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jeudi, 20 juin 2013

PENSÉE DU JOUR : dicton de la Lanterne

Au jour de colère, la France d'en-bas pend haut et court.

Commentaires

Salut, je viens de visionner ta nouvelle vidéo sur ton nouveau livre, encore bravo pour tes commentaires sur Robespierre plus passionnants les uns que le autres. Je sais à quel point il est difficile de remettre en question des calomnies qui durent depuis deux siècles qui nous sont répétés par l'école et la télé.
Je ne suis pas d'accord avec 3 points (ce n'est pas par esprit de contradiction mais c'est pour faire avancer le débat, c'est comme cela que tout le monde progresse je pense). Le premier sur Rousseau, je pense que si Robespierre a été influencé par Rousseau, il l'a été encore plus par Mably : il faut lire ses livres sur la démocratie (Droits et devoirs du citoyens) et contre les économistes libéraux (Doutes proposés aux économistes par exemple) pour voir ses formidables rapprochements. Je ne sais pas si tu as lu Mably mais c'est un auteur à lire. Deuxième, je pense que comme plusieurs historiens l'ont montré Robespierre s'est opposé à plusieurs reprises à l'esclavage : par exemple sous la Constituante mais aussi il faut relire son projet de Déclaration des droits où il s'y oppose dans son discours. D'ailleurs faire de la liberté un droit naturel suffit à mon sens à s’opposer à l'esclavage. S'il est contre au début le décret du 16 pluviose qui abolit l'esclavage, il s'y rallie très vite comme il signe un arrêté qui envoie un commissaire porté ce décret dans les Antilles. Sur cette question je t'invite à lire : http://ahrf.revues.org/1822. Troisièmement, si on lit les décrets de ventôse on aperçoit que la peine de mort n'était pas prévu mais seulement le bannissement. Ensuite, elle fut rétablie suite à l'échec de l'insurrection d'Hébert et Des Cordeliers mais les contre-révolutionnaires condamnés étaient soit bannis soit condamnés à morts mais pas tous condamnés à mort comme on le lit souvent. Voilà bonne soirée ;)

Écrit par : Aurélien | mardi, 25 juin 2013

Merci d'abord pour les compliments, ca ne fait jamais de mal, cela fait même du bien par les temps qui courent.

Sur Rousseau. Bien sûr que Robespierre n'a pas lu et été influencé seulement par Rousseau, mais c'est lui l'a le plus marqué, c'est à lui qu'il fait le plus référence, c'est à lui qu'il fait une dédicace. (J'ai lu Mably, il ne m'a pas marqué.)

Sur l'esclavage. Je viens de me prendre le bec avec quelqu'un sur cette question. Oui, Robespierre était contre l'esclavage. Mais non, le décret d'abolition ne doit rien à Robespierre qui, dans le contexte 93-94, considérait que c'était une manoeuvre destinée à faire perdre ses colonies à la France. Il le dit avant le décret, dans son rapport du 17 novembre sur la situation de la République, et l'écrit après, dans ses notes sur Danton. Voici ces deux textes :
17 novembre : « la même faction qui en France voulait réduire tous les pauvres à la condition d’ilotes, et soumettre le peuple à l’aristocratie des riches, voulait en un instant affranchir et armer tous les nègres pour détruire nos colonies ».
Note sur Danton : « Danton m’a dit un jour : “Il est fâcheux que l’on ne puisse pas proposer de céder nos colonies aux Américains ; ce serait un moyen de faire alliance avec eux.” Danton et Lacroix ont depuis fait passer un décret dont le résultat vraisemblable était la perte de nos colonies ».
Mathiez lui-même note : "Le 16 pluviôse, Delacroix fit voter par acclamation la suppression de l’esclavage dans les colonies françaises. Danton appuya Delacroix. On voit que Robespierre désapprouvait cette politique qu’il avait déjà blâmée comme imprudente quand Brissot en était le protagoniste. Saint-Just a laissé tomber cette observation de Robespierre."
Reconnaître que Robespierre était hostile au décret ne veut pas dire qu'il était pour l'esclavage ni qu'il se soit opposé à l'application du décret (encore que ! les choses la aussi sont assez troubles). Bien qu'il n'en ait jamais demandé l'abolition, ces discours sont sans ambiguïté sur cette question. Mais on ne peut pas dire, même si on le voudrait, que l'abolition ait été provoquée par lui. C'est tout ce que je dit. C'est la seule position crédible.

Sur les Commissions populaires. C'est vrai, le décret du 26 février (8 ventôse), ne parle que de bannissement. Mais celui du 13 mars (23 ventôse), instituant les Commissions populaires, fait de ces dernières des "juges". On sait que seulement deux Commissions furent établies. J'ai travaillé sur ce dossier aux Archives nationales.

