lundi, 17 décembre 2012
DEBAT Reynald Secher vs Philippe Landeux - Robespierre (la Vendée)
Enquête & débat : Pour ou contre Robespierre ? (Robespierre et la Vendée)
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Le débat entre Reynald Secher et moi a eu lieu samedi 15 décembre 2012, au matin. Dans mon esprit, ce débat devait porter, non sur Robespierre, dont je suis un « spécialiste », mais sur la guerre de Vendée, puisque M. Secher a consacré sa vie à clamer sur tous les toits que la République a commis un génocide en Vendée. Du reste, en apprenant le véritable objet du débat, je ne me suis fait aucune illusion. Comme certains brandissent hystériquement la loi du 22 prairial an II pour condamner Robespierre sans rémission, je me doutais bien que M. Secher ramènerait tout à la question de la Vendée pour condamner et Robespierre et le Comité de salut public et la République et la Révolution.
Sachant que tel serait de même le réflexe de beaucoup, j’ai consacré un chapitre de mon « Robespierre » à cette question qui, pourtant, ne le concerne en rien, si ce n’est de très loin. Ayant vu tous les arrêtés du Comité de salut public, je savais que la thèse du génocide (et celle d’un Robespierre « génocideur ») ne tenait pas (même si cet épisode de l’histoire de France a effectivement été affreux) et, partant, qu’un livre ne pourrait prouver réellement le contraire. De fait, il n’y a rien dans le livre de M. Secher. (Deux arrêtés : celui du 26 juillet 1793 qui dément toute intention génocidaire, et celui du 27 novembre 1793, signé entre autres par Robespierre, sur la nomination du général Turreau (qui ne conçut et ne mit en œuvre son plan qu’en janvier 1794).) Il y en a moins dans son livre de 400 pages que dans mon chapitre de 20 pages.
Il s’ensuit que, pour soutenir sa thèse, en particulier ses accusations contre Robespierre, M. Secher est obligé de noyer le poisson en recourant à des procédés surprenants pour un historien : procès d’intention, interprétations ridicules, extrapolations fantastiques, exagérations manifestes, parallèles douteux, généralités insipides, comparaisons grotesques, raccourcis spectaculaires, citations hors sujet, affirmations gratuites, négation des faits, mépris de la chronologie, anachronismes, amalgames, diversions, omissions, dissimulations, insinuations, inversions, etc. Lui qui accuse la République d’avoir mené une guerre idéologique est dans l’idéologie pure !
Je ne suis pas encore à l’aise devant une caméra et c'était la première fois que je débattais, contrairement à M. Secher. Ce dernier l’emporte donc sur la forme. Mais soyez attentif au fond. Les procédés que je viens de signaler devraient vous sauter aux yeux. Il était question de Robespierre… M. Secher n’a fait que parler à tort et à travers en prenant ses élucubrations pour des arguments historiques. Ce qu’il dit n’est pas forcément faux, mais cela n’a jamais aucun rapport direct avec le sujet, à savoir Robespierre. Bref, M. Secher n’est pas un historien mais un impressionniste, un prestidigitateur.
A vous de juger. Bon visionnage…
Pour info : Je soutiens que le Comité a toujours essayé de distinguer les rebelles de la population en général, que sa tactique était de faire évacuer autant que possible la population des départements constituant la "Vendée militaire" pour ne plus avoir en face que les rebelles, qu'il prescrivait de traiter avec soin les évacués et qu'il envisageait même de les indemniser. Dans ces conditions, il est impossible de lui attribuer des intentions génocidaires. Je le dis, et je le prouve :
Le 20 février 1794, Garrau, Hentz et Francastel, représentants à l’armée de l’Ouest, arrêtent que les habitants du département de la guerre [c’est-à-dire la Vendée] se retireront à 20 lieues au moins. — Cet arrêté est connu par l’arrêté du Comité de salut public du 29 ventôse (19 mars) par lequel ce dernier demanda au Conseil exécutif provisoire de prendre « les mesures nécessaires pour que ces réfugiés ne puissent approcher de Paris à moins de vingt lieues ». (Tome XII, p. 53, n° 2)
