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mardi, 29 novembre 2011

EGALITE & EGALITARISME (extrait)

Extrait : EGALITE & EGALITARISME

Les détracteurs de l’Egalité critiquent en fait l’égalitarisme. Les partisans de l’égalitarisme se prennent pour les champions de l’Egalité. Ni les uns ni les autres ne savent ce qu’est réellement l’Egalité. [...]

Disons donc, sans entrer plus avant dans les explications, que, dans un système monétaire, les citoyens ne peuvent pas être égaux en droits, d’une part, parce qu’ils ne sont que des individus aux yeux du système, la dimension sociale des protagonistes des échanges et de l’échange lui-même n’étant jamais prise en compte, d’autre part, parce que le droit que des citoyens ont de profiter des bienfaits de leur cité passe par la monnaie qui ne peut se repartir également entre eux. Il y aura toujours des riches et des pauvres dans un système monétaire quelle que soit sa forme. L’inégalité en droits n’est pas une conséquence des différences naturelles qui existent entre les hommes (même si ces différences peuvent aggraver l’inégalité) mais une conséquence logique de la monnaie qui contrarie les principes de l’ordre social et la volonté des hommes. Même lorsque ces derniers inscrivent l’Egalité dans les textes, ils sont incapables de l’introduire dans les faits, sans comprendre pourquoi ou en croyant qu’ils y sont parvenus. L’incompréhension conduit à l’égalitarisme ; la crédulité, ou plutôt l’hypocrisie, se satisfait de sophismes. [...]

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19:17 Écrit par Philippe Landeux dans 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : égalité, égalitarisme |  Facebook | |  Imprimer |

mardi, 05 juillet 2011

EGALITE & EGALITARISME

 Les détracteurs de l’Egalité critiquent en fait l’égalitarisme. Les partisans de l’égalitarisme se prennent pour les champions de l’Egalité. Ni les uns ni les autres ne savent ce qu’est réellement l’Egalité.

Cette ignorance partagée tient à la nature de notre système dans lequel l’Egalité est impossible et, partant, inconcevable. Notre système peut être qualifié de différentes manières mais aucune n’est plus pertinente que « monétaire ». Quelque forme qu’il prenne, il est essentiellement monétaire. Or la monnaie n’est pas un paramètre neutre, contrairement à une idée reçue. Elle véhicule une conception de l’échange et fonctionne selon des lois ; elle a des conséquences pour ainsi dire naturelles, quoi qu’en pensent les hommes et quoi qu’ils fassent.

La monnaie véhicule une conception individualiste de l’échange héritée du troc, une conception selon laquelle l’échange ne peut avoir lieu qu’entre deux individus, d’où la notion de valeur, puisque les choses échangées sont mises en équivalence. Ensuite, la monnaie fonctionne selon les principes des vases communicants et de l’attraction. Ces propriétés sont, là encore, un héritage du troc. La monnaie représente (en terme de valeur) les objets qui, sous le troc, sont échangés les uns contre les autres. C’est pourquoi elle change elle aussi de mains en permanence. Or cette circulation et le simple jeu des valeurs donnent inévitablement lieu à des concentrations monétaires qui, compte tenu de la véritable nature de la monnaie (droit), constituent des pôles d’attraction, d’où l’expression « l’argent va à l’argent ».

Disons donc, sans entrer plus avant dans les explications, que, dans un système monétaire, les citoyens ne peuvent pas être égaux en droits, d’une part, parce qu’ils ne sont que des individus aux yeux du système, la dimension sociale des protagonistes des échanges et de l’échange lui-même n’étant jamais prise en compte, d’autre part, parce que le droit que des citoyens ont de profiter des bienfaits de leur cité passe par la monnaie qui ne peut se repartir également entre eux. Il y aura toujours des riches et des pauvres dans un système monétaire quelle que soit sa forme. L’inégalité en droits n’est pas une conséquence des différences naturelles qui existent entre les hommes (même si ces différences peuvent aggraver l’inégalité) mais une conséquence logique de la monnaie qui contrarie les principes de l’ordre social et la volonté des hommes. Même lorsque ces derniers inscrivent l’Egalité dans les textes, ils sont incapables de l’introduire dans les faits, sans comprendre pourquoi ou en croyant qu’ils y sont parvenus. L’incompréhension conduit à l’égalitarisme ; la crédulité, ou plutôt l’hypocrisie, se satisfait de sophismes.

Il ne peut exister qu’une sorte d’Egalité : l’égalité en droits entre citoyens, c’est-à-dire entre individus ayant rempli leurs devoirs envers la cité. Or, parmi ces droits doit figurer celui de profiter des bienfaits de la cité, donc d’accéder au marché. Entendons que les citoyens ont le droit d’accéder au marché parce qu’ils sont citoyens ; c’est la citoyenneté qui leur confère ce droit, lequel est donc inquantifiable, donc en théorie illimité, donc égal pour tous les citoyens. Sans égalité au niveau de ce droit et hors de cette conception, la citoyenneté est vide de sens. Voilà la logique que la monnaie étouffe en lui substituant la sienne !

Dans un système monétaire, le droit d’accéder au marché est incarné, matérialisé, par la monnaie et est donc exercé par les individus en tant que détenteurs d’unités monétaires, non en tant que citoyens. Ce droit est extérieur aux individus au lieu d’être lié à leur statut ; il est donc vulnérable et vagabond ; il peut être volé, il peut s’évaporer. En outre, l’étendue de ce droit est à la fois limitée (à hauteur du nombre d’unités monétaires détenues), variable en permanence pour un même individu (puisqu’il exerce ce droit en s’en dépouillant chaque fois qu’il paye ou achète) et fatalement inégale entre tous les individus. La monnaie véhicule et impose une conception de l’échange dont l’absurdité et le caractère antisocial ne peuvent échapper qu’à des individus pétris de préjugés monétaires, ignorant ce qu’est réellement la monnaie (faute de se poser la question parce qu’ils présument la réponse), incapables de concevoir un autre mode d’échange et de comprendre qu’un moyen d’échange, paramètre central de toute société développée, doit véhiculer les principes de l’ordre social. La monnaie n’est pas seulement sous leurs yeux ; elle est aussi et avant tout dans leur tête ; elle a façonné leur tournure d’esprit. La raison de Largent est toujours plus forte chez eux que les commandements du bon sens.

Il s’ensuit que, même lorsqu’ils dénoncent certains effets de la monnaie ou tentent de les contenir, ils n’osent faire le lien avec elle sous peine de la remettre en cause. Leurs éclairs de lucidité se perdent ainsi dans la démagogie. Inversement, lorsqu’ils cherchent à justifier les choses telles qu’elles sont et dont la monnaie est manifestement la raison d’être, ils ne reculent devant aucun sophisme pour défendre leur point de vue et flatter Largent. Leur fougue ressemble alors aux élans de la servilité. Au final, les uns et les autres ne sont pas si différents : ils ont le même maître qu’ils protègent chacun à leur manière. Résultat : malgré des siècles d’histoire et des dizaines de révolutions, la monnaie existe encore, Largent règne toujours, plus puissant que jamais.

Ces attitudes sont éminemment flagrantes concernant l’Egalité.

Les détracteurs de l’Egalité fustigent en réalité l’égalitarisme. Ils ont raison sur le fond, car, comme nous le verrons plus loin, l’égalitarisme est catastrophique. Mais ils ont tort sur la forme, car l’égalitarisme n’est pas l’Egalité. Or ils le fustigent au nom de la Liberté et laissent ainsi entendre que l’Egalité, qui n’est pas leur sujet, est contraire à la Liberté, qu’Egalité et Liberté sont incompatibles. C’est une première aberration puisque l’Egalité et la Liberté ne sont pas de la même nature. La première est le principe fondamental de l’ordre social, la seconde est, avec la Sécurité, un droit fondamental. Dans la mesure où il n’y a pas de droits sans société, hors de l’Egalité (1), il n’y a pas de Liberté sans Egalité. C’est du reste faire preuve de mauvaise foi de leur part que d’amalgamer ainsi égalitarisme et Egalité pour les réprouver ensemble alors qu’ils admettent généralement le principe « égalité en droits » qu’ils traduisent par « égalité devant la loi ». Mais pourquoi se posent-ils en ennemis d’un principe qu’ils proclament par ailleurs ? Parce que leur mauvaise foi a de bonnes raisons.

Qui est en effet assez stupide pour croire sincèrement que riches et pauvres sont égaux devant la loi  et que, même en admettant que ce soit le cas, ils sont égaux en tous droits ? L’affirmer est d’une hypocrisie totale ! Il est évident que l’égalité devant la loi n’est pas l’égalité en droits et que, dans l’inégalité en droits, dans l’inégalité devant le marché, il n’y a même pas égalité devant la loi (2). Dans ce contexte, utiliser le terme « égalité » est une imposture qui a pour but de parer le discours d’un accent de justice afin de perpétuer sans en avoir l’air les injustices du système monétaire, donc de perpétuer la monnaie elle-même. A vrai dire, ce dernier point est inconscient, ce qui est pire que tout : cela fait des intéressés des coupables non responsables. Il reste qu’ils défendent consciemment et hypocritement un système dont les aberrations et les injustices sont flagrantes et que, en dernière analyse, ils invoquent la Liberté, noble prétexte, pour ne pas se regarder comme les esclaves de Largent ou se présenter ouvertement comme ses valets.

A leur décharge, et même si là n’est pas leur motivation profonde, il faut avouer que les systèmes soi-disant alternatifs n’ont pas été heureux et qu’il est quelques raisons légitimes de se défier des changements soi-disant révolutionnaires.

L’Egalité est le but suprême de toute Révolution. Sans cette ambition, sans la volonté d’atteindre l’Egalité, une Révolution n’a pas de sens puisque l’inégalité est déjà. Mais c’est précisément parce que les « révolutionnaires » vivent dans un système inégalitaire dont ils ont intégré les préjugés que les causes profondes de l’inégalité ambiante leur échappent et qu’ils n’ont généralement de l’Egalité qu’une idée approximative voire totalement fausse. Ainsi se partagent-ils en trois groupes : ceux qui font un mauvais diagnostic de la situation quoique leur projet aille malgré tout dans la bonne direction, ceux qui ont un mauvais remède quoiqu’ils soient relativement plus perspicaces que les premiers sur les causes de l’inégalité et ceux qui se trompent sur toute la ligne. Tous en viennent cependant d’une manière ou d’une autre à renoncer à l’Egalité et à se rabattre sur des solutions égalitaristes quand ils ne sont pas d’emblée des adeptes de l’égalitarisme.

L’objet de cet article n’est pas de blâmer, comme de vulgaires capitalistes, les égalitaristes, mais de comprendre les raisons de cette dérive systématique, pour la conjurer. Pour la comprendre, il faut d’abord savoir ce qu’est l’égalitarisme. Nous allons donc voir ce qu’est l’égalitarisme en général, puis quelles formes il peut prendre et, enfin, quel est leur dénominateur commun.

L’Egalité, c’est l’égalité des citoyens (en devoirs et) en droits, dont celui d’accéder librement au marché du fait qu’ils soient citoyens. L’égalitarisme, c’est l’uniformité en toutes choses, du moins une tendance à tout uniformiser, à tout limiter. Or pareille politique nécessite des informations dont seul l’Etat dispose, des décisions que seul l’Etat peut prendre, une force coercitive que seul l’Etat peut détenir et une main mise de l’Etat sur toutes les ressources. Le système qui en résulte est fatalement étatique, liberticide, tyrannique, bureaucratique, corrompu, inégalitaire et soporifique. Le résultat est à l’opposé des ambitions ; le remède est pire que le mal.

L’égalitarisme peut prendre cinq formes, trois concrètes et deux théoriques.

La première forme n’est pas un système égalitariste mais des tendances à l’égalitarisme : c’est l’Etat providence. A l’origine, il est institué pour réduire les inégalités par la taxation des riches, l’imposition progressive et la redistribution aux pauvres. C’est l’application à grande échelle de la méthode Robin des Bois. Un constat superficiel, une réaction immédiate, un effort colossal permanent et un effet quasi nul : les riches sont toujours riches, les pauvres toujours pauvres. L’échec oblige alors à passer la surmultipliée : instauration d’un salaire minimum, uniformisation du temps de travail, augmentation des aides d’un côté et des taxes en tous genres de l’autre, multiplication des fonctionnaires, d’où développement de la bureaucratie et de l’assistanat aux dépens des travailleurs et de l’esprit d’entreprise.

C’est aussi dans ce contexte que se développe l’idéologie bobo-gauchiste. Une fois que tout nouveau progrès social ne peut se faire qu’aux dépens des lois de la monnaie et implique donc de remettre en cause la monnaie elle-même, le progressisme qui n’a pas le courage d’aller aussi loin est condamné à tourner en rond et à donner le change en versant dans la démagogie. Dans un premier temps, le combat social fait place aux foutaises sociétales autour des femmes, des jeunes, des enfants, des homosexuels, de l’art, de la fête, de la modernité, etc. Puis, l’insatisfaction croissante des citoyens et l’incapacité à les satisfaire obligent à trouver une clientèle étrangère plus facile à combler, à capter et au final à duper : les immigrés. Ainsi l’antiracisme devient soudain l’alpha et l’oméga de la politique. La fuite en avant débouche alors sur l’immigrationnisme, le droits-de-l’hommisme, l’humanitarisme, le multiculturalisme, l’écologisme, l’européisme, le mondialisme, autant d’idéologies de posture dont l’objet est de détourner les citoyens de leur propre cause en leur inculquant l’amour des autres et la haine des leurs. Ces idéologies servent à l’évidence un projet de dictature mondiale (via la finance) et sont servies par les idiots utiles qui prennent pour argent comptant les discours ou plutôt les slogans bien-pensants. Ce projet est si abject et si révoltant, que les masses ne pourraient y consentir à moins d’être lobotomisées. Pour les rendre incapables de penser et de s’insurger, politiques, médias et associations patentées taisent les vérités, répandent des faussetés, détruisent les repères, inverses les valeurs, renversent les mots ou les vident de leur sens, persécutent les esprits libres. La niaiserie tient lieu de raison. Ce qui est normal, naturel, logique est présenté comme réactionnaire, nauséabond, fasciste, tandis que ce qui est marginal, contre-nature, absurde, contradictoire, authentiquement fasciste devient la norme, l’essentiel, la cause à défendre. Ce qui est important n’est pas prioritaire ; ce qui est sans intérêt est vital. Un fléau est une chance ; un échec est un succès ; un criminel est une victime ; etc. Rien n’est ce qu’il semble être. Les champions autoproclamés du respect des différences haïssent la diversité : ils mélangent, piétinent, uniformisent, aseptisent tout. Tout se vaut, tout est pareil, tout est art, tout est légitime, tout est homme. Ils nient les races, les pays, les nations, les identités, surtout les leurs ; ils vont même jusqu’à prétendre que les sexes sont une invention de la société. Malgré des côtés différencialistes, ces idéologies sont donc essentiellement égalitaristes (d’un point de vue intellectuel plus que matériel) quoique l’égalitarisme ne soit pour elles qu’un moyen d’abrutissement et de contrôle.

La deuxième forme d’égalitarisme est plus systématique et plus catastrophique : c’est le communisme (et dans une certaine mesure le fascisme). A l’origine, il se propose de venger le prolétariat exploité et d’inverser le rapport de classes, c’est-à-dire, inconsciemment, de dompter Largent à travers la domination politique des bourgeois et par l’étatisation de l’économie. Par suite, ayant constitué un formidable appareil d’Etat, il s’insinue partout, il brise tout, il réglemente tout, il collectivise tout, il fonctionnarise tout, il énerve tout, il paralyse tout, il nivelle tout par le bas — puisque l’enrichissement est considéré comme contre-révolutionnaire —, il persécute la liberté et le génie. L’Etat est certes capable de grandes choses, puisqu’il peut mobiliser toutes les ressources, mais les « camarades » sont lobotomisés, et la société, laminée. Par ailleurs, il n’éradique ni l’inégalité ni les classes : les inégalités de revenus existent toujours, quoique moins criantes, et les classes sont non seulement perpétuées mais encore institutionnalisées (raisonnement en terme de classes oblige), une nouvelle classe de privilégiés (pouvoir, confort) étant même constituée par les membres éminents du parti.

La troisième forme d’égalitarisme est un système qui, à ce jour, est resté pure théorie : c’est l’Economie distributive (cf. Jacques Duboin, 1935). Elle consiste à établir l’égalité monétaire en modifiant le fonctionnement de la monnaie afin qu’elle ne circule plus et ne se répartisse plus inégalement. Autrement dit, l’Etat alloue régulièrement à chaque citoyen un nombre égal de crédits. Ces crédits sont débités du compte des consommateurs mais ne passent pas sur celui des commerçants. Ils ne circulent pas. Il s’ensuit que les prix n’ont aucune raison d’être (3) et sont eux aussi fixés par l’Etat. L’Etat est partout, le bon sens nulle part. Ce système qui se veut égalitaire est en réalité égalitariste, puisque les crédits représentent des biens en terme de valeur, de sorte que ce système instaure moins l’égalité en droits que l’égalité en biens, ce qui définit l’égalitarisme. Malgré ses faiblesses qui la condamnent à demeurer lettre morte, cette théorie fut, jusqu’au Civisme, la plus pertinente. Elle est en quelque sorte le trait d’union, sur le plan intellectuel, entre le système monétaire et la Cité.

La quatrième forme d’égalitarisme, la plus ancienne, est un communisme non-monétaire : l’Utopia (cf. Thomas More, 1516). Gracchus Babeuf a prôné des idées assez proches en 1795-1796. Des expériences ont été menées sur ce modèle en Espagne en 1936. Certains kibboutz, en Israël, fonctionnent également selon ses principes. Comprenant que l’échange monétaire est inégalitaire par nature alors que l’Egalité est le principe fondamental de l’ordre social, les partisans de ce système se résolvent à abolir la monnaie, suppriment toute forme de moyen d’échange, collectivisent terres et moyens de production, envisagent parfois le roulement des tâches et répartissent le produit commun via un système de rationnement. En réaction à l’individualisme insufflé par l’échange monétaire, ils proscrivent l’individualité, méconnaissent la vie privée et imposent des repas collectifs, des soirées collectives, des cuisines collectives, des dortoirs collectifs, etc. De bonnes intuitions, mais des analyses grossières, des solutions de facilité (sur le papier) et, au final, une société cauchemardesque, d’une rigidité absolue, prenant les hommes pour des fourmis. Ce système peut fonctionner à petite échelle. Il est d’ailleurs la règle dans les sociétés primitives. Mais il est voué à l’échec dans une société développée comme dans les communautés artificielles de rebelles du dimanche, plus attachés qu’ils ne croient aux libertés que laisse malgré tout la monnaie.

La cinquième et dernière forme d’égalitarisme est elle aussi purement théorique et non-monétaire : c’est le don. Il n’y a plus de monnaie, plus de moyen d’échange, plus d’échanges, même sur le mode du troc, plus de contraintes, plus de pays : tout le monde travaille pour le plaisir ou fait quelque chose d’utile, personne n’exige rien de personne, chacun prend ce dont il a besoin, tout roule par l’opération du Saint-Esprit. En réalité, rien ne tient la route. La naïveté absolue. Ce système est égalitariste sur le plan moral, puisqu’il considère que tous les hommes sont pareillement bons, généreux, volontaires, vertueux, et il le deviendrait sur le plan pratique par la force des choses, car ses disfonctionnements dramatiques obligeraient à instaurer d’urgence un communisme non-monétaire avant de réintroduire la monnaie et de passer au communisme classique (capitalisme d’Etat) qui, lui-même, finit par revenir au capitalo-libéralisme (système monétaire normal).

Ainsi, tous ces systèmes ont en commun d’intervenir au niveau de l’échange et de remettre en cause le fonctionnement naturel de la monnaie, voire son existence, pour tendre vers l’Egalité ou moins d’inégalités. Pourquoi, si ce n’est parce que tous pressentent qu’elle incarne les droits essentiels et que le système monétaire, tel qu’il est, est inégalitaire ? Cependant, ceux qui conservent la monnaie semblent tout ignorer d’elle (sa véritable nature, ses lois intrinsèques, ses effets inévitables) mais ont conscience qu’un moyen d’échange est nécessaire, de sorte qu’ils ne séparent pas le bon grain de l’ivraie ; alors que ceux qui l’abolissent ne font pas la différence entre la monnaie et le principe du moyen d’échange et jettent le bébé avec l’eau du bain. Les premiers, tels des charlatans, continuent d’inoculer au corps social le poison monétaire tout en essayant de contenir ses effets. Ils ne comprennent pas que les droits du citoyen doivent être attachés à la citoyenneté. Les seconds, tels des rêveurs, croient pouvoir faire fi de toute réalité. Ils libèrent certes les citoyens de la monnaie, mais programment un naufrage collectif. La belle affaire !

Chacun de ces systèmes repose sur trois erreurs fondamentales. L’Etat providence croit que l’Homme peut tout et que la monnaie « n’est qu’un moyen d’échange ». Le communisme, lui, croit que l’ennemi est une classe d’hommes et que les lois de la monnaie peuvent être contenues par la force. L’Utopia, elle, prend les hommes pour des clones et croit qu’en supprimant la monnaie elle en a fini avec Largent, erreur partagée par le système du don qui, lui, croit que l’Homme est bon. L’Economie distributive, le système le moins naïf et le plus élaboré, quoique tout aussi foireux en définitive, croit que la monnaie peut être maîtrisée à condition que son fonctionnement soit modifié. Il ne commet que deux erreurs. Sa seconde « erreur », qui est la troisième des quatre autres systèmes, est d’ignorer ce qu’est Largent.

Largent, c’est la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger (cf. Qu’est-ce que Largent ?). Cette croyance, née de la pratique du troc, est perpétuée et inculquée aux hommes par l’usage de la monnaie qui est elle-même une évolution du troc, une généralisation du troc indirect. Le troc et la monnaie reposent donc sur Largent ; ils sont la conséquence d’une façon de penser l’échange ; ils ne sont, pour ainsi dire, que la partie visible de l’iceberg. Sans cette tournure d’esprit, troc et monnaie n’ont aucune raison d’être. Inversement, tant que cette croyance n’est pas anéantie, tant que les hommes raisonnent en terme de valeurs, tout système qui abolit ou s’écarte du fonctionnement naturel de la monnaie perpétue des préjugés et des réflexes capitalistes, reproduit inconsciemment des phénomènes liés à la monnaie, demeure fondamentalement monétaire et finit par périr de ses contradictions entre les pratiques et les pensées. Cela est particulièrement évident concernant l’Etat providence, le communisme et l’Economie distributive. Les systèmes en apparence non-monétaires que sont l’Utopia et le don n’échappent cependant pas à la règle. (4)

Qui dit valeurs dit différences de valeurs entre les choses (en terme de prix), entre les travaux (en terme de salaires), entre les producteurs (en terme de mérite), entre les individus, entre les citoyens (en terme de « droits »). Largent est intrinsèquement inégalitaire et antisocial. Par suite, la monnaie qui est son accessoire est elle aussi inégalitaire et antisociale. Tout désir de changement, c’est-à-dire, en fait, toute opposition au système monétaire, est donc une réaction contre l’inégalité, preuve que les hommes aspirent plus ou moins consciemment à l’Egalité, sans d’ailleurs savoir en quoi elle consiste, puisqu’ils ne l’ont jamais connue. Mais, dans cette marche en avant, ils se heurtent à la monnaie, dont ils méconnaissent la nature, le fonctionnement, le rôle et les effets, et à leurs propres préjugés, dont ils ne soupçonnent pas la profondeur et l’influence sur leurs conceptions de l’échange et de la société. Les timides se contentent de jongleries financières ; les téméraires suppriment la monnaie ; tous, dans leur quête d’Egalité perdue d’avance, finissent par se rabattre sur une forme d’égalitarisme.

L’Egalité implique que les citoyens soient tenus de participer à la vie de la cité selon ce qu’elle considère comme une participation et que, en retour, ils accèdent librement au marché. L’existence d’une monnaie, sous quelque forme que ce soit, comme l’absence de moyen d’échange, sous prétexte de supprimer la monnaie, ne permet pas d’appliquer ce principe : une monnaie, parce que c’est elle, et non la citoyenneté, qui confère le droit d’accéder au marché, un droit limité et inégal dans ce cas ; l’absence de moyen d’échange, parce que seul l’Etat peut, dans ces conditions, répartir le produit commun. Ne pouvant instaurer l’Egalité, c’est-à-dire l’égalité en droits au sens propre, chacun de ces systèmes se donne l’illusion d’être égalitaire en proscrivant, au niveau des individus, les différences qui ne concernent pas l’Egalité (5) ou qui ne relève même pas du droit. Ce penchant égalitariste est perceptible sous l’Etat providence (qui va jusqu’à nier la distinction entre hommes et femmes, entre parents et enfants, entre citoyens et étrangers, entre êtres humains et animaux, entre révolutionnaires et branlomanes) ; il est consubstantiel aux régimes bureaucratiques, monétaires ou non.

Paradoxalement, l’égalitarisme est une conséquence de la monnaie, moyen d’échange inégalitaire. Il est la seule échappatoire qu’ont les hommes qui aspirent à l’Egalité pour contrer les effets de la monnaie sans se défaire de la monnaie elle-même. C’est aussi le piège dans lequel tombent les hommes qui abolissent la monnaie tout en restant sous l’emprise de Largent, faute de moyen d’échange véhiculant et capable d’inculquer une autre conception de l’échange et de la société.

Tout dans l’égalitarisme est contre-nature. Il est par nature impossible de tout niveler exactement. L’égalitarisme est donc une vue de l’esprit de la part d’individus dont le cerveau est déjà occupé par une autre idée, une idée diamétralement opposée et infiniment plus puissante : Largent. La volonté égalitariste peut l’emporter un certain temps sur le bon sens et les préjugés monétaires, et bâtir ainsi, par un tour de force, un édifice sans fondations. Mais les hommes ne peuvent pas contenir éternellement ce qu’ils ont au fond d’eux. Tôt ou tard, ils relâchent leurs efforts et revendiquent leur individualité : l’édifice artificiel se lézarde, s’effondre, les hommes se raccrochent à ce qu’ils peuvent et Largent triomphe. Pour se maintenir coûte que coûte, pour durer un peu plus, le système doit recourir à la Terreur. Le rêve des égalitaristes indécrottables vire alors au cauchemar. L’égalitarisme  qui ne fait déjà que peu de place à la liberté et aux différences en théorie ne leur en laisse plus aucune en pratique. Ils sont loin désormais les « droits de l’Homme » ! Même l’uniformité matérielle déjà inaccessible s’éloigne à vue d’œil, car les tyrans se soustraient sans vergogne aux lois auxquelles ils soumettent impitoyablement les autres. L’égalitarisme est donc contraire à l’Egalité sous tous les rapports.

En vérité, l’égalitarisme est la seule version possible de l’Egalité dans les petites communautés, dans un contexte de rareté : chaque Citoyen a droit à une part égale du modeste produit commun auquel il a contribué. Il n’est même possible que dans les communautés primitives, sauf exception (cf. Sparte). Ce n’est que dans une Société développée, industrialisée, informatisée, que les Citoyens ont un égal droit d’accès au marché. Entre ces deux stades de l’évolution, la « société » passe par la phase du troc et de la monnaie, toutes deux caractérisées par un faible niveau de production : les « Citoyens » n’ont droit à rien en tant que tels, il n’y a pas de Citoyens, seulement des individus livrés à eux-mêmes et soumis aux lois de Largent. Nous venons à peine d’entrer dans l’ère industrielle et informatique. Les conditions matérielles sont désormais réunies pour réaliser l’Egalité authentique, mais les mentalités sont toujours imprégnées de préjugés d’un autre temps. D’un côté, elles n’ont pas encore intégré le fait que la monnaie et ses concepts antédiluviens qui furent toujours aberrants sont maintenant carrément anachroniques. D’un autre, l’Egalité, quoique admise de longue date en tant que principe, est encore sans exemple et demeure mystérieuse. L’avènement de cette dernière est cependant inéluctable. Ce sera la plus grande révolution dans l’histoire de l’Humanité. Mais il n’y a pas encore de révolutionnaires ; il n’y a pas encore d’hommes à la hauteur des circonstances. Impossible, d’ailleurs, de dire qui est le plus contre-révolutionnaire aujourd’hui de ceux qui discréditent l’Egalité en prônant une forme d’égalitarisme ou de ceux qui justifient l’inégalité en étant plus réalistes et souvent plus proches des principes sur le plan théorique. Tous sautent dans un piège pour en éviter un autre. Mais ces deux pièges n’en font qu’un : ce sont les deux gouffres qui conduisent à Largent ou, si l’on préfère, ses deux bouches ou, si l’on ose, les deux cornes de la Bête.

 Philippe Landeux

04 juillet 2011

NOTES

(1) Un droit n’existe que s’il est reconnu et garanti par une société, donc par des concitoyens. Or des concitoyens ne peuvent avoir le devoir de garantir un droit à un de leur concitoyen que si celui-ci s’acquitte du même devoir envers eux et leur garantit le même droit. Il n’y a pas de devoir sans réciprocité, et la réciprocité des devoirs entre citoyens implique leur égalité en droits. La notion de droit est inséparable de celle d’Egalité. Parler de « droits » dans l’inégalité est un abus de langage.

(2) « Selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de cour vous feront blancs ou noirs. » La Fontaine aurait du préciser que les puissants ont les moyens de traîner les misérables devant les tribunaux pour rien, alors que les misérables n’ont que rarement la latitude d’y traîner les puissants pour quelque chose, ce qui, même alors, ne leur garantit pas que justice leur sera rendue. Le pauvre a tant à perdre, il est si facile de faire pression sur lui, qu’il encaisse généralement les injustices sans mot dire.

(3) La notion de valeur marchande, donc de prix, naît du troc, c’est-à-dire de l’échange ou de la mise en équivalence d’objets. Sans échange d’objets ou d’unités représentant des objets les notions de valeur marchande, de prix et de monnaie n’ont pas de sens. Si un vendeur ne retire rien de ses ventes, il ne vend pas, il donne. Dans ces conditions, les prix ne résultent pas des mécanismes économiques mais l’arbitraire de l’Etat.

(4) Pour comprendre en quoi les systèmes en apparence non-monétaires que sont l’Utopia et le don reposent toujours sur Largent, il faut connaître les réflexes mentaux que le troc et la monnaie inculquent. Le troc réduit les Citoyens à de simples individus. Largent oblige à échanger entre individus et à établir des équivalences (de valeur) entre les choses. La monnaie lie le droit d’accéder au marché à des unités, passe de mains en mains, limite arbitrairement le pouvoir d’achat, met à prix toute chose et impose l’inégalité. Aussi, les principaux réflexes ou préjugés monétaires consistent à négliger la dimension sociale des individus, à croire qu’il doit y avoir échange de droits entre individus, à vouloir lier le pouvoir d’achat à autre chose que la Citoyenneté, à limiter celui-ci par un système artificiel d’unités ou de rationnement, à introduire d’« heureuses » inégalités, etc. Pour qu’un système repose sur Largent, point n’est besoin qu’il présente toutes les caractéristiques du troc et de l’échange monétaire : il suffit qu’il en conserve quelques-unes, car toutes résultent de la conception individualiste et monétaire de l’échange. Autrement dit, le ver est dans le fruit.

A la lumière de ces explications, il est assez évident que l’Utopia sous toutes ses formes possibles (partage du produit commun par l’Etat ou via des tickets de rationnement) reproduit des schémas monétaires : obsession de la rareté, limitation du pouvoir d’achat, perpétuation de la notion de valeur (quoique non exprimée), adoption de tickets qui, s’ils ne sont pas nominatifs, sont une forme de monnaie, matérialisent le droit d’accès, permettent la thésaurisation, la spéculation, le vol, etc.

Quand au système du don, il ne repose pas sur Largent : il ne repose même pas sur la raison. Il est tellement absurde et surréaliste qu’il déboucherait, si cela était possible, sur la pratique du troc. Mais comment revenir durablement au troc dans une société moderne où personne ne produit plus rien seul et n’a donc rien à troquer à la sortie du travail ? Il faudrait donc revenir à une société d’artisans et même à une tribu d’artisans, car le troc n’est praticable qu’en petite communauté (au-delà, la monnaie est nécessaire).

(5) Une erreur commune est de croire que l’égalité en droits concerne tous les droits. En fait, tous les droits ne sont pas soumis au principe d’Egalité car tous ne sont pas du même niveau. Il existe trois types de droits : les droits fondamentaux, indirects et particuliers. C’est à travers la jouissance de droits indirects que les Citoyens jouissent réellement des droits fondamentaux (Sécurité et Liberté). Mais l’exercice de droits indirects génère dans certains cas de nouveaux droits, des droits particuliers. Pour être fondamentalement égaux en droits, il ne suffit pas de décréter que les Citoyens sont égaux en droits (fondamentaux) ; il faut aussi que tous jouissent de tous les droits indirects que les droits fondamentaux impliquent. L’Egalité concerne donc les droits fondamentaux et indirects. En revanche, le libre exercice d’un droit indirect égal pour tous les Citoyens ne peut avoir pour chacun d’eux les mêmes conséquences et ne génère donc pas les mêmes droits (particuliers). Par exemple, les Citoyens ne peuvent pas être libres d’accéder au marché, en retirer des choses différentes et être propriétaires des mêmes choses. L’Egalité au niveau des droits particuliers, notamment de la Propriété, n’a aucun sens (même si une extrême inégalité témoigne de l’absence d’Egalité par ailleurs). Or le premier réflexe égalitariste est précisément de niveler les biens, autrement dit d’élever la propriété au rang de droit indirect, donc de supprimer la notion de droit d’accès (lié au moyen d’échange et, présentement, à la monnaie). Les systèmes égalitaristes qui conservent la monnaie sous une forme ou une autre ont eux aussi ce réflexe, lequel leur apparaît comme la seule solution pour compenser l’inégalité matérielle inhérente au système monétaire. L’égalitarisme universaliste procède d’une autre logique : il postule que tous les hommes sont égaux, qu’ils ont des droits naturels, que les droits n’ont rien à voir avec la citoyenneté, donc qu’il n’y a pas de devoirs. Si les droits n’impliquent pas de devoirs, rien ne différencie plus les hommes aux yeux de la cité puisque aucun n’a de devoir envers elle, aucun ne mérite plus qu’un autre, tous (citoyens et étrangers, travailleurs et fainéants) méritent les mêmes droits. L’égalitarisme prend alors deux formes. La première consiste à accorder aux étrangers les droits du citoyen ou des nationaux (ex : le droit de vote pour les étrangers). Cela ressemble à l’égalité en droits mais le principe d’Egalité est ici dénaturé. La seconde, qui va de pair avec la première, consiste à exiger, au nom de la lutte contre les discriminations, que la « société » abolisse les différences naturelles, occulte les données réelles, abandonne tout bon sens et cautionne son propre anéantissement. S’ensuivent une flopée de revendications toutes plus invraisemblable les unes que les autres au nom des « droits de l’homme ». Là encore, c’est vouloir que l’Egalité soit là où elle n’a pas lieu d’être (ex : la parité, le mariage homosexuel).

02:48 Écrit par Philippe Landeux dans 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : égalité, égalitarisme, communisme, distributive, monnaie |  Facebook | |  Imprimer |