jeudi, 30 août 2012
QU’EST-CE QUE LE CIVISME ?
« Le progrès scientifique amènera-t-il des technologies miracles ? C’est a priori improbable pour deux raisons. Elles ne sont jamais qu’un pari. La seconde, plus fondamentale, est que le problème n’est que secondairement technologique. Il réside d’abord dans notre organisation sociale, économique et politique. »
Piero San Giorgio,
Survivre à l’effondrement économique, p. 128
Un lecteur a tapé ces mots dans le moteur de recherche : « quelle est la définition du concept civisme dans un sens large ». Ce blog est en effet dédié au Civisme. La plupart des articles y font directement ou indirectement référence. Mais l’essentiel se perd sans doute dans cette masse d’informations. Il m’a donc semblé utile d’en exposer brièvement les grandes lignes.
Le mot « Civisme » ne renvoie pas à la définition ordinaire du civisme même s’il ne l’exclut pas. C’est le nom d’une théorie politico-économique dans laquelle les mots Cité, Citoyen, Citoyenneté, mais aussi Egalité, Devoirs, Droits sont redéfinis et reviennent sans cesse, ce qui explique cela. Cette théorie est la plus révolutionnaire jamais conçue. En tant que projet social, elle en rappelle d’autres de prime abord. Il ne faut cependant pas longtemps pour se rendre compte que tout en elle est radicalement nouveau, qu’elle ne sert pas du réchauffé. C’est sa force et son handicap.
Il n’y a pas de révolution sans révolution. Or les révolutions sont rares parce que les hommes sont rarement révolutionnaires. Même les plus audacieux sont généralement des conformistes qui s’ignorent ; ils veulent du changement sans rien changer fondamentalement. La plupart des gens sont esclaves de leurs préjugés et des idées reçues alors qu’une révolution implique des idées nouvelles et inattendues. Certes, nouveauté et surprise ne sont pas des gages de vérité et de justesse ! La méfiance est de rigueur. Mais, lorsqu'elle sert moins à trier à l’aune de l’honnêteté et du bon sens qu’à tout rejeter par peur et habitude, elle devient le prétexte des lâches. Malheureusement, le courage, qu’il soit physique ou intellectuel, n’est pas la vertu la plus répandue.
Le Civisme en trois points :
> Un but : l’Egalité
> Un moyen : la Carte civique
> Un ennemi (ou obstacle) : Largent
1. L’Egalité
Le but du Civisme est l’Egalité — et il n’y a pas d’autre égalité possible et concevable que celle des Citoyens en Devoirs et en Droits. Il serait tout aussi correct de dire la Justice. Mais la Justice est un concept plus large ; il dépasse le cadre de la Société qui est par définition le sujet d’une théorie politique (de polis, la cité, en grec) et le champ d’une Révolution. Il est donc préférable de parler d’Egalité, terme qui, tout à la fois, circonscrit la Révolution à la Société et indique le type de rapports sociaux voulu. Les mêmes raisons prescrivent de parler de Citoyens au lieu de camarades, terme insipide d’un point de vue révolutionnaire.
L’Egalité est le Principe fondamental de l’ordre social. Sans elle, il n’y a ni Société, ni Citoyens, ni Devoirs, ni Droits, ni Démocratie autrement que par abus de langage. L’Egalité est la condition de l’harmonie sociale, comme l’inégalité est le terreau de la tyrannie. Aspirer à l’Egalité est la marque de tout mouvement authentiquement révolutionnaire. L’instaurer, dans les faits et non en rêve, est le but du Civisme.
Mais pourquoi l’Egalité ? Parce qu’il n’y a pas de Droit sans Devoir qui le génère ; parce qu’une action n’est un Devoir qu’envers autrui ; parce qu’il n’y a pas de Devoir sans réciprocité ; parce que des individus remplissant les uns envers les autres les mêmes Devoirs génèrent et se garantissent mutuellement les mêmes Droits. Nul ne génère ses propres Droits, si ce n’est indirectement. Par suite, il n’y a de Droits que dans le cadre d’une Société. Les droits naturels sont une construction philosophique, une vue de l’esprit. Avant d’être des conventions, les Droits sont les conséquences de l’union — dite association politique — entre individus, laquelle est suscitée par l’instinct de conservation. Hors de la Société, aucune puissance ne reconnaît ni ne garantit de Droits. En son sein, les individus sont Citoyens parce qu’ils s’acquittent envers la Cité, c’est-à-dire l’ensemble de leurs Concitoyens, des Devoirs qui confèrent la Citoyenneté à laquelle sont attachés les Droits du Citoyen. Les Devoirs et les Droits du Citoyen, de tous les Citoyens, sont définis par un Contrat social au moins tacite.
L’Egalité n’est pas universelle. Elle ne se décrète pas, elle se mérite comme tout Droit. Elle ne concerne pas tous les individus mais seulement les Citoyens. On ne naît pas Citoyen, on le devient par ses actes.
2. La Carte civique
A l’origine, le premier et souvent le seul Devoir du Citoyen est de défendre ses Concitoyens pour assurer leur Sécurité et jouir en retour de leur protection. La Sécurité est le premier Droit du Citoyen. Elle n’existe, en tant que Droit, que dans le cadre d’une Société.
De manière générale et simplifiée, le Devoir ordinaire du Citoyen est de participer à la vie de la Cité, selon ce qu’elle considère comme une participation. En retour, le Droit élémentaire du Citoyen est de profiter des bienfaits de sa Cité, lesquels sont le fruit de la combinaison des Devoirs des Citoyens. Autrement dit, le Devoir de participer à la vie de la Cité confère la Citoyenneté qui ouvre le Droit de profiter des bienfaits de la Cité.
Chez l’Homme, ces bienfaits se présentent pour beaucoup sous forme de produits et services accessibles sur le marché (national). Accéder au marché est donc, aujourd’hui, une composante du Droit de profiter des bienfaits de la Cité et de la Citoyenneté. Un Citoyen a le Droit d’accéder au marché du fait même d’être Citoyen. Il lui suffit, pour exercer ce Droit, de disposer d’un moyen d’attester sa Citoyenneté auprès des commerçants : la Carte civique.
La Carte civique est l’évolution de la carte de crédits. Elle s’appuie sur la même technologie et s’utilise de la même manière, à la différence qu’elle sert à vérifier la Citoyenneté et non à manipuler des crédits.
La Citoyenneté n’est pas quantifiable. On est ou on n’est pas Citoyen. Par conséquent, le Droit d’accès qu’elle confère est indéfini et illimité en théorie. Il a néanmoins pour bornes naturelles les envies du Citoyen, l’exercice par ses Concitoyens de ce même Droit, la nature des choses (les produits existants et disponibles) et, au besoin, la loi.
3. Largent
Largent n’est pas un instrument ; c’est un tyran. Son règne est celui de l’artifice et de l’instabilité, de l’arbitraire et de l’inégalité, de la force (richesse) et de l’anarchie (individualisme).
Largent, c’est « la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger ». Largent, au sens strict, n’est donc pas la monnaie, même s’il peut, au sens large, désigner tout ce qui a un rapport avec elle.
La notion de valeur marchande naît de la pratique du troc — mode d’échange individualiste incontournable dans un contexte de production artisanale — et est perpétuée par la monnaie qui permet de troquer de manière indirecte. Etalon de la valeur à l’origine, la monnaie incarne désormais le droit d’accéder au marché et la plupart des droits qui passent par elle. En fait, elle sert moins à accéder au marché qu’à maintenir la plupart des gens dans la gêne et la dépendance de ceux qui les payent ; elle est moins un moyen d’échange qu’un moyen idéal d’exploitation et d’oppression.
Largent et la monnaie, son extension, sont fondamentalement inégalitaires donc anti-sociaux. Tous deux découlent du troc sous lequel les individus, ayant besoin de posséder ce qu’ils échangent, sont obligés de produire pour eux-mêmes. Au lieu d’accomplir un Devoir, ils s’activent par envie ou nécessité. Au lieu que leurs Droits soient garantis par la Cité, il leur appartient de s’en ménager. Au lieu d’être des Citoyens, ce ne sont que des individus. Au lieu de se préoccuper de l'humain en exclusivité ou du moins en priorité, ce système est obsédé par la soi-disant valeur des choses. Ainsi, le troc et sa logique font imploser la Société en dépouillant chacun de ses paramètres de toute dimension sociale.
Du reste, Largent — la notion de valeur (marchande) — implique des différences de valeurs entre les objets, entre les produits, entre les productions, entre les producteurs, ce qui se traduit par des différences de prix, de salaires, de revenus et, au final, par l’inégalité en « droits ». Largent est antisocial d’un simple point de vue dialectique.
A Largent s’ajoute la monnaie qui, elle, fonctionne selon deux principes : 1) celui des vases communicants, hérité du troc, 2) celui de l’attraction, inhérent à la notion de valeur. Sans entrer dans tous les détails, la monnaie matérialise des « droits » dont tout le monde a besoin et circule puisqu’elle doit être échangée, de sorte qu’elle condamne les hommes à une guerre larvée permanente pour s’en procurer par tous les moyens aux dépens d’autrui. Mais cette circulation selon le jeu des valeurs et des rapports de force entraîne inévitablement la formation de caillots, c’est-à-dire de points où les unités monétaires, donc les « droits », se concentrent. Comme gagner de l’argent, en gagner plus, toujours plus ou ne pas en perdre est une obligation, les individus qui en ont beaucoup plus que les autres tiennent ces derniers dans leur dépendance et ont du pouvoir, lequel leur permet de dicter les prix et leurs conditions, d’accroître facilement leur capital et d’étendre encore leur pouvoir.
Non seulement l’Egalité est impossible sous Largent, mais il est dans la nature du système monétaire que les inégalités s’accroissent inexorablement. Il est donc inutile de s’en désoler et de dénoncer tel ou tel si l’on cautionne soi-même Largent. Ce ne sont pas les conséquences de Largent qu’il faut combattre (en vain), ni même les individus qui profitent de cet ordre des choses inégalitaire, arbitraire et branlant ; c’est Largent lui-même qu’il faut anéantir. Il s’agit d’ailleurs moins d’être contre Largent que pour l’Egalité.
CONCLUSION
Qu’est-ce que le Civisme ? C’est un corps de Principes et de concepts pour la plupart révolutionnaires (exposés dans le Manifeste des Patriciens), une approche nouvelle des problèmes politico-économiques, une redéfinition de tous les termes ayant une portée sociale — tels que Devoirs, Droits, Citoyenneté, Nationalité, Démocratie, etc. —, un changement de paradigme et une vision claire de la Société, dite Cité. Il repose sur deux réflexions : la première sur Largent, terme propre au Civisme, la deuxième sur l’Egalité, comme personne ne l’a jamais vue. Il s’articule autour d’une proposition, celle d’une Carte civique, à la fois moyen d’échange et vecteur des Principes de l’ordre social. C’est elle qui permet d’un côté d’instaurer et de maintenir l’Egalité, de l’autre d’éliminer Largent (et la monnaie avec lui) et, du coup, de comprendre ce qu’il est — puisque on ne sait vraiment ce que l’on perd qu’après l’avoir perdu.
Tout est politique, Largent comme le reste. Largent et la monnaie qui, de par leurs natures et leurs fonctions, sont au centre de la "société" sont des problèmes politiques par excellence : ils doivent être considérés à la lumière des Principes de l'ordre social. En faire des questions strictement économiques et la chasse gardée d'experts, c'est arracher le cœur et les poumons du corps social et confier la santé du moribond à des charlatans.
La notion de valeur marchande (Largent) ne se justifie que par elle-même et le fait accompli ; elle est totalement étrangère et contraire aux Principes de l’ordre social. Son apparition est certes inéluctable dans un contexte de production artisanale, mais elle n’a plus de raison d’être dans un contexte de production industrielle. Elle est alors aberrante et anachronique. Continuer à violer les Principes ne s’explique que par l’habitude, par la persistance des préjugés et l’ignorance des Principes eux-mêmes.
Les Principes de base sont : 1) Des Citoyens sont égaux en Devoirs et en Droits, 2) Un individu est Citoyen quand il participe à la vie de la Cité, selon ce qu’elle considère comme une participation, 3) La Citoyenneté confère les mêmes Droits à tous les Citoyens, dont celui d’accéder librement au marché.
Sans la liberté pour tous les Citoyens d’accéder au marché, l’Egalité n’a aucune réalité. Une réelle Egalité n’est d’ailleurs pas l’Egalité réelle. L’égalité en Droits n’est pas l’égalité en toutes choses (égalitarisme) qui, outre le fait d’être une vue de l’esprit, suppose une privation de liberté et une puissance tyrannique.
Il n’y a pas de milieu. Moins d’inégalité n’est pas l’Egalité. L’Egalité est ou n’est pas. Largent est ou n’est pas. Qui n’adhère pas au Civisme cautionne le capitalisme. Qui n’est pas révolutionnaire est bon gré, mal gré, un contre-révolutionnaire.
L’utopie n’est pas de s’attaquer à Largent pour changer le « monde », mais de croire que l’on peut changer le « monde » sans s’attaquer à Largent.
Philippe Landeux
Pour en savoir plus :
Manifeste des Patriciens
Postulats du Civisme
Livres :
Réquisitoire contre Largent
Le Civisme ou théorie de la Cité
Le Civisme illustré
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11:36 Écrit par Philippe Landeux dans 4. BASES DU CIVISME, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : civisme, largent, egalité, abolition, argent | Facebook | | Imprimer |
vendredi, 14 octobre 2011
L’ÉGALITÉ OU LARGENT : il faut choisir
« Vous voulez les misérables secourus,
moi je veux la misère supprimée. »
Victor Hugo
« L’homme de génie qui révèle de grandes vérités à ses semblables est celui qui a devancé l’opinion de son siècle. La nouveauté hardie de ses conceptions effarouche toujours leurs faiblesses et leur ignorance. Toujours les préjugés se ligueront avec l’envie pour le peindre sous des traits odieux ou ridicules. »
Robespierre
Théories du Civisme
L’Égalité ou Largent : il faut choisir.
La révolution nécessaire est nécessairement celle à laquelle personne n’a encore pensé ou du moins celle dont personne n’a encore défini convenablement le but et l’obstacle. Il faut donc bien se mettre en tête dès à présent que, si une révolution est nécessaire, c’est qu’elle n’a pas encore eu lieu, parce que les choses et les hommes n’étaient pas prêts et ne le sont toujours pas, et que ces derniers ignorent encore quel doit être son objet. Ils ne s’attendent donc pas au défi a priori inconcevable qu’elle leur proposera et seront de prime abord déroutés voire hostiles aux idées radicalement nouvelles et véritablement révolutionnaires. Ainsi, quiconque espère de bonne foi la Révolution, quiconque désire moins passer pour un révolutionnaire qu’en être un, doit avant tout se défier de lui-même. Le monde que nous connaissons nous a tous pétri de préjugés, et l’on ne peut créer un monde nouveau sans se défaire de ce qui soutenait l’ancien. De ce fait, nombre de mots doivent également être redéfinis ou inventés pour pouvoir penser la Révolution.
Ainsi, avant de dire quelle révolution est nécessaire, la première chose à faire est de nous demander ce qu’est une révolution tout court. Car autant le mot « révolution » est aujourd’hui employé à tort et à travers dans tous les domaines pour désigner des choses insignifiantes, autant il s’agit pour nous de l’appliquer à un domaine précis et de comprendre quel sens précis il a dans ce domaine. A l’évidence, la Révolution en question est une vaste entreprise, une entreprise collective, une entreprise dans le domaine social, une entreprise dont le but est de changer la Société, ou plutôt de la fonder. Les changements en question doivent être soudains et radicaux, sans quoi il ne s’agirait pas d’une Révolution, mais d’une simple évolution. Ils doivent également profiter à tous les Citoyens, sans quoi ils seraient au mieux une amélioration, au pire une régression. Et surtout, ils doivent réaliser les buts de l’association politique, c’est-à-dire asseoir la Société sur ses Principes, le premier étant l’Égalité, car une Révolution qui perpétuerait les inégalités ou en créerait de nouvelles n’aurait rien de révolutionnaire. D’après ces considérations, on peut dire que, si des tentatives de Révolution ont existé, aucune Révolution n’a jamais eu lieu.
Mais pourquoi posons-nous l’Égalité comme le Principe fondamental de l’ordre social ? Parce qu’une Société n’est pas n’importe quoi ! Toute Société digne de ce nom, quel que soit le lieu, le nombre de Citoyens qui la composent et l’espèce animale à laquelle ils appartiennent, repose sur des Principes intangibles découlant de l’acte même d’association. Pour connaître et comprendre les rapports fondamentaux qui doivent exister entre Citoyens et que la Révolution doit instaurer, il suffit de se demander pourquoi des individus se constituent en Société et ce qu’implique leur union.
Tout d’abord, il va de soi que, si les individus ne forment pas de Sociétés, si tous sont solitaires, ils vivent dans l’état dit de Nature, état dans lequel chacun est livré à lui-même et peut faire tout ce que ses forces lui permettent, ce que d’aucuns appellent la liberté. Voilà pour la version idyllique ! En fait, dans l’état de Nature, les individus peuvent se nuire impunément les uns les autres et sont en perpétuel danger sans aucun secours ni recours possible. Or l’intérêt suprême de tout être vivant est de rester en vie. Puisque les chances de survie des individus de certaines espèces sont infimes dans la solitude, puisqu’elles ne peuvent augmenter s’ils restent dans cet état et puisque dans l’état de Nature règne la force, ces individus n’ont qu’une solution : s’unir, unir librement leurs forces (leurs potentiels, leurs compétences, leurs talents) à celles de congénères pour être collectivement plus forts face au reste du monde et avoir individuellement plus de chances de survivre (1).
La survie des membres qui la composent, appelés Citoyens, est donc la raison d’être de l’association dite politique, également appelée Société ou Cité. De cette raison d’être de l’association politique découlent les lois naturelles ou Principes fondamentaux de l’ordre social.
Des individus (toujours d’une même espèce) qui s’unissent pour accroître leurs chances de survie espèrent être plus en sécurité au sein de leur association que s’ils étaient dans l’état de Nature. Mais cette sécurité que le groupe ou la Cité doit leur procurer ne tombe pas du ciel. Elle est générée par les Citoyens eux-mêmes. Autrement dit, pour que la Cité, qui est l’ensemble des Citoyens, procure à ses Citoyens autant de sécurité qu’elle le peut, ceux-ci doivent se protéger mutuellement, être solidaires les uns des autres, etc. Ces obligations sont pour chaque Citoyen un Devoir envers la Cité, un Devoir qu’il est nécessaire d’accomplir pour être et demeurer Citoyen et jouir à son tour de la protection de ses Concitoyens. Remarquons bien que la Sécurité d’un Citoyen, sa sécurité en tant que Droit, ne dépend pas de ses capacités à se défendre, mais du fait que ses Concitoyens le défendent parce qu’il est l’un des leurs, que ce Droit est donc conféré par la Citoyenneté — ce qui vaut pour tous les Droits — et qu’il n’y a de Droits qu’en Société. Remarquons encore et surtout que tous les Citoyens ont les mêmes Devoirs les uns envers les autres et, partant, les mêmes Droits, qu’ils sont donc égaux en Devoirs et en Droits, que l’Égalité est donc le Principe fondamental de la Cité et qu’il n’y a donc pas de véritable Société sans Égalité.
Il est aisé de confirmer ces Principes et d’en découvrir d’autres en imaginant une Cité composée de deux Citoyens seulement, chacun d’eux représentant pour l’autre la Cité ou l’ensemble de ses Concitoyens.
Pour commencer, l’association politique ne peut exister que volontairement, librement. Son but étant d’accroître les chances de survie de ses membres, donc de leur garantir autant de sécurité que possible, un individu ne peut en obliger un autre à s’associer avec lui, puisqu’il ne pourrait compter sur lui au moment du danger qui serait précisément celui qui lui permettrait de se soustraire à son emprise. Une union sous la contrainte est donc non seulement illusoire mais dangereuse en elle-même, car, si l’association politique sort de l’état de Nature des individus constitués en Société, des individus unis par la force ne forment pas une Société mais sont toujours dans l’état de Nature l’un envers l’autre, de sorte que le plus fort ne peut avoir aucune confiance dans celui qu’il opprime, ce dernier pouvant, sans attendre un danger extérieur, profiter d’un moment de faiblesse de sa part pour le fuir ou le tuer.
L’association politique devant être constituée librement, il s’ensuit, d’une part, que chaque associé doit aussi être libre de se retirer de l’association et doit donc être libre en en faisant partie, d’autre part, que les intérêts légitimes des associés doivent être satisfaits, sans quoi les mécontents rompraient l’association, plus nuisible pour eux que profitable (2). Il est par ailleurs évident que, lorsque deux individus s’associent pour accroître leur sécurité, chacun d’eux doit désormais s’abstenir d’agresser l’autre (Devoir passif) et le défendre au besoin contre tout ennemi extérieur (Devoir actif). Or ce qui est valable quand il n’y a que deux Citoyens, quand chacun représente pour l’autre la Cité, reste vrai lorsque la Cité est composée de nombreux Citoyens. Autrement dit, les Devoirs qu’un Citoyen a ici envers son unique Concitoyen — parce que ce dernier s’acquitte des mêmes Devoirs envers lui — sont des Devoirs envers la Cité, envers tous ses Concitoyens potentiels, lesquels, à l’instar d’un unique Concitoyen représentant la Cité, auraient donc les mêmes Devoirs envers lui, de sorte que tous les Citoyens, quel que soit leur nombre, ont les uns envers les autres les mêmes Devoirs. De cette réciprocité des Devoirs entre Citoyens découlent leur égalité en Droits. Sans cette réciprocité, il n’y a ni Droits ni de Devoirs pour personne, si ce n’est par abus de langage.
Notons bien que les Droits des Citoyens résultent de la nature des Devoirs qu’ils remplissent. Lorsque les Citoyens ont pour seuls Devoirs de se défendre mutuellement et de ne pas s’agresser, leurs seuls Droits dans la Cité, les seuls que la Cité doive leur garantir, sont d’être défendus et de ne pas être agressés par leurs Concitoyens (Droits qui découlent de leur Droit fondamental à la Sécurité). L’Égalité, les Devoirs et les Droits concernent donc des domaines biens précis. Tout ce qui est étranger à ces domaines ne concerne pas la Cité. Dès lors que les Citoyens remplissent leurs Devoirs envers la Cité, ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent ou peuvent, quelles qu’en soient les conséquences pour leurs Concitoyens, puisque ces conséquences ne portent pas atteinte à leurs Droits et à l’Égalité (3).
Notons encore que, puisque des Citoyens doivent être égaux en Devoirs et en Droits, et que tous les individus sont naturellement différents, les différences naturelles entre les individus ne sont ni un obstacle ni un argument recevable contre l’égalité sociale, seule égalité possible. Malgré ces différences, les individus ont d’ailleurs toujours intérêt à s’associer plutôt qu’à peiner seuls ou à se combattre. Disons même que les différences entre les individus sont indispensables à la complémentarité des Citoyens, à la réalisation de nombreuses entreprises et à l’existence même de la Cité.
Notons enfin que, si un Citoyen a des Devoirs à remplir envers la Cité, ne sont Citoyens que les individus qui les remplissent, tous les autres étant au mieux des étrangers, au pire des ennemis. D’après ce Principe, que les animaux sociables ordinaires appliquent à la lettre, les petits, les malades, les infirmes, les blessés, les lâches et les vieux, en un mot les inutiles, ne sont pas ou plus Citoyens. Les petits, s’ils restent dans le groupe une fois sevrés, n’ont jamais le statut des adultes. Quant aux autres qui représentent un poids mort ou un danger pour le groupe, ils sont abandonnés ou chassés.
Mais, autant les Principes (Devoirs et Droits fondamentaux) sont constants, autant leur application dépend des capacités de l’espèce et de la Société à un moment donné. Plus ces capacités sont étendues, plus les Devoirs et les Droits indirects des Citoyens (découlant des Devoirs et des Droits fondamentaux, contribuant à remplir les uns ou à jouir des autres) peuvent et doivent eux-mêmes être adaptés, sans contrevenir aux Principes (4). Selon les espèces et les Sociétés, les choses peuvent donc être extrêmement simples ou très compliquées.
Dans tous les cas, des Citoyens sont unis à l’origine pour accroître leurs chances de survie, en d’autres termes pour jouir d’autant de Sécurité que possible, ce qui implique qu’ils aient les uns envers les autres un Devoir de Solidarité. Appliquons donc ce que nous venons de dire au Droit fondamental à la Sécurité, et au Devoir fondamental de Solidarité.
La Sécurité se décline, selon les espèces et leurs capacités, de différentes manières. Au sens premier du terme, elle consiste à être protégé des prédateurs par ses Concitoyens par tous les moyens en leur pouvoir. Mais la Sécurité implique aussi et en premier lieu de ne pas périr de faim au milieu des siens. Si rien, excepté la pénurie alimentaire, ne peut empêcher de manger les animaux sociables qui se nourrissent en ouvrant la gueule ou en tendant le cou, les autres doivent partager la nourriture qu’ils collectent généralement en commun. Le souci de Sécurité conduit également certaines espèces à construire des abris individuels ou collectifs pour se protéger des prédateurs et du climat. Dans le cas des abris individuels, chaque Citoyen doit construire le sien, et la Cité doit lui garantir qu’il n’en sera pas délogé. Dans le cas des abris collectifs, tous les Citoyens doivent contribuer à leur manière à sa construction et ont le Droit de s’y abriter. Bien d’autres Droits indirects peuvent de même découler du Droit fondamental à la Sécurité.
La Solidarité, elle aussi, se décline, selon les espèces et leurs capacités, de différentes manières. Le premier objet de la solidarité entre Concitoyens est bien sûr d’assurer leur Sécurité au sens premier du terme. Suivant les espèces, les Citoyens, s’ils n’ont guère de moyens de défense, forment simplement une masse ou, s’ils sont capables de se défendre, font front aux prédateurs et se portent mutuellement secours. Dans le premier cas, le Devoir des Citoyens est de rester grouper, dans le second, d’aider à repousser les prédateurs. Le Devoir de solidarité peut même aller, chez certaines espèces, jusqu’à emporter un blessé voire même essayer de le soigner. Par ailleurs, nous avons vu que la notion de Sécurité pouvait s’étendre à la question de la nourriture et des abris. Le Devoir de Solidarité implique alors que les Citoyens s’arrangent de telle sorte qu’aucun d’entre eux ne meure de faim ou que tous soient abrités. C’est évidemment chez l’Homme, doué de capacités extraordinaires, que le Devoir de Solidarité peut être poussé le plus loin, même envers des individus qui, chez les animaux, ne seraient pas Citoyens (enfants, étrangers) ou ne le seraient plus (malades, vieux, etc.).
Remarquons, à propos des Sociétés où la collecte de nourriture et la construction d’abris sont des entreprises collectives, que chaque Citoyen doit en profiter, alors que tous n’y participent pas directement. En effet, la Cité, pour garantir les différents Droits de ses Citoyens, a besoin qu’un ensemble de tâches soit accompli en même temps, tâches qui nécessitent des compétences, des qualités, des capacités, des forces différentes et sont donc généralement effectuées par les mêmes individus, plus rarement par roulement. Ainsi, les uns, en remplissant leur tâche, permettent aux autres d’être disponibles pour remplir la leur, et vice versa. Au final, tous profitent directement ou indirectement de l’activité de chacun. Il apparaît ainsi que la spécialisation et la répartition des tâches existent dans certaines Sociétés animales sans être pour autant une cause d’inégalités. En fait, elles existent de façon plus ou moins poussée dans toutes les Sociétés, ne serait-ce qu’en raison de la distinction des sexes. Il apparaît également que, puisque l’acquittement de ces tâches confère aux individus des Droits dans la Cité, s’en acquitter est pour eux un Devoir envers la Cité. Il apparaît enfin que, si défendre la Cité et être solidaire de ses Concitoyens sont les premiers Devoirs, participer à la vie de la Cité sous une forme reconnue par elle est en réalité le principal Devoir du Citoyen, celui qu’il remplit en permanence, les deux premiers ne pouvant être remplis qu’à l’occasion, les occasions étant de plus en plus rares à mesure que la Cité est de plus en plus forte (5).
Il n’est donc pas nécessaire que les individus soient identiques et fassent les mêmes choses pour qu’ils soient Citoyens et aient les mêmes Droits que leurs Concitoyens : il suffit que la Cité reconnaisse qu’un individu a fait ce qu’elle attend de lui pour qu’elle voit en lui un Citoyen. En d’autres termes, tout Citoyen a avant tout le Devoir de participer à la vie de la Cité sous une forme reconnue par elle, et doit jouir en retour, comme tous ses Concitoyens, du Droit de profiter de tous ses bienfaits. Ce Droit est donc conféré aux Citoyens par leur Citoyenneté elle-même. Or, chez l’Homme, les bienfaits de la Cité qui sont le fruit de la participation de tous les Citoyens comprennent aussi les différentes productions individuelles et collectives présentes sur le marché. Tout Citoyen, pour profiter réellement des bienfaits de sa Cité et être l’égal en Droits de ses Concitoyens, doit donc avoir le Droit d’accéder au marché en raison de sa Citoyenneté, c’est-à-dire du simple fait d’être Citoyen.
Tels sont les Principes de l’ordre social, de la Cité, c’est-à-dire de toute Société. Il y a pourtant loin entre ces Principes et notre réalité. En effet, si le Principe d’Égalité n’est pas inconnu des hommes, il n’est pour eux au mieux qu’un idéal sans consistance. Partant, ils méconnaissent les Devoirs (quand encore ils ne rejettent pas purement et simplement cette notion) et les Droits du Citoyen et vident de son sens le concept de Citoyenneté. Ce qu’ils appellent société est davantage une concentration d’individus qu’une association politique. Ne parlent-ils pas d’ailleurs de société inégalitaire ou de société individualiste sans apercevoir la contradiction que renferment ces expressions ? Certes, les hommes, de par leur nature sociable, tendent à vivre en Société, à établir l’Égalité, mais une force s’y oppose et ruine leurs efforts. Aussi les uns pensent que l’inégalité est dans la nature des choses et s’y résignent, les autres l’imputent au comportement des hommes ou de certains d’entre eux et adoptent des politiques fondées sur des conceptions erronées de l’Égalité ; tous négligent la force en question et personne ne connaît les Principes.
Une Vérité saute pourtant aux yeux : un riche et un pauvre, qui théoriquement sont tous deux Citoyens, ne sont pas et ne seront jamais égaux en droits, si ce n’est pour des sophistes. Il est donc vain d’espérer établir l’Égalité tant que subsistera ce qui sépare de fait les uns des autres, ce qui fait de l’un un riche et de l’autre un pauvre. Or pourquoi un riche et un pauvre sont-ils inégaux en droits ? N’est-ce pas la différence de fortune, la quantité de monnaie dont ils disposent, qui confère à chacun des droits en proportion, autrement dit un droit inégal d’accéder au marché et à tous les bienfaits de la « Cité » ? L’inégalité n’est-elle donc pas liée à la monnaie ?
A ce stade de la réflexion, auquel certains sont déjà parvenus (6), deux solutions peuvent être envisagées pour établir l’Égalité : répartir également la monnaie, au besoin en modifiant son fonctionnement ou en inventant une nouvelle, ou l’abolir et instaurer un système de rationnement, généralement dans un cadre collectiviste. Au vrai, aucune de ces solutions, aussi audacieuses soient-elles intellectuellement, n’est la bonne. Elles ont le mérite de ne plus voir l’Homme comme l’obstacle à l’Égalité, mais elles se trompent encore sur la nature et le rôle de la monnaie qui ne peut ni se répartir ni être répartie également et qu’il ne suffit pas d’abolir, même si elle doit effectivement disparaître. Car si la monnaie est bien le moyen de l’inégalité, elle n’en est pas la cause profonde, n’étant qu’une conséquence de Largent.
Mais qu’appelons-nous Largent ? Ce n’est donc pas la monnaie, ce n’est pas non plus le système monétaire, ce n’est pas même les riches. Largent, c’est ce qui précède la monnaie, c’est son fondement, sa raison d’être, sa racine, sa source, c’est la croyance que la notion de valeur (marchande) est nécessaire pour échanger. La monnaie découle de Largent, elle en est le vecteur, elle ne peut exister sans lui alors qu’il peut exister sans elle. Il ne s’agit donc pas seulement d’abolir la monnaie, mais d’anéantir, d’éradiquer, d’extirper des esprits Largent lui-même. Ceci n’est d’ailleurs pas un but en soi, mais sera une conséquence de l’instauration de l’Égalité.
Largent est né de la pratique du troc. A l’époque lointaine où des hommes se mirent à fabriquer des objets qui suscitèrent chez d’autres le désir de les posséder, il n’y eut pas d’autre mode d’échange possible que le troc, c’est-à-dire l’échange direct d’objets entre individus. L’échange régulier de certains objets contre une quantité d’autres objets finit par établir une équivalence de valeur entre les uns et les autres, la valeur des premiers étant exprimée par une quantité des seconds, lesquels, à l’unité, constituaient l’unité de valeur. La notion de valeur (marchande) s’étant ainsi introduite dans les échanges, les hommes en furent bientôt prisonniers. Mais l’échange direct entre deux individus est souvent impossible. La solution est alors l’échange indirect ou triangulaire qui consiste à ce que l’un d’eux échange avec un troisième individu pour acquérir un bien qu’il échangera ensuite avec l’autre contre l’objet réellement désiré. Le bien ayant changé deux fois de mains, n’ayant été pour l’échange qu’un moyen, est un moyen d’échange. Ainsi, Largent apparaît avec le troc qui porte en germe les notions d’unité de valeur et de moyen d’échange, autrement dit tous les ingrédients de la monnaie (moyen d’échange standard) .
Le troc, Largent et la monnaie (qui fait du troc indirect le mode d’échange ordinaire) ont chacun des conséquences dramatiques d’un point de vue social.
Sous le troc, les individus échangent entre eux. Chacun doit être propriétaire de sa production pour avoir le droit de l’échanger contre quelque chose qu’il possèdera également. Il s’active donc pour lui-même, non pour la Cité, et n’a de droits que ceux qu’il parvient à se ménager, la Cité n’ayant plus guère de rôle à jouer. Ainsi, le troc vide la Citoyenneté de son sens en réduisant les protagonistes des échanges à de simples individus.
Sous Largent, sur lequel reposent le troc et la monnaie, les hommes croient que les objets ont une valeur, qu’ils doivent être échangés contre des objets de valeur équivalente et que les échanges consacrent cette équivalence. Mais c’est en réalité le fait de les échanger qui fixe leur valeur. Or si des considérations humaines présidèrent un temps aux échanges sous le troc, l’intérêt égoïste des protagonistes s’y substitua vite, de sorte que le moins pressé ou le plus puissant impose toujours ses conditions. En somme, sous Largent, les échanges et la valeur des choses (leur prix) reposent non sur l’équité mais sur l’arbitraire. Et comme la notion de valeur n’a de sens que si les choses (produits ou services), les travaux et au fond les hommes ont une valeur marchande différente, tout système d’échange fondé sur Largent engendre inévitablement l’inégalité en droits.
Enfin, cerise sur le gâteau ! la monnaie, unité de valeur, matérialise et limite (qui plus est inégalement) le droit de participer aux échanges ou d’accéder au marché (sans que n’entre en compte la dimension sociale des protagonistes de l’échange). Mais c’est aussi un moyen d’échange qui, de par son origine (le troc), s’échange. Aussi fonctionne-t-elle selon deux principes : celui des vases communicants et celui de l’attraction. Les principaux droits passant par elle, puisqu’elle est le moyen d’accéder au marché et de profiter des bienfaits de la « Société », l’intérêt de tout homme est d’en gagner le plus possible aux dépens d’autrui ou de ne pas en perdre. Elle contraint ainsi les hommes à se disputer éternellement, permet aux uns de dépouiller les autres légalement ou illégalement, oblige chacun à se dépouiller lui-même de ses droits (chaque fois qu’il achète), donne à ceux qui en ont le plus du pouvoir sur ceux qui en manquent, les plonge tous dans l’obsession de l’Avoir et les force à ne plus voir le monde qu’à travers Largent. En somme, le système monétaire est non seulement le règne de l’inégalité, mais aussi celui de l’individualisme, de la discorde, de la mesquinerie, de l’escroquerie, du matérialisme, de l’oppression, de l’exploitation, de la corruption, de la frustration, etc. Qu’on le veuille ou non, la plupart des problèmes dans un système monétaire sont liés directement ou indirectement à (l’existence de) la monnaie. Peu importe la façon dont les hommes l’utilisent ; il n’y a pas de bonne utilisation pouvant résoudre tous les problèmes, notamment celui de l’inégalité, car ils sont inhérents à la nature du moyen d’échange qu’est la monnaie et en définitive à Largent. Peu importe également, aux yeux de la « Société », qui profite ou pâtit de l’inégalité, que ce soit l’un plutôt que tel autre, ou encore que les inégalités soient plus ou moins grandes qu’avant : il ne doit y avoir dans la Cité que des Citoyens égaux en Devoirs et en Droits… et tant que le Droit des Citoyens d’accéder au marché de la Cité sera lié à la monnaie au lieu d’être attaché à la Citoyenneté, l’Egalité sera une foutaise.
Mais, malgré tous ses défauts, la monnaie nous apprend qu’un moyen d’échange est un paramètre « social » d’une stabilité incomparable, car il inculque aux hommes les concepts qu’il véhicule et les principes du système qu’il façonne et dans lequel ils vivent. Or c’est le moyen d’échange absurde, permissif, inégalitaire (antisocial) et vecteur de Largent qu’est la monnaie qui doit être proscrit, non le principe même d’un moyen d’échange, d’autant plus que la nature a horreur du vide et qu’à l’heure actuelle un moyen d’échange est indubitablement nécessaire. Un moyen d’échange révolutionnaire serait donc le meilleur garant de la Révolution. Du reste, seul un nouveau moyen d’échange aux propriétés autres que celles de la monnaie, un moyen d’échange véhiculant non seulement un concept d’échange mais surtout les Principes égalitaires de la Cité, pourra extirper Largent des esprits.
En clair, la prochaine Révolution devra consister à remplacer la monnaie, qui incarne aujourd’hui le droit d’accéder au marché et le confère inégalement aux individus, par une carte à puce qui permettra aux Citoyens de prouver aux commerçants leur Citoyenneté, laquelle confèrera seule le Droit d’accéder au marché. Comme la Citoyenneté ne se mesure pas et signifiera la même chose pour tous les Citoyens, ce Droit sera théoriquement illimité et donc égal pour tous. L’exercice de ce Droit (le pouvoir d’achat) sera néanmoins borné en pratique par les envies du Citoyen, par l’exercice par les autres Citoyens de ce même Droit, par la réalité des choses et au besoin par la loi égale pour tous. D’un point de vue philosophique, cette carte civique remplacera bel et bien la monnaie en tant que moyen d’échange, mais, d’un point de vue pratique, elle remplacera les cartes de crédits (et d’autres cartes, comme la carte Vitale, etc.) dont elle sera en fait l’évolution logique et inéluctable.
Entendons bien : La Carte civique utilisera la même technologie et les mêmes infrastructures que les cartes de crédits, mais, alors que ces dernières servent à manipuler la monnaie, à vérifier que le compte en banque de leur propriétaire est approvisionné et à transférer sur le compte des commerçants les sommes dues par leurs clients, elle servira aux commerçants (chargés de mettre le produit de la Cité à la portée des Citoyens) à vérifier la Citoyenneté de leurs clients et à enregistrer leurs achats de sorte qu’ils puissent prouver à la Cité qu’ils ont eux-mêmes rempli leur rôle et méritent eux aussi la Citoyenneté (7). Tous les Citoyens, quelle que soit leur forme de participation à la vie de la Cité, auront le même Droit d’accéder au marché, de consommer librement, puisque ce Droit leur sera conféré directement par la Citoyenneté, non plus par des unités de quelque nature que ce soit. En somme, la Cité fera pour le Droit d’accéder au marché ce que les démocrates ont obtenu pour le droit de vote, à savoir qu’il ne soit plus lié à la fortune (suffrage censitaire) mais à la nationalité (suffrage universel).
Il est impossible et même inutile d’en dire davantage ici. Nous en avons d’ailleurs dit plus que nécessaire pour ceux qui, en quête de Vérité, n’avaient besoin que d’un déclic pour ouvrir les yeux. Seuls les préjugés monétaires (8) peuvent encore empêcher les autres d’adhérer à ces Principes, d’intégrer le fait que l’Égalité est nécessairement la source de l’harmonie sociale, comme l’inégalité est fatalement celle du désordre, fut-il figé, et de voir dans la Carte civique le seul point de départ d’une solution réaliste au grand problème social. Que ces derniers relisent donc ce texte jusqu’à ce que leur esprit cesse de vadrouiller et que l’évidence s’impose à eux : Des Citoyens, des individus qui participent à la vie de la Cité, ont des Droits dans la Cité parce qu’ils sont Citoyens, et le Droit d’accéder au marché est le plus important d’entre eux, car tout dépend de lui.
Telles sont les conceptions de base du Civisme, une théorie révolutionnaire inédite, même si par certains aspects elle en rappelle d’autres. Ces lignes sont les premières à être publiées. Si vous ne deviez en retenir qu’une chose, souvenez-vous toujours que Largent est l’obstacle à l’Égalité, au respect des Principes de l’ordre social, à l’établissement de la Cité. Il est le véritable ennemi de l’Humanité, le seul ennemi à abattre. Il suffit d’ailleurs de constater que le monde marche sur la tête et tourne autour de lui (à travers la monnaie) pour comprendre qu’il est la clé de voûte du système actuel, son point fort et son point faible, et que c’est sur lui que la prochaine révolution (ou évolution révolutionnaire) devra porter ses coups sous peine d’être un nouveau coup pour rien.
Philippe LANDEUX
17 novembre 2007
Publié dans La révolution nécessaire, laquelle ?, Editions Golias, juin 2009
NOTES
(1) Des Citoyens ne sont plus entre eux dans l’état de Nature, mais celui-ci règne toujours autour des Sociétés qui demeurent entre elles dans un rapport de force.
(2) Ceci est purement théorique puisque les animaux sociables, l’Homme notamment, ne peuvent pas, sauf cas particulier, vivre séparés de leurs semblables. C’est d’ailleurs cette impossibilité qui, chez les hommes, lorsqu’ils perdent de vue les Principes sociaux, permet de multiplier les contraintes et favorise l’apparition d’un état intermédiaire entre celui de Nature et celui de Société : l’état d’Oppression. Quoi qu’il en soit, pour que l’harmonie règne dans la Société, il faut qu’elle repose réellement sur ses Principes théoriques, qu’elle prenne du moins ces derniers pour boussole.
(3) La question de dominance chez les animaux sociables fausse souvent le jugement des hommes qui oublient que, dans les Sociétés animales, leurs membres n’ont qu’un seul Droit, celui d’être en sécurité (ce qui se limite généralement à être en sûreté et à pouvoir manger). Les priorités ou les exclusivités que peuvent avoir les dominants dans certains domaines ne compromettent pas la Sécurité des autres individus et ne sont donc pas une atteinte au Principe d’Égalité.
(4) C’est donc chez l’Homme que les choses seront toujours le plus complexes, puisque, au-delà des capacités physiques de l’espèce et de la Société, interviennent encore des capacités morales qui, si elles le grandissent, peuvent aussi l’enorgueillir, l’égarer et lui faire perdre de vue les Principes.
(5) Certains Citoyens peuvent participer à la vie de la Cité en étant guerriers (soldats ou policiers), en remplissant de façon permanente le Devoir de défendre la Cité et leurs Concitoyens. Mais, s’ils dispensent leurs Concitoyens accaparés par d’autres tâches de remplir ce Devoirs en permanence, nul n’en est dispensé dans les circonstances extraordinaires.
(6) Les personnes pleines de bonnes intentions qui ne sont pas parvenues à ce stade de la réflexion, car elles raisonnent toujours en capitalistes et non d’après les Principes de l’ordre social, sont incapables d’envisager mieux que des taxes et une redistribution de leur produit ou un revenu minimum universel (sous quelque nom et forme que ce soit) ou encore le financement des activités sociales relevant aujourd’hui du bénévolat. Elles ne veulent pas l’Égalité entre les Citoyens, concepts qui les dépassent, mais moins d’inégalités entre les individus, au nom de la l’Équité, principe illusoire à l’origine de l’échange monétaire. Mais qui ne voit pas que les mots pompeux et vagues tels que Équité, Dignité, décence, etc. lient les droits à la monnaie, nient inconsciemment qu’ils doivent être conférés par la Citoyenneté seule, et cautionnent en définitive l’inégalité, l’exploitation, la violation des Droits du Citoyen, dont le premier d’entre eux, celui de profiter également des bienfaits de la Cité ?
(7) Nous parlons ici de commerçants au sens propre, mais toute entreprise individuelle ou collective sera en fait dans le même cas : elle aura, selon sa catégorie et son potentiel humain, des résultats minimums de vente (non de production) à atteindre, des résultats d’un niveau prouvant à la Cité la réalité et l’utilité de son activité, des résultats que l’usage des Cartes civiques permettra à la Cité de contrôler automatiquement. Lorsqu’une entreprise les atteindra, les Cartes civiques de tous ses employés seront validées. (Bien sûr, nous simplifions.) Dans le cas contraire, tous ses employés seront sanctionnés également. Ainsi la Cité ne contrôlera pas l’activité individuelle des Citoyens, mais celle des entreprises auxquelles il appartiendra de gérer leur personnel et leurs efforts.
(8) Largent engendre la monnaie ; les hommes naissent dans le système monétaire et utilisent la monnaie sans se poser de questions ; cette utilisation façonne leur mode de raisonnement et leur inculque Largent ; au final, leur esprit est formaté par Largent, ils pensent et voient le monde à travers lui et ne peuvent pas le concevoir sans lui. Ainsi, même lorsqu’ils envisagent un système non-monétaire dont Largent serait a priori éradiqué, ils reproduisent inconsciemment les schémas du système monétaire. Le troc réduit les Citoyens à de simples individus. Largent oblige à échanger entre individus et à établir des équivalences (de valeur) entre les choses. La monnaie lie le droit d’accéder au marché à des unités, passe de mains en mains, limite arbitrairement le pouvoir d’achat, met à prix toute chose et impose l’inégalité. Aussi, les principaux réflexes ou préjugés monétaires consistent à négliger la dimension sociale des individus, à croire qu’il doit y avoir échange de droits entre individus, à vouloir lier le pouvoir d’achat à autre chose que la Citoyenneté, à limiter celui-ci par un système artificiel d’unités ou de rationnement, à introduire d’« heureuses » inégalités, etc. Toutes les objections contre l’Égalité et la Carte civique, toutes les incompréhensions à leur sujet et tous les systèmes soi-disant alternatifs au capitalisme autre que la Cité sont fondés sur des préjugés de ce genre, des préjugés dits monétaires ou capitalistes.
A lire en complément : Le vrai libéralisme
11:53 Écrit par Philippe Landeux dans 4. BASES DU CIVISME | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : carte, civique, cité, largent, argent | Facebook | | Imprimer |
MANIFESTE DES PATRICIENS
MANIFESTE DES PATRICIENS
Postulats du Civisme
Alors que Largent est de toute évidence au cœur de nos « Sociétés » malades, personne n’ose s’apercevoir qu’il est le poison qui les ronge ; nul n’a le courage de le dénoncer comme l’ennemi séculaire de l’Humanité. Ces temps d’aveuglement et de lâcheté sont révolus ; l’heure est à la Vérité et à la Révolution.
Aussi les Patriciens ont-ils résolu d’exposer les concepts qui les poussent à agir dans le présent et les Principes de la Cité qu’ils veulent fonder dans le futur. Ce Manifeste annonce à l’Homme que la Révolution a commencé dans les esprits, et à Largent que son règne touche à sa fin.
I. POSTULATS DE L’ASSOCIATION POLITIQUE
ART. 1 — Une association politique est constituée d’individus librement réunis pour échapper à l’état de Nature et accroître par la combinaison de leurs forces leurs chances de survie.
ART. 2 — L’instinct de conservation est à l’origine de l’association politique, également appelée Société ou Cité.
ART. 3 — Le but premier de toute Société est d’assurer au mieux de ses moyens la sécurité de ses membres, appelés Citoyens. La SECURITE est le premier Droit fondamental du Citoyen.
ART. 4 — La Sécurité d’un Citoyen ne dépend pas de ses capacités à se défendre mais des capacités de ses Concitoyens à le défendre. C’est parce que les Citoyens se protègent mutuellement que la Sécurité existe en tant que Droit et que chacun d’eux la mérite et en jouit. Le premier Devoir du Citoyen est donc de défendre ses Concitoyens.
ART. 5 — Un Citoyen doit être plus en Sécurité en Société que dans l’état de Nature, au moins autant, jamais moins. Lorsque les Droits d’un Citoyen sont menacés sans que la Société intervienne ou soit en mesure d’intervenir, celui-ci peut les défendre lui-même par tous les moyens dont il dispose et qu’elles qu’en soient les conséquences. Quand la garantie sociale manque à un Citoyen, celui-ci ne peut avoir moins de liberté que s’il était dans l’état de Nature.
ART. 6 — Pour jouir de la Sécurité que la Société doit garantir à ses membres, il faut d’abord en faire partie, être admis à l’intégrer, et faire ensuite tout ce qu’elle exige de chaque Citoyen pour ne pas en être exclu.
ART. 7 — Nul n’adhère librement à une association qui exige plus de lui que des autres membres. Des associés ne peuvent exiger d’un nouveau venu moins qu’ils n’exigent d’eux-mêmes. Les membres d’une association ne peuvent garantir à l’un d’entre eux des avantages dont ils se privent. Une association politique impose nécessairement à tous ses Citoyens les mêmes Devoirs et garantit fatalement à chacun les mêmes Droits.
ART. 8 — Il n’y a de Droits qu’en Société, qu’entre individus ayant des Devoirs, les mêmes Devoirs, les uns envers les autres, se garantissant ainsi mutuellement les mêmes Droits. Il n’y a de Société que dans l’Egalité des Citoyens en Devoirs et en Droits.
ART. 9 — L’EGALITE est le principe fondamental de l’association politique et de l’ordre social.
ART. 10 — L’accomplissement d’un Devoir ne génère en soi aucun Droit. Tous les Droits sont attachés à la Citoyenneté qui s’obtient et se conserve par l’accomplissement de tous les Devoirs du Citoyen.
ART. 11 — Les hommes étant contraints par leur nature sociable de vivre ensemble, la Société doit susciter le désir d’en faire partie en ôtant aux Citoyens toute envie de la fuir et en leur donnant toutes les raisons de rester en son sein.
ART. 12 — La Cité étant une libre association, les Citoyens sont libres en théorie de la quitter et doivent être libres tout en lui appartenant.
ART. 13 — La LIBERTE, en tant que Droit fondamental, consiste pour un Citoyen à avoir les mêmes Droits que ses Concitoyens, de sorte que l’intérêt de chacun soit que les libertés des autres, dont il jouira lui-même, soient le plus étendues possible, tout en étant bornées par le respect des Droits d'autrui.
ART. 14 — Les Devoirs et les Droits fondamentaux des Citoyens se ramifient en Devoirs et Droits indirects. La nature et le nombre des Devoirs et des Droits indirects des Citoyens reflètent les capacités de l’espèce et le développement de la Société.
ART. 15 — Tout Citoyen qui manque à ses Devoirs usurpe des Droits. Tout Citoyen qui attente aux Droits d’un autre Citoyen est un oppresseur. Usurpateurs et oppresseurs ne sont plus Citoyens ; ce sont des ennemis.
ART. 16 — L'inégalité en droits dissout l'association politique. Il n’y a pas d’association entre un esclave et un maître.
ART. 17 — L’inégalité entre individus d’une même « Société » est la source de tous les fléaux.
ART. 18 — L'inégalité est anarchie. L'Egalité est ordre.
II. CITE, CITOYENNETE ET CONTRAT SOCIAL
ART. 19 — La Cité est l’ensemble des Citoyens qui la composent.
ART. 20 — Le rôle de la Cité n’est pas de faire le bonheur des hommes, mais de maintenir l'Egalité, c'est-à-dire de garantir à ses Citoyens la jouissance des mêmes Droits afin qu’ils soient, en tant qu’individus, le moins malheureux possible et libres de chercher leur bonheur.
ART. 21 — L'EGALITE est le Principe fondamental de la Cité. Le principe d'EQUITE qui, lui, repose sur la notion de valeur, donc sur l’arbitraire, impose l'iniquité et est un subterfuge capitaliste, individualiste, anti-égalitaire et donc antisocial.
ART. 22 — Est et demeure Citoyen tout individu reconnu comme tel par la Cité, tout individu qui s'est acquitté de ses Devoirs envers elle et jouit par conséquent de tous les Droits du Citoyen, tout individu qui adhère de fait au Contrat Social.
ART. 23 — L’union des Citoyens repose sur un accord tacite ou officiel : le Contrat Social. Ce Contrat est identique pour tous les Citoyens. En fixant les Devoirs et les Droits du Citoyen, il impose à tous les Citoyens les mêmes Devoirs envers la Cité et reconnaît à chacun les mêmes Droits dans la Cité.
ART. 24 — Il ne peut y avoir qu’un Contrat Social par Société. Il n’y a pas de demie Citoyenneté. Les Citoyens doivent jouir des mêmes Droits, lesquels ne peuvent être garantis que si tous les Citoyens ont les uns envers les autres les mêmes Devoirs. Un individu ne peut être lié à d’autres d’une manière sans que les autres soient de fait liés à lui de la même manière.
ART. 25 — Les clauses du Contrat Social résultent des lois naturelles de l’association politique. Les Contrats Sociaux ne varient d’une Cité à une autre que sur la forme.
ART. 26 — Rien n’étant plus facile qu'ignorer et enfreindre ce qui est tacite, la Cité doit adopter un Contrat Social officiel de sorte que chaque Citoyen sache ce qu’elle exige de lui comme de tous ses Concitoyens, et ce qu’il peut et doit exiger d’elle en retour.
ART. 27 — Sans Contrat Social, point de Cité, point d'Egalité ; hors Egalité, point de Société, de Citoyen, de Liberté, de Devoirs, de Droits, de République, de Démocratie, etc.
ART. 28 — Quiconque remplit envers la Cité l’ensemble de ses Devoirs, est Citoyen et doit être l’égal en Droits de ses Concitoyens.
ART. 29 — Qui manque à un seul de ses Devoirs risque la perte de tous ses Droits, sans pouvoir prétendre être opprimé.
ART. 30 — Selon les lois naturelles de l’association politique et le Contrat Social, les Devoirs fondamentaux du Citoyen sont : respecter les Droits d'autrui, participer à la vie de la Cité (selon ce qu’elle considère comme une participation), être solidaire de ses Concitoyens et défendre la Cité.
ART. 31 — La forme de participation à la vie de la Cité la plus courante est le Travail. Tout Travail reconnu par la Cité rend Citoyen à part entière celui qui l'accomplit.
ART. 32 — Le Travail est la forme de participation à la vie de la Cité qui consiste à mettre le fruit de ses efforts sur le marché, en contrepartie du statut et des Droits du Citoyen.
ART. 33 — Le Travail est pour le Citoyen dans la Cité ce que les efforts pour survivre sont à l'homme seul dans la nature. La Cité ne constitue pas un refuge pour les fainéants ; elle facilite un Devoir naturel, mais n'en dispense aucunement les individus valides.
ART. 34 — Celui qui ne veut pas Travailler pour la Cité n'a droit à rien dans la Cité. Il ne veut pas être Citoyen : il ne l'est pas.
ART. 35 — Les études supérieures étant nécessaires pour Travailler ultérieurement sont elles-mêmes un Travail. Les étudiants sont des Citoyens à part entière.
ART. 36 — La Cité est une mère qui doit protection à tous ses enfants, qu’ils soient dévoués, provisoirement inaptes à Travailler ou malheureusement invalides.
ART. 37 — Après un temps passé à Travailler, égal pour tous, les Travailleurs doivent pouvoir être libres de s'arrêter, tout en restant Citoyens à part entière.
ART. 38 — Selon les lois naturelles de l’association politique et le Contrat Social, les Droits fondamentaux du Citoyen sont : la SECURITE et la LIBERTE, qui se traduisent par le Droit de profiter de tous les bienfaits de la Cité.
ART. 39 — La LIBERTE est l’ensemble des libertés ou Droits indirects reconnus par la Cité à ne serait-ce qu’un Citoyen et devant donc être reconnus à tous les Citoyens. Des libertés ne sont pas la LIBERTE. Il ne suffit pas que des individus jouissent de quelques libertés identiques pour que cela fasse d’eux des Citoyens réellement égaux et libres.
ART. 40 — Un Droit est naturellement borné par les envies du Citoyen qui l’exerce ou en jouit, par l’exercice ou la jouissance par ses Concitoyens de ce même Droit, par les possibilités réelles de l’exercer et éventuellement par la loi, égale pour tous. Toute autre borne est artificielle, arbitraire et source d'oppression.
ART. 41 — Les Droits du Citoyen dépendent de la Cité dans laquelle il vit, non de l'entreprise par le biais de laquelle il remplit envers la Cité son Devoir de Travailler.
ART. 42 — Un Citoyen ne peut être tenu de Travailler pour la Cité et être pénalisé par elle pour sa spécialisation professionnelle.
ART. 43 — Nul n'est irremplaçable. Il n'y a pas de sous-métier. Tous les Travailleurs sont complémentaires. Aucune fonction ne justifie une quelconque supériorité en droits. La complémentarité des Travailleurs commande leur égalité en Droits en tant que Citoyens.
ART. 44 — Celui qui croit que par son Travail il mérite plus de droits que ses Concitoyens, oublie qu'il est ce qu'il est grâce à la Cité, qu'il Travaille dans et pour la Cité, que seule la Cité peut reconnaître et garantir ses Droits, que la Cité est l'ensemble de ses Concitoyens, et qu'il n'y a de Droits que dans l'EGALITE. Celui qui veut vivre dans la Cité doit sacrifier ses prétentions d'individu à ses Droits de Citoyen.
ART. 45 — La Cité doit honorer les Vertus des particuliers sans attenter aux Droits des Citoyens, autrement dit à l’Egalité. Les lauriers seuls doivent couronner les Vertus. Prétendre à autre chose c'est déjà en être indigne. Le mérite personnel ne doit trouver sa récompense que dans la satisfaction personnelle et la reconnaissance publique.
ART. 46 — Chaque Citoyen doit mériter seul ses Droits auprès de la Cité. Nul ne peut jouir des Droits mérités par un autre. Les Droits ne sont ni héréditaires ni transmissibles ni cumulables ni jouables ni escamotables, etc.
ART. 47 — Les bienfaits de la Cité sont le fruit de la participation des Citoyens. Les fruits du Travail sont généralement mis sur le marché. Pour profiter de tous les bienfaits de la Cité, les Citoyens doivent non seulement avoir accès au marché mais encore jouir d’un égal Droit d’Accès.
ART. 48 — Le Droit d'accéder au marché, étant en quelque sorte le pendant du Devoir de participer à la vie de la Cité, n'appartient qu'à ceux auxquels la Cité reconnaît le statut de Citoyen et ne porte que sur les produits du Travail présents sur le marché.
ART. 49 — Quoique l’égalité en biens ne soit ni possible, même dans l’Egalité, ni souhaitable dans l’absolu, une trop grande disparité de propriétés entre Concitoyens ne peut résulter de la libre expression de leurs goûts ; elle révèle un état d'inégalité en droits, donc un état d'oppression.
ART. 50 — L’oppression est un état intermédiaire entre l’état de Nature, dont les hommes veulent sortir, et celui de Société, vers lequel ils tendent. Il y a oppression, d’une manière ou d’une autre, dès lors que les « Citoyens » sont inégaux en Droits.
ART. 51 — Les opprimés sont vis-à-vis de leurs oppresseurs dans un rapport de force, non de droit. Ils peuvent légitimement secouer leur joug et même les abattre s’ils en ont l’occasion. Une oppression persistante témoigne seulement de la puissance des oppresseurs et de l’incapacité provisoire des opprimés à se libérer.
III. LARGENT
ART. 52 — Largent, c’est la croyance que la notion de valeur (marchande) est nécessaire pour échanger.
ART. 53 — La pratique initialement incontournable du troc consistant à échanger entre individus et à mettre les objets en équivalence a amené les hommes à concevoir la notion de valeur marchande et à la croire indispensable aux échanges. L’évolution a ensuite amené les hommes à adopter la monnaie qui concrétise Largent, perpétue un mode d’échange individualiste et dont l’usage inculque à toutes les générations les préjugés monétaires.
ART. 54 — Etant donné qu’elle repose sur la notion de valeur, la monnaie introduit fatalement dans la « Cité » le subjectif, le relatif, l’arbitraire, l’intérêt particulier, la différence de prix entre les choses, entre les producteurs, entre les hommes, et finalement l’inégalité en droits entre les « Citoyens ».
ART. 55 — Sous Largent, les valeurs sont concrétisées par des objets ou des unités monétaires qui matérialisent et donnent seules le droit d’accéder au marché. Les unités monétaires, étant destinées à circuler et ne pouvant se répartir également de par le jeu des valeurs, permettent aux uns de dépouiller les autres de leurs droits.
ART. 56 — Un prix est la conséquence d’une chaîne de prix dont il n’est lui-même qu’un maillon, à moins qu’il ne soit fixé arbitrairement. Les prix n’ont rien à voir avec la soi-disant valeur des choses ; ce sont les hommes qui, en dernière analyse, ont un prix, sont payés et ont besoin de monnaie pour se payer les uns les autres.
ART. 57 — La monnaie n'aurait pas de raison d'être si le Travail, au lieu d'être rémunéré avec des unités, conférait la Citoyenneté, donc les Droits du Citoyen dont celui d’accéder au marché, car alors les choses n'auraient ni coût ni prix et les hommes n’auraient pas besoin de monnaie. C'est ce besoin de monnaie auto-alimenté qui empêche les hommes de concevoir une autre forme de « salaire » et les enferment dans la logique monétaire.
ART. 58 — Tout ce qui est justifié par Largent est injustifiable autrement et n’est en rien justifié d’un point de vue social. Tout ce qui semble financièrement logique est socialement absurde.
ART. 59 — La nature des unités monétaires importe si peu qu’elles sont en passe d’être aussi virtuelles et imaginaires que la notion même de valeur. Un pauvre ne sera bientôt plus séparé d’un riche par rien, sinon par Largent qui n’existe que dans leur esprit.
ART. 60 — Largent est une croyance dont l’Homme est prisonnier physiquement. Il n’existe que par l’Homme, mais l’Homme peut exister sans lui.
ART. 61 — Largent qui ne fait pas le bonheur des hommes fait le malheur des Peuples.
ART. 62 — Seuls Largent et la monnaie, créant ou perpétuant un contexte inégalitaire, permettent d’abuser du pouvoir hiérarchique ou de donner du pouvoir sans autre mérite que la fortune.
ART. 63 — Le pouvoir des riches réside moins dans leur personne que dans leur fortune qui, en les dotant de droits étendus, leur confère des forces infiniment supérieures à leurs forces naturelles.
ART. 64 — Il y aura toujours des riches et des pauvres sous Largent. Un riche n’est pas et ne sera jamais l’égal en Droits d’un pauvre. Richesse et pauvreté, exploitation et corruption, oppression et inégalité sont inhérentes à Largent.
ART. 65 — Largent est un tyran. La monnaie est l’instrument de sa tyrannie. Largent est le plus grand ennemi de l’Homme avant l’Homme lui-même.
ART. 66 — Quiconque a lu ces lignes et néglige encore le rôle de Largent ou justifie son existence se fait complice de l’inégalité, de l’exploitation et de l’oppression capitaliste ; c’est un capitaliste lui-même.
IV. DROIT D’ACCÈS ET CARTE CIVIQUE
ART. 67 — Un moyen d’échange est théoriquement un intermédiaire entre les Devoirs et les Droits du Citoyen, puisqu’il permet à ce dernier d’accéder au marché après avoir participé à la vie de la Cité ; mais aussi entre les Citoyens eux-mêmes, puisqu’il leur permet, à travers les biens qu’ils retirent du marché et les services dont ils profitent, d’échanger mutuellement leur Travail.
ART. 68 — L’existence d’un moyen d’échange implique, d’une part, la complémentarité et l’interdépendance des Travailleurs en particulier et des Citoyens en général, d’autre part, l’incapacité des Citoyens de pourvoir individuellement à tous leurs besoins et la nécessité pour chacun d’eux de pouvoir accéder au marché.
ART. 69 — Dans la mesure où la plupart des bienfaits de la Cité sont le fait du Travail et se trouvent sur le marché, le moyen d’échange est un élément vital pour les Citoyens et le paramètre central de la Cité. De la nature du moyen d’échange — de la façon de l’obtenir, de l’utiliser, etc. — dépendent donc la nature des rapports entre les Citoyens et de leur mentalité.
ART. 70 — Etant donné que la monnaie accapare le Droit d’accéder au marché et ne peut se répartir également, elle confère aux « Citoyens » un droit d'accès fatalement inégal, inégalité qui se répercute sur tous les autres Droits et anéantit l’état de Droits, donc la Société même.
ART. 71 — Les Citoyens ne peuvent être égaux en Droits sans jouir également de tous les bienfaits de la Cité, sans jouir d’un égal Droit d’accès au marché, autrement dit sans avoir le même pouvoir d'achat, pouvoir sans autres bornes que les possibilités réelles du marché et la loi.
ART. 72 — La monnaie est un moyen d’échange parmi tous les moyens d’échange possibles. Elle véhicule uniquement une conception de l’échange, alors qu’un moyen d’échange digne de la Cité doit aussi véhiculer un concept de Société.
ART. 73 — Un moyen d’échange est le paramètre le plus stable d’une Société ; il en est le cœur. Rien n’est plus difficile que d’en changer. Une fois adopté, il façonne les hommes à son image.
ART. 74 — Pour que les Citoyens soient et demeurent égaux en Droits, pour que les Droits soient à l’abri des caprices des hommes, les Droits et les Principes de l’ordre social doivent être sous la sauvegarde d’un moyen d’échange.
ART. 75 — Des unités limitent le pouvoir d’achat. L’égalité du Droit d’Accès exclut le recours à toute forme d’unité ou de rationnement, et implique l’usage d’un moyen d’échange qui confère à tous les Citoyens un pouvoir d’achat théoriquement illimité.
ART. 76 — Le Droit d'accéder au marché et de profiter des bienfaits de la Cité doit être attaché à la Citoyenneté elle-même, au fait d'être Citoyen, et non dépendre d’unités insignifiantes.
ART. 77 — Le moyen d’échange de la Cité sera une Carte à puce qui utilisera la technologie des cartes de crédits, mais qui s'obtiendra de la Cité en contrepartie d’une participation et permettra essentiellement de vérifier la Citoyenneté de son détenteur. Cette carte, appelée Carte civique, conférera à tous les Citoyens un pouvoir d’achat indéfini, théoriquement illimité et donc égal.
ART. 78 — La Carte civique est l’évolution naturelle de la carte de crédits qui, à mesure que son usage devient exclusif, rend la monnaie de plus en plus virtuelle, introduit l’idée qu’une carte pourrait être en soi un moyen d’échange, et creuse la tombe de Largent.
ART. 79 — Lorsque tous les Citoyens disposent d’un pouvoir d’achat théoriquement illimité, aucun ne peut accaparer la production, dépouiller les autres de leurs Droits, les asservir ou les soudoyer ; nul ne peut se vendre ni voir dans ses égaux des maîtres.
ART. 80 — L’indigestion est suscitée par la rareté ; la modération, par l’opulence. Pour que l’Homme soit libéré des obsessions matérialistes, il faut qu’il puisse assouvir une bonne fois pour toutes les frustrations que Largent et ses limites font naître en lui, et qu’il ne ressente plus la gêne.
ART. 81 — Quand l’EGALITE est inaltérable, la tyrannie est impuissante à renaître et la Vertu est dans les mœurs.
ART. 82 — Instaurer définitivement l’EGALITE et anéantir conséquemment tout germe de tyrannie est le double but de la Carte civique sur laquelle repose la révolution prônée par les Patriciens. Cette Carte, en se substituant à la monnaie, anéantira de fait Largent et l’empêchera de ressusciter.
V. CAPITALISME, LIBERALISME ET DYNAMISME ECONOMIQUE
ART. 83 — Le capitalisme est un système régit essentiellement par les lois de Largent sans lequel il n’y a pas de capitalisme possible.
ART. 84 — Largent est le cœur du capitalisme. A l'heure des cartes de crédits, instaurer la Carte civique sera un acte chirurgical mortel pour le capitalisme et indolore pour les hommes.
ART. 85 — Le capitalisme est lui-même en train de mettre en place toutes les structures nécessaires à l’instauration d’une Cité.
ART. 86 — Sous Largent, la seule alternative au capitalo-libéralisme est le capitalisme d’Etat. Il n’y a d’EGALITE ou de LIBERTE ni dans l’un ni dans l’autre.
ART. 87 — L’EGALITE condamne le capitalisme ; la LIBERTE réclame le libéralisme. Du libéralisme sans capitalisme, là est la Révolution.
ART. 88 — Dans une Société digne de ce nom, rien n’est nationalisé, rien n’est privatisé : tous les Citoyens servent la Cité.
ART. 89 — Travailler étant un Devoir envers la Cité, tous les fruits du Travail appartiennent en premier lieu à la Cité avant de devenir la propriété des Citoyens lorsqu’ils les retirent du marché par l’exercice de leur Droit d’Accès.
ART. 90 — La Cité qui garantit les Droits doit aussi veiller à l'accomplissement des Devoirs.
ART. 91 — Si la Cité n'a pas à planifier l'économie, elle ne saurait néanmoins rester dans l'ignorance de ce qui se trame en son sein. Elle doit avoir un Droit de regard sur le Travail pour savoir qui Travaille, donc qui est Citoyen. Dénier ce Droit à la Cité, c'est prôner, sous quelque prétexte que ce soit, l'anarchie, sous quelque nom que ce soit.
ART. 92 — Dans la mesure où le moyen d’échange permet de profiter du Travail d’autrui, il ne peut être obtenu par les Travailleurs qu’en contrepartie d’un Travail dont le marché est, à tort ou à raison, demandeur. Produire sans vendre est aussi nul que n’avoir pas Travaillé. Acquérir sans rien offrir de son côté est un vol. Les résultats minimums exigés des Travailleurs ou des entreprises par la Cité doivent donc porter sur les ventes, non sur la production.
ART. 93 — Il n’y a pas de contrôle plus démocratique sur les entreprises que la loi du marché, lorsque les Citoyens sont libres et égaux, puisque les Travailleurs, en tant que consommateurs, s’imposent indirectement de Travailler pour satisfaire leurs appétits. Que les entreprises aient en plus le Devoir légal de satisfaire la Demande, et les consommateurs, le Droit de se plaindre de l'Offre, alors le marché impose aux entreprises de faire abstraction des résultats exigés par la Cité et de produire conformément aux désirs des Citoyens.
ART. 94 — Produire le moins cher possible pour faire le plus de profit est la source du dynamisme du capitalo-libéralisme. Produire de la qualité en quantité pour satisfaire une Demande colossale et exigeante est la source du dynamisme économique d’une Cité (société égalitaire et libérale).
ART. 95 — Quand la Demande est théoriquement infinie, elle est éternellement supérieure à l'Offre : le plein emploi est une fatalité.
VI. L’EGALITE
ART. 96 — L’EGALITE est fondamentalement nécessaire, techniquement possible et historiquement imminente.
ART. 97 — Les évolutions techniques et économiques entraînent fatalement l’évolution des « droits » et des structures politiques. Les progrès fulgurants du XXe siècle n’ayant pas encore porté leurs fruits, et le décalage entre le potentiel de la « Société » et les conditions des « Citoyens » étant plus grand que jamais et manifestement insupportable, des bouleversements positifs d’une ampleur sans précédent sont aussi inévitables qu’indispensables.
ART. 98 — Hors des Sociétés primitives, les conditions nécessaires à l’instauration de l’EGALITE sont les capacités de production de masse et l’informatique.
ART. 99 — Les seuls obstacles à l’EGALITE sont aujourd’hui l’ignorance des hommes quant à la nature et au rôle exacts de Largent, l’inconnue quant au pourquoi et au comment l’anéantir, le manque de résolution de ceux qui le savent, et le temps.
ART. 100 — A l’échelle de l’Humanité, la Révolution est faite ; à l’échelle de l’Homme, il ne reste plus qu’à la faire.
VII. CITOYENNETE ET NATIONALITE
ART. 101 — La Cité, au sens large, est l’ensemble des Citoyens ; la Cité, au sens strict, la Nation, est l’ensemble des Citoyens nationaux.
ART. 102 — Citoyenneté et Nationalité sont deux choses distinctes : la première est un choix d’ordre économique et vital, la seconde d’ordre politique et sentimental. Cette distinction est indispensable à l’heure où les hommes sont plus mobiles que jamais.
ART. 103 — Les Droits fondamentaux sont attachés à la Citoyenneté ; les droits politiques, à la Nationalité.
ART. 104 — La Nationalité confère des droits particuliers qui sont de pouvoir participer directement à la formation des lois, de pouvoir les servir dans le cadre des institutions et des corps spécialement chargés d’en assurer l’application, de pouvoir travailler dans les secteurs sensibles et éventuellement de pouvoir disposer du sol de la Cité.
ART. 105 — Tout Citoyen peut obtenir la Nationalité relative à telle Cité, à condition de remplir les conditions qu’elle exige.
ART. 106 — La Nationalité se conserve en remplissant des devoirs particuliers qui attestent la fidélité du Citoyen envers la Cité.
VIII. LE SOL
ART. 107 — La Terre étant l’asile et la propriété du genre humain, le sol, en théorie, appartient à tous les hommes en général et à aucun en particulier. En pratique, et d’ici à ce que l’Humanité forme une seule Cité, ce principe n’est applicable qu’au niveau des Cités existantes.
ART. 108 — La Cité est seule propriétaire de son sol. Le moyen d’échange qui permet aux Citoyens de s’approprier des biens issus de la production en les retirant du marché ne donne aucun droit sur le sol. Seule la Cité peut confier des portions de son sol selon des conditions égales pour tous les Citoyens et fixées par la loi.
ART. 109 — Si les occupants ou les exploitants de la terre passent pour des propriétaires aux yeux de leurs Concitoyens, ils ne le sont pas pour la Cité qui la leur a confiée provisoirement dans son intérêt ou pour accéder à des requêtes légitimes ne contrariant pas l’intérêt général.
ART. 110 — Seuls les Citoyens nationaux peuvent, dans la mesure du possible, disposer d’une portion du sol de la Cité à des fins privées ou publiques. La Cité doit néanmoins garantir un terrain cultivable aux hommes nés et vivants sur le territoire national qui ne veulent pas être Citoyens.
ART. 111 — En confiant son sol à titre d’outil de Travail, la Cité, en contrepartie du statut de Citoyen et de la Sécurité qu’elle assure à l’exploitant, exige de lui un rendement proportionnel à la surface attribuée ou relatif à la nature de la production, et la mise sur le marché de celle-ci.
IX. LOI, GOUVERNEMENT ET DEMOCRATIE
ART. 112 — La légitimité prévaut sur toute légalité. Est légitime tout ce qui procède des Principes de l’association politique, tout ce qui tend à proscrire l’inégalité entre les Citoyens ou à préserver leurs Droits. Lorsque deux légitimités s’opposent, celle qui tend au bien du plus grand nombre prime. Le salut de la Patrie est la loi suprême.
ART. 113 — La souveraineté appartient exclusivement au Peuple.
ART. 114 — Les élus du Peuple sont au service du Peuple. Ils ne sont pas les interprètes de sa volonté, mais ses instruments.
ART. 115 — La volonté du Peuple clairement exprimée fonde seule la légitimité des pouvoirs exercés et des décisions prises en son nom.
ART. 116 — Est une loi toute règle acceptée par le Peuple, c’est-à-dire par la majorité des Citoyens nationaux. Toute règle n’ayant pas été ratifiée par le Peuple n’a d’une loi que le nom.
ART. 117 — Pour ériger son Gouvernement, le Peuple exprime sa volonté par la voie du suffrage universel ou, contre un pouvoir arbitraire, par une action pacifique si possible, par l’insurrection armée si nécessaire.
ART. 118 — Tout régime politique qui ne laisse au Peuple, pour se faire entendre, d’autres moyens que le recours aux armes est tyrannique. Le Peuple a le Droit inaliénable de le renverser ; tous les hommes libres (« Citoyens » conscients d’être opprimés) en ont le Devoir.
ART. 119 — Toute Constitution qui, au-dessus des organes législatifs et exécutifs, même composés d'élus, ne prévoit pas une institution populaire souveraine et de fréquents référendums est une mascarade démocratique.
ART. 120 — Il ne peut y avoir de véritable Démocratie dans l’inégalité, et une pseudo-démocratie ne peut accoucher de l’Egalité. L’EGALITE ne repose pas sur la « démocratie » ; c’est la Démocratie qui repose sur l’EGALITE.
X. PATRIE ET PATRIOTISME
ART. 121 — La Patrie d’un homme est l’Humanité. La Patrie d’un Citoyen est la Cité. Le patriotisme est la porte de la fraternité universelle.
ART. 122 — Le patriotisme, c’est l’amour des siens ; le nationalisme, c’est la haine des autres ; l’ultra-internationalisme, c’est l’amour des autres et la haine des siens.
ART. 123 — Un vrai patriote considère ses compatriotes, ses concitoyens, comme ses égaux, non comme des marchepieds ou de la chair à canon.
ART. 124 — Quiconque néglige, méprise, exploite ou tyrannise une portion de l’Humanité n’a pas de Patrie et se déclare l’ennemi du genre humain.
XI. REVOLUTION ET REVOLUTIONNAIRES
ART. 125 — Une Révolution est une tentative de proscrire l'inégalité. L'EGALITE est le but fondamental de la Révolution.
ART. 126 — Concevoir la Révolution comme une entreprise permanente, c'est vouloir lutter sans fin contre l'inégalité ; c’est donc ignorer le moyen d'instaurer l'Egalité, donc perpétuer l'oppression sous de nouvelles couleurs.
ART. 127 — Dans l'inégalité, sous Largent, chaque individu est en lutte contre tous les autres. Les classes sont une illusion d'optique. La lutte des classes est une voie sans issue.
ART. 128 — Une révolution qui ne compte que sur des hommes pour défendre ses conquêtes contre d'autres hommes, au lieu d’être soutenue par la simple force des choses, sombre nécessairement dans la guerre civile et éventuellement la dictature politique. Ce n’est pas une Révolution.
ART. 129 — Le projet d'anéantir Largent doit être dans les esprits et adopté par le Peuple avant d’être mis en application. Avoir besoin de recourir à la violence pour instaurer la Carte civique serait le signe qu’il ne l'est pas et que l'heure de la Révolution n'a pas encore sonné.
ART. 130 — La force de la Révolution est dans les choses. Il n'y a de révolutions irrévocables que les évolutions révolutionnaires.
ART. 131 — Tous les Peuples évoluent à un rythme différent. Les conditions de la Révolution ne peuvent être réunies partout en même temps. La Révolution ne pouvant être mondiale sera donc locale, nationale. Ceux qui, pour une raison ou une autre, prônent l’idée absurde d’une Révolution mondiale ou universelle sont, consciemment ou non, des contre-révolutionnaires.
ART. 132 — Une Révolution se produit lorsque l'évolution des choses et celle des idées se rencontrent. La Révolution est impossible tant que les choses et les hommes ne sont pas mûrs ; elle est inévitable lorsqu’ils le sont.
ART. 133 — Les choses étant ce qu'elles sont, les révolutionnaires ne peuvent faire évoluer que les idées en mettant au service de la Révolution tous les moyens que leur époque fournit. Il est difficile de combattre une idée, et impossible d'arrêter une idée simple et juste.
ART. 134 — Invisibles et Insaisissables comme le vent, puissants et éphémères comme la tempête : tels doivent être les révolutionnaires.
ART. 135 — La Révolution est un coup de foudre. Elle consiste en une décision historiquement nécessaire qui, aussitôt appliquée, change tout à jamais et met fin à la Révolution elle-même. Rien ne sert de tout révolutionner en même temps, il faut révolutionner l'essentiel et laisser le temps révolutionner le reste.
ART. 136 — Un gouvernement révolutionnaire est indispensable pour ôter le pouvoir aux contre-révolutionnaires et prendre les décisions révolutionnaires.
ART. 137 — L’instauration de la Carte civique et l’anéantissement de Largent interviendront lorsque le capitalisme sera partout à l'agonie, lorsque chaque pays capitaliste sera trop occupé à essayer en vain de sortir de ses difficultés pour avoir l'envie et les moyens de combattre le Peuple qui, le premier, osera cette Révolution.
XII. LES PATRICIENS
ART. 138 — Le but des Patriciens est de rassembler et d’organiser les vrais républicains en une force révolutionnaire capable d’exister, d’inspirer aux « Citoyens » la haine de Largent et l’amour de l’EGALITE, de promouvoir l'idée d'une Carte civique, d’approfondir la théorie du Civisme et, à terme, de parvenir démocratiquement et provisoirement au pouvoir pour ouvrir l’ère de l’Humanité.
ART. 139 — Est un Patricien quiconque adhère au présent Manifeste et s'en fait le champion.
ART. 140 — L’ouvrage des Patriciens sera scellé et leur mission accomplie quand la Carte civique et l'Egalité seront une réalité.
VOUS VOULEZ L'IMPENSABLE ?
VOUS N'ÊTES PLUS SEULS !
11:42 Écrit par Philippe Landeux dans 4. BASES DU CIVISME, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manifeste, patriciens, largent, principes, civisme | Facebook | | Imprimer |
lundi, 26 septembre 2011
PRODUIRE ET CONSOMMER avec ou sans monnaie
1. PRINCIPE DE BASE
Les individus n’ont accès au marché, pour en retirer biens ou services, que s’ils travaillent, s’ils échangent leur production ou leur force de travail contre une somme de monnaie aléatoire de par le jeu des valeurs. Leur droit d’accès — et tous les droits qui passent par lui — est indépendant des individus et des lois humaines ; il est matérialisé et conféré par la monnaie seule ; il est inégal et proportionnel à la quantité de monnaie que les individus parviennent à arracher, avant de devoir s’en défaire.
Les travailleurs sont inégaux en droits, mais les individus dont l’activité est utile à la « société » sur un plan autre qu’économique ne sont ni reconnus ni payés et n’ont par eux-mêmes aucun droit.
La « société » ne joue aucun rôle. Les individus sont livrés à eux-mêmes et aux lois de la monnaie. Ce système d’échange n’est pas un système social ; il est même antisocial : c’est la guerre de tous contre tous.
Cette théorie peut-être faussée par l’Etat providence qui redistribue de l’argent — prélevé sur les travailleurs et les consommateurs — aux individus qui ne travaillent pas (voire ne font strictement rien) ou n’en gagnent pas beaucoup, et l'est fatalement par la monnaie qui peut être économisée, gaspillée, perdue, volée, obtenue par recel ou en paiement d’une activité illégale.
Les individus qui s’acquittent de tous leurs devoirs du Citoyen dont celui de participer à la vie de la Cité d’une manière reconnue par elle sont Citoyens et ont le droit d’accéder au marché (ou produit commun) en vertu de leur Citoyenneté. Tous les Citoyens ont un égal droit d’accéder au marché et d’en retirer librement biens et services. Ce droit est borné naturellement par les envies du Citoyen, par l’exercice de ce même droit par ses Concitoyens, par la réalité du marché et, au besoin, par la loi.
Le travail n’est pas la seule forme de participation. Toute activité dont l’utilité sociale est reconnue confère à ceux qui s’y consacrent — ce que la Cité constate d’après des critères établis — la Citoyenneté et les droits qu’elle implique.
Les droits du Citoyen sont reconnus et garantis par la Cité. Les Citoyens sont égaux en devoirs et en droits. C’est une Société.
Dans ce système, l’échange n’a pas lieu entre individus (sauf de manière marginale), il ne concerne pas les objets et ne fait pas intervenir la notion de valeur marchande (Largent). Il a lieu entre le Citoyen et la Cité et se pose en termes de devoirs et de droits : le Citoyen a des droits dans la Cité en échange des devoirs (égaux pour tous les Citoyens) dont il s’acquitte envers elle ; il ne paye pas chaque chose en détail avec des unités obtenues on ne sait comment ; il règle la Cité en gros par sa participation.
2. APPLICATION
Les individus ont le droit d’accéder au marché en proportion du salaire qu’ils reçoivent de l’entreprise pour laquelle ils travaillent. Les salaires sont inégaux. S’ils étaient égaux pour tous les employés d’une entreprise, ils seraient encore inégaux entre les employés des différentes entreprises. L’entreprise payent ses employés en prélevant sur son chiffre d’affaire la somme nécessaire. Elle utilise le reste en tout ou partie pour payer fournisseurs (machines, matières premières, composants, etc.) et prestataires de services qui, de manière indirecte, participent à son activité et contribuent donc à sa production. (La monnaie donne à chacun l’illusion de l’autonomie et de la liberté alors que les individus comme les entreprises sont à l’évidence complémentaires et interdépendants.)
Les droits des individus ne dépendent toujours pas de la « société » : ils sont entièrement à la merci du patron de l’entreprise pour laquelle ils travaillent et qui est seul maître de la redistribution des gains réalisés par l’effort collectif.
A l’arbitraire du système monétaire s’ajoute donc l’intérêt de l’entreprise qui est de faire du profit, c’est-à-dire d’enrichir le patron (ou les actionnaires) aux dépens des employés.
En travaillant pour son entreprise, le Citoyen s’acquitte indirectement de son devoir de participer à la vie de la Cité. Une fois que cette dernière constate que l’activité de l’entreprise répond à ses attentes, satisfait une demande conséquente et présente un intérêt public, elle l’autorise à poursuivre son activité et valide ou confirme la validité des Cartes civiques de tous ses employés.
Une Carte civique atteste la Citoyenneté de son propriétaire auquel elle permet d’accéder au marché en tant que Citoyen, autrement dit de manière indéfinie ou illimitée (sauf bornes naturelles). Tous les Citoyens, quelles que soient les entreprises qui les emploient, sont égaux en droits.
La Cité ne peut contrôler le travail individuel des employés, leurs efforts étant combinés ; elle contrôle leur activité globale d’après les résultats de leur entreprise. Il appartient à l’entreprise seule de contrôler le travail de ses employés et de prendre éventuellement des sanctions pour prévenir celles que pourrait prendre la Cité contre elle et tous ses employés en cas de manquement à ses engagements.
Une entreprise ne peut exister sans autorisation de la Cité qui seule peut lui procurer le moyen d’accéder au marché pour ses propres besoins, et elle existe tant qu’elle prouve à la Cité son utilité ou que celle-ci la regarde comme utile. Il s’ensuit, d’une part, que tout employé est Citoyen, d’autre part, que l’entreprise a le droit (via une carte professionnelle) d’accéder librement au marché, autrement dit de faire appel à des fournisseurs et des prestataires de services, lesquels sont eux-mêmes dans le cas de toute entreprise : ils ont besoin de clients (particuliers, professionnels, administration) pour prouver à la Cité leur activité et leur utilité.
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08:14 Écrit par Philippe Landeux dans 4. BASES DU CIVISME, 5. SCHEMAS, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |