jeudi, 30 août 2012
QU’EST-CE QUE LE CIVISME ?
« Le progrès scientifique amènera-t-il des technologies miracles ? C’est a priori improbable pour deux raisons. Elles ne sont jamais qu’un pari. La seconde, plus fondamentale, est que le problème n’est que secondairement technologique. Il réside d’abord dans notre organisation sociale, économique et politique. »
Piero San Giorgio,
Survivre à l’effondrement économique, p. 128
Un lecteur a tapé ces mots dans le moteur de recherche : « quelle est la définition du concept civisme dans un sens large ». Ce blog est en effet dédié au Civisme. La plupart des articles y font directement ou indirectement référence. Mais l’essentiel se perd sans doute dans cette masse d’informations. Il m’a donc semblé utile d’en exposer brièvement les grandes lignes.
Le mot « Civisme » ne renvoie pas à la définition ordinaire du civisme même s’il ne l’exclut pas. C’est le nom d’une théorie politico-économique dans laquelle les mots Cité, Citoyen, Citoyenneté, mais aussi Egalité, Devoirs, Droits sont redéfinis et reviennent sans cesse, ce qui explique cela. Cette théorie est la plus révolutionnaire jamais conçue. En tant que projet social, elle en rappelle d’autres de prime abord. Il ne faut cependant pas longtemps pour se rendre compte que tout en elle est radicalement nouveau, qu’elle ne sert pas du réchauffé. C’est sa force et son handicap.
Il n’y a pas de révolution sans révolution. Or les révolutions sont rares parce que les hommes sont rarement révolutionnaires. Même les plus audacieux sont généralement des conformistes qui s’ignorent ; ils veulent du changement sans rien changer fondamentalement. La plupart des gens sont esclaves de leurs préjugés et des idées reçues alors qu’une révolution implique des idées nouvelles et inattendues. Certes, nouveauté et surprise ne sont pas des gages de vérité et de justesse ! La méfiance est de rigueur. Mais, lorsqu'elle sert moins à trier à l’aune de l’honnêteté et du bon sens qu’à tout rejeter par peur et habitude, elle devient le prétexte des lâches. Malheureusement, le courage, qu’il soit physique ou intellectuel, n’est pas la vertu la plus répandue.
Le Civisme en trois points :
> Un but : l’Egalité
> Un moyen : la Carte civique
> Un ennemi (ou obstacle) : Largent
1. L’Egalité
Le but du Civisme est l’Egalité — et il n’y a pas d’autre égalité possible et concevable que celle des Citoyens en Devoirs et en Droits. Il serait tout aussi correct de dire la Justice. Mais la Justice est un concept plus large ; il dépasse le cadre de la Société qui est par définition le sujet d’une théorie politique (de polis, la cité, en grec) et le champ d’une Révolution. Il est donc préférable de parler d’Egalité, terme qui, tout à la fois, circonscrit la Révolution à la Société et indique le type de rapports sociaux voulu. Les mêmes raisons prescrivent de parler de Citoyens au lieu de camarades, terme insipide d’un point de vue révolutionnaire.
L’Egalité est le Principe fondamental de l’ordre social. Sans elle, il n’y a ni Société, ni Citoyens, ni Devoirs, ni Droits, ni Démocratie autrement que par abus de langage. L’Egalité est la condition de l’harmonie sociale, comme l’inégalité est le terreau de la tyrannie. Aspirer à l’Egalité est la marque de tout mouvement authentiquement révolutionnaire. L’instaurer, dans les faits et non en rêve, est le but du Civisme.
Mais pourquoi l’Egalité ? Parce qu’il n’y a pas de Droit sans Devoir qui le génère ; parce qu’une action n’est un Devoir qu’envers autrui ; parce qu’il n’y a pas de Devoir sans réciprocité ; parce que des individus remplissant les uns envers les autres les mêmes Devoirs génèrent et se garantissent mutuellement les mêmes Droits. Nul ne génère ses propres Droits, si ce n’est indirectement. Par suite, il n’y a de Droits que dans le cadre d’une Société. Les droits naturels sont une construction philosophique, une vue de l’esprit. Avant d’être des conventions, les Droits sont les conséquences de l’union — dite association politique — entre individus, laquelle est suscitée par l’instinct de conservation. Hors de la Société, aucune puissance ne reconnaît ni ne garantit de Droits. En son sein, les individus sont Citoyens parce qu’ils s’acquittent envers la Cité, c’est-à-dire l’ensemble de leurs Concitoyens, des Devoirs qui confèrent la Citoyenneté à laquelle sont attachés les Droits du Citoyen. Les Devoirs et les Droits du Citoyen, de tous les Citoyens, sont définis par un Contrat social au moins tacite.
L’Egalité n’est pas universelle. Elle ne se décrète pas, elle se mérite comme tout Droit. Elle ne concerne pas tous les individus mais seulement les Citoyens. On ne naît pas Citoyen, on le devient par ses actes.
