LES ENTREPRISES DANS LA CITE (vidéo 9) (lundi, 04 mai 2015)

Vidéo 1 – Qu’est-ce que la démocratie ?
Vidéo 2 – Qu’est-ce que Largent ?
Vidéo 3 – Qu’est-ce que la monnaie ?
Vidéo 4 – Anachronisme du système monétaire
Vidéo 5 – Qu’est-ce que l’Égalité ?
Vidéo 6 – Le Contrat social de la Cité
Vidéo 7 – Le moyen d’échange de la Cité : la Carte civique
Vidéo 8 – Retraite & chômage dans la Cité

1.jpg Pour voir la vidéo, cliquez sur l'image.

 

« Dans une Société digne de ce nom, rien n’est nationalisé,
rien n’est privatisé : tous les Citoyens servent la Cité. »

Manifeste des Patriciens, art. 88

 « Il n’y a pas de contrôle plus démocratique sur les
 entreprises que la loi du marché, lorsque les Citoyens
sont libres et égaux, puisque les Travailleurs, en tant
que consommateurs, s’imposent indirectement de
Travailler pour satisfaire leurs appétits. »

Manifeste des Patriciens, art. 93

 

LES ENTREPRISES DANS LA CITÉ

Dans les vidéos précédentes, j’ai disséqué le système actuel, mis à jour ses ressorts, à savoir la monnaie et surtout ce que le Civisme appelle « Largent » (c’est-à-dire, en simplifiant, la notion de valeur marchande), et j’ai montré leur caractère asocial et, finalement, antisocial en rappelant les grands Principes de l’ordre social. J’ai appelé à anéantir Largent au nom de l’Égalité et de la patrie (Société), quoiqu’il s’agisse moins de lutter contre Largent que pour l’Égalité. C’est en effet en instaurant l’Égalité, la Cité, en faisant triompher la logique sociale, que Largent et la monnaie seront de fait vaincus, balayés, éradiqués, et non en luttant directement contre eux sans trop savoir pourquoi et en utilisant les armes physiques et morales qu’ils fournissent. Mais comment instaurer l’Égalité ? Il suffit de préciser ce qu’elle est pour avoir la réponse. Il n’y a qu’une seule Égalité possible, concevable et souhaitable, celle des Citoyens, en Devoirs et en Droits, égalité notamment dans le Devoir de participer à la vie de la Cité (selon ce qu’elle considère comme une participation), et dans le Droit de profiter des bienfaits de leur Cité, donc en ayant notamment le droit d’accéder librement au marché du fait même qu’ils soient Citoyens. C’est au niveau de ce droit que Largent et la monnaie interviennent, contrarient les Principes et anéantissent la Société. C’est aussi à ce niveau que la Cité doit intervenir en reconnaissant que le droit d’accéder au marché doit être conféré par la Citoyenneté et donc en dotant les Citoyens d’un moyen d’attester leur Citoyenneté auprès des commerçants. Ce moyen, c’est la Carte civique. J’ai consacré la vidéo 7 à ce sujet. Je rappelle en quelques mots son fonctionnement et ses effets.
La Carte civique fonctionne, d’un point de vue technique, comme nos actuelles cartes de crédits. Elle est strictement personnelle, sécurisée et sert à valider les retraits faits chez les commerçants et les services rendus par les entreprises. Mais le pouvoir d’achat qu’elle confère, c’est-à-dire celui que la Citoyenneté qu’elle permet d’attester confère, ne dépend pas d’unités, il n’est pas mesurable (pas plus que la Citoyenneté), il est indéfini et pour ainsi dire illimité, donc égal pour tous les Citoyens qui, tous, peuvent consommer librement, sans autre borne que la nature des choses. (Je simplifie.) Il s’ensuit que la Demande globale surpasse toujours l’Offre, même quand celle-ci est à son maximum, et que le plein emploi est donc une situation inaltérable (vidéo 8 sur le chômage). Ce qui nous amène à la question du travail et des entreprises.

