L'IMPOSTURE DES LUMIERES (présentation pour RL) (lundi, 03 septembre 2012)

« Cet air de liberté au-delà des frontières,
Aux peuples étrangers qui donnait le vertige,
Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige,
Elle répond toujours du nom de Robespierre,
Ma France. »

Jean Ferrat, Ma France


A FORCE D’ETRE EBLOUI PAR LES LUMIERES
ON DEVIENT AVEUGLE

 Présentation de L’IMPOSTURE DES LUMIERES

pour et publiée par Riposte Laïque

Je savais depuis longtemps que les Encyclopédistes et autres philosophes tels Voltaire que l’on appelle « les Lumières » n’étaient pas la tasse de thé de Robespierre, rousseautiste comme tous les vrais révolutionnaires (Marat, Saint-Just, Couthon, etc.). « La plus puissante et la plus illustre [secte], déclara-t-il dans son discours du 18 floréal an II (7 mai 1794), était celle qui fut connue sous le nom d'encyclopédistes. Elle renfermait quelques hommes estimables et un plus grand nombre de charlatans ambitieux. Plusieurs de ces chefs étaient devenus des personnages considérables dans l'Etat : quiconque ignorerait son influence et sa politique, n'aurait pas une idée complète de la préface de notre Révolution. Cette secte, en matière politique, resta toujours au-dessous des droits du peuple : en matière de morale, elle alla beaucoup au-delà de la destruction des préjugés religieux. » Mais c’est la conférence donnée en juin dernier par Marion Sigaut, historienne, sur l’anti-humanisme des Lumières qui a attiré mon attention sur le sujet et m’a donné les éléments pour comprendre cette hostilité.

Les Lumières dont l’oligarchie nous rebat les oreilles depuis deux siècles ne sont pas les humanistes que l’on croit ; leur idéal ne fut pas celui de la Révolution, du moins celui des révolutionnaires. C’est donc une maladresse, pour ne pas dire une forfaiture, que d’associer les Lumières et la Révolution, comme d’appeler « philosophes des Lumières » tous les philosophes de cette époque, et « révolutionnaires » tous les acteurs de la Révolution. Outre que ces amalgames empêchent de rien comprendre à cette époque, ils flattent les uns sans raison et relègue les autres, plus méritants, dans l’oubli.

J’ai donc écrit un texte sur le sujet, à la fois résumé et commentaire de ladite conférence. Etant très documenté (de nombreux textes en notes), il est trop long pour être publié ici. En voici néanmoins le lien :

http://philippelandeux.hautetfort.com/archive/2012/08/20/l-imposture-des-lumieres.html

Les textes cités font apparaître que les Lumières désiraient jouir tout de suite et le plus possible, sans entrave pour eux et à quelque prix que ce soit pour les autres, pour les pauvres en particulier. S’ils chahutaient les « grands », ils méprisaient le peuple destiné, selon eux, à les servir. Ils dénonçaient à l’occasion de réels abus, mais proposaient, à leur avantage, des solutions pire encore. Ces hommes n’ont jamais mérité du peuple et de l’humanité ! Les droits du citoyen, le bien public, la souveraineté du peuple, la paix sociale, l’indépendance nationale, la justice, l’Egalité, la Liberté, la vertu, la patrie, la postérité… des mots sous leur plume ! des foutaises dans leur esprit !

Ainsi n’ont-ils jamais réclamer l’abolition de l’esclavage, mais seulement la fin de la traite devenue non-rentable. C’est d’ailleurs par l’esclavage (dans une cage de fer et sous les coups) qu’ils voulaient remplacer la peine de mort, et c’est encore à l’esclavage, dans les colonies, qu’ils vouaient les mendiants et les orphelins des hôpitaux. Ils envisageaient aussi de confier les orphelins à des paysans qui leur refuseraient toute tendresse et les soumettraient à leur place au tirage de la milice. Le peuple n’était pas « digne d’être instruit » ! Pour éviter qu’il ne tombe dans la débauche, il fallait supprimer les fêtes de village et inciter voire forcer les paysans à travailler gratos le dimanche après-midi. Ne devait évidemment avoir le droit de cité que les propriétaires. Enfin, en matière économique, suppression de la police des subsistances, suppression des corporations, « laissez faire, laissez passer », autrement dit, liberté pour les riches d’acheter, d’accaparer, de spéculer, d’affamer le peuple et de le réprimer en cas de révolte. L’aristocratie des riches, voilà ce que prônaient les Lumières ! voilà quelle fut, sous la Révolution, la ligne des Constituants et des Girondins après eux !

La Constituante (les Lumières appliquées) [voir en bas de page les repères historiques sur la Révolution] avait fait semblant d’abolir les privilèges en les décrétant rachetables (nuit du 4 août 1789), divisé les citoyens en deux classes (actifs et passifs), instauré le suffrage censitaire, exclu les pauvres de la garde soi-disant nationale, adopté la loi martiale, maintenu la peine de mort (Robespierre fut le premier à en réclamer en vain l’abolition), perpétué l’esclavage, dépossédé l’Eglise au profit des bourgeois, restauré un roi parjure, brisé les corporations, interdit les associations d’ouvriers, interdit les pétitions, instauré ce que nous appelons aujourd’hui l’ultra-libéralisme ; bref, elle avait systématiquement favorisé riches et puissants. Les Girondins, quant à eux, défenseurs de la haute bourgeoisie, s’illustrèrent en jetant la France dans une guerre contre toute l’Europe au nom de la Liberté (en réalité pour renflouer les caisses publiques et garnir les coffres privés), et en la précipitant dans la guerre civile. L’Histoire qualifie tous ces braves gens de « modérés » !

C’est Robespierre qui, à la Constituante, avait défendu, souvent seul, les droits de la nation, du peuple, des ouvriers, des pauvres, de la presse, des soldats du rang, du bas clergé, des juifs (23 décembre 1789), des Noirs, etc.. Ce sont les Montagnards (Jacobins) qui supprimèrent la distinction entre citoyens passifs et actifs, abolirent réellement les droits féodaux (17 juillet 1793), armèrent le peuple, assurèrent le pain, gelèrent le prix des denrées et produits de première nécessité, firent la guerre aux sangsues publiques, projetèrent l’institution de l’école gratuite et obligatoire, envisagèrent un système de sécurité sociale, abolirent l’esclavage (4 février 1794), etc., sans parler du fait que c’est eux qui surent mobiliser les forces de la nation pour sauver la patrie que les Girondins orgueilleux et inconséquents avaient mise en danger. C’est la déclaration des droits de 1793, inspirée de celle de Robespierre, plus audacieuse, notamment sur la question de la propriété (garantie par la société et bornée comme tout droit), qui respire l’humanisme. Quoique suspendue aussitôt en raison des circonstances, c’est la Constitution de 1793 (24 juin), pas celle de 1791, que le peuple fit sienne et réclama jusqu’au milieu du XIXe siècle. Ce ne sont pas les Girondins, mais les Jacobins qui, à défaut d’être imités, inspirèrent le peuple dans les grands moments de conquêtes sociales et de résistance nationale (1814, 1871, 1940). Ce ne sont pas les Jacobins, les révolutionnaires, les Rousseau, mais les Girondins, les Constituants, les Encyclopédistes, les Voltaire, en un mot les Lumières qui ouvrirent la voie de l’élitisme crapuleux, du cynisme politique, de l’universalisme utilitaire, de la tartufferie droits-de-l’hommiste, de l’ingérence propre sur elle, du colonialisme, de la guerre impérialiste (de rapine), de l’immigrationnisme (néo-esclavagisme), de l’anti-populisme (euphémisme pour anti-populaire, anti-patriotique, anti-démocratique), de l’européisme, du mondialisme, etc.

Ainsi, quand on parle des Lumières et de la Révolution comme d’un idéal, sans trop connaître ces sujets, à quelle ligne idéologique pense-t-on réellement : à celle des Lumières ou à celle des révolutionnaires ? Qui était réellement humaniste, progressiste et démocrate ? Les révolutionnaires bien sûr, et en premier lieu Robespierre qui formula pour la garde nationale la devise qui est devenue et est encore celle de la « République ». 

Ce n’est donc pas rejeter l’idéal des révolutionnaires, considérés à tort comme celui des Lumières, que de démystifier les philosophes dits « des Lumières » eux-mêmes et rétablir la vérité au sujet des uns et des autres ; ce n’est jamais que rendre à César ce qui est à César ; c’est le devoir de tout honnête homme. A qui profite d’ailleurs la confusion qui soit interdit de creuser le cas des Lumières —et il ne faut pas creuser longtemps pour découvrir la supercherie — soit empêche de connaître les révolutionnaires dont le discours est encore révolutionnaire à bien des égards ? A qui, si ce n’est aux oligarques qui, à tort ou à raison, se réclament des Lumières pour en imposer au peuple ? Peut-on combattre un système en adoptant ses mythes et sa novlangue ?

C’est pourtant dans ce piège que sont tombés, dernièrement, Jean Pavée et Cyrano. « Que cache le réquisitoire contre Voltaire, si ce n’est la volonté de déconsidérer les Lumières, la République et la France ? » (Jean Pavée, 13 août 2012) « Nous aimons trop la France des Lumières, la Liberté, la vie, le rire, l’amour, l’humour, le vin, la spécificité de nos belles régions, la bonne chair, l’esprit gaulois, pour les abandonner sans combattre à l’islam des ténèbres, sa charia, son obscurantisme, son totalitarisme, son cléricalisme, son racisme, son sexisme, son antisémitisme, son homophobie, sa culture de la mort, ses voiles, son halal, son ramadan obligatoire, son jihad et ses casernes-mosquées. Nous aimons trop la liberté et la France des Lumières pour les abandonner à l’islam des ténèbres. » (Cyrano, 20 août 2012) Ces craintes seraient compréhensibles, ces arguments seraient recevables si les Lumières avaient été les patriotes et les démocrates supposés. Or ce n’est pas le cas. L’idéal invoqué ici n’est pas celui des Lumières à proprement parler.

Pourquoi les Français devraient-ils se sentir agressés quand est renversée une idole qui n’a jamais eu que du mépris pour le peuple ? Pourquoi des démocrates devraient-ils intervenir pour sauver la réputation des zélateurs de l’aristocratie des riches ? Pourquoi des patriotes mêleraient-ils leur cause à celle de « philosophes » qui n’ont jamais regardé les hommes et les nations que comme leurs jouets et leurs faire-valoir ? Il ne faut certes pas créer un vide, mais il faut arrêter de prendre des vessies pour des lanternes. Le peuple français a eu dans son histoire assez d’hommes et de femmes exemplaires pour l’inspirer dans tous les combats sans qu’il ait besoin de s’accrocher aux héros factices que ses ennemis lui fourguent à dessein. La résistance nationale a moins besoin d’un Voltaire que d’un Vercingétorix, d’un Charles Martel, d’une Jeanne d’Arc, d’un Robespierre, d’un Saint-Just, d’un Gambetta, d’un De Gaulle, d’un Jean Moulin, etc.. Dans la circonstance, le bon mot de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire » est sans doute moins utile que cette maxime de Saint-Just : « Pas de liberté pour les ennemis de la Liberté » ou encore que cet article de la constitution de 1793, adopté le 18 juin (ironie de l’Histoire !) : « Le peuple français ne fait point la paix avec un ennemi qui occupe son territoire ».

Non ! ce n’est pas nous désarmer que de lâcher l’épée en carton que nos ennemis nous ont collée dans les mains. Que les oligarques et les traîtres à la patrie gardent leurs Lumières ; le peuple français est résolu à se sauver lui-même et redevient révolutionnaire.

Philippe Landeux
21 août 2012

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REVOLUTION : REPERES HISTORIQUES

1789

5 mai – Réunion des Etats généraux à Versailles. Robespierre est député du Tiers Etat d'Arras.
15, 16, 17 juin – Les députés du Tiers Etat se déclarent Assemblée Nationale.
27 juin – Louis XVI accepte la réunion des députés des trois Ordres (Noblesse, Clergé, Tiers Etats).
9 juillet – L’Assemblée Nationale proclame que son objet est la rédaction d’une constitution.

1791

21 juin – Fuite du roi. Repris, il est rétabli sur le trône.
17 juillet – Massacre des Parisiens (demandant la déchéance du roi) au Champ de Mars par la garde bourgeoise dite nationale.
30 septembre – Fin de la session de l’Assemblée constituante
1er octobre – Ouverture de la session de l’Assemblée législative. Robespierre n’est plus député. L’Assemblée est dominée par les Girondins.

1792

20 avril – La France déclare la guerre à l’Empereur d’Autriche.
10 août – Parisiens et fédérés des départements (marseillais et bretons) prennent d’assaut les Tuileries et renversent la monarchie.
21 septembre – Réunion de la nouvelle Assemblée dite Convention. La monarchie est abolie en France. Robespierre est député (élu de Paris). L’Assemblée est dominée par les Girondins, élus en province.
22 septembre – Proclamation de la République.

1793

11 mars – Massacre de Machecoul et début de l’insurrection en Vendée.
2 juin – Les Girondins sont chassés de la Convention, désormais dominée par les Montagnards (Jacobins).
27 juillet – Robespierre est appelé au Comité de salut public.

1794

27 juillet (9 thermidor an II) – Robespierre est décrété d’arrestation. Libéré par la Commune, il est repris et exécuté le lendemain. La bourgeoisie triomphe. La Révolution (au vrai sens du terme) est terminée.

18:27 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lumières, robespierre, voltaire, philosophes, rousseau, révolution, révolutionnaires |  Facebook | |  Imprimer |