2. La Carte civique
A l’origine, le premier et souvent le seul Devoir du Citoyen est de défendre ses Concitoyens pour assurer leur Sécurité et jouir en retour de leur protection. La Sécurité est le premier Droit du Citoyen. Elle n’existe, en tant que Droit, que dans le cadre d’une Société.
De manière générale et simplifiée, le Devoir ordinaire du Citoyen est de participer à la vie de la Cité, selon ce qu’elle considère comme une participation. En retour, le Droit élémentaire du Citoyen est de profiter des bienfaits de sa Cité, lesquels sont le fruit de la combinaison des Devoirs des Citoyens. Autrement dit, le Devoir de participer à la vie de la Cité confère la Citoyenneté qui ouvre le Droit de profiter des bienfaits de la Cité.
Chez l’Homme, ces bienfaits se présentent pour beaucoup sous forme de produits et services accessibles sur le marché (national). Accéder au marché est donc, aujourd’hui, une composante du Droit de profiter des bienfaits de la Cité et de la Citoyenneté. Un Citoyen a le Droit d’accéder au marché du fait même d’être Citoyen. Il lui suffit, pour exercer ce Droit, de disposer d’un moyen d’attester sa Citoyenneté auprès des commerçants : la Carte civique.
La Carte civique est l’évolution de la carte de crédits. Elle s’appuie sur la même technologie et s’utilise de la même manière, à la différence qu’elle sert à vérifier la Citoyenneté et non à manipuler des crédits.
La Citoyenneté n’est pas quantifiable. On est ou on n’est pas Citoyen. Par conséquent, le Droit d’accès qu’elle confère est indéfini et illimité en théorie. Il a néanmoins pour bornes naturelles les envies du Citoyen, l’exercice par ses Concitoyens de ce même Droit, la nature des choses (les produits existants et disponibles) et, au besoin, la loi.
3. Largent
Largent n’est pas un instrument ; c’est un tyran. Son règne est celui de l’artifice et de l’instabilité, de l’arbitraire et de l’inégalité, de la force (richesse) et de l’anarchie (individualisme).
Largent, c’est « la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger ». Largent, au sens strict, n’est donc pas la monnaie, même s’il peut, au sens large, désigner tout ce qui a un rapport avec elle.
La notion de valeur marchande naît de la pratique du troc — mode d’échange individualiste incontournable dans un contexte de production artisanale — et est perpétuée par la monnaie qui permet de troquer de manière indirecte. Etalon de la valeur à l’origine, la monnaie incarne désormais le droit d’accéder au marché et la plupart des droits qui passent par elle. En fait, elle sert moins à accéder au marché qu’à maintenir la plupart des gens dans la gêne et la dépendance de ceux qui les payent ; elle est moins un moyen d’échange qu’un moyen idéal d’exploitation et d’oppression.
Largent et la monnaie, son extension, sont fondamentalement inégalitaires donc anti-sociaux. Tous deux découlent du troc sous lequel les individus, ayant besoin de posséder ce qu’ils échangent, sont obligés de produire pour eux-mêmes. Au lieu d’accomplir un Devoir, ils s’activent par envie ou nécessité. Au lieu que leurs Droits soient garantis par la Cité, il leur appartient de s’en ménager. Au lieu d’être des Citoyens, ce ne sont que des individus. Au lieu de se préoccuper de l'humain en exclusivité ou du moins en priorité, ce système est obsédé par la soi-disant valeur des choses. Ainsi, le troc et sa logique font imploser la Société en dépouillant chacun de ses paramètres de toute dimension sociale.
Du reste, Largent — la notion de valeur (marchande) — implique des différences de valeurs entre les objets, entre les produits, entre les productions, entre les producteurs, ce qui se traduit par des différences de prix, de salaires, de revenus et, au final, par l’inégalité en « droits ». Largent est antisocial d’un simple point de vue dialectique.
A Largent s’ajoute la monnaie qui, elle, fonctionne selon deux principes : 1) celui des vases communicants, hérité du troc, 2) celui de l’attraction, inhérent à la notion de valeur. Sans entrer dans tous les détails, la monnaie matérialise des « droits » dont tout le monde a besoin et circule puisqu’elle doit être échangée, de sorte qu’elle condamne les hommes à une guerre larvée permanente pour s’en procurer par tous les moyens aux dépens d’autrui. Mais cette circulation selon le jeu des valeurs et des rapports de force entraîne inévitablement la formation de caillots, c’est-à-dire de points où les unités monétaires, donc les « droits », se concentrent. Comme gagner de l’argent, en gagner plus, toujours plus ou ne pas en perdre est une obligation, les individus qui en ont beaucoup plus que les autres tiennent ces derniers dans leur dépendance et ont du pouvoir, lequel leur permet de dicter les prix et leurs conditions, d’accroître facilement leur capital et d’étendre encore leur pouvoir.
Non seulement l’Egalité est impossible sous Largent, mais il est dans la nature du système monétaire que les inégalités s’accroissent inexorablement. Il est donc inutile de s’en désoler et de dénoncer tel ou tel si l’on cautionne soi-même Largent. Ce ne sont pas les conséquences de Largent qu’il faut combattre (en vain), ni même les individus qui profitent de cet ordre des choses inégalitaire, arbitraire et branlant ; c’est Largent lui-même qu’il faut anéantir. Il s’agit d’ailleurs moins d’être contre Largent que pour l’Egalité.
CONCLUSION
Qu’est-ce que le Civisme ? C’est un corps de Principes et de concepts pour la plupart révolutionnaires (exposés dans le Manifeste des Patriciens), une approche nouvelle des problèmes politico-économiques, une redéfinition de tous les termes ayant une portée sociale — tels que Devoirs, Droits, Citoyenneté, Nationalité, Démocratie, etc. —, un changement de paradigme et une vision claire de la Société, dite Cité. Il repose sur deux réflexions : la première sur Largent, terme propre au Civisme, la deuxième sur l’Egalité, comme personne ne l’a jamais vue. Il s’articule autour d’une proposition, celle d’une Carte civique, à la fois moyen d’échange et vecteur des Principes de l’ordre social. C’est elle qui permet d’un côté d’instaurer et de maintenir l’Egalité, de l’autre d’éliminer Largent (et la monnaie avec lui) et, du coup, de comprendre ce qu’il est — puisque on ne sait vraiment ce que l’on perd qu’après l’avoir perdu.
Tout est politique, Largent comme le reste. Largent et la monnaie qui, de par leurs natures et leurs fonctions, sont au centre de la "société" sont des problèmes politiques par excellence : ils doivent être considérés à la lumière des Principes de l'ordre social. En faire des questions strictement économiques et la chasse gardée d'experts, c'est arracher le cœur et les poumons du corps social et confier la santé du moribond à des charlatans.
La notion de valeur marchande (Largent) ne se justifie que par elle-même et le fait accompli ; elle est totalement étrangère et contraire aux Principes de l’ordre social. Son apparition est certes inéluctable dans un contexte de production artisanale, mais elle n’a plus de raison d’être dans un contexte de production industrielle. Elle est alors aberrante et anachronique. Continuer à violer les Principes ne s’explique que par l’habitude, par la persistance des préjugés et l’ignorance des Principes eux-mêmes.
Les Principes de base sont : 1) Des Citoyens sont égaux en Devoirs et en Droits, 2) Un individu est Citoyen quand il participe à la vie de la Cité, selon ce qu’elle considère comme une participation, 3) La Citoyenneté confère les mêmes Droits à tous les Citoyens, dont celui d’accéder librement au marché.
Sans la liberté pour tous les Citoyens d’accéder au marché, l’Egalité n’a aucune réalité. Une réelle Egalité n’est d’ailleurs pas l’Egalité réelle. L’égalité en Droits n’est pas l’égalité en toutes choses (égalitarisme) qui, outre le fait d’être une vue de l’esprit, suppose une privation de liberté et une puissance tyrannique.
Il n’y a pas de milieu. Moins d’inégalité n’est pas l’Egalité. L’Egalité est ou n’est pas. Largent est ou n’est pas. Qui n’adhère pas au Civisme cautionne le capitalisme. Qui n’est pas révolutionnaire est bon gré, mal gré, un contre-révolutionnaire.
L’utopie n’est pas de s’attaquer à Largent pour changer le « monde », mais de croire que l’on peut changer le « monde » sans s’attaquer à Largent.
Philippe Landeux
Pour en savoir plus :
Manifeste des Patriciens
Postulats du Civisme
Livres :
Réquisitoire contre Largent
Le Civisme ou théorie de la Cité
Le Civisme illustré
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11:36 Écrit par Philippe Landeux dans 4. BASES DU CIVISME, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : civisme, largent, egalité, abolition, argent | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
C'est bien
Écrit par : DAHOUI M. René | vendredi, 25 janvier 2013
Je voudrais avoir des info's relatives aux bienfaits du civisme et aux meilleures méthodes pour le inculquer à la population
Écrit par : Ricardo | mercredi, 27 avril 2016
Sur les bienfaits du Civisme, il vous faut lire "le Civisme ou théorie de la Cité" que l'on trouve aussi dans "Tout sur le Civisme"... Il faut lire en particulier la conclusion. C'est là, une fois que la Cité est posée, que la question de ses bienfaits traitées.
http://www.thebookedition.com/fr/recherche?controller=search&orderby=position&orderway=desc&search_query=landeux
ou en PDF http://philippelandeux.hautetfort.com/media/02/01/11822414.pdf
Quant à la méthode pour l'inculquer, si vous voulez dire "la diffuser"... en lisant soi-même la théorie pour bien la maîtriser, ensuite en en parlant, en conseillant cette lecture, en renvoyant vers mon blog, mes articles, mes vidéos, en contactant les gens qui y adhèrent déjà... Mais si vous voulez dire "inculquer aux citoyens, dans la Cité"... Là, ce sera la pratique de l'échange via la carte civique qui inculquera aux Citoyens les principes de la Cité, comme la monnaie suffit aujourd'hui à inculquer les bases du capitalisme.
Écrit par : Philippe Landeux | mercredi, 27 avril 2016
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