La Carte civique est la garante de l’Égalité ; c’est elle qui permet aux Citoyens de jouir de leurs droits. Mais avant d’en jouir, ils doivent les mériter, ils doivent mériter la Citoyenneté, notamment, comme je l’ai dit plus haut, en participant à la vie de la Cité, selon ce qu’elle considère comme une participation. Et je dis bien « participer », je ne dis pas « travailler », car le travail, dont il va être question ici, par rapport aux entreprises, est une forme de participation parmi d’autres, même si elle est la plus courante. Certains métiers relèvent de la participation et non du travail lorsqu’ils sont exercés dans le cadre de structures non-marchandes, comme l’armée, la police, la magistrature, les administrations publiques, etc. Toutes les formes de participation, y compris le travail, doivent être définies et reconnues par la Cité, d’où l’expression « selon ce qu’elle considère comme une participation ». Il n’appartient pas aux individus de proclamer qu’ils participent ; c’est à la Cité de le dire d’après les critères qu’elle a fixés. Au mieux les individus peuvent-ils proposer à la Cité de reconnaître, sous certaines conditions, la forme de participation qu’ils désirent faire leur en tant que Devoir, mais c’est bien à la Cité, qui garantit les droits du Citoyen aux individus qui contribuent à sa santé et à sa prospérité, qu’il appartient de trancher la question. Et ceci est autant valable pour les individus que pour les entreprises, d’où l’intérêt de cette précision. Qu’est-ce donc qu’une entreprise dans la Cité ?

Une entreprise est d’abord un groupe de Citoyens remplissant ensemble leur Devoir de participer et constituant ainsi une personne morale ayant elle-même ce Devoir. Autrement dit, une entreprise doit aussi participer à la vie de la Cité selon ce que celle-ci considère comme une participation, et il va de soi que les attentes de la Cité sont à la mesure du potentiel de l’entreprise (c’est-à-dire du nombre de Citoyens qu’elle emploie) et dépendent également de la nature de ses activités. La Cité attend tout simplement de chaque entreprise qu’elle remplisse la fonction qu’elle est censée remplir. Le point commun entre toutes les entreprises (quel que soit le nombre de leurs employés, de un jusqu’à des milliers, et leur domaine d’activité) est qu’elles produisent des biens et/ou fournissent des services qui suscitent et/ou répondent à une Demande significative de la part de personnes physiques ou morales. En clair, une entreprise est caractérisée par le fait d’avoir des clients identifiables (contrairement aux services publics qui ne s’adressent à personne en particulier), et la Cité considère qu’elle a fait son devoir à partir du moment où elle a un certain nombre de clients sur une période donnée (généralement un an), voire lorsqu’elle a écoulé une certaine quantité de marchandises (informations connues instantanément grâce à l’usage des Cartes civiques). Ce nombre de clients à atteindre et cette quantité de marchandises à écouler font partie des Conventions de l’entreprise et sont fixés par des Commissions, soit au cas par cas, soit d’après des grilles standards. (De telles Commissions existent dans tous les départements et sont composées de Citoyens nationaux tirés sort. Je n’entre pas plus avant dans ce sujet auquel un chapitre du Civisme est consacré ; je voulais juste faire remarquer que « Cité » ne veut pas nécessairement dire « État » et que l’État est en fait réduit au strict minimum dans la Cité.)

Ces résultats conventionnels ne sont pas les résultats maximums que l’entreprise pourrait atteindre, compte tenu de son potentiel (ou du nombre de ses employés), mais les résultats minimums qu’elle doit atteindre pour que la Cité considère qu’elle satisfait une Demande significative, qu’elle a fait son travail et que son existence a une utilité. (Je précise qu’il s’agit de résultats de vente et non de production, car si la vente suppose une production appréciée, la production, elle, ne suppose pas la vente, et produire sans vendre revient à n’avoir rien produit.) Ces résultats ne sont en fait qu’un repère, qu’un indicateur pour la Cité. On pourrait dire que, dès lors que l’entreprise atteint lesdits résultats, les Cartes civiques de tous ses employés sont validées. En réalité, les Cartes des Citoyens sont valides dès qu’ils intègrent une entreprise, puisque l’existence de cette entreprise suppose qu’elle remplit son Devoir, que tous ses employés remplissent donc eux aussi le leur. Ces derniers ne travaillent donc pas pour que leur Carte soit validée, mais pour que leur entreprise atteigne ses résultats et ne s’expose pas à des sanctions. Comme je l’ai expliqué dans la vidéo précédente sur la retraite et le chômage, ces sanctions, pouvant aller jusqu’à la liquidation de l’entreprise (en cas de résultats négatifs répétés plusieurs années de suite), sont infligées également à tous les employés et consistent généralement en « temps négatif » qui repousse d’autant le moment où les Citoyens pourront prendre leur retraite : puisqu’ils n’ont pas travaillé correctement, ils travailleront plus longtemps. (L’objet d’une sanction, quel que soit le domaine, est de dissuader de commettre un acte, de réparer si possible, de punir pour dissuader de récidiver et, dans les cas particulièrement graves, d’empêcher toute récidive. Ici, le « temps négatif » vise surtout à dissuader et à réparer.) Tout le monde est prévenu, et cette menace de sanction collective (qui est le pendant de la validation collective des Cartes ou de la reconnaissance collective des Droits), suffit à déterminer les employés à se secouer, à s’investir, à se stimuler mutuellement, bref à avoir le fameux « esprit d’entreprise » (équivalent du patriotisme au niveau de la Société), et si cela ne suffit pas à faire disparaître les bras cassés et les tire-au-flanc, l’entreprise a le droit de licencier comme bon lui semble, autant qu’elle est libre de recruter.

En fait, les entreprises atteindront toujours leurs résultats conventionnels — à moins, évidemment, de s’être endormies sur leurs lauriers, de ne pas avoir su évoluer, innover, adapter ou simplement valoriser leurs produits. Le « temps négatif », en guise de sanction, est en cela une première raison, la première raison pour laquelle les entreprises atteindront toujours leurs résultats conventionnels. La deuxième tient au fait que les entreprises, comme les Citoyens, disposeront d’un pouvoir d’achat quasi illimité et auront donc tous les moyens qu’il est possible d’avoir, si elles le désirent, pour répondre aux attentes de leurs clients qui, eux-mêmes, ne seront plus arrêtés, comme aujourd’hui, par des considérations financières. Dans la Cité, le facteur humain fera seul la différence ; les entreprises qui n’atteindront pas leurs résultats conventionnels ne pourront s’en prendre qu’à elles-mêmes, à leur mauvaise gestion, et seront doublement fautives et punissables. La Cité ne fera d’exception que pour les entreprises victimes de catastrophes naturelles ou d’événements dramatiques, indépendants de leur volonté, qui suspendront pour un temps leurs conventions ou, pour le moins, amèneront la Cité à les revoir à la baisse. Enfin, la troisième raison qui devrait éviter aux entreprises de s’endormir, c’est qu’elles seront en concurrence et que, pour gagner et surtout ne pas perdre de clients, qui pourront accéder au meilleur, elles devront leur offrir le meilleur ou, du moins, faire de leur mieux pour ne pas être trop distancées, en matière de qualité, par leurs concurrentes. En somme, les entreprises ne pourront se contenter d’atteindre leurs résultats conventionnels ; elles devront en faire abstraction et ne viser qu’à la satisfaction de leurs clients. On voit donc qu’il ne faut guère, de notre côté, attacher trop d’importance à ce concept, néanmoins nécessaire, de « résultats conventionnels », qui n’exigeront, pour être établis, qu’un peu de bon sens.

A ceux qui auraient l’impression que le Civisme ressemble au communisme, parce que la Cité établira l’Égalité et aura un œil sur les entreprises, je rappellerai tout d’abord qu’aucun régime communiste n’a jamais supprimé la monnaie, instauré l’Égalité, garanti aux Citoyens le libre accès au marché et la liberté d’entreprendre (sujet dont il sera question plus loin), reconnu aux entreprises les droits d’embaucher et de licencier librement, maintenu entre elles la concurrence et fait des « ventes » le critère suprême. En fait, le communisme a été beaucoup plus loin dans l’étatisme ; le capitalisme n’a jamais été aussi loin dans le libéralisme. En réalité, le Civisme, c’est du libéralisme sans capitalisme. Dans la Cité, les entreprises ne sont ni publiques ni privées, mais les deux à la fois.

Une entreprise — et ceci est également vrai aujourd’hui — a, par définition, une fonction publique ou sociale ; elle ne produit pas pour elle, pour ses employés, mais pour le marché ; elle existe pour servir les intérêts des Citoyens qui sont la Cité. Elle emploie d’ailleurs des Citoyens qui, en travaillant pour elle, pour l’entreprise, remplissent envers la Cité leur Devoir de participer. Et ce n’est pas d’elle que ses employés, en tant que Citoyens, tiennent leurs Droits, mais de la Cité. Ce dernier point n’aucun sens, aujourd’hui, dans le système monétaire, puisque les employés tiennent leur salaire, donc l’essentiel de leurs droits, de l’entreprise qui les paye ; mais les deux premiers, irréfragables, suffisent à démontrer que faire de l’entreprise un objet indépendant de la Société, une propriété privée, est une aberration, une ineptie que seuls des hommes lobotomisés par Largent peuvent accepter comme de juste. Mais c’est précisément parce que l’entreprise a une fonction sociale, parce qu’elle a des responsabilités devant la Cité, qu’elle doit être libre de gérer son activité ; car celui qui obéit n’est pas responsable. La Cité ne doit pas se mêler des affaires internes des entreprises, d’une part, pour qu’elles puissent assumer seules leurs actes, d’autre part, parce que l’expérience a montré que l’économie dirigée est un désastre. Pour autant, elle ne leur livre pas ses Citoyens pour en faire des esclaves corvéables à merci, pas plus qu’elle ne leur permet de se jouer d’eux en tant que consommateurs.
Je n’ai pas réussi à le caser, alors je le précise maintenant : le présent schéma est valable pour toutes les entreprises, quel que soit leur domaine d’activité et leur nombre d’employés, fut-il de un. Certaines activités diffèreront cependant de ce schéma de base par le mode de validation des Cartes que leur nature impliquera. Nous avons vu la validation « parallèle » (à l’appartenance à une entreprise) mais elle pourra aussi être « différée » ou encore « temporaire » (Voir la théorie du Civisme). Ainsi, toutes les activités contemporaines, autres que purement financières, perdureront moyennant une adaptation aux règles de la Cité. Par ailleurs, le formidable pouvoir d’achat des Citoyens permettra à beaucoup d’activités de se développer, et à de nouvelles, de voir le jour. Les activités qui aujourd’hui offrent des services gratuits, grâce à des bénévoles, et qui auront encore un objet, pourront devenir des activités professionnelles, c’est-à-dire des portes de la Citoyenneté, car les Citoyens, en tant qu’usagers ou consommateurs, ne rechigneront pas à sortir leur Carte civique comme ils peuvent le faire de leur carte de crédits ; ils ne se diront plus « il faut encore que je casque » mais « ça prouve qu’il bosse ». La Cité pourra en quelque sorte faire « payer » pour tout, donc créer de l’emploi partout, car tous les Citoyens auront « les moyens », comme on dirait aujourd’hui. En revanche, les activités illégales ne rapporteront plus rien, sinon de gros ennuis, et disparaîtront d’elles-mêmes en perdant leur raison d’être. Celles qui perdureront malgré tout seront le fait d’amateurs, pour leur plaisir ; elles ne constitueront plus un fléau et pourront être ignorées, à moins d’être véritablement criminelles. Il en ira de même, de manière générale, pour les activités non-reconnues ou pratiquées hors cadre professionnel.

Toute activité personnelle pourra donner lieu à une forme de participation reconnue, voire à une entreprise individuelle. Je dis bien « pourra ». La condition pour passer de l’état d’amateur à celui de professionnel sera comme toujours de satisfaire des conditions, de répondre à une certaine demande et d’atteindre les résultats conventionnels préétablis, sous peine de sanction. Ceux qui, pour X raisons, ne pourront remplir ces conditions ou ne voudront être astreints à de telles conditions pratiqueront l’activité en question en amateur et devront mériter la Citoyenneté autrement, dans le cadre d’une autre activité. Ceux qui tenteront l’aventure sans être à la hauteur devront vite abandonner sous peine de sanctions. Ne pourront être Citoyens grâce à leur art, ne pourront « vivre de leur art », comme on disait au XVIIIe siècle, que les individus dont l’activité suscitera, à tort ou à raison, une demande significative et qui voudront exercer cette activité de manière professionnelle. (Remarquons que seul le marché, c’est-à-dire les Citoyens en tant que consommateurs, donc la Cité au sens général, sera juge de l’utilité d’une activité ; la Cité, en tant qu’institution, ne fera que prendre acte du jugement en constatant les résultats.) La Cité ne donnera rien ; elle ne décidera pas à la place des Citoyens ce qu’ils devront avoir ou ce qu’ils devront faire. Pas plus qu’elle ne distribuera les biens, puisque c’est aux Citoyens qu’il appartiendra de retirer du marché ceux qu’ils désireront, elle ne leur donnera ni ne leur imposera un travail : elle fixera seulement les règles du jeu, les mêmes pour tous, à charge pour eux de se trouver une place, d’en changer si elle ne leur plait pas (et s’ils le peuvent), voire, pour les plus entreprenants, de créer leur emploi en montant une entreprise.

La liberté d’entreprendre ne sera pas un slogan ou le privilège de quelques-uns dans la Cité : tous les Citoyens en auront le droit et les moyens matériels — qui manquent souvent aujourd’hui. Bien sûr, tous les Citoyens ne seront pas géniaux, mais rien n’empêchera plus les bonnes idées d’être exploitées. C’est ainsi que l’Égalité libèrera le génie de l’Homme et portera la Cité au summum de son potentiel. Concrètement, tous les Citoyens auront le droit d’échouer trois fois dans la création d’entreprise, afin que ceux qui ne réussissent pas du premier coup aient une autre chance de faire valoir leur talent et que ceux qui ne sont décidément pas faits pour cela cessent de se moquer du monde ou de se mentir à eux-mêmes. En revanche, ceux qui réussiront dans toutes leurs entreprises n’auront pas de limite, pour le plus grand intérêt de la Cité. Comment procèdera-t-on ? Tout simplement. Le Citoyen qui aura un projet bien ficelé le présentera à une Commission pour qu’elle fixe ses conventions, lui délivre diverses autorisations et lui fournisse une carte d’accès professionnelle. La Commission ne jugera pas les projets, elle les acceptera tous, excepté, bien sûr, ceux dont l’objet sera illégal. La Cité ne prendra pas le risque d’étouffer un bon projet ; c’est le Citoyen qui prendra les risques — façon de parler, car il ne risquera pas grand chose, sauf abus manifestes — et devra autant démontrer l’intérêt de son projet que se montrer digne de la confiance placée en lui. La Cité ne perdra rien, du reste, en cas d’échec : tous les biens mobiliers et immobiliers seront saisis et remis sur le marché pour profiter à une autre entreprise.

Sauf exception, un premier projet sera toujours modeste, quitte à être développé rapidement. Seuls des entrepreneurs éprouvés pourront proposer des projets d’envergure. La Cité — ici, au sens d’État — pourra elle aussi initier des projets voire créer des entreprises qui seront cependant soumises au même régime que les autres : conventions, gestion privée.

Certains pourraient se demander pourquoi des Citoyens s’embêteront à créer des entreprises, dans la mesure où ils n’auront rien à y gagner selon les considérations capitalistes. Mais, précisément, les Citoyens n’auront pas ce genre de considérations ; elles n’auront aucun sens. Toute fonction dans la Cité assurera les mêmes droits, les droits du Citoyen. Mais les Citoyens ne seront pas des clones ; ils auront des envies, des goûts, des talents différents. Et il est dans la nature de certains hommes d’être créatifs, inventifs, entreprenants, indépendants,  aventureux, etc. Ces hommes-là sont conduits — comme tous d’ailleurs — par ce qu’ils ont en eux. Pourquoi se priveraient-ils de suivre leur voie si la Cité aplanit devant eux tous les obstacles ? Leur motivation sera d’ailleurs d’autant plus saine que, justement, ils n’auront rien de particulier à gagner, si ce n’est assouvir leur nature et réaliser leurs rêves ! Ceci étant, dans un système égalitaire, la plus haute récompense est la reconnaissance publique, et la Cité devra et saura reconnaître le mérite personnel. On peut imaginer que, sous certaines conditions, les Citoyens qui auront particulièrement bien servi la Cité, notamment dans le domaine économique, seront distingués par des Cartes civiques particulières, reconnaissables par des couleurs, qui confèreront à leurs détenteurs, non pas des droits nouveaux, mais la possibilité d’être prioritaires dans l’exercice de leurs droits. Par ailleurs, un créateur d’entreprise pourra y donner son nom, aura toujours une voix prépondérante parmi celle de tous les employés et pourra en léguer la direction à ses héritiers directs, car la Cité n’ignorera pas que la création (comme la procréation) est, par nature, une quête de perpétuation, pour ne pas dire d’immortalité, et la Cité, loin de vouloir briser ce ressort, le ménagera d’autant plus qu’il sera sans inconvénients.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur l’entreprise, de nuances à apporter, de points à soulever, mais cette vidéo serait sans fin. Je terminerai par deux sujets complémentaires : la propriété des moyens de production et le cas particulier de ce que le Civisme appelle « les biens supports d’entreprise ».

Dans la Cité, le débat sur la propriété des moyens de production, cher aux marxistes, n’a plus aucun sens, vu que les droits des Citoyens ne dépendent ni de leurs propriétés personnelles ni du propriétaire des moyens de production. En l’occurrence, les moyens de production (sol, locaux et machines) appartiennent aux entreprises, en tant que personnes morales, tant que ces entreprises existent, donc tant qu’elles servent bien la Cité ; ils appartiennent à tous leurs employés pris en masse et à aucun en particulier. Peu importe qui les a réunis, puisque, qui que ce soit, il n’a pu le faire que grâce à la Cité, en tant que membre de telle entreprise, pour le compte de cette entreprise et, au final, dans l’intérêt de la Cité. En réalité, les biens d’une entreprise seront regardés comme des propriétés privées par les Citoyens étrangers à cette entreprise mais appartiendront toujours, en théorie, à la Cité qui ne mettra la théorie en pratique que dans des cas spécifiques. Le débat sur la propriété des moyens de production, c’est-à-dire contre la notion capitaliste de propriété privée ou personnelle de ces moyens, ne se conçoit que dans un système monétaire, de la part d’anticapitalistes autoproclamés qui ne remettent pas en cause la monnaie, et sa logique, et cherchent en vain à endiguer ses effets ; qui critiquent le capitalisme en entrant dans le jeu des capitalistes. En fait, ces derniers ne luttent ni pour la Société et l’Égalité (bien comprise) ni contre Largent et la monnaie ; ils détournent l’attention des véritables questions, donc des véritables solutions, et contribuent ainsi à maintenir le système qu’ils dénoncent mais qu’ils ne menacent pas fondamentalement. Ils sont, comme ils disent eux-mêmes, « les idiots utiles » du système. C’est assez dire que leurs arguments — qui peuvent être pertinents par rapport au système — n’ont aucun intérêt d’un point de vue révolutionnaire.

Certains biens peuvent être à eux seuls le principal support d’une entreprise, leur principal outil de travail. Je pense notamment aux autobus, aux bateaux, aux avions. Ces engins peuvent faire partie de la flotte d’une grande entreprise, mais ils peuvent aussi appartenir à une petite entreprise dont tout le personnel sert sur un seul de ces engins. Il va de soi que ces biens, nécessitant du personnel de bord, seront inaccessibles aux particuliers, car les particuliers ne pourront avoir de serviteurs. (La domesticité n’existera pas dans la Cité.) Ces biens pourront être acquis, à l’unité, neuf ou d’occasion, par les créateurs d’entreprises (de petites entreprises), par des entreprises déjà établies dans le domaine en question et cherchant à se développer, et aussi par des entreprises importantes dont l’activité sera sans rapport avec les services que ces biens peuvent rendre. Dans tous les cas, le personnel de bord fera partie de l’entreprise en question et sera pris en compte pour établir ses résultats conventionnels. Rien de plus normal dans les deux premiers cas. Mais une entreprise qui fera une telle acquisition sans raison économique valable, c’est-à-dire pour son confort et le plaisir de son personnel, devra soit compter un personnel innombrable soit être très performante pour pouvoir se permettre d’embaucher des employés inutiles par rapport à son activité reconnue mais contribuant à élever les exigences de la Cité. Malgré tout, la chose sera possible et sans doute bien plus fréquente qu’on ne l’imagine, car, comme je l’ai dit, les véritables résultats des entreprises seront supérieurs aux résultats conventionnels, de sorte qu’elles auront une marge de sécurité qui leur autorisera ce genre d’extras. Bien sûr, dans les mauvaises passes, ces employés surnuméraires seront les premiers à être licenciés pour faire baisser automatiquement les résultats conventionnels de l’entreprise afin que ceux-ci soient plus en rapport avec son véritable potentiel humain. Et c’est là que l’on voit comment le droit de licencier sera aussi, pour les entreprises, un moyen de prévenir les sanctions voire la liquidation. C’est là également que l’on comprend comment, dans la Cité, les branches en déclin s’atrophieront naturellement jusqu’à disparaître, ou tout comme, au lieu d’être conservées artificiellement. Encore une fois, le Civisme n’est pas du communisme.  

Je n’ai pas abordé la question des produits, biens et matières d’importation que les Citoyens peuvent désirer et dont les entreprises ont souvent besoin. Ce n’est pas parce qu’importer sera impossible, mais tout simplement parce que les échanges internationaux seront le sujet de la prochaine vidéo.

Vidéo 10 – La Cité et les échanges internationaux
Vidéo 11 – Distinction entre Citoyenneté et Nationalité
Vidéo 12 – Le système politique de la Cité

09:53 Écrit par Philippe Landeux | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |