lundi, 31 janvier 2011
PENSEE DU JOUR : un peu de tenue
Quand on s'accoutre comme un abruti, on n'est pas loin d'en être un. L'exception confirme la règle.
02:04 Écrit par Philippe Landeux dans 7.1. PENSEES DU JOUR, 7.5. Pensées PROVERBIALES | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |
dimanche, 30 janvier 2011
PENSEE DU JOUR : bobo
Il y a au moins au moins un collabo dans un bobo.
20:30 Écrit par Philippe Landeux dans 6. MON BLOG, 7.1. PENSEES DU JOUR, 7.5. Pensées PROVERBIALES | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |
PENSEE DU JOUR : les bêtises (?)
Une bêtise, c’est peut-être une erreur.
Deux bêtises, c’est peut-être une coïncidence.
Trois bêtises, c’est un projet voire un complot.
01:00 Écrit par Philippe Landeux dans 6. MON BLOG, 7.1. PENSEES DU JOUR, 7.5. Pensées PROVERBIALES, 7.6. sur les TRAITRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bêtise, projet, complot | Facebook | | Imprimer |
mardi, 25 janvier 2011
ROBESPIERRE Histoire (version courte)
Robespierre fut un grand homme, un grand Français, le député le plus populaire et le plus grand révolutionnaire. En tant que tel, il fut l’objet d’attaques incessantes. Sa mémoire même fut souillée de calomnies. Même les raccourcis que l’histoire oblige parfois à faire transforment son portait du tout au tout. Ainsi, son nom est aussi célèbre que son histoire réelle et son œuvre sont méconnues du grand public.
Il est pourtant primordial de connaître la véritable histoire et les idées de cet homme qui incarna la Révolution et inspira des générations de patriotes. Les Français ignorent tout ce qu’ils lui doivent ; la République elle-même a oublié qu’elle lui doit jusqu’à sa devise. Bien qu’il ait vécu et ait été exécuté il y a plus de deux cents ans, beaucoup de ses idées sont encore révolutionnaires, plus révolutionnaires que celles des révolutionnaires autoproclamés, et la vie de cet homme que l’on appelait l’Incorruptible reste un exemple.
Je me flatte d’être robespierriste. Et si l’on me demande pourquoi, ou pourquoi je tiens tant à défendre sa mémoire et à rappeler son souvenir dans toute son authenticité, qu’il me suffise de citer ce mot de Babeuf :
« Le robespierrisme est dans toute la République, dans toute la classe judicieuse et clairvoyante, et naturellement dans tout le peuple. La raison en est simple, c’est que le robespierrisme est la démocratie, et ces deux mots sont parfaitement identiques : donc en relevant le robespierrisme, vous êtes sûr de relever la démocratie. »
Il est impossible d’exposer ici la richesse de la pensée de Robespierre. Pour la connaître, il faut lire ses discours ou, au moins, de bonnes biographies (Jean Massin, Ernest Hamel) ou de bonnes histoires de la Révolution (Albert Mathiez, Albert Soboul, Georges Lefebvre). Mais pour se plonger ainsi dans l’étude, encore faut-il en sentir l’intérêt et ne plus avoir de lui l’image fausse et négative qui est généralement colportée.
Peindre Robespierre sous son véritable jour et anéantir les fausses idées reçues à son sujet pour donner envie de le lire est donc le but que je me propose. J'ai réalisé deux exposés dont le présent est la version courte. (version développée ici)
ROBESPIERRE Maximilien Marie Isidore (de) :
Né à Arras, le 6 mai 1758 – Exécuté à Paris le 28 juillet 1794 (10 thermidor an II). Avocat. Homme politique français. Figure emblématique de la Révolution française. Âme des Jacobins et de la Montagne.
Avant la Révolution
Sa mère meurt en couche alors qu’il n’a que six ans. Son père, avocat, bouleversé par la mort de sa femme, abandonne le foyer peu après. Ses deux sœurs, Charlotte et Henriette qui mourra à 22 ans, et son frère, Augustin Bon, surnommé Bonbon ou, plus tard, Robespierre jeune, sont recueillis par des parents, lui-même par son grand-père maternel. Studieux, remarqué par les autorités ecclésiastiques d’Arras, il se voit accordé une bourse d’étude au collège Louis-le-Grand à Paris. Elève brillant, il aura l’honneur de faire au nom du collège le compliment à Louis XVI au retour de son sacre. (11 juillet 1775) Reçu avocat le 2 août 1781 au barreau de Paris, il retourne à Arras où il est admis au barreau le 8 novembre. Ses débuts sont prometteurs. Admirateur de Rousseau, il se fait le défenseur des pauvres. En 1782, il se voit confié par l’Evêque d’Arras un siège de juge à la salle épiscopale. Cette même année, il est admis à la Société des Rosatis, « des jeunes gens réunis par l'amitié, le goût des vers, des roses et du vin ». En 1783, il entre à l’Académie d’Arras dont il sera élu président, à l’unanimité, le 4 février 1786. En 1784, il obtient le deuxième prix du concours de l'Académie de Metz, sur « l'origine de l'opinion qui étend sur tous les individus d'une même famille une partie de la honte attachée aux peines infamantes que subit un coupable ».
Première élection
La convocation des Etats Généraux par Louis XVI l’enflamme. En janvier 1789, il publie une brochure pragmatique qui rencontre un franc succès et est rééditée en avril : « Appel à la nation artésienne sur la nécessité de réformer les États d’Artois ». En mars, il rédige le cahier de doléances de la corporation des savetiers, la plus pauvre et la plus nombreuse d’Arras. Le 26 avril, il est élu député, un des huit députés du Tiers Etat d’Artois.
La Constituante
Inconnu du grand public, il n’a que peu de part aux premiers événements de la Révolution. Mais sa rigueur, sa constance, son intransigeance, son honnêteté vont rapidement faire de lui une des vedettes (du côté gauche) de l’Assemblée constituante issue des Etats Généraux. Ses principes qui ne varieront jamais sont : égalité des citoyens en droits, souveraineté du peuple. Ses opinions trop démocratiques ne prévaudront pas au sein de cette assemblée constituée pour moitié de bourgeois, pour l’autre de nobles et d’ecclésiastiques. Aucun article de la constitution de 1791 ne sera son œuvre. Mais son acharnement à défendre, souvent seul et en vain, la cause populaire fait de lui le héros du peuple et lui vaut rapidement d’être surnommé l’Incorruptible. Cela fait aussi de lui la bête noire des royalistes et des riches, de tous les honnêtes gens qui veulent le peuple nul et qui inaugurent les calomnies qui courent toujours sur son compte.
De tous les combats, il se prononce contre la loi martiale, contre le veto royal, contre le suffrage censitaire, contre le cumul des fonctions publiques, contre l’esclavage, contre la peine de mort (pour les crimes de droit commun), pour le rattachement d’Avignon à la France, pour le suffrage universel, pour l’institution de jurés, pour le droit de pétition, pour la liberté de la presse, pour le mariage des prêtres, pour la présence de soldats en nombre égal à celui des officiers dans les cours martiales.
Ni monarchiste ni républicain, peu lui importe la forme du gouvernement pourvu que les droits des citoyens et du peuple soient respectés. Dans un discours sur l’organisation des gardes nationales (décembre 1790), applaudi par toutes les sociétés patriotiques, il formule la devise que reprendra la IIIe république : Liberté Egalité Fraternité. Son seul véritable succès parlementaire est l’obtention de la non rééligibilité des députés sortants, quoique le décret, contrairement à sa proposition, limite cette non rééligibilité à la législature suivante. Au sortir de la dernière séance de la Constituante, le 30 septembre 1791, les Parisiens lui font un triomphe. Sa popularité et sa renommée sont immenses dans toute la France. En juin 1791, la municipalité de Toulon l’avait fait citoyen de la ville ; en mars, celle de Marseille lui avait demandé d’être son défenseur, comme il avait été celui des Avignonnais.
Les Jacobins
S’il n’a aucune influence sur l’Assemblée, il en a au contraire beaucoup au club des Jacobins qui réunit les députés les plus avancés (tous les personnages célèbres de la Révolution en font partie, La Fayette, Mirabeau, Siéyes, Talleyrand, Barnave, Lameth, Duport, Barère, Le Chapelier, Lanjuinais, Liancourt, etc.) et où la parole est plus libre. Les séances du club sont ouvertes au public, rapportées par les journaux et font l’objet d’un procès verbal envoyé aux sociétés affiliées partout en France. Mais c’est après la fuite du roi, en juin 1791, qu’il devient réellement et jusqu’à sa mort l’âme (non pas le maître) du club. C’est lui qui sauve son existence, le consolide et l’incarne aux yeux de l’opinion publique lorsque les divergences sur les suites à donner à la fuite du roi poussent la plupart des membres (246 députés) à faire défection et à fonder le club éphémère et impopulaire des Feuillants.
La Législative
Redevenu simple citoyen, Robespierre, après un bref séjour dans son pays, revient à Paris. Il pensait que la nouvelle Assemblée, dite Législative, travaillerait à corriger par de bonnes lois les défauts de la constitution. Mais déjà les nouveaux députés influents que l’on appelle Girondins — car originaires de Bordeaux mais aussi d’autres villes portuaires telles Nantes ou Marseille — n’ont que la guerre en tête, à l’instar de la Cour qui ne voit son salut que dans une défaite militaire. C’est aux Jacobins, dont les Girondins sont alors membres, qu’il va s’opposer de toutes ses forces à leur projet qu’il juge absurde et naïf (les véritables ennemis sont à l’intérieur, pas à Coblentz) et pressent dangereux pour la Révolution et désastreux dans tous les cas (risque de césarisme). Les Girondins, irascibles et intrigants, ne lui pardonneront pas cette opposition vigoureuse, d’autant plus qu’ils sont les champions de la bourgeoisie quand lui défend le peuple.
Quand la guerre est déclarée à l’Empereur d’Autriche (20 avril 1792), tout ce que Robespierre a annoncé se réalise ; elle tourne au désastre. Mais, malgré les trahisons, les Girondins ne songent qu’à sauvegarder leur pouvoir en passant des compromis avec la Cour. Robespierre, au contraire, prône le renversement de la monarchie, la convocation d’une convention nationale (dont doivent être exclus, selon lui, les ex-constituants, dont lui-même, et les députés en fonction) et appelle le peuple de Paris et les fédérés des départements à l’insurrection.
Le 10 août, le palais des Tuileries est pris d’assaut, l’Assemblée suspend le roi qui s’est réfugié auprès d’elle et convoque une convention nationale. Une nouvelle municipalité parisienne est mise en place par les sections de la capitale : la Commune insurrectionnelle. La section des piques désigne Robespierre pour y siéger.
La Législative étant discréditée et condamnée, c’est la Commune qui détient le pouvoir, assure l’intérim et prend les mesures de circonstance : envoi d’agents dans les départements pour informer de l’événement ou effectuer des réquisitions, perquisitions pour trouver des armes, recrutement des volontaires, arrestation des contre-révolutionnaires notoires (lesquels, à l’annonce des trahisons de Longwy et de Verdun, seront massacrés dans les prisons avant le départ des volontaires).
Le 20 septembre, à Valmy, l’armée française et les volontaires arrêtent les austro-prussiens qui, dès lors, battent en retraite. (Le caractère victorieux de cette rencontre est contesté. Le retrait des troupes austro-prussiennes serait le résultat de négociations menées par Danton. Il est néanmoins constant que les armées ennemies étaient dans un état lamentable et que les troupes françaises auraient pu les exterminer si elles n’avaient été retenues et obligées de suivre de loin leur retraite.) La Belgique tombe entre les mains des Français.
La Convention girondine
Les Girondins n’ont pas eu le panache des Constituants et n’ont pas suivi Robespierre : ils ne se sont pas fermés la porte de la réélection. Robespierre qui a déjà eu à les combattre sur un pied d’inégalité se représente donc. Le 5 septembre, il est le premier député désigné par Paris. Il est également élu spontanément par le Pas-de-Calais. De manière générale, Paris qui connaît bien les Girondins désigne des hommes populaires et énergiques qui formeront la base de la tendance opposée à la Gironde : la Montagne.
Pour l’heure les Girondins tiennent tous les ministères et tous les postes de la Convention. La session s’ouvre le 21 septembre. La monarchie est abolie en France. Dès le lendemain, les Girondins commencent à attaquer la députation de Paris et à semer la défiance contre cette ville. Leurs attaques incessantes et combinées sont de plus en plus pressantes et particulièrement dirigées contre Robespierre, Danton et Marat. Le summum est atteint lorsque, le 29 octobre, Louvet prononce un véritable réquisitoire contre Robespierre, accusé d’aspirer à la dictature, et la Commune de Paris.
Robespierre lui répond le 5 novembre et terrasse ses accusateurs en montrant l’insanité de leurs accusations, eux qui n’ont rien fait pour la Révolution et la République, et en rappelant les mérites de la Commune de Paris à l’heure du danger. L’impression de son discours est votée à la quasi unanimité. Les députés de province qui étaient prévenus contre Paris par la propagande girondine sont détrompés et ne veulent plus entendre les Girondins. La Convention, jusque-là paralysée par les querelles de personnes, peut enfin s’occuper du sort du roi.
Estimant qu’un procès présume Louis XVI innocent alors que le 10 août a tranché la question, Robespierre se prononce pour son exécution pure et simple. La majorité en décide autrement. Les Girondins dont le but est rien moins que clair multiplient alors les manœuvres dilatoires. Après avoir argué de l’inviolabilité du roi, puis proposé que le roi soit jugé par le peuple, ils proposent que le jugement de la Convention soit soumis à la ratification du peuple et votent finalement la mort, mais avec sursis. Leur échec est complet sur toute la ligne : la majorité de la Convention (malgré les entreprises de corruption) a suivi les Montagnards. Le ci-devant roi est condamné à mort le 20 janvier 1793 et exécuté le lendemain.
Les sujets à l’ordre du jour sont alors l’économie, la guerre et la constitution. Champions des riches et partisans du libre échange, euphémisme pour désigner la liberté d’accaparer et d’affamer pour s’enrichir, les Girondins refusent toute intervention autre que la répression alors que le peuple est confronté à la dévaluation de la monnaie et aux difficultés d’approvisionnement, voire à la faim. Cette politique de la part de ceux qui ont plongé la France dans la guerre, qui viennent de la déclarer à l’Angleterre (1er février) et à l’Espagne (7 mars), semble à beaucoup inconséquente. Un pays en guerre a besoin de son peuple pour la faire. Il faut donc satisfaire le peuple pour lui donner des raisons de se battre. En outre, les Girondins s’ingénient à prendre le contre-pied des Montagnards et défendent Dumouriez qui perd la Belgique, tente même de retourner ses troupes contre la Convention, comme La Fayette l’année précédente, et expose de nouveau la France à l’invasion. Enfin, ils n’ont rien perdu de leur haine contre les Montagnards et Paris contre laquelle ils excitent les départements. Le 13 avril, alors que 300 députés pour la plupart Montagnards sont en mission pour le recrutement, ils obtiennent l’arrestation de Marat et sa traduction au Tribunal révolutionnaire. Acquitté le 24 avril, les Parisiens le reconduisent triomphalement à la Convention.
Cet état de rivalité, alors que l’unité est plus que jamais nécessaire, ne peut plus durer. L’inconséquence, l’incompétence, l’égoïsme, l’orgueil, la malveillance et la mesquinerie des Girondins, leur puérilité qui confine à la trahison, leur défiance envers Paris qui les pousse au fédéralisme, gâtent tout et empêchent la Convention d’agir. Sans le sursaut du 10 août auquel ils se sont opposés de toutes leurs forces, la guerre était perdue et la Révolution avec elle. Maintenant, Marseille se soulève contre Paris à leur appel (29 avril). Bordeaux aussi. Le 4 mars, les paysans vendéens, déçus par la politique bourgeoise de la constituante et de la législative, se sont insurgés contre le recrutement, lui aussi conséquence de la politique guerrière girondine. Lyon s’apprête à lever l’étendard de la révolte (29 mai).
Le 13 mars, aux Jacobins, Robespierre avait rejeté toute idée d’insurrection partielle et avait appelé une dernière fois les Girondins à revenir à la raison. Il ne pensait pas les départements prêts à accepter une insurrection qui, par ailleurs, confirmerait la propagande girondine. Mais, le 27 mars, il appelle les sections qui devront bientôt se lever à bannir tous les traîtres. Les Jacobins adoptent sa proposition. Deux jours plus tard, il fixe le programme de salut public qui sera bientôt appliqué point par point par la Montagne. Le 3 avril, avec la trahison de Dumouriez qui ne fait plus aucun doute (il est décrété hors la loi le même jour et passe à l’ennemi deux jours plus tard), il appelle les sections à s’armer et, de son côté, renonce à ses fonctions de membre du Comité de défense générale, essentiellement composé de Girondins, auquel il avait été adjoint le 26 mars. A la tribune de la Convention, il demande un décret d’accusation contre les Girondins en général et Brissot en particulier. Le 2 juin, la garde nationale et les Sans-culottes cernent la Convention et l’obligent à décréter d’arrestation 22 Girondins ainsi que Clavière, ministre des contributions publiques, et Lebrun, ministre des affaires étrangères.
L’intention des Montagnards est simplement d’écarter les Girondins qui sont littéralement renvoyés chez eux, en détention. Mais beaucoup profitent de cette clémence pour s’enfuir et soulever les départements. Le 13 juillet, Charlotte Corday qui arrive de Caen où plusieurs d’entre eux se sont réfugiés poignarde Marat. Après Le Pelletier, le 20 janvier, c’est le deuxième Montagnard assassiné.
La Convention montagnarde / l’an II
Entre temps, la Convention a repris à zéro l’ouvrage constitutionnel et a adopté une constitution, la plus démocratique et la plus patriotique de l’histoire de France, le 24 juin. Le 18 juin, Robespierre a soutenu que le peuple français ne ferait point la paix avec un ennemi qui occupe son territoire. Cette constitution est précédée, sur le vœux de Robespierre (10 mai), d’une déclaration des droits qui, à quelque chose près, est celle qu’il avait proposée et que les Jacobins avaient adoptée le 21 avril. N’y manque que ses conceptions sur la propriété qui, selon lui, est une institution sociale qui doit être limitée comme tout droit.
Le 27 juillet, à la faveur de la démission de Gasparin, il est proposé et élu membre du Comité de salut public qui s’occupe de la guerre, des relations internationales et de la politique générale. La situation est tragique. La France est attaquée de tous côtés et les deux tiers des départements sont en révolte contre Paris. Mais le prestige de Robespierre confère au Comité l’assurance et l’autorité et bientôt la confiance (25 septembre) et la stabilité qui lui sont nécessaires pour faire face, notamment pour soumettre les généraux au pouvoir politique et étouffer les factions.
Au Comité, dont les décisions ultimes sont collégiales, Robespierre s’intéresse à tout mais sa fonction est essentiellement politique. Son but, outre l’unité du Comité, est l’unité du peuple français. Il est partisan de mesures à la fois énergiques et raisonnables (modérées). Il abhorre la démagogie, les excès et la corruption qui déshonorent la République, la Révolution et la Convention.
Il mène son premier grand combat, fin nombre, contre la déchristianisation violente (fermeture des églises, renversement des croix, abdications volontaires ou forcées des prêtres, mascarades antireligieuses, oppression des fidèles, etc.), symbolisée par le culte de la Raison qu’il prend, à tort, pour un mouvement athée mais qui, effectivement, donnait du grain à moudre à la propagande contre-révolutionnaire et menaçait d’embraser la France. Inauguré à Nevers par Fouché, importé à Paris par Chaumette, procureur syndic de la Commune, applaudi par la Convention, relayé dans les départements par les représentants en mission, la vague semblait irrésistible. Illusion ! Les campagnes résistaient, se révoltaient. Des centaines de mouvements quasi insurrectionnels étaient signalés partout. Le 21 novembre, aux Jacobins, Robespierre se dresse et oppose tout son prestige et ses principes à ce courant furieux qui menace de désoler et de perdre la République ; il démontre que les déchristianisateurs sont des contre-révolutionnaires qui, au mieux, s’ignorent ; il appelle au respect de la liberté des cultes. Dès lors, le torrent reflue. Le 5 décembre (15 frimaire), la Convention adopte la réponse au manifeste des rois ligués contre la République qu’il lui présente au nom du Comité et dont le préambule est une nouvelle charge contre la déchristianisation. Le lendemain, sur un nouveau rapport de Robespierre, elle rappelle qu’elle a proclamé la liberté des cultes dans la constitution (art. 7) et défend toute violence à leur endroit, à moins qu’ils soient prétextes de troubles à l’ordre public. Ce décret ramena le calme partout dès lors qu’il fut connu et respecté.
Le 25 décembre (5 nivôse), Robespierre énonce les principes du gouvernement révolutionnaire institué le 4 décembre (14 frimaire) et théorise, de fait, la Terreur qui, elle, est en vigueur depuis le 5 septembre. Il n’a pas instauré la Terreur qui s’est imposée d’elle-même. Il n’a même en rien contribué à son instauration, contrairement à Merlin (de Douai), Billaud-Varenne ou Danton. Qu’il l’ait théorisée ne fait pas de lui son instigateur. De même, le gouvernement révolutionnaire fut l’œuvre de Billaud-Varenne et de Saint-Just. Robespierre n’était pas contre, mais il est bon de rappeler qu’il n’était pas seul, que tout ne fut pas son œuvre et qu’il faut rendre à César ce qui est à César.
Au reste, que signifiait ce grand mot de « Terreur » ? Que la République en guerre punirait désormais de mort ses ennemis déclarés. Cela n’avait rien de nouveau. Précisément, Robespierre ne fit que justifier la violence d’Etat en indiquant son but, ses principes, ses obstacles et ses dangers. La Terreur n’était finalement rien de plus que la reconnaissance du droit, pour un régime aux abois, de tuer ses ennemis mortels intérieurs, droit fondé sur le principe de légitime défense, à l’instar du droit, pour un Etat en guerre, de tuer ses ennemis extérieurs incarnés par les soldats étrangers. La Terreur n’était pas un but mais une nécessité passagère. Comme avait dit Saint-Just : « Il faut gouverner par le fer ceux qui ne peuvent l’être par la justice » (10 octobre). Mais Robespierre ajoutait :
« Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : La vertu, sans laquelle la Terreur est funeste ; la Terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. » « Ces notions suffisent pour expliquer l’origine et la nature des lois que nous appelons révolutionnaires. Ceux qui les nomment arbitraires ou tyranniques sont des sophistes stupides ou pervers qui cherchent à confondre les contraires : ils veulent soumettre au même régime la paix et la guerre, la santé et la maladie, ou plutôt ils ne veulent que la résurrection de la tyrannie et la mort de la patrie. S'ils invoquent l'exécution littérale des adages constitutionnels, ce n'est que pour les violer impunément. Ce sont de lâches assassins qui, pour égorger sans péril la République au berceau, s'efforcent de la garrotter avec des maximes vagues dont ils savent bien se dégager eux-mêmes. [...] Il [le gouvernement révolutionnaire] doit se rapprocher des principes ordinaires et généraux, dans tous les cas où ils peuvent être rigoureusement appliqués, sans compromettre la liberté publique. La mesure de sa force doit être l'audace ou la perfidie des conspirateurs. Plus il est terrible aux méchans, plus il doit être favorable aux bons. Plus les circonstances lui imposent de rigueurs nécessaires, plus il doit s'abstenir des mesures qui gênent inutilement la liberté publique, et qui froissent les intérêts privés, sans aucun avantage public. »
Au passage, Robespierre brosse une fois de plus le portrait des factions.
« Il [le gouvernement révolutionnaire] doit voguer entre deux écueils, la faiblesse et la témérité, le modérantisme et l'excès ; le modérantisme, qui est à la modération, ce que l'impuissance est à la chasteté, et l'excès qui ressemble à l'énergie, comme l'hydropisie à la santé. Les tyrans ont constamment cherché à nous faire reculer vers la servitude, par les routes du modérantisme ; quelquefois aussi ils ont voulu nous jetter dans l'extrêmité opposée. Les deux extrêmes aboutissent au même point. Que l'on soit en-deça ou en-delà du but, le but est également manqué. Rien ne ressemble plus à l'apôtre du fédéralisme, que le prédicateur intempestif de la République une et universelle. L'ami des rois et le procureur du genre humain s'entendent assez bien. Le fanatisme couvert de scapulaires, et le fanatique qui prêche l'athéisme, ont entr'eux beaucoup de rapports. Les barons démocrates sont les frères des marquis de Coblentz ; et quelquefois les bonnets rouges sont plus voisins des talons rouges qu'on ne pourrait le penser. Mais c'est ici que le gouvernement a besoin d'une extrême circonspection, car tous les ennemis de la liberté veillent pour tourner contre lui, non-seulement ses fautes, mais même ses mesures les plus sages. Frappe-t-il sur ce qu'on appelle exagération ? Ils cherchent à relever le modérantisme et l'aristocratie. S'il poursuit ces deux monstres, ils poussent de tout leur pouvoir à l'exagération. Il est dangereux de leur laisser les moyens d'égarer le zèle des bons citoyens ; il est plus dangereux encore de décourager et de persécuter les bons citoyens qu'ils ont trompés. Par l'un de ces abus, la république risquerait d'expirer dans un mouvement convulsif ; par l'autre, elle périrait infailliblement de langueur. »
Il a déjà dit tout cela à plusieurs reprises, notamment le 25 septembre et le 5 décembre. Les factieux sont prévenus ; les égarés sont invités à se ressaisir avant que le Comité ne sévisse.
La première faction, celle des ultra-terroristes, est représentée d’abord par Hébert et sa feuille Le Père Duchesne puis par les Cordeliers ; la seconde, celle des Indulgents, par Fabre, Danton, Desmoulins et sa feuille Le Vieux Cordelier. Tous sont Jacobins. Malgré Robespierre qui ne cesse de présenter à chacun les dangers de leur attitude, ils persistent à se déchirer et à attaquer, pour des raisons opposées, la politique du Comité. On ne se refait pas ! Les premiers sont essentiellement inconséquents et ambitieux : ils veulent la Terreur pour s’élever. Le seconds sont essentiellement jouisseurs et corrompus : ils ne veulent plus de la Terreur pour ne pas monter eux-mêmes à l’échafaud. Tous guettent le faux pas.
Les Cordeliers croient le moment venu d’agir lorsque Robespierre qu’ils appellent l’endormeur tombe malade en février 1794 (du 13 février au 12 mars). Ils s’agitent et appellent à l’insurrection le 4 mars (appel que, du reste, les sections n’entendent pas). Mais les collègues de Robespierre font front, notamment Collot-d’Herbois. Le 13 mars, c’est Saint-Just qui dénonce à la Convention la faction de l’Etranger et donne le signal à Fouquier-Tinville, l’accusateur public, pour arrêter les meneurs Cordeliers qui sont arrêtés le soir même et exécutés le 24 mars (4 germinal). Le Comité peut dès lors mettre un terme à certains abus. Il fait notamment supprimer l’armée révolutionnaire (7 germinal) et remanie la Commune de Paris (8-9 germinal).
Il n’a pas pour autant l’intention de se laisser déborder par les Indulgents qui croient à leur tour le moment venu d’agir. Dans la nuit du 30 au 31 mars, les Comités réunis de salut public et de sûreté générale ordonnent leur arrestation. Robespierre qui connaît Danton depuis le début de la Révolution et Camille Desmoulins, depuis son enfance (il fut le témoin de son mariage et est même le parrain de son fils), a longtemps hésité. Mais, pressé par ses collègues (Barère, Collot-d’Herbois, Billaud-Varenne, Saint-Just, Vadier), il s’est laissé fléchir — ses collègues auraient fini par se passer de son consentement dans le cas contraire. Deux rencontres avec Danton, la dernière le 29 mars, lui ont ôté ses derniers scrupules. Le 31 mars, c’est lui qui fait taire les amis de Danton à la Convention qui, sur le rapport de Saint-Just, « décrète d’accusation Camille Desmoulins, Hérault, Danton, Philippeaux, Delacroix, prévenus ce complicité avec d’Orléans et Dumouriez, avec Fabre d’Eglantine et les ennemis de la République, d’avoir trempé dans la conjuration tendant à rétablir la monarchie, à détruire la représentation nationale et le gouvernement républicain. En conséquence, elle ordonne leur mise en jugement avec Fabre d’Eglantine. » Le procès des Indulgents est avant tout celui de Fabre, ami de Danton, impliqué dans la conspiration de Batz dont l’affaire dite de la Compagnie des Indes n’est que la partie visible. Les Indulgents sont exécutés le 5 avril (16 germinal).
Pour Robespierre, rien n’est changé. Il n’a ni plus ni moins de pouvoir qu’avant ; il est simplement un membre du Comité de salut public. Son prochain grand sujet sera l’organisation des fêtes décadaires.
Au lendemain de l’exécution des Indulgents, le 6 avril, Couthon annonce à la Convention que le Comité lui présentera d’ici peu « un projet de fête décadaire dédié à l’Eternel, dont les Hébertistes n’ont pas ôté au peuple l’idée consolante ». L’adoption du calendrier républicain, le 5 octobre 1793, a bouleversé le temps. Le décadi a remplacé le dimanche et supprimé la messe. De partout, les lettres affluent demandant que la Convention et le Comité pallient au vide ainsi créé. Le Comité d’instruction publique s’est saisi dès le mois de janvier du dossier et a déjà présenté aux députés, fin février-début mars, sous forme d’imprimé, le projet de Mathieu (de l’Oise). C’est ce projet, simplifié, précédé d’un long rapport, que Robespierre présente à la Convention le 7 mai (18 floréal). Ce rapport, au terme duquel la Convention décrète que le peuple français reconnaît l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme (tout en confirmant le décret du 18 frimaire sur la liberté des cultes) et fixe les thèmes auxquels seront consacrés les décadis, est accueilli par la Convention et la France entière avec un enthousiasme extraordinaire. Il semble que l’heure de la réconciliation nationale soit venue. La première fête est fixée au 20 prairial (8 juin). Elle est spécialement dédiée à l’Etre suprême, contrairement aux autres qui sont simplement placées sous ses auspices. C’est un acte politique après les désordres provoqués par la déchristianisation et l’ambiguïté du culte de la Raison. Il ne s’agit cependant en rien d’un nouveau culte ou d’une nouvelle religion.
Le 4 juin (16 prairial), la Convention porte Robespierre à sa présidence à l’unanimité afin qu’il préside la fête qui doit avoir lieu quatre jours plus tard. (Ce n’était pas la première fois que Robespierre présidait. Un président de la Convention n’avait rien à voir avec un actuel président de la République. Il changeait tous les quinze jours et n’avait d’autre fonction que de diriger les débats de l’Assemblée ou, à l’occasion, de présider des fêtes officielles à Paris.) Cet honneur se révèle empoisonné. La fête de l’Etre suprême est grandiose, majestueuse, populaire (400.000 participants à Paris, selon un témoin), mais la position de Robespierre prête aux calomnies de la part de ses ennemis. Car il en a, beaucoup : les amis de Danton, les amis d’Hébert, les athées, les corrompus, les terroristes, les hommes violents et sans moralité. Il les entend dans son dos qui murmurent, qui l’insultent. Quand il rentre chez lui le soir, il sait qu’ils auront sa peau.
Deux jours plus tard, Couthon présente à la Convention la loi plus controversée, celle du 22 prairial qui réorganise le Tribunal révolutionnaire, accélère ses procédures et précise les motifs qui en sont passibles. Quelques députés protestent. Robespierre intervient pour la faire adopter article par article. Son nom est désormais associé à cette loi qui, appliquée ou plutôt dénaturée par ses ennemis personnels, va devenir entre leurs mains un moyen de le discréditer.
En fait, cette loi n’avait rien d’incongru ni de nouveau. Elle était liée aux lois de ventôse, à celle du 27 germinal et à l’institution de la Commission d’Orange, le 21 floréal.
Les 8 et 13 ventôse (26 février, 3 mars), sur des rapports de Saint-Just, la Convention avait décrété que les biens des condamnés seraient distribués aux indigents d’après le tableau qu’en ferait le Comité de sûreté générale. Dans cette optique, elle avait décrété, le 23 ventôse (13 mars), l’établissement de six Commissions populaires qui seraient chargées de juger les ennemis de la Révolution détenus dans les prisons. Le 27 germinal (16 avril), toujours sur rapport de Saint-Just, elle avait voté les mesures de police générale d’après lesquelles tous les prévenus de conspiration devaient être transférés à Paris. C’était suspendre de fait tous les tribunaux révolutionnaires de province et donner un travail énorme à celui de Paris, ce qu’un arrêté du Comité de salut public du 22 avril (3 floréal) précise textuellement. (Pour être tout à fait exact, quelques tribunaux révolutionnaires furent maintenus ou rétablis en mai : celui d’Arras, jusqu’au 10 juillet, de Bordeaux, de Nîmes, de l’armée de la Moselle et, à l’Ouest, celui de Noirmoutier, de Laval-Vitré-Rennes et de l’armée de l’Ouest. La Commission d’Orange qui n’existait pas alors fut elle aussi établie en mai, le 10.) Le 8 mai (19 floréal), sur le rapport fait par Couthon au nom des Comités de salut public et de législation réunis, la Convention décréta encore que, en exécution de l’article premier de la loi du 27 germinal, tous les crimes contre-révolutionnaires, définis par les lois antérieures, seraient du ressort du Tribunal révolutionnaire de Paris, où qu’ils aient été commis dans la République.
Le 13 et 14 mai (24 et 25 floréal), les Comités de salut public et de sûreté générale réunis instituèrent à Paris les deux premières Commissions populaires, chacune composée de cinq membres dont certains étaient jurés au Tribunal révolutionnaire et qui tous, d’après un arrêté du Comité du 24 mai (5 prairial), reçurent le même traitement que les juges dudit Tribunal. Le 22 mai (3 prairial), Robespierre les dota de tous les moyens pour enquêter. Le 10 mai, le Comité institua une Commission révolutionnaire à Orange. Le 18 mai, le Comité lui adressa une instruction qui était manifestement inspirée par le fonctionnement des Commissions populaires et qui inspira à son tour les articles 8 et 16 de la loi du 22 prairial. Tous les membres du Comité de salut public avaient participé à l’établissement de ces différentes Commissions. Tous en partageaient l’esprit.
Les Commissions populaires commencèrent à produire des listes de détenus à condamner, à déporter ou à libérer le 19 prairial. Trois jours plus tard, Couthon présentait la loi du 22 prairial qui accélérait les procédures du tribunal révolutionnaire. C’était une conséquence directe de toutes les lois et dispositions précédentes auxquelles les Comités et la Convention avaient souscrit. La raison d’être de cette loi est claire et les controverses à son sujet sont le fait d’ignorants ou de partisans.
C’est également une imposture que de présenter cette loi comme l’origine d’une Grande Terreur, donc Robespierre comme un grand terroriste. S’il est vrai que le nombre d’exécutions augmente après son adoption, il faut préciser que cette augmentation ne concerne que Paris et que leur nombre a déjà fortement augmenté depuis la loi du 27 germinal qui a supprimé les tribunaux révolutionnaires de province. En réalité, si le nombre d’exécutions explose à Paris, c’est parce que la Terreur a quasiment cessé partout en France. La période dite de la Grande Terreur est en fait celle qui vit chuter le nombre d’exécutions au niveau national. Et, même à Paris, les chiffres sont dérisoires. De l’instauration du Tribunal révolutionnaire en mars 1793 au 27 juillet 1794 (9 thermidor), il n’y eut que 2639 exécutions à Paris (pour 1218 libérations et 258 autres peines), dont seulement 1075 Parisiens. Ainsi, pour une ville qui comptait 600.000 habitants, moins de 0,2 % d’entre eux furent exécutés. Que les victimes n’aient pas été à la fête est une chose ; croire que les Parisiens étaient terrorisés en est une autre !
Le vrai scandale de cette période réside dans le principe des « fournées », c’est-à-dire de la traduction simultanée de plusieurs dizaines de détenus devant le Tribunal révolutionnaire. Or cette pratique n’était pas prescrite par la loi du 22 prairial. Elle incombait sans doute à Fouquier-Tinville que Robespierre essaya en vain de faire destituer fin juin. Par ailleurs, les procédures du Tribunal révolutionnaire étaient expéditives parce que les détenus devaient être pré-jugés par les Commissions populaires, instruments des lois de ventôse. Or non seulement les Comités de salut public et de sûreté générale rechignaient à instituer les quatre autres Commissions prévues mais ne validaient même pas les listes dressées par les Commissions en vigueur. Le sabotage des lois de ventôse sur la distribution des biens des condamnés aux indigents et le détournement de la loi du 22 prairial furent la raison profonde de la rupture entre Robespierre et ses collègues des Comités.
A ce désaccord de fond s’en ajoutaient d’autres. Le Comité n’étant plus menacé de l’extérieur par les factions, ses membres donnèrent de plus en plus libre cours à leurs divergences sur le plan militaire, social, politique ou personnel. Carnot conduisait seul la guerre et voulait une guerre de conquête, alors que Robespierre désirait y mettre fin dès que le territoire serait libéré, ce qui était sur le point d’être réalisé. Par ailleurs, Robespierre voulait modérer la Terreur et était exaspéré par les arrestations tous azimuts. Il était cerné d’ennemis, visé par mille intrigues et désespérait de rencontrer une opposition systématique chez ses collègues des Comités. Ne pouvant plus rien faire, il cesse, à partir du 1er juillet (13 messidor), de participer au Comité.
Cette absence de plusieurs semaines ne passe pas inaperçue, d’autant plus que Robespierre en expose les motifs aux Jacobins. Pour se réconcilier avec lui, les Comités ratifient les listes des Commissions populaires les 2 et 3 thermidor (20 et 21 juillet) — ils en font même porter une chez lui, qu’il signe — et décident la création des quatre dernières Commissions le 4 thermidor. Le 5 thermidor, Robespierre assiste à la séance des Comités. Mais il ne croit pas en leur bonne foi. Il sait que le Comité de sûreté générale a pris des contacts avec les Girondins détenus (qui d’ailleurs lui doivent la vie). Il sait que Fouché complote contre lui, qu’il répand des listes de proscription présentées comme son ouvrage. Il sait que ses ennemis sont nombreux et unis par leur haine contre lui. Il sait que, s’ils l’emportent, la Révolution est perdue. Il prend l’initiative d’attaquer, à découvert comme il l’a toujours fait. Il n’a pas d’autre choix de toute façon.
Le 8 thermidor, il se présente à la Convention armé d’un discours qu’il appelle lui-même son testament de mort. Il dénonce tous les disfonctionnements du gouvernement, tous les excès de la Terreur, toutes les intrigues, tous les coups bas dont il est l’objet, tous les dangers qui menacent la République. L’impression de son discours est décrétée. Mais les hommes qu’il a dénoncés à demi-mot font rapporter le décret. Le soir, aux Jacobins, il relit son discours qui transporte l’assemblée d’émotion. Il reprend confiance. Mais, pendant ce temps, ses ennemis, les hommes de sang et de rapines, rallient les bourgeois du Marais en leur promettant tout et son contraire et adoptent une tactique pour le lendemain : l’empêcher de parler.
Le 9 thermidor, c’est Saint-Just qui monte à la tribune pour lire un rapport (modéré) qu’il a eu le tort de ne pas présenter à ses collègues. A peine a-t-il prononcé quelques phrases que Tallien l’interrompt. Le signal est donné. La meute se déchaîne. Les ennemis de Robespierre se succèdent à la tribune sans qu’il puisse leur répondre. Le voyant lynché, son frère insiste pour partager son sort. Lebas se joint à eux. Ils sont tous décrétés d’arrestation, ainsi que Couthon.
Quand la Commune apprend cette nouvelle incroyable, elle se proclame aussitôt en insurrection, non contre la Convention, mais contre les députés corrompus. Elle sonne le tocsin et fait battre la générale. Elle réunit des milliers d’hommes des faubourgs. Elle parvient à faire libérer les députés arrêtés, surpris par cette mobilisation. Mais elle hésite à marcher sur la Convention qui se ressaisit et réunit des troupes de son côté. Robespierre temporise. Il n’a jamais été dictateur et ne veut pas en devenir un malgré lui. Il avait prédit sa mort depuis longtemps et sait que la Révolution est dans une impasse, que les temps ne sont pas mûrs pour un ordre des choses plus juste. Aussi, bien qu’il ait fini par rejoindre l’Hôtel de Ville, il n’agit pas, pas plus que ses amis qui ont conduit les armées de la République à la victoire. Laissées sans ordre et effrayées par la mise hors la loi dont sont frappés les rebelles, les troupes de la Commune finissent pas se disperser. Surgissent alors les troupes de la Convention qui embarquent tout le monde. Lebas s’est tiré une bale dans la tête. Robespierre aussi, mais s’est manqué et a la mâchoire fracassée. Son frère s’est jeté du premier étage et s’est estropié. Couthon, paralytique, a chuté dans des escaliers et est à moitié mort.
Le lendemain, Robespierre est guillotiné avec 21 de ses partisans. Les deux jours suivants, 82 municipaux, administrateurs de police, cadres de la garde nationale et Robespierristes divers sont exécutés. La Commune est anéantie. La Révolution, au sens social du terme, est terminée. La bourgeoisie capitalo-libérale reprend les rênes du pouvoir et ne les lâchera plus. La Terreur change de camp.
Résumant les pensées de beaucoup de ses contemporains, Cambon, chargé des finances sous la Convention, attaqué personnellement par Robespierre le 8 thermidor, dira plus tard : « Nous avons tué la République au 9 thermidor, en croyant ne tuer que Robespierre ! Je servis à mon insu les passions de quelques scélérats. Que n’ai-je péri, ce jour-là, avec eux ! la liberté vivrait encore ! »
Philippe Landeux
Janvier 2011
Exemple de désinformation : Le Petit Larousse illustré (1998)
Sont marqués en gras les mots et les passages tendancieux qui dénaturent le rôle et le caractère de Robespierre.
ROBESPIERRE (Maximilien de) :
Arras 1758 – Paris 1794, homme politique français. De petite noblesse, orphelin, il est d’abord avocat à Arras. Député aux Etats Généraux, orateur influent puis principal animateur du club des Jacobins, surnommé l’« Incorruptible », il s’oppose fermement à la guerre. Membre de la Commune après l’insurrection du 10 août 1792, puis député à la Convention, il devient de le chef des Montagnards. Hostile aux Girondins, il provoque leur chute (mai-juin 1793). Entré au Comité de salut public (juill.), il est l’âme de la dictature, affirmant que le ressort de la démocratie est à la fois la terreur et la vertu ; il élimine les hébertistes (mars 1794) et les indulgents menés par Danton (avr.), puis inaugure la Grande Terreur (juin). Enfin, il impose le culte de l’Etre suprême (8 juin). Mais une coalition allant des membres du Comité de salut public aux conventionnels modérés décide le 9 thermidor an II (27 juil. 1794) de mettre fin aux excès de Robespierre, qui est guillotiné le 10 thermidor avec ses amis Saint-Just et Couthon.
12:49 Écrit par Philippe Landeux dans 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : robespierre, histoire | Facebook | | Imprimer |
dimanche, 09 janvier 2011
PENSEE DU JOUR : le patriotisme
Le patriotisme, c'est l'amour des siens ;
Le nationalisme, c'est la haine des autres ;
Le mondialisme, c'est soi-disant l'amour des autres et concrètement la haine des siens.
20:30 Écrit par Philippe Landeux dans 6. MON BLOG, 7.1. PENSEES DU JOUR, 7.5. Pensées PROVERBIALES, 7.6. sur les TRAITRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |
lundi, 03 janvier 2011
PENSEE DU JOUR : une idée
"Une idée qui n'est pas dangereuse ne mérite pas le nom d'idée."
Oscar Wilde
10:21 Écrit par Philippe Landeux dans 6. MON BLOG, 7.1. PENSEES DU JOUR | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |