravant. Mais c’est précisément parce qu’il semble inoffensif en plus d’être incontournable pendant très longtemps que le troc est perçu comme un mode d’échange naturel, juste, équitable, presque vertueux, et que les réflexes qu’il induit deviennent des préjugés incurables.

2) LARGENT : origine, conséquences

Lorsque les individus échangent entre eux, lorsque, ce faisant, ils mettent des objets en équivalence (j’insiste sur le mot « objets »), ils finissent par concevoir la notion de valeur marchande, la valeur d’un objet étant déterminée par une quantité d’autres objets. Ce mode d’échange est le troc, et nous avons vu que les hommes qui commencent à produire y recourent naturellement, sans réfléchir, sans philosopher, sans entrevoir ses conséquences. On peut donc dire que le troc s’impose à eux. Or c’est la pratique du troc qui leur inculque à son tour la notion de valeur marchande, la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger, en un mot Largent.

Les hommes n’ont pas inventé Largent ; il s’est lui aussi imposé à eux. Ils ne peuvent pas concevoir Largent avant de troquer : c’est parce qu’ils troquent qu’ils finissent par comprendre et par admettre que leur mode d’échange repose sur la notion de valeur (marchande) et que cette notion indissociable du seul mode d’échange qu’ils peuvent alors pratiquer et concevoir leur apparaît nécessaire. Plus exactement, ils raisonnent ainsi sans même en avoir conscience, ce qui est d’autant plus pervers et redoutable. Dans leur esprit, la notion de valeur marchande n’est pas seulement « nécessaire » : elle est naturelle, évidente, incontestable. Ils sont donc à la fois incapables d’envisager la possibilité de la remettre en cause, ce qui serait démentiel et sacrilège à leurs yeux, et d’imaginer un autre mode d’échange. Ils sont mentalement prisonniers de Largent. Ceci est encore vrai aujourd’hui. Autrement dit, les hommes du XXIe siècle sont toujours prisonniers de concepts hérités de la nuit des temps (il y a quelques dizaines de milliers d’années) ; ils les perpétuent machinalement ; ils se laissent entraîner par un mode d’échange qui n’a jamais été pensé. Il n’en faut pourtant pas beaucoup pour s’apercevoir que Largent est funeste et antisocial. (Combien d’expressions populaires l’attestent sans que personne n’en tire les conséquences ?)

Pour faire ce constat, nul n’est besoin d’étudier le monde de Largent d’un point de vue pratique : une simple analyse dialectique suffit.

 Il n’y a pas de notion de valeur sans différence de valeurs. Par suite, tout système, tout mode d’échange fondé sur la notion de valeur marchande suppose une différence de valeur entre les choses, entre les produits, entre les producteurs, donc entre les « citoyens ». En clair, elle implique des différences de prix, des différences de salaires et, à terme, l’inégalité en droits. Un système régi par la notion de valeur marchande est donc inégalitaire par nature, quoi que pensent les hommes et quoi qu’ils fassent. Largent est synonyme d’inégalité. Or, quand on sait que l’Egalité est le principe fondamental de l’ordre social, il est inutile de se demander plus longtemps pourquoi aucune Société — du moins ce qui en tient lieu — ne connaît l’harmonie sous le règne de Largent.

Par ailleurs, il saute aux yeux que Largent qui est au cœur de nos « Sociétés » n’a aucune dimension sociale. La croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger résulte d’un mode d’échange ; elle induit une conception de l’échange ; elle est concentrée sur les objets, leur soi-disant valeur et le moyen de la mesurer, non sur les citoyens, leurs droits et le moyen de les garantir ; aucune considération sociale n’entre en ligne de compte. Elle a bien sûr des conséquences sociales, mais cela n’en fait pas une conception sociale. En outre, la notion de valeur résulte d’un mode d’échange individualiste, réduit les Citoyens, en tant que protagonistes des échanges, à de simples individus et développe ainsi l’individualisme au point que nous parlons aujourd’hui, sans être choqués par la contradiction, de « sociétés individualistes ». Des individus ayant pour devise « chacun sa gueule » sont-ils vraiment Citoyens ? constituent-ils vraiment une Cité ?

Enfin, peut-être faudrait-il s’interroger aussi sur la valeur tant vantée de la notion de valeur marchande elle-même ! Que représente-t-elle en effet du point de vue des objets et de celui des hommes ?

La valeur marchande d’un objet est supposée correspondre à la valeur de l’objet lui-même. Or elle varie selon la rareté de l’objet, selon la puissance et la cupidité du propriétaire, selon les besoins du demandeur, selon l’époque, selon le lieu, etc., bref selon des considérations essentiellement extérieures à l’objet. Elle n’a donc aucun sens et n’est donc pas nécessaire du point de vue des objets. Il est possible et même probable que, dans les premiers temps du troc, les protagonistes des échanges aient pris en considération le temps et la difficulté de fabriquer, de se procurer, de déplacer les objets afin d’établir entre eux une équivalence globale. Comme ils se connaissaient et avaient encore le sens de la communauté, ils mêlaient sans doute à ces considérations matérielles des considérations humaines. On voit donc que, dès le départ, la valeur marchande des objets n’avait guère de rapport avec leur valeur intrinsèque — car ils n’en ont aucune en réalité, la seule valeur, la vraie valeur d’un objet étant celle que chaque individu lui accorde selon ses critères personnels —, que c’est donc en soi une notion artificielle et arbitraire. Encore était-ce là la situation idéale. Mais il aura sans doute fallu peu de temps pour que l’intérêt personnel prenne le pas sur toute autre considération, pour que chaque protagoniste des échanges exagère la valeur des objets qu’il était prêt à céder et dénigre celle de ceux qu’ils convoitaient, pour que la valeur marchande des objets soit finalement dictée par le plus puissant ou le moins pressé et devienne plus artificielle et plus arbitraire qu’elle ne l’est déjà par nature.

Remarquons bien que nous n’avons étudié ici que les conséquences directes de Largent, indépendamment du mode de mesure et du système d’unité que la notion de valeur implique. A ces conséquences directes de Largent au sens strict s’ajoutent donc celles du troc que nous avons vues plus haut et celles de la monnaie qu’il nous reste à voir.

VII. LA MONNAIE

Tout ce que je vais dire maintenant se rapporte à Largent au sens large et découle de Largent au sens strict.

1) Origine

Une monnaie, au sens large, est un moyen d’échange. Son principe vient du troc. En effet, bien que le troc soit un échange direct entre individus, deux individus doivent parfois passer par un tiers pour parvenir à un échange satisfaisant les trois parties. Autrement dit, l’un d’eux doit échanger n’importe quoi avec un troisième pour obtenir de lui un bien qui intéresse le deuxième et qu’il pourra échanger avec ce dernier contre l’objet qu’il détient. Le bien ayant servi d’intermédiaire, que le premier n’a acquis que pour l’échanger aussitôt et n’est pas désiré pour lui-même, a servi de moyen d’échange. L’échange triangulaire ou indirect peut aussi être réalisé de manière involontaire : un individu acquiert par échange un objet, puis, après un certain temps, il s’en lasse ou désire acquérir autre chose et l’échange à son tour. Il est d’ailleurs probable que l’idée de pratiquer l’échange indirect et de recourir à des moyens d’échange ait été inspirée par ce genre d’expérience.

Sous le troc tout (excepté les services) est potentiellement un moyen d’échange : il n’y a donc pas de moyen d’échange, c’est-à-dire d’objet ayant exclusivement cette fonction. Pour autant, la pratique de l’échange indirect existe et c’est elle qui, avec l’évolution, entraîne la sélection d’objets de référence de plus en plus pratique du point de vue des échanges (monnaies primitives) puis la création de moyens d’échange standards sur le plan de la forme, de la taille, des matériaux, du poids, etc. (monnaies modernes).

Les premiers moyens d’échange, les monnaies primitives, furent des objets ayant, pour une raison ou une autre, une grande valeur aux yeux des intéressés. Ils pouvaient être désirés aussi bien pour eux-mêmes, pour être utilisés en tant qu’objets, que pour leur capacité à représenter de la valeur et à servir au besoin de moyen d’échange. Servirent de monnaies primitives des animaux (bœufs, vaches, chevaux, moutons, etc.), des objets fabriqués (armes, bijoux, etc.) ou des objets naturels (pierres, coquillages, etc.). Plusieurs monnaies primitives coexistaient. Inutile de dire que la possession en grande quantité de ces biens était déjà un symbole de richesse, de pouvoir, de réussite, de vertu et que, par conséquent, les hommes étaient prêts à toutes les bassesses pour s’en procurer le plus possible. Déjà la monnaie — le fait d’en avoir ou d’en manquer — inspirait tous les vices : l’envie, l’orgueil, le mépris, l’avarice, la servilité, etc.
 
Par la suite, avec la spécialisation toujours plus poussée des producteurs et l’accroissement de leur complémentarité, la fréquence des échanges augmenta et le besoin de monnaies de plus en plus pratiques se fit sentir. J’insiste sur le fait que c’est uniquement par rapport aux échanges, en tant qu’étalons de la valeur, que les monnaies devinrent pratiques, non d’un point de vue social. Pour qu’elles remplissent toujours mieux leur office, les hommes adoptèrent des standards visant à garantir la valeur de l’unité monétaire. Ils abandonnèrent progressivement les biens périssables, imposants, irréguliers ; ils donnèrent à leurs monnaies une forme (d’abord inspirée par celle de leurs monnaies primitives), donc un poids, de plus en plus uniforme ; ils réduisirent la taille, donc la valeur, de l’unité monétaire pour permettre les petites transactions comme les plus importantes ; ils comprirent assez rapidement que le métal (or, argent, cuivre) répondait le mieux à ces critères et à leur souci de rendre leur monnaie aussi infalsifiable que possible ; ils punirent de la peine capitale les contrefacteurs. Plus tard, la technique permis d’imaginer le papier monnaie dont la valeur fut gagée sur des réserves métalliques et garantie par la puissance de l’Etat. Aujourd’hui, la valeur des unités monétaires virtuelles repose presque exclusivement sur la puissance de l’Etat et la soumission générale.

Remarquons bien que les hommes ont inventé des monnaies, mais pas le principe du moyen d’échange qu’ils avaient hérité du troc et qui ne devait rien à leur imagination. Il serait donc plus juste de dire qu’ils ont façonné des monnaies plus qu’ils ne les ont inventées. Cette nuance est importante car elle réfute l’affirmation aussi courante que fausse selon laquelle « les hommes ont inventé l’argent », sous-entendu « ils avaient de bonnes raisons, ils savaient ce qu’ils faisaient, l’agent est donc une bonne chose ». Nous voyons, au contraire, qu’ils n’ont pensé à rien, qu’ils n’ont fait que suivre le chemin tracé par Largent, c’est-à-dire la notion de valeur et l’échange individualiste.

Les premières monnaies modernes furent l’œuvre de particuliers puissants pour asseoir et étendre leur puissance. Puis les Etats, afin de payer leurs troupes et prélever des impôts sur leurs sujets, se réservèrent le monopole de la création monétaire. Enfin, les grandes banques dépouillèrent les Etats du contrôle monétaire et même de la création de monnaie pour asservir les nations par la dette. Pourtant, les monnaies sont toujours garanties par les Etats qui sont donc les complices des banques et coupables de trahison envers leurs sujets.

De par leur nature, les monnaies primitives puis standards masquèrent longtemps leur véritable raison d’être, à savoir qu’une monnaie matérielle n’est que le support de la valeur marchande qui, elle, est nécessaire à l’échange individualiste. La notion de valeur marchande est une abstraction ; tout support matériel est donc fondamentalement une illusion. J’en veux pour preuve le fait que la monnaie puisse être intégralement dématérialisée aujourd’hui sans que le système monétaire en souffre (même si cela a finalement ouvert la porte à de nouveaux abus). Dans ces conditions, la monnaie qui n’est qu’une question de confiance se confond avec Largent qui n’est qu’une croyance. Des chiffres sur un compte bancaire, sans aucune forme de réalité, ne sont de la monnaie que pour celui qui y croit, que pour celui qui a confiance dans le système. Un tel système ne repose sur rien ; il peut s’effondrer du jour au lendemain.

La monnaie sous quelque forme que ce soit est inconcevable sans Largent. Elle répond à une logique qui est celle de Largent, héritée du troc. C’est parce que Largent implique une conception individualiste de l’échange que nous concevons la monnaie comme moyen d’échange et même comme le seul et unique moyen d’échange répondant à cette logique. Or l’échange sur le mode monétaire, forme de troc indirect, perpétue Largent, la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger. La boucle est bouclée.

2) Nature

Quand on demande aux gens « qu’est-ce que la monnaie ? », ils répondent infailliblement : un moyen d’échange, un étalon de valeur et, pour les plus inspirés, un moyen de pouvoir. La monnaie est tout cela, mais elle est bien davantage.

La monnaie, c’est entendu, est :

Sur ce dernier point, il faut préciser que la monnaie est à la fois un moyen d’échange individualiste et un moyen d’échange qui s’échange, caractéristiques qu’elle tient du troc. 

Mais c’est également :

Puisqu’elle permet d’acheter des biens, une somme de monnaie représente potentiellement tous les biens de valeur équivalente. Inversement, tous les biens ont une valeur et représentent potentiellement de la monnaie.

La monnaie qui remplace les objets qui, sous le troc, étaient échangés directement est elle-même un objet, un bien, une propriété. Une propriété éphémère, certes, puisqu’elle est destinée à payer, mais une propriété quand même. En tant que telle, elle peut être accumulée, échangée, donnée, perdue ou volée.

Même virtuelles, sous forme de chiffres sur papier ou sur écran, des unités monétaires ont une existence parce que tout le monde convient qu’elles existent, parce qu’elles ont les mêmes capacités et les mêmes défauts que des unités matérielles, parce que, comme nous l’avons vu, la monnaie est un concept qui, en dernière analyse, n’a pas besoin de support.

Elle est de ce fait :

La monnaie, comme tout moyen d’échange, sert à acheter et transforme les objets payés en propriétés. Mais, dans un système monétaire, tout est question de valeur et, comme tout a une certaine valeur marchande, tout peut-être représenté par de la monnaie, tout peut-être vendu ou acheté. Fut un temps où les hommes eux-mêmes étaient littéralement des marchandises (l’achat couvrant le crime de l’asservissement) et où les dettes transformaient les débiteurs en esclaves.

Avoir de la monnaie ouvre autant la porte de la propriété que ne pas en avoir la ferme. Par ailleurs, comme nous l’avons vu, la monnaie est en soit un objet qui peut être perdu ou volé comme n’importe quel objet, et plus facilement que beaucoup puisqu’elle est faite pour être « pratique ». Or ce qui la rend pratique pour les gens honnêtes la rend tout aussi pratique pour les voleurs qui ne sont pas tous hors la loi.

Il s’ensuit qu’elle est :

Ceci fut vrai de tout temps mais l’est plus encore à l’heure où tous les échanges passent par la monnaie, où les individus ne fabriquent plus rien seuls et où la satisfaction de leur moindre besoin exige qu’ils aient accès au marché, droit que seule la monnaie confère. Cette caractéristique est, du reste, celle de tout moyen d’échange. Seules les modalités particulières pour accéder au marché dépendent de la nature du moyen d’échange en question.

Nous avons dit que la monnaie est un moyen de posséder, c’est-à-dire d’acquérir le droit de propriété sur les biens achetés. Nous avons ajouté qu’elle confère le droit d’accéder au marché. La propriété découle d’ailleurs de l’exercice de ce dernier droit. Mais combien d’autres droits sont-ils eux aussi soumis à la condition d’accéder au marché, de pouvoir acheter ou payer, bref de disposer de monnaie ? Même les droits fondamentaux tels que manger, se loger, se vêtir passent par elle. Celui qui dispose d’un budget inépuisable à tous les droits ; celui qui n’a pas d’argent n’en a aucun.

La monnaie est à la fois un bien et l’incarnation de droits. Elle matérialise donc les droits, en commençant par celui d’accéder au marché. Ils s’ensuit que les droits sont extérieurs aux individus, qu’ils sont pour ainsi dire autonomes. Ce ne sont pas les individus qui ont des droits, ce n’est pas non plus la « société » qui garantit ces droits, c’est la monnaie qui les détient et en confère aux individus qui parviennent à s’en procurer. Un individu n’a aucun droit par lui-même : il n’en a éventuellement qu’en tant que détenteur de monnaie.

Un droit est naturellement borné par les besoins et les envies du citoyen, par l’exercice par ses concitoyens du même droit, par le respect des autres droits d’autrui, par la nature des choses et, au besoin par la loi. En matérialisant le droit d’accéder au marché sous forme d’unités, la monnaie fixe seule et selon ses propres règles les bornes de ce droit et de bien d’autres ; elle n’en limite pas un, elle les limite tous ; elle ne limite pas seulement leur exercice mais leur existence ; elle ne les limite pas ponctuellement mais universellement.  

Par ailleurs, l’exercice d’un droit n’en ôte pas la jouissance. Un Citoyen ne perd pas ses droits à mesure qu’il les exerce. Il peut ne plus pouvoir les exercer en raison des bornes « naturelles » que leur exercice rencontre, mais il n'en est pas dépouillé. Or la monnaie impose la logique inverse. Il n’est possible de jouir des droits qu’elle incarne qu’à la condition de la céder lors de leur exercice, c’est-à-dire lors du payement. Quand on paye une chose, la somme nécessaire au paiement passe en d’autres mains et on n’en dispose plus soi-même pour payer autre chose. Quand on utilise toute sa monnaie, on n’a plus aucun droit.

Conséquence des diverses fonctions et caractéristiques de la monnaie : celui qui paye ou qui est en position d’exiger un paiement est le maître de celui qui (se) vend ou doit casquer. Comme tout le monde a un besoin vital de monnaie et que ceux qui en ont peu sont dans la dépendance de ceux qui en ont beaucoup, la monnaie est un moyen pour les puissants — qu’ils tiennent leur puissance d’une position élevée ou de leur richesse — de tout marchander, de tout acheter, de tout écraser, de tout corrompre pour, in fine, dépouiller les faibles de leurs droits (d’abord de ceux dont la jouissance ou l’exercice passe par la monnaie, puis de tous les autres) et asseoir leur domination sous le nom d’exploitation (sens économique) ou d’oppression (sens politique). Ceci est aussi vrai pour les individus, que pour tous les groupes d’individus (collectivités, associations, entreprises, états).

La monnaie, c’est du droit. De toutes ses caractéristiques, celle-là est la plus importante. Parler de droits sans jamais tenir compte du fait que la jouissance de la plupart d’entre eux dépend à l’évidence du moyen d’échange en vigueur, en l’occurrence de la monnaie, revient à brasser du vent ; c’est se condamner à ne rien comprendre aux droits, aux inégalités et à la « société » en général. Présenter la monnaie comme un simple « moyen d’échange », la réduire à un instrument économique passif, sert précisément à évacuer sa dimension (anti)sociale, à nier son rapport avec les droits, et, par la même occasion, à enterrer la question de son abolition. En effet, il n’est pas possible d’analyser sérieusement la monnaie sans se rendre compte rapidement qu’elle est aberrante à tous les niveaux et qu’il est impératif de l’abolir. Minimiser le sujet pour l’occulter complètement est donc le meilleur moyen de cautionner l’ordre des choses présent ou plutôt le désordre. Il faut donc aussi se poser la question : ceux qui détournent leur regard et intiment le silence le font-ils par ignorance, bêtise, lâcheté ou hypocrisie ? Aujourd’hui, en tout cas, cela ne peut plus être seulement de l’ignorance !

VIII. LA MONNAIE : PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT & REGLE D’OR

La monnaie est une évolution du troc qui fut le mode d’échange adopté sans réfléchir et faute de mieux par les « hommes des cavernes ». Elle repose sur Largent qui sous-tend également le troc et n’a pas davantage été pensé. Autant dire que les concepts de base du système monétaire sont d’une extrême simplicité. Sans doute l’économie moderne est-elle complexe sous certains rapports. Il n’en demeure pas moins que ses mécanismes fondamentaux sont à la portée du premier venu. N’échappent au bon sens que les astuces des experts et les folies des escrocs. Mais les experts gèrent-ils mieux les nations qu’un bon père son foyer ? L’expérience nous apprend que non et l’avenir risque fort de nous rappeler cruellement cette vérité. La complexité de l’économie n’est finalement qu’un prétexte pour dépouiller les « citoyens » ordinaires de leur droit de gérer ou du moins de contrôler la gestion du bien commun. Celui-ci est bientôt regardé par les spécialistes comme leur bien propre et ils agissent, comme tout un chacun, en fonction de leurs intérêts particuliers.

Principes de fonctionnement

Nous avons vu que la monnaie, de par sa nature, est une calamité. Elle fonctionne, en outre, selon deux principes qui n’arrangent rien : celui des vases communicants et celui de l’attraction.

L’échange monétaire est un troc représentatif. La monnaie représente, en terme de valeur, les biens qu’elle achète et les services qu’elle paye. Elle change donc de mains au cours de la transaction, comme une vulgaire balle, et est valide entre toutes quels que soient les moyens par lesquels elles s’en sont emparés, d’où l’adage « l’argent n’a pas d’odeur ». Mis à part l’Etat et aujourd’hui les banques, personne ne la crée. Pour en avoir, il faut s’en procurer. Pour qu’il y en ait ici, il faut en prendre là. C’est le principe des vases communicants. Tout est soumis à ce principe. Quand l’Etat annonce une baisse d’impôts alors que ses dépenses augmentent, seuls les contribuables naïfs peuvent croire qu’ils ne vont pas payer autrement et doublement ; ils vont bien sûr être taxés en tant que consommateurs. Quand une entreprise investit d’un côté ou réserve son argent pour une chose, elle fait par ailleurs des économies de bouts de chandelles. Quand un client achètent, il paye avec de l’argent qu’il a lui-même reçu en tant que vendeur (travailleur). Même les produits « gratuits » pour les consommateurs sont toujours payants pour les producteurs et payés par des tiers qui y trouvent profit, lequel se réalise in fine sur les consommateurs.

Ce fonctionnement n’a rien de choquant pour un capitaliste. Pourtant, comment ne pas comprendre qu’un moyen d’échange obligeant chacun à se le procurer auprès ou aux dépens d’autrui dresse fatalement les individus les uns contre les autres ? Un tel moyen d’échange est vecteur de division et d’hostilité ; il plonge les « citoyens » dans une sorte de guerre civile larvée permanente.

La monnaie circule : chacun doit donc s’en procurer avant de la dépenser. Elle repose en outre sur Largent, sur la notion de valeur marchande : il est donc inévitable qu’elle se répartisse inégalement par le simple jeu des valeurs. Enfin, elle incarne les droits : en avoir est vital ; chacun doit s’en procurer par tous les moyens et autant que possible ; ceux qui parviennent à en avoir beaucoup ont plus de droits que les autres, ils ont du pouvoir sur eux, pouvoir dont ils usent pour s’enrichir davantage et accroître encore leur pouvoir. Autrement dit, de par ses propriétés et son mode de fonctionnement, la monnaie se concentre inévitablement entre certaines mains, elle forme en quelque sorte des caillots dans le corps social, caillots qui, ayant un pouvoir d’attraction de par leur nature, ont plus tendance à grossir qu’à réduire. C’est la réalité et les mécanisme que sous-entendent les phrases suivantes : « On ne prête qu’aux riches », « l’argent va à l’argent », « selon que vous serez puissants ou misérables les jugements de cour vous feront blanc ou noir ».

La règle d’or :

Gagner de l’argent ou ne pas en perdre.

Dans un système monétaire, quelle que soit sa forme, il faut avoir de l’argent, au sens de « monnaie », donc en gagner par n’importe quel moyen aux dépens d’autrui voire à ses propres dépens ou ne pas en perdre, c’est-à-dire payer le moins possible.

Cette règle s’impose à tous (riches et pauvres, Etats et individus, patrons et syndicats), dans tous les domaines et à tous les niveaux (local, national, international). Tous ceux qui prétendent contester l’ordre des choses mais ne dénoncent pas la monnaie sont eux-mêmes des agents du système. Ils raisonnent comme leurs ennemis. Ils sont eux-mêmes les ennemis du changement. Ce sont des rebelles de carnaval, des anti-capitalistes de posture, des contre-révolutionnaires qui s’ignorent. Un employé qui court après les augmentations de salaire n’est guère différent de son patron qui court après le profit : tous les deux veulent de l’argent et cautionnent le système monétaire.

La manière légale de gagner de l’argent, de se procurer de la monnaie, est de vendre soit un bien personnel (acheté ou fabriqué) soit son travail. La loi, c’est la logique du troc. Il est également légal d’en recevoir en guise de don ou de cadeau, le donateur étant libre d’user librement de ses biens, donc de les donner s’il le désire. Inversement, il est illégal et considéré comme un vol de s’emparer de l’argent d’autrui par la force ou sans contrepartie s’il n’est pas consentant. Voilà pour la théorie ! En pratique, la notion artificielle et arbitraire de valeur sur laquelle repose la monnaie crée un flou artistique propice à de nombreux abus. Toute transaction est une escroquerie pour l’une des parties. La loi ne peut donc condamner que les plus flagrantes. De même, il n’y a aucune différence fondamentale, du point de vue de la victime, entre voler un bien de vive force ou spolier des droits par le jeu des valeurs qu’une position dominante permet d’imposer. Il y a loin dans le système monétaire entre ce qui est légal et ce qui est légitime. Tout est tellement absurde que rien n’est légitime et que la loi n’est que sophismes.

Par exemple, on sait que la monnaie vient du troc sous lequel l’échange d’objets entre eux établit leur équivalence en terme de valeur. La valeur est une notion changeante, mais il est admis que la valeur d’un objet est celle sur laquelle les protagonistes de l’échange se sont entendus. Autrement dit, l’échange consacre « la juste valeur » des choses, ce qui, dans le système monétaire, se traduit par « le juste prix ». On paye et on vend donc toujours au juste prix. Ainsi tout salaire accepté est de même le juste prix du travail. C’est oublié un peu vite que celui qui est en position de force peut imposer ses conditions et fixer la valeur de l’objet en question selon ses intérêts, sans aucun rapport avec l’objet lui-même. C’est ce que se gardaient bien d’évoquer les patrons quand ils payaient leurs employés au lance-pierre en prétendant que c’était le juste prix, quand ils les spoliaient légalement et avaient encore le front de se trouver généreux parce qu’ils leur donnaient du travail ! L’exploitation n’est jamais que du vol, un vol subtil, celui de tous les droits (sous forme monétaire) que le patron retient. Comme il ne les a pas ravis, puisqu’il ne les a pas remis à ses employés, il n’y a pas de délit ; et comme il en redistribue quand même quelques-uns, il noie le poisson et la pratique est parfaitement légale. S’il les retenait tous, ce serait manifestement de l’esclavage, lequel n’a pas toujours été interdit. Le problème est que, dans un système monétaire, il est impossible, en dehors des cas extrêmes, de fixer une limite précise entre riches et pauvres, entre normalité et exploitation, entre l’honnêteté et l’escroquerie. Combien faut-il gagner pour être riche ou pour ne pas être exploité ? Combien faut-il vendre un objet pour être honnête ou ne pas être un escroc ? Posée en termes monétaires la question est insoluble.

Nous venons de voir comment l’argent se gagne légalement et comment, inversement, les droits peuvent être spoliés tout aussi légalement au nom de la sacro-sainte valeur marchande. Par ailleurs, nous savons que la monnaie est vitale, suscite l’envie et donne du pouvoir et que, du fait même de reposer sur la notion de valeur, elle se présente sous forme d’unités anonymes et vagabondes. Entre ce qu’elle oblige à faire et ce qu’elle permet de faire, faut-il beaucoup d’imagination pour deviner tout ce que les hommes feront, légalement ou illégalement, de gré ou de force, pour s’en procurer ou ne pas en dépenser ? Certains sont prêts à tout, ils tueraient père et mère, ils sacrifieraient le monde entier, ils vendraient leur âme. Tous, à des degrés différents, sont prêts à s’abaisser pour des miettes et se prostituent d’une certaine manière. Ceux qui ne s’abaissent pas volontairement y sont contraints par la nécessité. C’est ainsi que la monnaie, l’espoir d’en gagner et la crainte d’en perdre, pousse à tous les vices et fait commettre des erreurs, des folies, des délits, des crimes, des accidents, des catastrophes.

IX. CONSEQUENCES DE LARGENT ET DE LA MONNAIE CONFONDUS

Largent n’est pas neutre. Ce n’est pas un instrument, mais une croyance. Par définition, le fait que Largent soit une croyance, qui plus est une croyance universellement partagée, implique qu’il façonne l’esprit des hommes et commande leurs actions. En les enfermant dans une conception de l’échange, il fixe la règle du jeu, il les oblige à jouer au Monopoly grandeur nature. Ils pensent bien sûr être libres d’agir, mais ils ne peuvent agir que selon ses règles, dans le cadre de ses lois. Ils peuvent d’autant moins s’échapper que les murs de leur prison sont uniquement dans leur esprit et qu’ils croient être maîtres de leurs pensées.

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La conséquence immédiate de Largent, c’est-à-dire de la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour changer, est un mode d’échange individualiste et inégalitaire. L’individualisme et l’inégalité ont à leur tour des conséquences sur les conceptions et les actes des hommes.

Avec l’évolution sociale et technique, ce mode d’échange engendre un moyen d’échange fondé sur la notion de valeur : la monnaie. Aux conséquences intrinsèques de Largent s’ajoutent alors celles de la monnaie. Toutes ces conséquences sont directement ou indirectement celles de Largent, c’est à lui qu’en revient la paternité, de sorte qu’il est correct, quoique parfois troublant, de dire Largent à propos de chacune d’elles.

En dehors de la manière même dont est organisé le monde sous Largent, ces conséquences sont de trois ordres : philosophiques, psychologiques et concrètes.

Les premières conséquences portent sur la façon dont les hommes conçoivent les paramètres sociaux.

 

La conséquence générale de ces conceptions philosophiques en matière politique et économique est l’incapacité des hommes à comprendre ce qui ne tourne pas rond dans leur système et à le reproduire en tout ou partie chaque fois qu’ils essayent d’en sortir. Comme chaque partie est liée au tout, à Largent, les modifications partielles sont illusoires, condamnées d’avance ou avec le temps. Ayant pour ainsi dire foi en Largent, acceptant sans réserve ses commandements, ils cherchent généralement ailleurs que dans leur mode d’échange la cause du malheur commun, réflexe moins pertinent et tout aussi inefficace. 

Le fait de concevoir ainsi le monde, les droits, les échanges et les rapports sociaux a à son tour des conséquences psychologiques sur la mentalité des individus, lesquelles déterminent leur comportement et leurs actes. L’ensemble des comportements et des actes, imposés par Largent ou permis par la monnaie, façonne un contexte particulier qui marque lui aussi le caractère individuel des hommes et enfonce le clou.

REDACTION EN COURS...

 

Largent
=> individualisme et inégalité
=> conséquences sur la perception du monde
=> conséquences sur les conceptions et les actes des hommes

Monnaie
=> conséquences “philosophiques”
- Largent à la place de l’Homme. 
- Ignorance des Principes.
- Matérialisation, extériorisation et circulation des droits.
- Limitation artificielle des droits.
- Incompréhension de l’inégalité / Ignorance de l’Egalité.