26 février 1794. Lettre. De Nantes, Hentz, représentant à l’armée de l’Ouest, et Francastel, représentant dans l’Indre-et-Loire et le Maine-et-Loire, écrivent au Comité : « Voulez-vous faire une déportation des habitants de ce pays ? La voilà exécutée d’avance ; il ne restera plus qu’à prendre des mesures pour faire un sort aux Vendéens dispersés dans la République, pour les indemniser même généreusement, de sorte que, tout à la fois, nous trouverons les moyens de purger plus facilement la Vendée en détruisant ce qui va rester, et de disperser dans la République des gens qu’il sera toujours dangereux de laisser ensemble. Jamais les femmes de ce pays ne deviendront raisonnables ; c’est surtout elles qu’il faut expatrier. » (Tome XI, p. 425)
6 mars 1794. Lettre. De Cholet, Hentz, représentant à l’armée de l’Ouest, et Francastel, représentant dans l’Indre-et-Loire et le Maine-et-Loire, écrivent au Comité : « Le désespoir des brigands augmente en raison de leur détresse, et cet état les rend par moment redoutables. L’obligation de n’avoir que des petites colonnes laisse des vides, et ils se portent avec fureur là où nous ne sommes pas, là où tout n’est pas détruit ; nous venons d’apprendre qu’ils commettent leurs horreurs, c’est-à-dire leurs massacres des patriotes dans le canton de Loroux et autour de Saint-Florent. L’opiniâtreté des habitants de ce pays est inconcevable ; malgré nos proclamations de se retirer, les facilités que nous donnons aux réfugiés, il en est beaucoup qui restent. Cependant, notre mesure a produit le plus grand effet et il vient d’évacuer plus de dix mille personnes de la Vendée. Cela désole les brigands, qui vont se trouver seuls, et qui voient bien qu’on les fera infailliblement périr. Tout Cholet a évacué hier ; il n’y reste personne, on n’a rien brûlé. » (Tome XI, p. 577)
27 mars 1794. Lettre. Le Comité (sans autre précision) écrit aux représentants en Vendée : « Lorsqu’il se fait par vos ordres, citoyens collègues, des émigrations de citoyens de la Vendée, vous devez dans votre sagesse aviser aux moyens de leur assurer, dans les départements où ils passent et où ils arrivent, des moyens de subsistances, et ces moyens, les extraire des départements d’où ils sortent. » (In extenso) (Tome XII, p. 226)
Le 4 juin, le Comité (Billaud-Varenne, R. Lindet et B. Barère) arrêta que : “Les agents de la Commission feront publier dans le département Vengé une proclamation pour annoncer l’objet de leur mission, ordonner à tous les habitants de se retirer dans leurs communes et de se présenter au jour qui sera indiqué pour se faire inscrire sur la liste qui sera dressée de tous les habitants, et déclarer que ceux qui ne seront pas inscrits sur ces listes seront traités en rebelles. » (Supplément 3, p. 193)
12 juin 1794. Lettres. De Niort, Ingrand, représentant à l’armée de l’Ouest, écrit au Comité de salut public : « Chaque jour les brigands se portent sur les communes qui se trouvent entre le camp de Chiché et la Châtaigneraie et y égorgent les citoyens qu’ils rencontrent. Hier, douze hommes sont tombés à l’Absie, sous le fer de ces féroces assassins. Il est important de faire évacuer les communes qui se trouvent entre les camps et qui ne sont pas assez fortes pour se garder. » (Tome XIV, p. 280)
11 juillet 1794. Lettre. Bo, représentant à Nantes, écrit au Comité de salut public : « Faut-il ne nommer qu’une commission pour délivrer des certificats de civisme à tous les citoyens des départements qui ont fait partie du théâtre de la guerre de la Vendée et qui réclament des indemnités ? Si cela est, ces opérations seront très longues, car les certificats de civisme qu’elle accordera, devant être confirmés par les agents nationaux de districts et révisés ensuite par les représentants du peuple, demanderont beaucoup de temps avant que toutes ces formalités soient remplies. » (Tome XV, p. 91)
22:00 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Dommage que le débat démarre et s'attarde sur la Vendée et la question du "génocide", ce qui éclipse finalement la question centrale...
Sans nier ses recherches sérieuses et les faits relatés, Reynald Secher semble toutefois se perdre et se complaire, comme tant d'autres, dans l'esprit victimaire propre à notre époque.
J'aurais aimé pour ma part mieux comprendre le rôle et le ressenti de Robespierre dans la dérive révolutionnaire.
Écrit par : Bugeaud | mardi, 18 décembre 2012
Pour ma part, Robespierre ne s'occupa pas de la question de la Vendée qui, aussi terrible qu'elle pouvait être pour les intéressés, était anecdotique par rapport à la situation générale de la France. Or Robespierre s'occupait justement de politique générale et il avait fort à faire.
S'il était partisan de la Terreur et en fut même le théoricien, ce n'était pas non plus un furieux. Il fit ce qu'il put pour s'opposer aux excès. Il sauva de la guillotine les "73" Girondins emprisonnés, il essaya de sauver la soeur de Louis XVI, il fit décréter l'établissement d'une Commission de justice (décret que Billaud-Varenne fit rapporter), il s'opposa à la proscription en masse des prêtres, à l'arrestation des signataires des pétitions des 8.000 et 20.000, il fit rappeler, autant qu'il put, les représentants sanguinaires. Je dirais même que la loi du 22 prairial, qui complétait celle du 27 germinal, avait elle aussi pour but de précipiter la fin de la Terreur en la concentrant à Paris.
Mais, pour en savoir plus, lisez simplement son discours du 8 thermidor. Il répond à votre question.
http://membres.multimania.fr/discours/8thermidor.htm
Écrit par : Philippe Landeux | mardi, 18 décembre 2012
Bonjour, je voulais vous dire un grand bravo pour votre beau travail dans votre livre et sur votre site sur Robespierre. Je partage totalement votre analyse. Je voudrais savoir si vous connaissez les livres et les articles qe 'on peut trouver sur Internet de l'histoirenne Florece Gauthier, spécialiste de Robespierre peu lue mais qui rejoint totalement votre propos (et va même parfois plus loin, par exemple en montrant dans un article les positions "féministes" de Robesierre). Elle a dirigée et présentée le tome 11 de ces Oeuvres récemment publié et a publié une présentaton de ses eilleurs discours qu'elle replace dans leur contexete (à lire absolument).
Bref je viens de découvrir votre site et j'aurais sûrement plusieurs questions à débattre avec vous dans l'avenir.
A bientôt!
Écrit par : Aurélien | jeudi, 27 décembre 2012
Bonjour Aurélien, oui, je connais Florence Gauthier, nous nous sommes même rencontrés une fois. J'ai bien sûr le tome XI des oeuvres complètes et aussi son "Triomphe et mort du droit naturel en révolution", pas mal (quoique je rejette la notion de droits naturels), et "La guerre du blé au XVIIIe siècle" auquel elle a contribué, mais il ne m'a pas marqué.
Je suis moi-même en train de préparer un recueil de textes sur les idées et les discours de Robespierre. (Je ne connais pas le travail de Florence Gauthier.)
Pour débattre, c'est quand vous voulez.
Cordialement
Écrit par : Philippe Landeux | vendredi, 28 décembre 2012
Son recueil fait avec deux histoiens est le suivant: Yannick BOSC, Florence GAUTHIER et Sophie WAHNICH, Robespierre. Pour le bonheur
et pour la liberté. Discours, Paris, La Fabrique, 2000 je l'ai trouvé excellent.
Par alleurs, on trouve sur le net un texte de F. Gauthier où elle décrit sa pensée en politique (démocratie populaire) et en économie (droit aux subsistances, au travail, aux secours publics). Je pense que vos travaux respectifs secomplètent et s'enrichissent : http://www.solidarites.ch/~sne/docpdf/pdf/FlorenceGauthier.pdf.
Par contre je ne comprend pas pourquoi vous dites que vous rejetez la notion de drroit naturel? Je pense qu'a contraire les droits de l'homme étaient à la base de la pensée de Robespierre.
Écrit par : Aurélien | vendredi, 28 décembre 2012
Les droits naturels sont une construction philosophique d'hommes civilisés. Il n'y a aucun droit hors de la société pour la simple raison qu'un droit doit être garanti (sans quoi il est une vaine déclaration) et que seule une société peut le garantir. Par ailleurs, avancer que des droits peuvent être naturels, innés, inaliénables, implique qu'ils ne doivent pas se mériter par l'accomplissement de devoirs, cela anéantit la notion même de devoir. Or, pour moi, le principe fondamental de l'ordre social est l'égalité des citoyens en devoirs et en droits.
Suffit de déclarer que certains droits sont naturels pour qu'ils soient garantis ? Non. Dès lors, à quoi bon les décréter "naturels" ? En revanche, y a-t-il un inconvénient à reconnaitre que certains droits dits "naturels" doivent être garantis par la société dès que la société les garantit effectivement ? Non plus. Quelle option est préférable ?
Je sais que Robespierre adhérait au concept rousseauiste de droits naturels. Mais, malgré toute l'admiration que j'ai pour lui, a-t-il mené à terme la Révolution ? Non. C'est un fait. Donc, de deux choses l'une : soit on répète ses erreurs et on court au même échec ; soit on affine la théorie, on comprend sa faille et on la comble.
Il semble que vous ayez découvert mon site via mes textes sur Robespierre Je vous invite maintenant à découvrir mes propres théories (voir à "Mes livres"). Avant, jetez un oeil à la fin de cet entretien : http://philippelandeux.hautetfort.com/archive/2012/11/14/entretien.html
Écrit par : Philippe Landeux | samedi, 29 décembre 2012
Philippe Landeux bonjour,
1° Globalement en phase avec vous sur l'action des Jacobins au pouvoir pendant l'an II, je suis beaucoup plus réservé sur votre appréciation du FN. Peut-on soutenir que ce parti est l'héritier véritable de l'esprit de l'an II quand on sait que le 18 janvier de cette année, Marion Maréchal Le Pen a co-signé avec des députés UMP un projet de loi visant à reconnaître le génocide vendéen perpétré entre 1793 et 1796?
2° J'ignorais et prends bonne note de cette "Commission de justice" que Robespierre aurait voulu et qui aurait été bloquée entre autres par Billaud-Varenne.
Cordialement
Écrit par : Psamnetik | samedi, 02 novembre 2013
Bonjour,
1) Mon appréciation du FN ne repose pas sur des prises de positions anecdotiques la part de certains, mais sur la ligne générale qu'il suit actuellement et qui me parait la plus conforme à l'esprit des Jacobins et de la constitution de 1793, même si le FN l'ignore et ne s'en réclame pas. (On pourrait dire la même chose de de Gaulle en son temps.) Lui seul revendique la France et défend la patrie en danger (car, oui, elle est en danger), lui seul fait confiance au peuple français, lui seul rejette l'ingérence sous quelque prétexte que ce soit (comme Robespierre qui fit renoncer la France aux guerres de conquête), et j'en passe. Tous les autres partis politiques sont des traîtres à la France et au peuple français ; ils sont le parti de l'Etranger, et cela se vérifie tous les jours.
2) L'affaire de la Commission de justice est relatée par tous les biographes de Robespierre.
20 décembre 1793 - 30 frimaire An II.
A la Convention, une délégation de femmes de la Section des Gravilliers paraît. Leur succède une députation de Lyonnais, venus se plaindre de la rigueur de la répression, exprimer leur repentir et demander l’oubli du passé. Leur pétition est renvoyée aux Comités de salut public de sûreté générale. Aussitôt un nombre imposant de femmes, mères, épouses, filles ou sœurs de détenus, se présente pour réitérer les supplications en faveur des détenus, le rapport promis le 12 décembre n’ayant pas été fait. Robespierre intervient. Sur sa proposition et dans les mêmes termes, la Convention décrète la création d’une commission chargée de rechercher et de faire libérer les patriotes arrêtés à tort : souci de justice sans tomber dans l’excès du modérantisme ou de l’indulgence.
21 décembre 1793 - 1er nivôse An II.
A la Convention, Collot-d’Herbois, de retour de mission, se présente entouré d’une députation de Lyonnais portant les cendres de Chalier. Sur proposition de Couthon, la Convention accorde à Chalier les honneurs du Panthéon. Mais, ce jour-là, Fabre d’Eglantine parvient encoure à obtenir l’arrestation de Mazuel, lieutenant de Ronsin.
Le soir, Collot réveille les Jacobins face à la poussée indulgente. A sa suite, Hébert demande la radiation de Bourdon de l’Oise, Philippeaux, Desmoulins et Fabre d’Églantine, le jugement des 73, que soit conservée à Vincent et Ronsin, incarcérés, toute la confiance de la société et qu’un rapport sur la conspiration dévoilée par Chabot et Basire soit enfin présenté.
26 décembre 1793 - 6 nivôse An II.
La Convention rapporte le décret « portant établissement d’une Commission pour s’occuper uniquement de la mise en liberté des gens suspects » , décret rendu le 20 décembre sur proposition de Robespierre et à nouveau défendu ce jour par celui-ci. Au nom des Comités, Barère proposait, contrairement au décret initial et à l’avis de Robespierre, que les membres de cette commission soient pris dans le sein même du Comité de sûreté générale. Il proposait également d’adjoindre quatre membres à ce dernier. Bayle appuya ces propositions, mais Billaud-Varenne, craignant comme les Sans-culottes une dérive indulgente, intervînt et la Convention rejeta autant le décret du 30 frimaire que celui proposé par Barère.
Écrit par : Philippe Landeux | samedi, 02 novembre 2013
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