Voici la note que l'on trouvera, je l'espère, dans une version corrigée et augmentée de mon "Robespierre, la terreur des traîtres à la nation" :

"Toutes les listes établies par les Commissions populaires, 124 en tout, furent ratifiées par les Comités réunis de salut public et de sûreté générale les 19, 20 et 21 juillet (1er, 2 et 3 thermidor). Elles portaient, au total, sur 463 personnes à envoyer au Tribunal révolutionnaire, 52 à déporter et un nombre inconnu de personnes à libérer. (Les listes de personnes à libérer dressées par les Commissions, les arrêtés des Commissions transmettant aux Comités ces listes et les arrêtés des Comités ratifiant ces listes sont introuvables et semblent avoir été détruits, sauf deux arrêtés des Commissions qui signalent l’envoi de 4 listes de personnes à libérer. Les Comités ratifièrent 112 listes alors que les arrêtés connus des Commissions, signalant l’envoi de ces listes, ne portent que sur 61 au lieu de 124. D’autres arrêtés des Commissions ont nécessairement existé et les 12 listes dont il ne reste presque aucune trace, comme par hasard, étaient probablement des listes de personnes à libérer.) Des 51 personnes portées sur ces listes et déférées pour cette raison au Tribunal révolutionnaire les 8 et 9 thermidor, toutes furent condamnées à mort et aussitôt exécutées, sauf une femme, Thérèse Charlotte Cariolès ou Coriolis, acquittée et libérée le 9 thermidor. Sauf exception, être envoyé au Tribunal révolutionnaire par les Commissions populaires équivalait donc à être condamné à mort. La chose était jugée, il ne restait plus qu’à prononcer et à appliquer la sentence. Ajoutons que 62 autres personnes portées sur ces listes furent également exécutées, mais pour d’autres raisons, la plupart étant comprises dans les fournées dites des « conspirations des prisons » du Luxembourg (7, 9, 10 et 22 juillet = 35 personnes), des Carmes (23 juillet = 12 personnes) et de Saint Lazarre (24 et 25 juillet = 7 personnes). Ainsi, quand les Comités ratifièrent ces listes, 37 personnes avaient déjà été exécutées, une fut exécutée le jour même, le 3 thermidor, et 24 furent exécutées du 4 au 7 thermidor indépendamment de ces listes."

Écrit par : Philippe Landeux | mardi, 25 juin 2013

Merci pour ces précisions sur les commissions populaires. Le 9 thermidor a mis fin a cette grande espérance de rendre tout le monde propriétaire grâce aux décrets de ventôse puisque les suspects ont été libérés et la loi jamais appliquée. Concernant l'esclavage, le 13 mai 91 dans le débat pour ou contre l'esclavage à l'Assemblée constituante Robespierre s'oppose à la constitutionnalisation de l'esclavage proposée par le Comité des colonies : "Vous alléguez sans cesse les droits de l'homme, les principes de la liberté et vous y avez si peu cru, vous-mêmes, que vous avez décrétés constitutionnellement l'esclavage". Le 24 avril 93, son projet de Déclaration des droits conacre la liberté comme premier droit de l'homme par opposition à l'esclavage, il dit encore : "Posons donc de bonne foi les principes du droit de propriété ; il le faut d’autant plus qu’il n’en est point que les préjugés et les vices des hommes aient cherché à envelopper de nuages plus épais. Demandez à ce marchand de chair humaine ce que c’est que la propriété ; il vous dira, en vous montrant cette longue bière qu’il appelle un navire, où il a encaissé et ferré des hommes qui paroissent vivans : “Voilà mes propriétés ; je les ai achetés tant par tête.” Lorsque le décret est votée il croit d'abord que c'est un coup des Dantonistes, mais il se ravise vite car D. Piquet dans l'article que j'ai cité dans mon message précédant à retrouvé des arrêté signés de Robespierre qui applique l'abolition de l'esclavage. Je pense que la phrase du 17 novembre veut dire que le Girondins (il s'agit d'eux) avait un projet politique contradictoire. Florence Gauthier à beaucoup écrit sur la question de l’ante-esclavagisme de Robespierre, ses travaux sont très intéressants. Voir http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1992_num_288_1_1485

Écrit par : Aurélien | jeudi, 27 juin 2013

Comprenez moi bien : je ne dis pas que Robespierre était pour l'esclavage, je connais aussi bien que vous, et peut-être mieux que vous, les discours de Robespierre à la Constituante. Je sais qu'il est fondamentalement hostile à cette institution. Mais le fait est qu'il a aussi été hostile au décret du 16 pluviôse. Il avait ses raisons, dans le contexte de 93-94, mais c'est un fait indéniable. Il l'a dit avant et écrit après. Qu'il en ne se soit pas opposé, ensuite, à l'application du décret est une autre question. Ce que je dis, donc, c'est que ledit décret ne doit rien à Robespierre. Il y a suffisamment de choses à son crédit pour ne pas lui attribuer celles qui ne lui doivent rien, au risque de s'exposer inutilement à des contradictions légitimes.

Écrit par : Philippe Landeux | jeudi, 27 juin 2013

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