=> conséquences “morales”
- Individualisme
- Mesquinerie
- Avarice
- vénalité
- Arrogance 
- Jalousie
- Colère
- Stress

=> conséquences "concrètes"
- Pauvreté
- Privations
- Richesse
- gaspillage
- Exploitation (travailleurs, contribuables, automobilistes, fumeurs)
- Oppression (pas de démocratie)
- Magouilles
- Escroquerie
- Vol
- Chantage
- Rapt
- Meurtres
- Crises chroniques
- Chômage
- Divorces
- Pollution
- Oligarchie
- TOUT TOUT TOUT, du moins tout ce qui est négatif

IX. LARGENT EST UN TYRAN

Largent est une croyance. Il est dans la tête des hommes. Les hommes ne peuvent pas en faire abstraction. Ils ne peuvent qu’accepter ses conséquences et se soumettre à lui. Or il commande leur conception de l’échange, la façon dont ils sont reliés entre eux ; il est au cœur des rapports sociaux et donc au centre de la Société. L’en déloger, pour mettre l’Homme à sa place, est une vue de l’esprit, d’autant plus que les hommes ne savent pas ce qu’il est. Ils ne savent d’ailleurs même pas ce qu’est la monnaie qui focalise leur attention. En effet, leur désir de recentrer la « société » sur l’Homme est une réaction aux contraintes financières qui font accorder la priorité aux considérations financières, autrement dit à la monnaie qu’ils réduisent à des unités neutres ou du moins susceptibles d’être domptées. Cette idée est la preuve qu’ils ignorent ce qu’est la monnaie, sa nature et en particulier ses principes de fonctionnement qu’il est impossible de contrarier et qui, à eux seuls, rendent vain de prétendre faire passer les considérations humaines avant les considérations financières dans un système monétaire. Mais cette idée souvent exprimée est aussi la preuve que les hommes suivent, par nature, une autre logique que celle de Largent.

Les hommes sont des êtres sociables. Ils aspirent à vivre en Société, dans la paix, la justice et l’harmonie. Ils sentent d’instinct que l’Egalité en est la condition, ils l’invoquent depuis longtemps, ils lui courent après, ils essayent en vain de l’instaurer. De manière générale, l’Humanité tend vers l’Egalité. Je ne veux pas dire par-là que l’Egalité doit être universelle mais qu’elle doit régner parmi les hommes constitués en Société. Comme tous appartiennent à un groupe à caractère social, l’Egalité n’est étrangère à aucun. Elle est la boussole de tout citoyen et de tout individu censé l’être. Malheureusement, Largent n’a, lui, aucune dimension sociale.

Ainsi, deux logiques, deux forces opposées se partagent l’Empire et les esprits : celle de Largent, individualiste et inégalitaire, et celle de l’Egalité, de la Société, de l’Humanité, bref des êtres sociables que sont les hommes. La première est négative et destructrice ; la deuxième est positive et constructive. Les hommes sont donc condamnés à accomplir leur destinée avec des instruments inadéquats et des préjugés dramatiques. En Occident, ils ont malgré tout réussi à faire, sur le plan social, tout ce qui était en leur pouvoir, tout ce qui ne dépendait pas expressément de Largent. Aujourd’hui, tout nouveau progrès doit se faire aux dépens d’une conséquence naturelle de Largent. Il ne leur est donc possible d’avancer qu’en s’attaquant à Largent lui-même. Toute hésitation permet à ce dernier de reprendre du terrain, ce qui se traduit, du point de vue des hommes, par une régression sociale. Cette reculade permet éventuellement de refaire un pas en avant et de masquer une lâcheté par une illusion. Les choses en resteront là tant que les hommes n’auront pas conscience de l’obstacle qui désormais se dresse nu devant eux. Cet obstacle n’est pas insurmontable par nature, mais il l’est dans le système monétaire. Dans ce système, c’est lui le roi.

Largent ne peut exister sans régner. Il règne à la lumière ou dans l’ombre quel que soit le régime politique et le système économique. Il ne laisse aux hommes d’autre alternative que le capitalo-libéralisme ou le capitalisme d’Etat, c’est-à-dire une soumission totale ou une insubordination de façade sinon passagère. Dans tous les cas, les hommes trinquent. Quand Largent règne sans entrave, l’aristocratie des riches, la pire, est toute puissante ; quand un pouvoir politique fort le gène aux entournures, la masse subit à la fois la dictature et la misère qui résulte des dérèglements économiques. Autrement dit, que les lois de Largent soient respectées ou faussées, les hommes, dans leur ensemble, sont toujours perdants. Le drame est qu’ils ignorent aussi toujours la cause de leur malheur qu’ils imputent, par facilité, à leurs semblables et au régime. Quand ils sont sous une botte, ils veulent de la liberté ; quand ils ont la « liberté » et s’aperçoivent qu’elle ne profite qu’aux riches, ils veulent de l’Egalité et de l’Etat dont ils déchanteront tout autant. Ils sont ainsi pris dans un jeu de bascule : dictature ou démocrature.

La démocrature, c’est la dictature sous l’apparence d’une démocratie. Les riches ont bien compris qu’ils n’ont pas besoin de la force physique pour dominer. Celle-ci leur attire l’attention, suscite la haine contre eux et provoque des réactions violentes légitimes parfois incontrôlables. La Liberté est bien plus désarmante. Elle a meilleure presse, elle en impose aux naïfs, elle favorise la prospérité générale et assure leur domination. Sous le règne absolu de Largent, les riches sont en effet assurés d’avoir tous les pouvoirs car il (la monnaie) leur permet d’acheter et de posséder aussi bien les choses que les hommes. Ils ont par nature le pouvoir économique quels que soient les hommes aux manettes du pouvoir politique et ont en outre la possibilité soit de se faire élire, soit de faire élire qui ils veulent, soit de corrompre les élus, soit d’éliminer physiquement ou moralement leurs opposants.

Les riches ont, par définition, plus de droits, qu’ils emploient pour conserver leur suprématie en faisant simplement respecter à la lettre les lois de Largent — dont ils sont les seuls à profiter pleinement, mais dont tout le monde espère profiter un jour. Dans ces conditions, la démocratie, le gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple, est une foutaise. La démocratie est une vue de l’esprit dans l’inégalité qui est le terreau de la tyrannie. L’idée selon laquelle la démocratie apportera l’Egalité grâce à l’adoption de lois « plus justes » est un non-sens puisqu’elle prouve par elle-même que l’inégalité est et que la démocratie n’est pas. L’Egalité apportera fatalement la démocratie, mais l’inverse est un sophisme. La « Liberté » a toujours accouché de la démocratie représentative qui est une négation de la démocratie, faite par les riches, pour les riches. Et derrière les riches : Largent.

Largent est au-dessus des peuples, des lois humaines, des gouvernements, des riches, des banques. Ses lois s’imposent à tous car tous le vénèrent, tous l’épargnent, tous l’ignorent, tous le servent. Il règne parce qu’il est incontesté. Il tyrannise l’Humanité parce que les hommes ne l’ont pas encore reconnu comme le tyran à abattre. Aucun régime ne peut échapper à son emprise à moins de lui passer sur le corps. Aucune révolution ne peut aboutir à moins de frapper l’ancien régime à la tête.

X. LES DISCIDENTS CONTRE-REVOLUTIONNAIRES

Ce qui ne tue pas le système le rend plus fort. Or le système est tout entier dans Largent, dans la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger. C’est cette croyance qu’il faut anéantir grâce à un moyen d’échange autre que la monnaie, reposant sur les principes de l’ordre social et imposant de fait une autre conception de l’échange. Toute autre mesure en vue de changer les choses est illusoire et vaine. Largent induit un ordre des choses inégalitaire, et l’inégalité est le terreau de la tyrannie. Tout désordre social, toute forme de tyrannie est le fruit de Largent. Les hommes qui concourent aux désordres et agissent en tyrans ne sont que les symptômes de l’inégalité, ils ne sont que les instruments, les valets, les esclaves de Largent. Du reste, ceux qui pâtissent de cet ordre des choses ne sont pas plus innocents que ceux qui en profitent. Les bougres au bas de l’échelle sociale sont eux aussi des adeptes de Largent et cautionnent le système qui engendre les monstres qui les oppriment. Ils déplorent des effets dont ils chérissent la cause. Quiconque ne se dresse pas intelligemment contre Largent est objectivement complice de tous ses forfaits. Quiconque désire malgré tout s’opposer au désordre des choses en est réduit à courir après des leurres.

Si tout tourne autour de Largent, tout est adapté à lui, tout est fonction de lui. Largent ne peut pas être le cœur du système sans apposer sa marque sur toutes les composantes du système, sans provoquer des dérèglements dans tous les domaines. Il est donc fatal que des problèmes apparaissent de tous côtés et que certains problèmes soient d’ailleurs purement monétaires. C’est donc à Largent lui-même qu’il faut s’attaquer pour tout changer… ou rien ne change. Tout sujet autre que Largent est secondaire et devient un leurre dès lors qu’il est présenté comme une priorité et que son traitement isolé (et illusoire) est considéré comme une finalité.

Voici la liste des leurres les plus courants :
- L’Etat
- Les gouvernants
- Les institutions
- Les fonctionnaires
- Les francs-maçons
- Les Bilderberg et Cie
- Les sionistes
- Les patrons
- Les syndicats
- Les riches
- Les médias (les journalistes)
- Les spéculateurs
- Les banquiers
- Les commerçants
- Les variations de prix
- La monnaie ou certaines de ses caractéristiques (thésaurisation, ciculation)
- La propriété
- La délinquance
- L’éducation
- L’école
- La religion
- La corruption
- La pollution
 
Ces leurres donnent lieu à des propositions voire à des courants politiques qui, à leur tour, deviennent des leurres aux yeux de leurs adversaires. Or, ceux qui font d’un de ces thèmes l’objet exclusif de leur lutte divergent et s’affrontent entre eux, mais ne diffèrent en réalité, les uns des autres, que par leurs sensibilités qui les portent vers l’un de ces thèmes plutôt que vers un autre et par leurs caractères qui les poussent vers une solution plutôt qu’une autre. Ils ont tous en commun de se tromper de cible, de se débattre en vain et d’être voués à l’échec. Largent les condamne en quelque sorte au supplice de Sisyphe — qui devait rouler un rocher au sommet d’une montagne et devait sans cesse recommencer.



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Attention ! je ne dis pas que certains de ces leurres ne sont pas de réels problèmes et qu’il ne faut rien faire dans les domaines en question, mais que se concentrer sur eux enferme dans une réponse partielle qui ne résout pas le problème global, qui, au contraire, aggrave la situation et crée d’autres leurres, bref que vouloir agir dans ces domaines, sans s’attaquer en premier lieu à Largent ou du moins sans avoir l’intention de s’en prendre à lui in fine, ne sert non seulement à rien mais est souvent un remède pire que le mal. Il faudra bien sûr intervenir dans certains domaines, car la Révolution trouvera en eux des obstacles et des ennemis, mais ces interventions ne sont pas l’objectif en soi. Il faut comprendre et garder à l’esprit que l’ennemi, c’est Largent, que, s’il est indispensable d’écraser ses satellites, le but est de renverser le tyran.

Choisissez un de ces leurres. Sachant que l’Egalité est possible même si vous ne savez pas encore comment, imaginez un monde sans monnaie, une société réellement égalitaire et démocratique. Réfléchissez. Le problème posé aujourd’hui existe-t-il encore ? En est-il toujours un ? S’il ne disparaît pas de facto, les conditions ne sont-elles pas idéales pour le résoudre ? Enfin, après avoir triomphé des profiteurs et pour les empêcher à coup sûr de renaître, ne faut-il pas abolir la monnaie et éradiquer Largent ? Conclusion : Concentrez-vous sur un de ces problèmes : vous ne le résoudrez jamais. Renversez Largent : vous les aurez tous résolus.

Ceux qui mettent ces leurres en avant, ceux qui les agitent protègent Largent. Ils se trompent d’ennemi et égarent les autres. Ils ne feront jamais de révolution. Ce sont, au mieux, des contre-révolutionnaires qui s’ignorent, au pire, des agents du système. Ils dénoncent des effets, ils poursuivent des lubies, mais ils ne visent pas le cœur du système. Ils peuvent tout au plus l’ébranler un temps, mais pas le renverser puisqu’ils sont eux-mêmes imprégnés des préjugés qui le soutiennent et font une mauvaise analyse du problème. Quoi qu’ils fassent dans ces conditions, même abolir la monnaie, Largent demeure, continue de sévir et remonte bientôt sur le trône par la force des choses. Chassez le naturel, il revient au galop.

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Fight Club - La destruction des serveurs bancaires vue comme l'audace absolue.

XI. UNE TRANSITION EN COURS

Heureusement, la Révolution ne dépend pas entièrement de la volonté des hommes. Ils devront un jour se lever, mais c’est le système présent, poussé par Largent, qui, sans le savoir, leur prépare le terrain et creuse sa propre tombe. Les révolutionnaires auront moins à créer les conditions de la Révolution qu’à saisir l’occasion qui ne manquera pas de se présenter. Ils auront moins à renverser Largent qu’à lui donner le coup de grâce.

Si vous connaissez l’histoire des « révolutions » passées, vous savez  qu’un système peut s’effondrer en quelques jours voire en quelques heures. A un moment donné, l’ordre en place est miné de l’intérieur, les rapports de force s’inversent et, avec un peu d’audace et de courage, tout bascule. C’est le fait qu’il n’y ait jamais eu réellement de Révolution, puisque jamais l’Egalité n’a été instaurée, qui a permis à de nouvelles puissances de se constituer ou aux anciennes de relever la tête. La Révolution qui apportera l’Egalité sera, elle, invincible et irréversible.

Or, comme je l’ai expliqué, la Révolution implique une révolution au niveau de la conception de l’échange, donc l’anéantissement de Largent et, par suite, l’abolition de la monnaie. Si j’ai raison, une évolution doit être perceptible à ce niveau dès aujourd’hui. Est-ce le cas ?

On ne peut pas nier que l’informatique a amené de grands changements dans ce domaine, qu’elle a même bouleversé le monde de la finance. Elle a permis d’effectuer sans effort des calculs jusqu’alors impossibles, de doter tous les individus d’un compte bancaire, de tout financiariser et d’accélérer les transactions jusqu’à effectuer des opérations démentes. Elle a dopé le système monétaire ; elle a rendu Largent tout puissant. Mais la roche tarpéienne est plus proche du Capitole qu’on ne croit. Le système devenu fou et complètement virtuel est au bord de l’effondrement. Largent croyait triompher : il ne vivait que son apothéose et s’apprête à pousser le chant du cygne. Or, quand on sait que le moyen d’échange de la Cité est inconcevable sans l’informatique, quand on sait que l’informatique est une des conditions de la Révolution selon le Civisme, il devient clair que, malgré les apparences, l’informatique est mortelle pour Largent et la monnaie. Il est dans l’ordre des choses que le capitalisme ouvre la voie à la Révolution en favorisant une innovation qui scie la branche sur laquelle il est assis.

Plus concrètement, l’informatique permet la dématérialisation de la monnaie et sa manipulation via des cartes de crédits. La monnaie reste le moyen d’échange du système mais n’a plus de consistance, elle est purement virtuelle, ce n’est plus qu’une croyance : elle se confond désormais avec Largent. A ce stade, la monnaie ne peut plus évoluer ; elle est au bout de son évolution. Mais le temps ne va pas s’arrêter pour autant. Dès lors, deux hypothèse : soit la monnaie n’évolue plus, ce qui contrarie la loi universelle, soit toute nouvelle évolution lui sera fatale, puisque le néant est le seul avenir du virtuel. Dans ce second cas, qui est la seule hypothèse probable, resteraient donc des cartes sans objet. Coïncidence : le Civisme prévoit des Cartes comme moyen d’échange. Ce ne sera plus des cartes de crédits servant à manipuler la monnaie mais des Cartes civiques permettant d’attester la Citoyenneté. Que seront les Cartes civiques sinon une évolution révolutionnaire des cartes de crédits, une évolution fatale à la monnaie ? Autrement dit, l’informatique qui fait la puissance de Largent fait aussi la faiblesse de la monnaie. La dématérialisation de la monnaie, rendue possible par l’informatique, entraîne l’émergence d’un nouveau moyen d’échange et d’une nouvelle conception de l’échange qui seront fatales à Largent et à la monnaie. L’informatique est à la fois un problème aujourd’hui et la solution pour demain.

Un autre indice de la transition en cours est la réalité de notre mode d’échange. En théorie, nous faisons toujours du troc via le système de représentation de la valeur marchande qu’est la monnaie. En théorie, un salaire est fonction de la valeur du travail qu’il rémunère. Sans revenir sur l’absurdité de la soi-disant équivalence entre la valeur marchande et le travail ou tout autre chose, tel était en effet le schéma appliqué du temps où les hommes étaient payés à la pièce ou à la journée. On pourrait croire qu’il en est de même lorsqu’ils sont payés, comme aujourd’hui, au mois. Mais qu’en est-il réellement lorsque des millions de travailleurs, aux activités fort différentes, sont payés au salaire minimum légal ? Dans ces conditions, ils ne sont plus payés en fonction de leur travail, mais selon un statut. Leur paiement n’est plus un troc mais la reconnaissance d’un droit, celui d’accéder au marché en proportion dudit salaire. Autrement dit, leur droit d’accéder au marché est lié d’abord à leur statut puis au nombre d’unités monétaires dont ils disposent. Ce mode d’échange est une étape entre deux modes d’échange ; il dénature le mode d’échange monétaire et annonce l’échange social selon lequel les individus auront le droit d’accéder au marché en raison de leur statut, du seul statut reconnu, celui de Citoyen.
 
Enfin, l’apparition de l’informatique est une conséquence de la maîtrise de l’électricité qui, elle, favorise l’industrialisation de la production. Ces progrès nous ont fait entrer dans l’ère de la production de masse. Or l’informatique et la production de masse sont les conditions nécessaires pour concevoir et mettre en œuvre un moyen d’échange utilisant la technologie de l’informatique et conférant aux Citoyens un pouvoir d’achat indéfini donc élevé. Un tel pouvoir d’achat n’a pas de raison d’être hors du contexte de production de masse, et concevoir un pouvoir d’achat obligatoirement limité, donc limité artificiellement, empêche d’adopter le principe selon lequel le droit d’accéder au marché doit être attaché à la Citoyenneté. L’absence de production industrielle oblige à recourir à la monnaie et enferme dans le système monétaire. Quoi de plus logique si l’on se souvient que la monnaie repose sur la notion de valeur qui naît du troc, c’est-à-dire d’un mode d’échange incontournable dans un contexte de production artisanale ? Il est également logique 1) que Largent et la monnaie survivent un temps à la disparition de la production artisanale, les idées évoluant moins vite que les choses, 2) que le Civisme soit théorisé peu après l’apparition de l’informatique, puisque cela devient possible, 3) que la Cité voit le jour peu après sa théorisation, puisque, alors, toutes les conditions sont réunies et que Largent n’a plus de raison d’être.

L’effondrement de la construction européenne est, elle aussi, l’indice d’une transition. On remarque, d’ailleurs, que l’effondrement de l’Union Européenne a pour cause ce qui semblait être la base de sa solidité : l’Euro. Unir des nations par une monnaie alors que la monnaie, par nature, divise les hommes était un non-sens. L’entreprise était vouée à l’échec. L’expérience le prouve, la vérité s’impose, même à ceux qui ne veulent pas l’admettre. Mais, surtout, l’Union Européenne était une construction contre-révolutionnaire. La Révolution qui doit avoir pour objet l’anéantissement de Largent et l’abolition de la monnaie n’aurait jamais pu se faire dans le carcan capitaliste européen. Une Révolution ne peut avoir lieu qu’à l’échelle des nations existantes qui seules ont l’unité requise pour une telle aventure. On pouvait craindre que les peuples soient à jamais enchaînés ; la force des choses a déjoué les tyrans et  rallumé l’espoir.

Dans le même ordre d’idées, qui ne s’est jamais fait cette réflexion : « Ce n’est pas possible de voir ça à notre époque ! » Cette réflexion sous-entend qu’il y a manifestement une différence énorme entre le potentiel technique de la « société » et les conditions de vie réelles et les droits de la plupart des « citoyens ». Or il est vrai que l’écart n’a jamais était aussi grand. Pour s’en convaincre, il suffit de tracer sur un même graphique les courbes de l’évolution technique et de l’évolution politique. La première croît lentement jusqu’au XVIIIe siècle, s’accélère au XIXe et devient exponentielle au XXe. La courbe de l’évolution politique, du niveau général des droits, si l’on préfère, a la même allure que la précédente jusqu’à la fin du XIXe. Autrement dit, la fulgurante évolution technique de la fin du XXe n’a pas eu d’équivalent dans le domaine politique, et l’écart entre les deux courbes ne cesse de s’agrandir. Pire ! il semble que l’évolution des droits soit en panne, et même qu’il y ait régression. Cette régression n’est qu’un aléa de l’histoire. Une courbe progresse toujours en dents de scie. Par ailleurs, l’évolution des siècles passés indique que le progrès technique a, avec le temps, des effets dans le domaine politique. Logiquement, la modification des structures de production, pour s’adapter à l’évolution des produits, entraîne des changements de mentalité, suscite des revendications et provoque une évolution sociale. L’évolution technique fulgurante de la fin du XXe va infailliblement entraîner d’ici peu une évolution de la même ampleur dans le domaine politique. Sous cet angle, nous sommes là encore dans une période intermédiaire, entre une révolution accomplie et une autre en attente. Or une révolution dans le domaine politique qui portera les droits à un niveau inconnu, qui apportera la Démocratie et l’Egalité authentiques, ne se fera pas dans un contexte monétaire. Cette Révolution impliquera l’anéantissement de Largent et l’abolition de la monnaie (quoi de plus révolutionnaire ?) qui, précisément, font que nous piétinons aujourd’hui.

11 1 - Courbes des évolutions - 1 - théorie.jpgXII. INTERET DE CES IDEES POUR LES PATRIOTES

Les hommes de bonne volonté sont nombreux mais dispersés. Ils aspirent tous à la même chose mais par des moyen différents voire opposés, faute d’avoir identifié correctement l’ennemi. Chacun adapte sa stratégie au leurre qu’il poursuit. Le Civisme est la théorie qui peut tous les rallier dans le présent et à l’avenir. Quand ils auront compris qu’ils se focalisent sur des effets qui plongent leur racines à la même source, le but et les moyens de la lutte s’imposeront d’eux-mêmes.

Ainsi, qui ne sent pas le lien direct entre Largent et la monnaie, entre la monnaie et le capitalisme, entre le capitalisme et l’européisme, entre l’européisme et le mondialisme, entre le mondialisme et l’immigrationnisme, donc entre Largent et le capitalisme, Largent et l’européisme, Largent et le mondialisme, Largent et l’immigrationnisme ?

De même, qui ne sent pas le lien direct entre Largent et la monnaie, entre la monnaie et l’inégalité, entre l’inégalité et l’individualisme, entre l’individualisme et l’universalisme, entre l’universalisme et le droits-de-l’hommisme, entre le droits-de-l’hommisme et l’anti-France, donc entre Largent et l’inégalité, Largent et l’individualisme, Largent et l’universalisme, Largent et le droits-de-l’hommisme, Largent et l’anti-France ?

Un patriote est nécessairement l’ennemi de l’anti-France, de l’immigrationnisme, du droits-de-l’hommisme,  du mondialisme, de l’européisme, du capitalisme, de l’individualisme et de l’inégalité. Mais comment les combattre victorieusement sans renverser Largent qui les alimente directement ou indirectement ?

Il a été question d’inégalité. L’inégalité et l’Egalité sont des notions floues à ce jour. Chacun est pour ou contre selon l’idée fausse qu’il se fait de l’une et de l’autre. Il est cependant évident qu’un patriote digne de ce nom ne considère pas ses compatriotes comme des marchepieds ou de la chair à canon mais comme des frères, comme des égaux. Le patriotisme bien compris est intrinsèquement égalitaire. Les patriotes doivent donc savoir en quoi l’Egalité consiste, pourquoi elle n’est pas, comment l’instaurer, et comprendre que Largent est son obstacle majeur, leur véritable ennemi — les riches, les puissants, les pauvres mêmes n’étant que ses instruments. Ils doivent également comprendre que, de la même manière qu’ils combattent Largent et toutes ses conséquences, ils doivent défendre l’Egalité et toutes ses conséquences.

L’Egalité, qui est une réduction de l’expression « égalité des Citoyens en Devoirs et en Droits », va de pair avec les notions de Devoirs, de Droits, de Citoyenneté, de Contrat Social, de Société, de Nation, de Peuple, de territoire, de pays, de frontières, d’indépendance nationale, de souveraineté populaire et de démocratie. Il y a loin entre ce qu’implique l’Egalité bien pensée, cohérente de bout en bout, et celle que les gauchistes invoquent pour couvrir leur démagogie. Toutes ces conséquences sont liées ; qui en accepte une doit toutes les accepter ; qui en nie une est un ennemi de l’Egalité et de la patrie.

Le Civisme est une doctrine d’une logique implacable et d’un patriotisme absolu. Il est l’aboutissement de la quête de l’humanité sur le plan social. Il n’est combattu que par la mauvaise foi et les préjugés monétaires. Il est autant la voie de la Révolution que de la Résistance. Il sera incontournable demain, mais il est utile dès aujourd’hui, d’où la nécessité de le répandre sans attendre.

Cependant, l’urgence est ailleurs. Aujourd’hui, nous devons sauver la France d’un péril qui ne menace pas seulement sa liberté, comme en 1792 ou 1940, mais son existence. Elle est menacée par l’euro-modialisme qui veut la dissoudre en tant que nation, et par l’immigrationnisme débridé qui tend à l’effacer en tant que peuple. Or pour établir demain l’Egalité en France, pour accomplir la destinée du peuple français, encore faut-il qu’il y ait encore une France et un peuple français. Bien que Largent ne soit pas étranger à ces dangers qui sont les deux faces d’une même pièce, qu’il en soit même la cause première, ce n’est pas de lui que vient la menace immédiate. Nous devons d’abord parer le coup mortel, donc repousser nos ennemis rapprochés, avant de pouvoir rendre à César ce qui est à César.

J’ai dit dans la partie précédente que l’euro-mondialisme est contre-révolutionnaire dans la mesure où la Révolution ne peut se faire que dans le cadre d’une nation. Les multiples conditions nécessaires pour qu’éclate une Révolution sont si rarement réunies qu’il est vain d’attendre qu’elles se rencontrent dans toutes les nations du monde en même temps. D’ailleurs, quand les choses sont mûres, la Révolution éclate et il est impossible de la différer. L’idée insensée que la Révolution doit être mondiale vient du fait qu’elle concernera la monnaie et qu’il semble impossible de l’abolir sans se couper du monde alors que les échanges internationaux sont manifestement nécessaires. Mais le Civisme qui explique comment organiser la Cité sans monnaie explique aussi comment l’intégrer dans un monde toujours monétaire, autrement dit comment procéder aux échanges internationaux. La crainte d’être coupé du monde n’a pas lieu d’être. Remarquons au passage que cette crainte qui pousse à prôner une révolution mondiale désarme la lutte contre le mondialisme, ce qui est de fait contre-révolutionnaire. Au contraire, le Civisme réussit la synthèse entre l’anti-capitalisme et l’anti-mondialisme.

Sur l’immigrationnisme, tous les patriotes savent déjà que l’immigration est organisée par le patronat pour des raisons économiques, pour geler ou tirer à la baisse les salaires des Français grâce au chantage que les immigrés, importés pour être exploités, permettent d’exercer sur eux en matière de rémunération, d’emploi, de condition de travail, etc. Les immigrés sont pour ainsi dire des « jaunes », des briseurs de grève. Mais l’immigration à outrance a une autre fonction aux yeux des « élites » : elle démoralise le peuple, détourne son attention de la chose publique et permet de le rouler dans la farine. L’immigrationnisme s’appuie sur un renversement des valeurs et la proscription du bon sens. Les intérêts des étrangers deviennent la priorité nationale. Quiconque s’insurge est traité de xénophobe, de fasciste. Quiconque constate les frictions inévitables entre autochtones et immigrés est traité de raciste, de nazi. Quiconque dénonce l’absence de réelle démocratie est traité de souverainiste, de populiste. Bref, grâce aux sophismes qu’ils permettent d’imaginer et de soutenir, les immigrés sont un instrument contre le peuple et la démocratie. Mais, plus encore : les immigrés sont, par définition, originaires de pays et de cultures différentes ; leurs traditions, leurs préoccupations, leurs conceptions politiques et leur vision du monde ne sont pas celles des autochtones. Ils vivent à une autre heure et marchent dans une autre direction. Aussi, quand un peuple est prêt techniquement et moralement pour une révolution, une immigration massive, en plus d’être un problème en soi, constitue une force d’inertie, donc un frein à la révolution. Nul doute que les puissants ont conscience du caractère contre-révolutionnaire de l’immigration massive. Si elle favorisait la révolution et menaçait leur suprématie, ils s’y opposeraient. Or ils en sont les promoteurs et font tous leurs efforts pour la rendre problématique. Les plus astucieux vont même jusqu’à proposer le droit de vote pour les étrangers ! C’est donc en tant que phénomène contre-révolutionnaire que le Civisme condamne l’immigration massive et prône l’arrêt de toute immigration après quarante ans de n’importe quoi, rejoignant en cela la position des patriotes  mais apportant un argument de poids capable d’en imposer aux dupes de la gaucherie.

Ainsi, l’heure n’est pas à la Révolution mais à l’insoumission, à la réaction, à l’insurrection. Les idées véritablement révolutionnaires ne sont d’ailleurs pas assez répandues pour qu’une Révolution, c’est-à-dire un véritable changement de système, un changement radical, soit possible. Le fruit n’est pas encore mûr. Ce serait donc une grave erreur de la part des rares révolutionnaires de croire qu’ils peuvent précipiter les choses. Leur rôle, aujourd’hui, est de préparer la Révolution, d’éclairer leurs compatriotes et, à défaut de pouvoir pousser le système à commettre des faux pas, de ne pas le contrarier quand il en commet. Il est bien sûr, aussi, de s’engager à fond dans le combat patriotique, car le salut de la patrie est en permanence à l’ordre du jour. Or, de ce point de vue, ces idées sur Largent et l’Egalité arment le patriotisme de principes solides, d’un idéal limpide, d’une cohérence doctrinaire qui seuls peuvent rallier tous les patriotes authentiques, les unir plus étroitement que jamais et les guider en toutes circonstances. Le Civisme, car c’est finalement de cela qu’il s’agit, est le summum du patriotisme. Il ne fait aucune concession. En fixant le but à atteindre, en traçant la route qui y conduit, il révèle tous les obstacles, il indique tous les pièges, il démasque tous les ennemis. Largent, ses amis, leurs complices et leurs jouets sont, aujourd’hui comme demain, les ennemis de l’Egalité, de l’Humanité, de la Société, des toutes les nations en général et de la notre en particulier.  

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En quoi toutes ces idées sont-elles utiles aux patriotes ? Autant se demander s’il est un temps pour le courage et le bon sens ! Au fort de la tempête, il n’est certes pas nécessaire de savoir où est le port. Mais celui qui le sait est assurément meilleur capitaine que celui qui l’ignore.

XIV. LE MOT DE LA FIN

En vérité, je vous le dis, la Révolution est en marche. Elle a commencé le 4 décembre 1997. Aujourd’hui, aussi modeste soit-il, elle a fait un pas de plus. Rien ne pourra l’arrêter.

LARGENT EST UN TYRAN !
L’EGALITE OU LA MORT !

VIVE LA REVOLUTION !
VIVE LA FRANCE !

 

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Vidéo de la conférence (7 parties)

Conférence 22 sept 2011.jpg

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10:42 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |