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lundi, 19 décembre 2011

UNE VRAIE DEMOCRATIE

ATTENTION : L'organisation politique ci-après n'a de sens que dans une Cité, c'est-à-dire dans un système non-monétaire dans lequel les Citoyens sont réellement égaux en Devoirs et en Droits, dans lequel ils  jouissent tous d'un droit indéfini d'accéder au marché et, enfin, dans lequel Citoyenneté et Nationalité sont deux notions distinctes et bien définies, chacune impliquant des devoirs et conférant des droits. Il est impossible d'instaurer une véritable démocratie dans l'inégalité, au milieu d'hommes corrompus et corruptibles, quand les intérêts particuliers s'opposent à l'intérêt général. Il est même dangereux de l'établir alors que la "nationalité" ne veut rien dire et que, de ce fait, les droits politiques ne sont pas le monopole des patriotes, c'est-à-dire des Citoyens fidèles à la Nation, ardents à préserver son identité et sa souveraineté.

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12:10 Écrit par Philippe Landeux dans 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vraie, démocratie, schémas, civisme, cité |  Facebook | |  Imprimer |

vendredi, 14 octobre 2011

L’ÉGALITÉ OU LARGENT : il faut choisir

« Vous voulez les misérables secourus,
moi je veux la misère supprimée. »
Victor Hugo

 

« L’homme de génie qui révèle de grandes vérités à ses semblables est celui qui a devancé l’opinion de son siècle. La nouveauté hardie de ses conceptions effarouche toujours leurs faiblesses et leur ignorance. Toujours les préjugés se ligueront avec l’envie pour le peindre sous des traits odieux ou ridicules. »

Robespierre



Théories du Civisme
L’Égalité ou Largent : il faut choisir.



La révolution nécessaire est nécessairement celle à laquelle personne n’a encore pensé ou du moins celle dont personne n’a encore défini convenablement le but et l’obstacle. Il faut donc bien se mettre en tête dès à présent que, si une révolution est nécessaire, c’est qu’elle n’a pas encore eu lieu, parce que les choses et les hommes n’étaient pas prêts et ne le sont toujours pas, et que ces derniers ignorent encore quel doit être son objet. Ils ne s’attendent donc pas au défi a priori inconcevable qu’elle leur proposera et seront de prime abord déroutés voire hostiles aux idées radicalement nouvelles et véritablement révolutionnaires. Ainsi, quiconque espère de bonne foi la Révolution, quiconque désire moins passer pour un révolutionnaire qu’en être un, doit avant tout se défier de lui-même. Le monde que nous connaissons nous a tous pétri de préjugés, et l’on ne peut créer un monde nouveau sans se défaire de ce qui soutenait l’ancien. De ce fait, nombre de mots doivent également être redéfinis ou inventés pour pouvoir penser la Révolution.


Ainsi, avant de dire quelle révolution est nécessaire, la première chose à faire est de nous demander ce qu’est une révolution tout court. Car autant le mot « révolution » est aujourd’hui employé à tort et à travers dans tous les domaines pour désigner des choses insignifiantes, autant il s’agit pour nous de l’appliquer à un domaine précis et de comprendre quel sens précis il a dans ce domaine. A l’évidence, la Révolution en question est une vaste entreprise, une entreprise collective, une entreprise dans le domaine social, une entreprise dont le but est de changer la Société, ou plutôt de la fonder. Les changements en question doivent être soudains et radicaux, sans quoi il ne s’agirait pas d’une Révolution, mais d’une simple évolution. Ils doivent également profiter à tous les Citoyens, sans quoi ils seraient au mieux une amélioration, au pire une régression. Et surtout, ils doivent réaliser les buts de l’association politique, c’est-à-dire asseoir la Société sur ses Principes, le premier étant l’Égalité, car une Révolution qui perpétuerait les inégalités ou en créerait de nouvelles n’aurait rien de révolutionnaire. D’après ces considérations, on peut dire que, si des tentatives de Révolution ont existé, aucune Révolution n’a jamais eu lieu.

Mais pourquoi posons-nous l’Égalité comme le Principe fondamental de l’ordre social ? Parce qu’une Société n’est pas n’importe quoi ! Toute Société digne de ce nom, quel que soit le lieu, le nombre de Citoyens qui la composent et l’espèce animale à laquelle ils appartiennent, repose sur des Principes intangibles découlant de l’acte même d’association. Pour connaître et comprendre les rapports fondamentaux qui doivent exister entre Citoyens et que la Révolution doit instaurer, il suffit de se demander pourquoi des individus se constituent en Société et ce qu’implique leur union.

Tout d’abord, il va de soi que, si les individus ne forment pas de Sociétés, si tous sont solitaires, ils vivent dans l’état dit de Nature, état dans lequel chacun est livré à lui-même et peut faire tout ce que ses forces lui permettent, ce que d’aucuns appellent la liberté. Voilà pour la version idyllique ! En fait, dans l’état de Nature, les individus peuvent se nuire impunément les uns les autres et sont en perpétuel danger sans aucun secours ni recours possible. Or l’intérêt suprême de tout être vivant est de rester en vie. Puisque les chances de survie des individus de certaines espèces sont infimes dans la solitude, puisqu’elles ne peuvent augmenter s’ils restent dans cet état et puisque dans l’état de Nature règne la force, ces individus n’ont qu’une solution : s’unir, unir librement leurs forces (leurs potentiels, leurs compétences, leurs talents) à celles de congénères pour être collectivement plus forts face au reste du monde et avoir individuellement plus de chances de survivre (1).

La survie des membres qui la composent, appelés Citoyens, est donc la raison d’être de l’association dite politique, également appelée Société ou Cité. De cette raison d’être de l’association politique découlent les lois naturelles ou Principes fondamentaux de l’ordre social.

Des individus (toujours d’une même espèce) qui s’unissent pour accroître leurs chances de survie espèrent être plus en sécurité au sein de leur association que s’ils étaient dans l’état de Nature. Mais cette sécurité que le groupe ou la Cité doit leur procurer ne tombe pas du ciel. Elle est générée par les Citoyens eux-mêmes. Autrement dit, pour que la Cité, qui est l’ensemble des Citoyens, procure à ses Citoyens autant de sécurité qu’elle le peut, ceux-ci doivent se protéger mutuellement, être solidaires les uns des autres, etc. Ces obligations sont pour chaque Citoyen un Devoir envers la Cité, un Devoir qu’il est nécessaire d’accomplir pour être et demeurer Citoyen et jouir à son tour de la protection de ses Concitoyens. Remarquons bien que la Sécurité d’un Citoyen, sa sécurité en tant que Droit, ne dépend pas de ses capacités à se défendre, mais du fait que ses Concitoyens le défendent parce qu’il est l’un des leurs, que ce Droit est donc conféré par la Citoyenneté — ce qui vaut pour tous les Droits — et qu’il n’y a de Droits qu’en Société. Remarquons encore et surtout que tous les Citoyens ont les mêmes Devoirs les uns envers les autres et, partant, les mêmes Droits, qu’ils sont donc égaux en Devoirs et en Droits, que l’Égalité est donc le Principe fondamental de la Cité et qu’il n’y a donc pas de véritable Société sans Égalité.

Il est aisé de confirmer ces Principes et d’en découvrir d’autres en imaginant une Cité composée de deux Citoyens seulement, chacun d’eux représentant pour l’autre la Cité ou l’ensemble de ses Concitoyens.

Pour commencer, l’association politique ne peut exister que volontairement, librement. Son but étant d’accroître les chances de survie de ses membres, donc de leur garantir autant de sécurité que possible, un individu ne peut en obliger un autre à s’associer avec lui, puisqu’il ne pourrait compter sur lui au moment du danger qui serait précisément celui qui lui permettrait de se soustraire à son emprise. Une union sous la contrainte est donc non seulement illusoire mais dangereuse en elle-même, car, si l’association politique sort de l’état de Nature des individus constitués en Société, des individus unis par la force ne forment pas une Société mais sont toujours dans l’état de Nature l’un envers l’autre, de sorte que le plus fort ne peut avoir aucune confiance dans celui qu’il opprime, ce dernier pouvant, sans attendre un danger extérieur, profiter d’un moment de faiblesse de sa part pour le fuir ou le tuer. 

L’association politique devant être constituée librement, il s’ensuit, d’une part, que chaque associé doit aussi être libre de se retirer de l’association et doit donc être libre en en faisant partie, d’autre part, que les intérêts légitimes des associés doivent être satisfaits, sans quoi les mécontents rompraient l’association, plus nuisible pour eux que profitable (2). Il est par ailleurs évident que, lorsque deux individus s’associent pour accroître leur sécurité, chacun d’eux doit désormais s’abstenir d’agresser l’autre (Devoir passif) et le défendre au besoin contre tout ennemi extérieur (Devoir actif). Or ce qui est valable quand il n’y a que deux Citoyens, quand chacun représente pour l’autre la Cité, reste vrai lorsque la Cité est composée de nombreux Citoyens. Autrement dit, les Devoirs qu’un Citoyen a ici envers son unique Concitoyen — parce que ce dernier s’acquitte des mêmes Devoirs envers lui — sont des Devoirs envers la Cité, envers tous ses Concitoyens potentiels, lesquels, à l’instar d’un unique Concitoyen représentant la Cité, auraient donc les mêmes Devoirs envers lui, de sorte que tous les Citoyens, quel que soit leur nombre, ont les uns envers les autres les mêmes Devoirs. De cette réciprocité des Devoirs entre Citoyens découlent leur égalité en Droits. Sans cette réciprocité, il n’y a ni Droits ni de Devoirs pour personne, si ce n’est par abus de langage.

Notons bien que les Droits des Citoyens résultent de la nature des Devoirs qu’ils remplissent. Lorsque les Citoyens ont pour seuls Devoirs de se défendre mutuellement et de ne pas s’agresser, leurs seuls Droits dans la Cité, les seuls que la Cité doive leur garantir, sont d’être défendus et de ne pas être agressés par leurs Concitoyens (Droits qui découlent de leur Droit fondamental à la Sécurité). L’Égalité, les Devoirs et les Droits concernent donc des domaines biens précis. Tout ce qui est étranger à ces domaines ne concerne pas la Cité. Dès lors que les Citoyens remplissent leurs Devoirs envers la Cité, ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent ou peuvent, quelles qu’en soient les conséquences pour leurs Concitoyens, puisque ces conséquences ne portent pas atteinte à leurs Droits et à l’Égalité (3).

Notons encore que, puisque des Citoyens doivent être égaux en Devoirs et en Droits, et que tous les individus sont naturellement différents, les différences naturelles entre les individus ne sont ni un obstacle ni un argument recevable contre l’égalité sociale, seule égalité possible. Malgré ces différences, les individus ont d’ailleurs toujours intérêt à s’associer plutôt qu’à peiner seuls ou à se combattre. Disons même que les différences entre les individus sont indispensables à la complémentarité des Citoyens, à la réalisation de nombreuses entreprises et à l’existence même de la Cité.

Notons enfin que, si un Citoyen a des Devoirs à remplir envers la Cité, ne sont Citoyens que les individus qui les remplissent, tous les autres étant au mieux des étrangers, au pire des ennemis. D’après ce Principe, que les animaux sociables ordinaires appliquent à la lettre, les petits, les malades, les infirmes, les blessés, les lâches et les vieux, en un mot les inutiles, ne sont pas ou plus Citoyens. Les petits, s’ils restent dans le groupe une fois sevrés, n’ont jamais le statut des adultes. Quant aux autres qui représentent un poids mort ou un danger pour le groupe, ils sont abandonnés ou chassés.

Mais, autant les Principes (Devoirs et Droits fondamentaux) sont constants, autant leur application dépend des capacités de l’espèce et de la Société à un moment donné. Plus ces capacités sont étendues, plus les Devoirs et les Droits indirects des Citoyens (découlant des Devoirs et des Droits fondamentaux, contribuant à remplir les uns ou à jouir des autres) peuvent et doivent eux-mêmes être adaptés, sans contrevenir aux Principes (4). Selon les espèces et les Sociétés, les choses peuvent donc être extrêmement simples ou très compliquées.   

Dans tous les cas, des Citoyens sont unis à l’origine pour accroître leurs chances de survie, en d’autres termes pour jouir d’autant de Sécurité que possible, ce qui implique qu’ils aient les uns envers les autres un Devoir de Solidarité. Appliquons donc ce que nous venons de dire au Droit fondamental à la Sécurité, et au Devoir fondamental de Solidarité.

La Sécurité se décline, selon les espèces et leurs capacités, de différentes manières. Au sens premier du terme, elle consiste à être protégé des prédateurs par ses Concitoyens par tous les moyens en leur pouvoir. Mais la Sécurité implique aussi et en premier lieu de ne pas périr de faim au milieu des siens. Si rien, excepté la pénurie alimentaire, ne peut empêcher de manger les animaux sociables qui se nourrissent en ouvrant la gueule ou en tendant le cou, les autres doivent partager la nourriture qu’ils collectent généralement en commun. Le souci de Sécurité conduit également certaines espèces à construire des abris individuels ou collectifs pour se protéger des prédateurs et du climat. Dans le cas des abris individuels, chaque Citoyen doit construire le sien, et la Cité doit lui garantir qu’il n’en sera pas délogé. Dans le cas des abris collectifs, tous les Citoyens doivent contribuer à leur manière à sa construction et ont le Droit de s’y abriter. Bien d’autres Droits indirects peuvent de même découler du Droit fondamental à la Sécurité.

La Solidarité, elle aussi, se décline, selon les espèces et leurs capacités, de différentes manières. Le premier objet de la solidarité entre Concitoyens est bien sûr d’assurer leur Sécurité au sens premier du terme. Suivant les espèces, les Citoyens, s’ils n’ont guère de moyens de défense, forment simplement une masse ou, s’ils sont capables de se défendre, font front aux prédateurs et se portent mutuellement secours. Dans le premier cas, le Devoir des Citoyens est de rester grouper, dans le second, d’aider à repousser les prédateurs. Le Devoir de solidarité peut même aller, chez certaines espèces, jusqu’à emporter un blessé voire même essayer de le soigner. Par ailleurs, nous avons vu que la notion de Sécurité pouvait s’étendre à la question de la nourriture et des abris. Le Devoir de Solidarité implique alors que les Citoyens s’arrangent de telle sorte qu’aucun d’entre eux ne meure de faim ou que tous soient abrités. C’est évidemment chez l’Homme, doué de capacités extraordinaires, que le Devoir de Solidarité peut être poussé le plus loin, même envers des individus qui, chez les animaux, ne seraient pas Citoyens (enfants, étrangers) ou ne le seraient plus (malades, vieux, etc.).

Remarquons, à propos des Sociétés où la collecte de nourriture et la construction d’abris sont des entreprises collectives, que chaque Citoyen doit en profiter, alors que tous n’y participent pas directement. En effet, la Cité, pour garantir les différents Droits de ses Citoyens, a besoin qu’un ensemble de tâches soit accompli en même temps, tâches qui nécessitent des compétences, des qualités, des capacités, des forces différentes et sont donc généralement effectuées par les mêmes individus, plus rarement par roulement. Ainsi, les uns, en remplissant leur tâche, permettent aux autres d’être disponibles pour remplir la leur, et vice versa. Au final, tous profitent directement ou indirectement de l’activité de chacun. Il apparaît ainsi que la spécialisation et la répartition des tâches existent dans certaines Sociétés animales sans être pour autant une cause d’inégalités. En fait, elles existent de façon plus ou moins poussée dans toutes les Sociétés, ne serait-ce qu’en raison de la distinction des sexes. Il apparaît également que, puisque l’acquittement de ces tâches confère aux individus des Droits dans la Cité, s’en acquitter est pour eux un Devoir envers la Cité. Il apparaît enfin que, si défendre la Cité et être solidaire de ses Concitoyens sont les premiers Devoirs, participer à la vie de la Cité sous une forme reconnue par elle est en réalité le principal Devoir du Citoyen, celui qu’il remplit en permanence, les deux premiers ne pouvant être remplis qu’à l’occasion, les occasions étant de plus en plus rares à mesure que la Cité est de plus en plus forte (5).

Il n’est donc pas nécessaire que les individus soient identiques et fassent les mêmes choses pour qu’ils soient Citoyens et aient les mêmes Droits que leurs Concitoyens : il suffit que la Cité reconnaisse qu’un individu a fait ce qu’elle attend de lui pour qu’elle voit en lui un Citoyen. En d’autres termes, tout Citoyen a avant tout le Devoir de participer à la vie de la Cité sous une forme reconnue par elle, et doit jouir en retour, comme tous ses Concitoyens, du Droit de profiter de tous ses bienfaits. Ce Droit est donc conféré aux Citoyens par leur Citoyenneté elle-même. Or, chez l’Homme, les bienfaits de la Cité qui sont le fruit de la participation de tous les Citoyens comprennent aussi les différentes productions individuelles et collectives présentes sur le marché. Tout Citoyen, pour profiter réellement des bienfaits de sa Cité et être l’égal en Droits de ses Concitoyens, doit donc avoir le Droit d’accéder au marché en raison de sa Citoyenneté, c’est-à-dire du simple fait d’être Citoyen.

Tels sont les Principes de l’ordre social, de la Cité, c’est-à-dire de toute Société. Il y a pourtant loin entre ces Principes et notre réalité. En effet, si le Principe d’Égalité n’est pas inconnu des hommes, il n’est pour eux au mieux qu’un idéal sans consistance. Partant, ils méconnaissent les Devoirs (quand encore ils ne rejettent pas purement et simplement cette notion) et les Droits du Citoyen et vident de son sens le concept de Citoyenneté. Ce qu’ils appellent société est davantage une concentration d’individus qu’une association politique. Ne parlent-ils pas d’ailleurs de société inégalitaire ou de société individualiste sans apercevoir la contradiction que renferment ces expressions ? Certes, les hommes, de par leur nature sociable, tendent à vivre en Société, à établir l’Égalité, mais une force s’y oppose et ruine leurs efforts. Aussi les uns pensent que l’inégalité est dans la nature des choses et s’y résignent, les autres l’imputent au comportement des hommes ou de certains d’entre eux et adoptent des politiques fondées sur des conceptions erronées de l’Égalité ; tous négligent la force en question et personne ne connaît les Principes.

Une Vérité saute pourtant aux yeux : un riche et un pauvre, qui théoriquement sont tous deux Citoyens, ne sont pas et ne seront jamais égaux en droits, si ce n’est pour des sophistes. Il est donc vain d’espérer établir l’Égalité tant que subsistera ce qui sépare de fait les uns des autres, ce qui fait de l’un un riche et de l’autre un pauvre. Or pourquoi un riche et un pauvre sont-ils inégaux en droits ? N’est-ce pas la différence de fortune, la quantité de monnaie dont ils disposent, qui confère à chacun des droits en proportion, autrement dit un droit inégal d’accéder au marché et à tous les bienfaits de la « Cité » ? L’inégalité n’est-elle donc pas liée à la monnaie ?

A ce stade de la réflexion, auquel certains sont déjà parvenus (6), deux solutions peuvent être envisagées pour établir l’Égalité : répartir également la monnaie, au besoin en modifiant son fonctionnement ou en inventant une nouvelle, ou l’abolir et instaurer un système de rationnement, généralement dans un cadre collectiviste. Au vrai, aucune de ces solutions, aussi audacieuses soient-elles intellectuellement, n’est la bonne. Elles ont le mérite de ne plus voir l’Homme comme l’obstacle à l’Égalité, mais elles se trompent encore sur la nature et le rôle de la monnaie qui ne peut ni se répartir ni être répartie également et qu’il ne suffit pas d’abolir, même si elle doit effectivement disparaître. Car si la monnaie est bien le moyen de l’inégalité, elle n’en est pas la cause profonde, n’étant qu’une conséquence de Largent.

Mais qu’appelons-nous Largent ? Ce n’est donc pas la monnaie, ce n’est pas non plus le système monétaire, ce n’est pas même les riches. Largent, c’est ce qui précède la monnaie, c’est son fondement, sa raison d’être, sa racine, sa source, c’est la croyance que la notion de valeur (marchande) est nécessaire pour échanger. La monnaie découle de Largent, elle en est le vecteur, elle ne peut exister sans lui alors qu’il peut exister sans elle. Il ne s’agit donc pas seulement d’abolir la monnaie, mais d’anéantir, d’éradiquer, d’extirper des esprits Largent lui-même. Ceci n’est d’ailleurs pas un but en soi, mais sera une conséquence de l’instauration de l’Égalité.

Largent est né de la pratique du troc. A l’époque lointaine où des hommes se mirent à fabriquer des objets qui suscitèrent chez d’autres le désir de les posséder, il n’y eut pas d’autre mode d’échange possible que le troc, c’est-à-dire l’échange direct d’objets entre individus. L’échange régulier de certains objets contre une quantité d’autres objets finit par établir une équivalence de valeur entre les uns et les autres, la valeur des premiers étant exprimée par une quantité des seconds, lesquels, à l’unité, constituaient l’unité de valeur. La notion de valeur (marchande) s’étant ainsi introduite dans les échanges, les hommes en furent bientôt prisonniers. Mais l’échange direct entre deux individus est souvent impossible. La solution est alors l’échange indirect ou triangulaire qui consiste à ce que l’un d’eux échange avec un troisième individu pour acquérir un bien qu’il échangera ensuite avec l’autre contre l’objet réellement désiré. Le bien ayant changé deux fois de mains, n’ayant été pour l’échange qu’un moyen, est un moyen d’échange. Ainsi, Largent apparaît avec le troc qui porte en germe les notions d’unité de valeur et de moyen d’échange, autrement dit tous les ingrédients de la monnaie (moyen d’échange standard) .

Le troc, Largent et la monnaie (qui fait du troc indirect le mode d’échange ordinaire) ont chacun des conséquences dramatiques d’un point de vue social.

Sous le troc, les individus échangent entre eux. Chacun doit être propriétaire de sa production pour avoir le droit de l’échanger contre quelque chose qu’il possèdera également. Il s’active donc pour lui-même, non pour la Cité, et n’a de droits que ceux qu’il parvient à se ménager, la Cité n’ayant plus guère de rôle à jouer. Ainsi, le troc vide la Citoyenneté de son sens en réduisant les protagonistes des échanges à de simples individus.

Sous Largent, sur lequel reposent le troc et la monnaie, les hommes croient que les objets ont une valeur, qu’ils doivent être échangés contre des objets de valeur équivalente et que les échanges consacrent cette équivalence. Mais c’est en réalité le fait de les échanger qui fixe leur valeur. Or si des considérations humaines présidèrent un temps aux échanges sous le troc, l’intérêt égoïste des protagonistes s’y substitua vite, de sorte que le moins pressé ou le plus puissant impose toujours ses conditions. En somme, sous Largent, les échanges et la valeur des choses (leur prix) reposent non sur l’équité mais sur l’arbitraire. Et comme la notion de valeur n’a de sens que si les choses (produits ou services), les travaux et au fond les hommes ont une valeur marchande différente, tout système d’échange fondé sur Largent engendre inévitablement l’inégalité en droits.

Enfin, cerise sur le gâteau ! la monnaie, unité de valeur, matérialise et limite (qui plus est inégalement) le droit de participer aux échanges ou d’accéder au marché (sans que n’entre en compte la dimension sociale des protagonistes de l’échange). Mais c’est aussi un moyen d’échange qui, de par son origine (le troc), s’échange. Aussi fonctionne-t-elle selon deux principes : celui des vases communicants et celui de l’attraction. Les principaux droits passant par elle, puisqu’elle est le moyen d’accéder au marché et de profiter des bienfaits de la « Société », l’intérêt de tout homme est d’en gagner le plus possible aux dépens d’autrui ou de ne pas en perdre. Elle contraint ainsi les hommes à se disputer éternellement, permet aux uns de dépouiller les autres légalement ou illégalement, oblige chacun à se dépouiller lui-même de ses droits (chaque fois qu’il achète), donne à ceux qui en ont le plus du pouvoir sur ceux qui en manquent, les plonge tous dans l’obsession de l’Avoir et les force à ne plus voir le monde qu’à travers Largent. En somme, le système monétaire est non seulement le règne de l’inégalité, mais aussi celui de l’individualisme, de la discorde, de la mesquinerie, de l’escroquerie, du matérialisme, de l’oppression, de l’exploitation, de la corruption, de la frustration, etc. Qu’on le veuille ou non, la plupart des problèmes dans un système monétaire sont liés directement ou indirectement à (l’existence de) la monnaie. Peu importe la façon dont les hommes l’utilisent ; il n’y a pas de bonne utilisation pouvant résoudre tous les problèmes, notamment celui de l’inégalité, car ils sont inhérents à la nature du moyen d’échange qu’est la monnaie et en définitive à Largent. Peu importe également, aux yeux de la « Société », qui profite ou pâtit de l’inégalité, que ce soit l’un plutôt que tel autre, ou encore que les inégalités soient plus ou moins grandes qu’avant : il ne doit y avoir dans la Cité que des Citoyens égaux en Devoirs et en Droits… et tant que le Droit des Citoyens d’accéder au marché de la Cité sera lié à la monnaie au lieu d’être attaché à la Citoyenneté, l’Egalité sera une foutaise.

Mais, malgré tous ses défauts, la monnaie nous apprend qu’un moyen d’échange est un paramètre « social » d’une stabilité incomparable, car il inculque aux hommes les concepts qu’il véhicule et les principes du système qu’il façonne et dans lequel ils vivent. Or c’est le moyen d’échange absurde, permissif, inégalitaire (antisocial) et vecteur de Largent qu’est la monnaie qui doit être proscrit, non le principe même d’un moyen d’échange, d’autant plus que la nature a horreur du vide et qu’à l’heure actuelle un moyen d’échange est indubitablement nécessaire. Un moyen d’échange révolutionnaire serait donc le meilleur garant de la Révolution. Du reste, seul un nouveau moyen d’échange aux propriétés autres que celles de la monnaie, un moyen d’échange véhiculant non seulement un concept d’échange mais surtout les Principes égalitaires de la Cité, pourra extirper Largent des esprits.

En clair, la prochaine Révolution devra consister à remplacer la monnaie, qui incarne aujourd’hui le droit d’accéder au marché et le confère inégalement aux individus, par une carte à puce qui permettra aux Citoyens de prouver aux commerçants leur Citoyenneté, laquelle confèrera seule le Droit d’accéder au marché. Comme la Citoyenneté ne se mesure pas et signifiera la même chose pour tous les Citoyens, ce Droit sera théoriquement illimité et donc égal pour tous. L’exercice de ce Droit (le pouvoir d’achat) sera néanmoins borné en pratique par les envies du Citoyen, par l’exercice par les autres Citoyens de ce même Droit, par la réalité des choses et au besoin par la loi égale pour tous. D’un point de vue philosophique, cette carte civique remplacera bel et bien la monnaie en tant que moyen d’échange, mais, d’un point de vue pratique, elle remplacera les cartes de crédits (et d’autres cartes, comme la carte Vitale, etc.) dont elle sera en fait l’évolution logique et inéluctable. 

Entendons bien : La Carte civique utilisera la même technologie et les mêmes infrastructures que les cartes de crédits, mais, alors que ces dernières servent à manipuler la monnaie, à vérifier que le compte en banque de leur propriétaire est approvisionné et à transférer sur le compte des commerçants les sommes dues par leurs clients, elle servira aux commerçants (chargés de mettre le produit de la Cité à la portée des Citoyens) à vérifier la Citoyenneté de leurs clients et à enregistrer leurs achats de sorte qu’ils puissent prouver à la Cité qu’ils ont eux-mêmes rempli leur rôle et méritent eux aussi la Citoyenneté (7). Tous les Citoyens, quelle que soit leur forme de participation à la vie de la Cité, auront le même Droit d’accéder au marché, de consommer librement, puisque ce Droit leur sera conféré directement par la Citoyenneté, non plus par des unités de quelque nature que ce soit. En somme, la Cité fera pour le Droit d’accéder au marché ce que les démocrates ont obtenu pour le droit de vote, à savoir qu’il ne soit plus lié à la fortune (suffrage censitaire) mais à la nationalité (suffrage universel).

Il est impossible et même inutile d’en dire davantage ici. Nous en avons d’ailleurs dit plus que nécessaire pour ceux qui, en quête de Vérité, n’avaient besoin que d’un déclic pour ouvrir les yeux. Seuls les préjugés monétaires (8) peuvent encore empêcher les autres d’adhérer à ces Principes, d’intégrer le fait que l’Égalité est nécessairement la source de l’harmonie sociale, comme l’inégalité est fatalement celle du désordre, fut-il figé, et de voir dans la Carte civique le seul point de départ d’une solution réaliste au grand problème social. Que ces derniers relisent donc ce texte jusqu’à ce que leur esprit cesse de vadrouiller et que l’évidence s’impose à eux : Des Citoyens, des individus qui participent à la vie de la Cité, ont des Droits dans la Cité parce qu’ils sont Citoyens, et le Droit d’accéder au marché est le plus important d’entre eux, car tout dépend de lui.

Telles sont les conceptions de base du Civisme, une théorie révolutionnaire inédite, même si par certains aspects elle en rappelle d’autres. Ces lignes sont les premières à être publiées. Si vous ne deviez en retenir qu’une chose, souvenez-vous toujours que Largent est l’obstacle à l’Égalité, au respect des Principes de l’ordre social, à l’établissement de la Cité. Il est le véritable ennemi de l’Humanité, le seul ennemi à abattre. Il suffit d’ailleurs de constater que le monde marche sur la tête et tourne autour de lui (à travers la monnaie) pour comprendre qu’il est la clé de voûte du système actuel, son point fort et son point faible, et que c’est sur lui que la prochaine révolution (ou évolution révolutionnaire) devra porter ses coups sous peine d’être un nouveau coup pour rien.



Philippe LANDEUX

17 novembre 2007

Publié dans La révolution nécessaire, laquelle ?, Editions Golias, juin 2009


NOTES

(1) Des Citoyens ne sont plus entre eux dans l’état de Nature, mais celui-ci règne toujours autour des Sociétés qui demeurent entre elles dans un rapport de force.

(2) Ceci est purement théorique puisque les animaux sociables, l’Homme notamment, ne peuvent pas, sauf cas particulier, vivre séparés de leurs semblables. C’est d’ailleurs cette impossibilité qui, chez les hommes, lorsqu’ils perdent de vue les Principes sociaux, permet de multiplier les contraintes et favorise l’apparition d’un état intermédiaire entre celui de Nature et celui de Société : l’état d’Oppression. Quoi qu’il en soit, pour que l’harmonie règne dans la Société, il faut qu’elle repose réellement sur ses Principes théoriques, qu’elle prenne du moins ces derniers pour boussole.

(3) La question de dominance chez les animaux sociables fausse souvent le jugement des hommes qui oublient que, dans les Sociétés animales, leurs membres n’ont qu’un seul Droit, celui d’être en sécurité (ce qui se limite généralement à être en sûreté et à pouvoir manger). Les priorités ou les exclusivités que peuvent avoir les dominants dans certains domaines ne compromettent pas la Sécurité des autres individus et ne sont donc pas une atteinte au Principe d’Égalité.

(4) C’est donc chez l’Homme que les choses seront toujours le plus complexes, puisque, au-delà des capacités physiques de l’espèce et de la Société, interviennent encore des capacités morales qui, si elles le grandissent, peuvent aussi l’enorgueillir, l’égarer et lui faire perdre de vue les Principes.

(5) Certains Citoyens peuvent participer à la vie de la Cité en étant guerriers (soldats ou policiers), en remplissant de façon permanente le Devoir de défendre la Cité et leurs Concitoyens. Mais, s’ils dispensent leurs Concitoyens accaparés par d’autres tâches de remplir ce Devoirs en permanence, nul n’en est dispensé dans les circonstances extraordinaires.

(6) Les personnes pleines de bonnes intentions qui ne sont pas parvenues à ce stade de la réflexion, car elles raisonnent toujours en capitalistes et non d’après les Principes de l’ordre social, sont incapables d’envisager mieux que des taxes et une redistribution de leur produit ou un revenu minimum universel (sous quelque nom et forme que ce soit) ou encore le financement des activités sociales relevant aujourd’hui du bénévolat. Elles ne veulent pas l’Égalité entre les Citoyens, concepts qui les dépassent, mais moins d’inégalités entre les individus, au nom de la l’Équité, principe illusoire à l’origine de l’échange monétaire. Mais qui ne voit pas que les mots pompeux et vagues tels que Équité, Dignité, décence, etc. lient les droits à la monnaie, nient inconsciemment qu’ils doivent être conférés par la Citoyenneté seule, et cautionnent en définitive l’inégalité, l’exploitation, la violation des Droits du Citoyen, dont le premier d’entre eux, celui de profiter également des bienfaits de la Cité ?

(7) Nous parlons ici de commerçants au sens propre, mais toute entreprise individuelle ou collective sera en fait dans le même cas : elle aura, selon sa catégorie et son potentiel humain, des résultats minimums de vente (non de production) à atteindre, des résultats d’un niveau prouvant à la Cité la réalité et l’utilité de son activité, des résultats que l’usage des Cartes civiques permettra à la Cité de contrôler automatiquement. Lorsqu’une entreprise les atteindra, les Cartes civiques de tous ses employés seront validées. (Bien sûr, nous simplifions.) Dans le cas contraire, tous ses employés seront sanctionnés également. Ainsi la Cité ne contrôlera pas l’activité individuelle des Citoyens, mais celle des entreprises auxquelles il appartiendra de gérer leur personnel et leurs efforts.

(8) Largent engendre la monnaie ; les hommes naissent dans le système monétaire et utilisent la monnaie sans se poser de questions ; cette utilisation façonne leur mode de raisonnement et leur inculque Largent ; au final, leur esprit est formaté par Largent, ils pensent et voient le monde à travers lui et ne peuvent pas le concevoir sans lui. Ainsi, même lorsqu’ils envisagent un système non-monétaire dont Largent serait a priori éradiqué, ils reproduisent inconsciemment les schémas du système monétaire. Le troc réduit les Citoyens à de simples individus. Largent oblige à échanger entre individus et à établir des équivalences (de valeur) entre les choses. La monnaie lie le droit d’accéder au marché à des unités, passe de mains en mains, limite arbitrairement le pouvoir d’achat, met à prix toute chose et impose l’inégalité. Aussi, les principaux réflexes ou préjugés monétaires consistent à négliger la dimension sociale des individus, à croire qu’il doit y avoir échange de droits entre individus, à vouloir lier le pouvoir d’achat à autre chose que la Citoyenneté, à limiter celui-ci par un système artificiel d’unités ou de rationnement, à introduire d’« heureuses » inégalités, etc. Toutes les objections contre l’Égalité et la Carte civique, toutes les incompréhensions à leur sujet et tous les systèmes soi-disant alternatifs au capitalisme autre que la Cité sont fondés sur des préjugés de ce genre, des préjugés dits monétaires ou capitalistes.

 A lire en complément : Le vrai libéralisme

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11:53 Écrit par Philippe Landeux dans 4. BASES DU CIVISME | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : carte, civique, cité, largent, argent |  Facebook | |  Imprimer |

samedi, 02 juillet 2011

LE VRAI LIBERALISME

REDIF

Une philosophie économique vantée et surtout adoptée par une société doit être profitable d’un point de vue général et particulier et intégrer le fait que les acteurs économiques (producteurs et consommateurs) sont des citoyens, sous peine de bafouer leur citoyenneté, violer leurs droits, anéantir l’Egalité et finalement ériger un système antisocial. Or nous savons que la négation de la citoyenneté dans le système monétaire est moins une démarche volontaire des hommes qu’une conséquence inéluctable de Largent. Le vrai libéralisme — par opposition au capitalo-libéralisme, c’est-à-dire au libéralisme faussé par Largent — doit donc être pensé dans le cadre d’une société et d’un système non-monétaire dans lequel les individus tiennent tous leurs droits de la citoyenneté, laquelle se mérite par l’accomplissement de devoirs envers la cité.

C’est parce qu’ils sont citoyens, parce qu’ils ont participé à la vie de la cité, selon ce qu’elle considère comme une participation, que les citoyens ont le droit de profiter de ses bienfaits et d’accéder au marché. (Les biens qu’ils retirent du marché sont évidemment leurs propriétés.) Ce droit d’accès, conféré directement par la citoyenneté,  est égal pour tous et en théorie illimité, ou indéfini. Dans ces conditions, la Demande, la somme des désirs individuels, est optimale et en théorie infinie ; elle ne peut jamais être entièrement satisfaite. L’Offre de biens, de services et d’emplois est donc stimulée au possible, et comme les individus ont besoin de travailler pour être citoyens (qui ne l’est pas n’a aucun droit), tous travaillent et pourtant de nombreux emplois restent à pourvoir. La production est à son maximum et tend vers la qualité qui seule guide désormais le choix des consommateurs.

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Les citoyens sont bien sûr libres de choisir leur emploi, dans la mesure de leurs talents et des places. En revanche, en contrepartie des droits que le fait de travailler et d’être citoyens leur assure, la cité leur fixe des résultats minimums à atteindre, des résultats en terme de « vente » ou nombre de clients (non en terme de production) afin de s’assurer de la réalité et de l’utilité de leur activité. A vrai dire, ce ne sont pas les individus qui ont des résultats à atteindre, mais les entreprises. Le principe ne semble s’appliquer aux individus que dans le cas des entrepreneurs indépendants. Tout citoyen a d’ailleurs la possibilité de créer son entreprise ; il lui suffit d’avoir un projet pour que la cité lui permette de réunir les moyens nécessaires (ce qui est différent de les lui fournir). A l’entreprise, ensuite, de gérer son activité (embauche, licenciement, organisation, innovation, stratégie, etc.) et d’atteindre au moins les résultats escomptés sous peine de sanctions voire de liquidation. Ce système permet à la cité d’explorer toutes les pistes, de déjouer les escrocs, d’abréger les expériences malheureuses, de couper les branches mortes, d’inciter les entreprises à s’adapter, mais aussi, à l’occasion, de soutenir les activités déclinantes qui lui tiennent à cœur.

Les citoyens ayant la liberté d’entreprendre, il va de soi qu’il n’y a pas de monopole, que les entreprises sont en concurrence, qu’elles doivent donc donner le meilleur d’elles-mêmes soit par orgueil soit par prudence. Cette concurrence n’oblige pas les entreprises à bâcler le travail, à exploiter leurs employés, à rogner sur les mesures de  sécurité : elle est positive pour les consommateurs auxquels sont présentés des biens et services de qualité en abondance, positive pour la cité dont l’appareil productif fonctionne sans qu’elle ait besoin d’intervenir, et sans dommage pour les employés qui travaillent dans les meilleures conditions (l’entreprise n’ayant aucune raison de lésiner) et dont les droits sont à l’abri de la citoyenneté.

Enfin, les entreprises peuvent viser soit le marché intérieur soit le marché extérieur. Lorsqu’elles exportent vers des pays monétaires, ce n’est pas pour faire du profit, elles n’en ont pas besoin, mais toujours pour satisfaire les exigences de la cité en nombre de clients. Elles vendent néanmoins leurs produits et remettent à la cité l’essentiel de leurs recettes. Ainsi, la cité qui, en interne, fonctionne sans monnaie, dispose d’un trésor pour importer des produits étrangers (lesquels sont donc accessibles gratuitement pour les citoyens) et régler les frais de voyage de ses citoyens. (Il y a d’autres façons pour elle de procéder aux échanges internationaux ou de se procurer de la monnaie.) La cité n’est pas coupée du monde ! Elle est même une puissance mondiale ! Aucun pays monétaire ne peut rivaliser avec elle sur aucun plan ! Elle connaît le plein emploi, rien ne peut déstabiliser son économie, ses entreprises sont à la pointe du progrès, ses produits sont de la plus haute qualité et les moins chers du marché, ses citoyens sont les plus égaux, les plus libres, les plus prospères et, de ce fait, les moins frustrés et les moins matérialistes de l’histoire de l’Humanité, son prestige est sans pareil.

Pour revenir aux exportations, il n’y a pas de dogme en la matière : la cité peut les autoriser sans restriction, fixer des quotas, les interdire ; elle peut obliger une entreprise à exporter tout ou partie de sa production (pour renflouer ses finances) voire à la donner à des destinataires étrangers ; elle peut exercer un droit de préemption pour troquer cette production avec un autre état, comme cela se pratique déjà ; c’est selon la nature des produits et ses intérêts du moment. Quoi qu’elle décide, les entreprises, les employés, en un mot ses citoyens n’y perdent rien. Ils travaillent pour elle en premier lieu : ils font ce qu’ils veulent tant qu’elle se tait ; ils obéissent quand elle  parle ; ils jouissent de leurs droits individuels dans tous les cas, ce qui est bien la finalité de toute société pour les individus.

Ce système respecte tous les principes de l’ordre social : il est égalitaire et libéral, mais c’est du libéralisme sans capitalisme. Il met un terme aux faux débats qui déchirent la droite et la pseudo gauche.

L’Homme ou Largent. Il n’y a plus à se demander qui doit être au centre du système. Largent — auquel l’Homme est fatalement soumis quoiqu’il se prenne pour le maître — n’est plus : l’Homme (les citoyens) reste seul dans la place. Il n’est pas seulement le centre des considérations, il est tout : l’origine, le moyen et le but de la cité.

Inégalité sociale ou égalité naturelle. Il n’y a plus à se demander si les hommes sont égaux ou si l’inégalité est justifiée, si une certaine inégalité est nécessaire voire inévitable : les hommes sont et demeurent naturellement différents ; les citoyens doivent être égaux en droits, et le sont dans la cité puisque la citoyenneté confère les mêmes à tous.

Salaire minimum ou négocié. Il n’y a plus rien à négocier de ce point de vue entre l’employé et l’entreprise, et le minimum est le maximum pour tous. Il n’y a qu’un salaire : la citoyenneté et tous les droits qui vont avec (dont celui d’accéder au marché).

Solidarité ou individualisme. Il n’y a plus à balancer entre une fausse solidarité qui perpétue l’exploitation et engendre des parasites et l’individualisme dont les excès ou les limites appellent la solidarité. Les citoyens, ayant rempli leurs devoirs, jouissent de leurs droits : ils ont tout ce dont ils ont besoin. Les parasites n’ont droit à rien, sinon au mépris public : ils n’ont plus qu’à plier bagage ou retrousser leurs manches.

Retraite par répartition ou capitalisation. Il n’y a plus de cotisations à verser sa vie durant à l’Etat ou à un organisme privé pour ensuite percevoir une pension de misère. Les droits dépendent de la citoyenneté, et un retraité est un citoyen qui a rempli ses obligations économiques envers de la cité et peut arrêter de travailler s’il le souhaite, sans rien perdre de ses droits.

Nationalisation ou privatisation. Il n’y a plus d’entreprises publiques ou privées : toutes sont à la fois publiques dans leur mission et privées dans leur gestion. Il n’y a ni planque ni galère. Les employés ne sont ni des fonctionnaires ni des esclaves ; ce sont des citoyens qui garantissent leur emploi et leurs droits en remplissant, au sein de leur entreprise et sous son autorité, leurs devoirs envers la cité.

Syndicat ou patronat. Il n’y a aucune différence aux yeux de la cité entre le patron, l’entrepreneur, le directeur et les employés : tous sont l’entreprise, tous sont citoyens, tous sont solidaires pour le meilleur et pour le pire. Ils ne se battent pas entre eux ; ils travaillent ensembles. Grèves et syndicats n’ont plus de raison d’être quand les entreprises n’ont plus les moyens d’exploiter les travailleurs et ont au contraire intérêt à les choyer (pour les retenir, plein emploi oblige).

Travail ou capital. Il n’y a plus à favoriser l’un aux dépens de l’autre et de la Liberté, que ce soit au nom de Largent qui n’est plus ou de l’Egalité qui, en posant le problème en termes monétaires, ne saurait être. Les choses ne sont plus mues par « le capital », et pour cause, mais par la volonté des hommes. Les droits des citoyens ne dépendent ni de ce qu’ils possèdent ni d’une quelconque représentation de la propriété, mais de la citoyenneté. Le travail n’est qu’une forme de participation à la vie de la cité, et toutes les activités qui profitent à la cité de quelque manière que ce soit sont reconnues et assurent la citoyenneté aux individus qui s’y livrent.

Propriété des moyens de production privée ou collective. Il n’y a plus à se demander à qui appartiennent les moyens de production que la cité permet aux entreprises de se procurer pour qu’elles servent ses intérêts : ils sont à la cité, comme la production elle-même. Les entreprises qui en sont dépositaires n’en sont propriétaires qu’en apparence, mais une apparence que chacun doit prendre au sérieux : attenter à ces biens revient à attenter au bien public. Seuls peuvent être des propriétés privées les biens que la cité permet aux citoyens de retirer du marché à titre individuel et pour leur usage personnel. Dans tout autre cas, la propriété privée, individuelle, est soit impossible soit aberrante. Ne peuvent accéder au marché que des personnes physiques (les citoyens) et les personnes morales (entreprises, associations, etc.). Un citoyen qui acquiert un bien indivisible pour lui seul (que lui seul utilise, même au profit de plusieurs) ou pour un usage collectif en est propriétaire aux yeux de la cité tant qu’il ne transmet pas son titre à un autre. Lorsqu’il acquiert un lot de biens pour un usage collectif, c’est-à-dire lorsqu’il n’a fait que dispenser les réels destinataires d’acquérir chacun de leur côté le bien qu’ils utilisent personnellement, il en est propriétaire en théorie mais il a renoncé ou transmis sa propriété en pratique : le fait prend le pas sur le droit : ce lot de biens n’est pas une propriété collective mais une somme de propriétés individuelles. Par contre, tous les biens « acquis » par une personne morale, par un groupe de citoyens reconnu par la cité, sont la propriété de la cité : ce n’est pas leur propriété qui est collective, mais au mieux leur usage.

La terre au paysan ou au propriétaire. Il n’y a plus qu’un propriétaire du sol : la cité. Elle ne le cède jamais. Elle en confie des portions aux entreprises pour qu’elles puissent travailler dans l’intérêt général, et aux particuliers pour satisfaire leurs désirs légitimes tant qu’elle n’y voit pas d’inconvénients. Ces portions retournent au domaine public (quitte à être ré-attribuées dans la foulée) dès lors que les intéressés manquent à leur devoir, renoncent à leur activité, sont frappés d’indignité ou décèdent, ou, tout simplement, dès que des intérêts supérieurs l’exigent.

Libre échange, taxation, protectionnisme. Il n’y a plus de « libre échange » qui, tant sur le plan national qu’international, n’a jamais signifié que « liberté d’exploiter, de spéculer et d’affamer ». Les producteurs ont le devoir de mettre leur production sur le marché, à portée des consommateurs libres et égaux. Quoiqu’il n’y ait plus de troc direct ou indirect entre les uns et les autres, vu qu’il n’y a plus d’argent, même un capitaliste doit admettre qu’il en résulte une forme d’échange que l’on pourrait qualifier de « libre consommation ». Cette forme d’échange vaut mieux, sans doute, que celle qui légitime l’accaparement et se rit du malheur public.
Il n’y a évidemment plus de taxes, pas même sur les produits étrangers qui, du simple fait d’être payants pour la cité, sont déjà stigmatisés. Du reste, la taxation n’a jamais été qu’une gêne pour le commerce et un surcoût pour les consommateurs.
Enfin, il n’est pas à exclure que la cité se protège si besoin est — c’est même sa raison d’être —, mais, en l’occurrence, sa meilleure protection sur le plan économique, c’est la qualité supérieure de ses produits et la liberté de ses citoyens. En fait, ce sont surtout les pays monétaires qui doivent se protéger contre une puissance dont les produits sont de qualité pour un prix nul ou dérisoire.

Ecologie ou économie. Il n’y a plus de contradiction entre l’un et l’autre : l’environnement n’est plus sacrifié sur l’autel de Largent. La cité, les collectivités, les entreprises, les citoyens n’ont d’autre limite à leurs pouvoirs que leur volonté. Dès lors qu’ils se préoccupent de l’environnement (La protection de l’environnement tient à deux choses : produire propre, traiter efficacement les déchets.), ils légifèrent et agissent en conséquence. Les bonnes décisions ne sont pas écartées pour préserver des profits ; nul ne rechigne à les appliquer par souci d’économie.

Avoir ou Etre. Il n’y a plus d’obsession de l’Avoir pour des citoyens qui ont accès à tout, même s’ils n’ont envie de rien. Les biens sont toujours nécessaires, mais il n’y a ni mérite ni orgueil à posséder ce qui est à la portée de chacun ; parader et accumuler attirent au contraire les risées. Comblés sur le plan matériel, les citoyens ont, par la force des choses, des préoccupations plus élevées. Eux qui peuvent tout avoir sont aussi modérés et réfléchis que des capitalistes sont matérialistes et excessifs à la première occasion. — Au fond, ce débat renvoie au tout premier : Largent ou l’Homme. La boucle est bouclée.

D’après ses postulats et ses effets, cette conception politico-économique est indubitablement de gauche ; c’est même la seule réellement de gauche. Elle réconcilie les concepts d’Egalité, de Liberté, de propriété, de concurrence, de hiérarchie, d’intérêt général et d'intérêt particulier que Largent dénature et dresse les uns contre les autres. Toute autre ligne est fatalement capitaliste, inégalitaire et liberticide, du moins anti-libérale ou pseudo libérale, en un mot, de droite.

Un sûr garant que cette conception est bien de gauche, au sens historique, est qu'elle accepte la définition que Robespierre donna de la propriété dans sa Déclaration des droits : « La propriété est le droit qu’a chaque citoyen de jouir et de disposer à son gré de la portion de bien qui lui est garantie par la loi. (art. 6) Le droit de propriété est borné comme tous les autres par l’obligation de respecter les droits d’autrui. (art. 7) Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables. (art. 8) »

Cette définition qui ignore Largent est d’autant plus extraordinaire qu’elle émane d’un homme qui ne le remit jamais en cause intellectuellement et qui, d’ailleurs, n’aurait pu lui échapper techniquement. Elle est donc incomplète : elle omet notamment d’indiquer comment un bien devient une propriété légitime dans l’absolu ; elle est absurde ou du moins inapplicable dans un contexte monétaire : la monnaie confère seule la propriété et fausse tout ; mais elle est juste du point de vue des principes de l’ordre social. Robespierre n’a pas plus résolu les contradictions du système monétaire qu’il n’est tombé dans ses pièges ; il les a dépassées pour fixer le but atteindre. Il a reconnu la nécessité et le droit pour les individus de posséder des biens, mais il a fait remarquer, dans le même temps, que la possession n’existe qu’à l’abri de la société, que cette dernière, qui incarne l’ensemble des citoyens, ne peut user de sa force pour assurer aux uns des droits préjudiciables aux droits des autres et donc qu’elle n’a pas à regarder comme la propriété des particuliers les biens qui présentent ce risque par nature ou qui, entre certaines mains, sont devenus un fléau. Un citoyen ne peut posséder que les biens sur lesquels la cité, gardienne de l’intérêt général, lui reconnaît ce droit, et tant qu’elle le lui reconnaît, d’où l’expression « portion de bien qui lui est garantie par la loi ».  Cette définition condamnait autant le capitalo-libéralisme que le communisme ; elle était sociale et libérale ; elle est toujours révolutionnaire.

Philippe Landeux

Voir aussi : Robespierre et le libre échange

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mardi, 23 novembre 2010

DE LA REVOLUTION D'HIER A LA REVOLUTION DE DEMAIN

En mars 2006, un article de Pierre Lance paru dans les 4 Vérités ("La révolution impossible") m'amena à intervenir sur le forum. Un échange fort intéressant s'ensuivit. La discussion dévia d'abord sur la révolution de 1789, et Robespierre en particulier, puis sur la révolution de demain et la Cité telle que le Civisme la conçoit. J'y traite également des questions de l'Egalité, des notions de droit, et bien d'autres sujets.

Je passe sur le premier message rapporté ici.

Je ne rapporte pas non plus les messages qui motivèrent mes interventions, dans la mesure où j'en rappelle le contenu.

 

vendredi 31 mars 2006 04:47

Florent,

A vouloir simplifier, caricaturer & dénaturer la Révolution française, vous vous privez de toutes les leçons qu’elle nous apporte.

Vous avez raison quand vous dites, à votre façon, que les bourgeois voulaient abattre les privilèges des nobles pour en jouir également, sans se soucier du peuple. Cela est vrai de la plupart des bourgeois. Mais pas de tous. Robespierre était de ceux qui, dès la Constituante, défendirent les droits du peuple. Vous le dites idéologue comme vous auriez dit démagogue. C’est pour avoir cru en l’Egalité (des citoyens en droits & en devoirs), pour avoir réclamé l’application des principes contenus dans la déclaration des droits de 1789, pour s’être prononcé pour le suffrage universel, pour l’imposition progressive, pour l’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires, pour l’instruction publique gratuite & obligatoire, pour l’égalité des juifs, contre l’esclavage (quoiqu’il n’ait alors demandé que l’égalité en faveur des noirs déjà libres, ce qui fut accordé puis annulé), contre la peine de mort, &c., que les honnêtes gens de l’époque le peignirent comme un démagogue. Que réclamait-il que nous désavouerions aujourd’hui ?

C’est pour obtenir ce qui pour nous tombe sous le sens qu'il s'est battu presque seul contre tous à la Constituante. Il n’obtint rien, rien de rien, les riches n’ayant pensé qu’à eux. Pourtant, au sortir de la Constituante en 1791, prêcha-t-il une nouvelle Révolution ? Non ! Il pensait que les nouveaux députés (tous devaient être nouveau en raison du décret qu’il avait obtenu contre la rééligibilité des constituants) s’évertueraient à améliorer l’ouvrage de la constituante. Mais les Girondins travaillèrent essentiellement à faire déclarer la guerre à l’Autriche. (Il est notoire que, si la France n’avait pas déclaré la guerre, les rois européens, divisés, n’auraient pas attaqué la France.) Robespierre qui n’était donc plus député, qui n’avait plus pour s’exprimer que la tribune des Jacobins, s’éleva avec force contre ce projet aventureux, alors que les défenses de la France étaient à l’abandon, l’armée, désorganisée par l’immigration des officiers ou la rivalité entre troupes & officiers (tous nobles), d’autant qu’il pensait que « personne n’aime les missionnaires armés » & que le despotisme militaire, que la guerre rend propice, est le pire de tous. Louis XVI qui espérait une défaite (tout étant disposé pour), pressés par les Girondins, fit cependant déclarer la guerre, une guerre qui, très vite, comme le redoutait Robespierre, tourna en fiasco. Pour parer à l’invasion & au rétablissement de la monarchie absolue par des troupes étrangères, les révolutionnaires renversèrent Louis XVI, le 10 août 1792.

De nouveaux députés furent convoqués pour le 21 septembre &, le 22 septembre, la République fut en quelque sorte proclamée par la Convention. Deux jours plus tôt, l’armée & les volontaires avaient arrêté la marche des prussiens à Valmy (je sais, il n’y eut pas vraiment de bataille). Dès les premiers jours de la Convention, les Girondins, qui ont été réélus, mais qui, avant le 10 août, promettaient les républicains au glaive des lois, accusent Paris & sa députation d’aspirer à la dictature. Ils n’ont pas digéré l’opposition de Robespierre à leur projets guerriers. En outre, ils sont les champions de la bourgeoisie & pensent qu’un roi est nécessaire pour assurer les privilèges des bourgeois. En même temps que, par leur propagande, ils dressent les départements contre Paris, ils tentent par tous les moyens de sauver Louis XVI, coupable de haute trahison & dont l’existence est de plus incompatible avec celle de la République. Ils paralysent pendant des mois la Convention par des querelles de personnes. Au peuple qui alors est confronté à la disette, ils répondent « laisser faire, laisser passer ».

En mars 1793, les Vendéens, qui refusent d’être enrôlés, se soulèvent. La politique de la Constituante les avait dégoûté de la Révolution (non pas de la République) ; la guerre & ses besoins les jetèrent dans la contre-révolution & les dressèrent de fait contre la République. La République finit par envoyer des troupes en Vendée ; cette guerre fut terrible, comme toutes les guerres civiles, mais la faute à qui ? (Que ferions-nous aujourd’hui, si, soudain, un département se trouvait ravagé par des bandes de milliers d’individus armés ?) En mars 1793, éclate également la trahison de Dumouriez en Belgique. Chassé par ses troupes, il passe aux Autrichiens, comme La Fayette avant lui. Les Girondins n’avaient cessé de le défendre. Le 2 juin, les Montagnards, soutenus par la commune de Paris, parviennent enfin à débarrasser la Convention des Girondins. Ces derniers sont simplement consignés à domicile. Mais la plupart d’entre eux s’enfuient & vont faire tous leurs efforts pour soulever les départements (qui, comme je l’ai dit, étaient travaillés depuis des mois par leur propagande). Une soixantaine de départements (sur 83) entre en révolte (souvent superficielle) contre la Convention. Les principaux foyers de rébellion sont Lyon, Marseille & Bordeaux. Fin août, Toulon se livre aux Anglais, comme l’année précédente Longwy & Verdun, aux Prussiens. Voilà le climat dans lequel est plongée la France quand les Montagnards (dont Robespierre est en quelque sorte le chef, je dis bien en quelque sorte seulement) se retrouvent au pouvoir. C’est pour assurer la défense nationale, contre les ennemis de l’extérieur & de l’intérieur, qu’ils sont au pouvoir &, de fait, c’est à cela qu’ils vont consacrer l’essentiel de leurs efforts. En d’autres termes, ils durent gérer une situation non seulement créée par d’autres mais qu’en plus ils n’avaient pas voulu.

Ce sont les guerres étrangère & civile qui imposèrent la mobilisation (2 millions d’hommes en théorie), les réquisitions, la centralisation, la défiance, la Terreur, &c. Contrairement aux idées reçues, les Jacobins, les vrais Jacobins, ceux qui partageaient les idées de Robespierre, n’étaient pas partisans de la centralisation. Mais, confrontés aux réalités de la guerre, ils s’adaptèrent & firent tout ce qui était nécessaire pour la gagner. Eux, des idéologues ! Ils étaient tout autant hostiles à ce que l’on appelle aujourd’hui le libéralisme qu’au collectivisme. C’étaient, pour l’époque, ce que l’on appellerait aujourd’hui des socialistes, mais des socialistes avec des principes, du bon sens & des couilles. Avec des hommes de cette trempe, la France n’aurait jamais capitulé en 39 & ne se vautrerait aujourd’hui dans le gauchisme. A dire vrai, si la gauche aujourd’hui au lieu de se réclamer vaguement de la Révolution savait que les révolutionnaires avaient le sens du devoir & de la patrie, elle les traiteraient de fascistes.

 Que penseraient-ils, eux qui ne concevaient pas qu’un domestique (c’est-à-dire un esclave volontaire, un larbin, un individu qui n’apporte rien à la cité) ait des droits politiques, face à l’idée agiter aujourd’hui d’accorder le droit de vote aux étrangers ? Que penseraient-ils, eux qui baptisèrent « hymne de la liberté » un chant de guerre commençant par « allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivé », de tout ces bien pensants prout-prout qui voudraient modifier ces fières & chaleureuses paroles ? Que penseraient-ils, eux pour qui tout citoyen devait défendre sa patrie, devant la suppression du service national dont tous les gauchistes se réjouissent ? Que penseraient-ils de nos lois qui, non contentes d’interdire aux « citoyens » de se défendre leur imposent de respecter leurs agresseurs, eux qui, avec Robespierre, déclaraient que « quand la garantie sociale manque à un citoyen, il rentre dans le droit naturel de défendre lui-même tous ses droits » (21 avril 1793). On pourrait continuer ainsi longtemps, on arriverait à la même conclusion : les gauchos d’aujourd’hui ne sont en rien les héritiers des révolutionnaires d’hier.

Je m’arrête ici. J’espère avoir détrompé certains d’entre vous sur le compte des révolutionnaires dont, au lieu de souiller la mémoire pour faire pendant aux gauchistes qui la souillent à leur manière, on ferait mieux de raviver le souvenir & de lire les discours.

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux

 
Voici quelques extraits de discours de Robespierre :

« J’accuse Cloots d’avoir augmenté le nombre des partisans du fédéralisme. Ses opinions extravagantes, son obstination à parler d’une République universelle, à inspirer la rage des conquêtes, pouvaient produire le même effet que les déclamations & les écrits séditieux de Brissot & de Lanjuinais. Et comment Cloots pouvait-il s’intéresser à l’unité de la République, aux intérêts de la France ; dédaignant le titre de citoyen Français, il ne voulait que celui de citoyen du monde. » (12 décembre 1793)

« Ainsi tout ce qui tend à exciter l’amour de la patrie, à purifier les mœurs, à élever les âmes, à diriger les passions du cœur humain vers l’intérêt public, doit être adopté ou établi par vous. Tout ce qui tend à les concentrer dans l’abjection du moi personnel, à réveiller l’engouement pour les petites choses & le mépris des grandes, doit être rejeté ou réprimé par vous. Dans le système de la Révolution française, ce qui est immoral est impolitique, ce qui est corrupteur est contre-révolutionnaire. » (5 février 1794)

« Il y a deux sortes d’égoïsme ; l’un, vil, cruel, qui isole l’homme de ses semblables, qui cherche un bien-être exclusif acheté par la misère d’autrui : l’autre, généreux, bienfaisant, qui confond notre bonheur dans le bonheur de tous, qui attache notre gloire à celle de la patrie. Le premier fait les oppresseurs & les tyrans : le second, les défenseurs de l’humanité. » (7 mai 1794)


samedi 01 avril 2006 13:17

Quand je vois comment vous vous déchirez, comment vous confirmez avec éclat ce que j’ai écrit plus haut, je ne puis m’empêcher de vous le remettre sous les yeux :

« Au fond, les idées sociales n'ont pas encore évolué depuis 1789. Malgré les deux siècles écoulés, nous en sommes toujours à l’affrontement Girondins / Montagnards-Jacobins, partisans de la Liberté ou du libéralisme / partisans de l’Egalité version socialiste ou communiste. Les premiers ne veulent pas comprendre que la Liberté ne va pas sans l’Egalité, les seconds, que l’Egalité ne va pas sans la Liberté, les uns & les autres, que Liberté & Egalité sont de vains mots sous Largent. Le libéralisme aujourd’hui est en fait du capitalo-libéralisme. Qui ne voit, en effet, que les résistances opposées au soi-disant « libéralisme » sont dues aux conséquences financières qu’engendre pour les uns la « liberté » des autres. Qui, inversement, ne voit que socialisme & communisme ne font que proposer, au nom de l’Egalité, des solutions pour endiguer les inégalités économiques ou financières inhérentes au capitalisme (Largent), solutions qui non seulement sont incapables de réaliser l’Egalité ou de résorber les inégalités, mais dénaturent le concept même d’Egalité. »

Que ceux qui, au nom de la Liberté, conseillent de jouer en bourse à ceux qui, au nom de l'Egalité, veulent que les employés soient payés davantage, que ceux qui prônent le capitalo-libéralisme & ceux qui voient la panacée dans l'Etat providence, ouvrent donc les yeux. Chacune de ces positions est légitime en soi. Mais le système monétaire les rend incompatibles & empêche que ces conceptions satisfassent en pratique l’intérêt de tous. Comme chaque camp rencontre des résistances légitimes, chacun durcit sa position & tombe dans des excès. Pour être citoyens ou concitoyens, les individus doivent être égaux en devoirs & en droits. L’égalité en droits, & par conséquent en devoirs, étant impossible sous Largent, chacun selon qu’il est plus sensible aux accents de la Liberté ou de l’Egalité qui sont pourtant inséparables, accorde davantage son attention aux devoirs ou aux droits puis finit par ne plus penser qu’en termes de devoirs ou en termes de droits. Ceci est particulièrement flagrant pour la gauche qui a proscrit le terme « devoir » de son vocabulaire, comme un concept fascisant, & ne parle plus que de droits qu’elle distribue comme des bonbons, oubliant qu’il faut bien que quelqu’un les génère & que, dans un système monétaire, les droits passant par la monnaie, les droits des uns représentent du fric prit à d’autres. A droite, c’est presque l’inverse. L’attachement aux devoirs finit, face à l’opposition de la gauche, par étouffée l’attention due aux droits. En fait, il n’est même plus question de devoirs, on n’est plus obsédé à droite que par l’individualisme & le fric. Dès lors, les notions de devoirs & de droits sont dénaturées un coup par la gauche, un coup la droite. Occupés à se disputer le pactole, à proposer chacun leur solutions financières qui se résument à des jongleries stériles, chacun se plie aux lois de Largent qui divise les hommes & règne aujourd’hui sur eux de manière incontestable ; plus personne ne se soucie des principes de l’ordre social & du sens de la citoyenneté. Or que sont les problèmes d’ordre social sinon la conséquence de l’ébranlement des fondamentaux de la société ?

Un citoyen est un individu qui, comme tous ses concitoyens, a les devoirs de participer à la vie de la cité, selon ce que la cité considère comme une participation, d’être solidaires de ses concitoyens, de se plier aux lois de la cité & de défendre celle-ci, en retour de quoi il est reconnu citoyen & a, en tant que tel, le droit de jouir de tous les bienfaits de la cité. Je ne sais pas si, après cette simple définition (qui mériterait certes des éclaircissements), vous mesurez combien le terme citoyen est aujourd’hui vide de sens, à quel point les principes sont bafoués, combien il y a de distance entre ce qui est & ce qui devrait être ; je ne sais si vous percevez les lacunes du système actuel, si vous faites le lien entre ces lacunes, les erreurs qui ont été faites & les maux qui nous accablent, si vous sentez comment il faudrait réagir, mais, pour ma part, je soutiens qu’il faut revenir aux définitions, au B. A. B.-A. de l’ordre social si l’on veut avancer & construire solide au lieu de continuer, comme nous le faisons depuis deux siècles, à nous satisfaire de mesurettes & à nous complaire dans de petites disputes au nom de grands principes creux, sans aucun résultat.

A bon entendeur,

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux


samedi 01 avril 2006 21:07

Petites précisions, Jean-Claude,

Vous dites : " les nobles, eux, outre qu'ils ont su mourir dignement sous le couperet de la gullotine ou émigrer en laissant le champ libre,avaient auparavant voté l'abolition de leurs privilèges. " Vous parlez de la nuit du 4 août 1789 provoquée par le soulèvement des campagnes que l'on appelle la grande peur. C'est à la lueur des châteaux en flamme & des geux en armes que les nobles ont renoncé à leur privilèges... du moins en apparence. Car la nuit du 4 août ne fut au fond que de la poudre aux yeux. Les nobles renoncèrent à certains privilèges abusifs & dérisoires, mais, par la suite, tous les "droits" utiles aux riches (nobles ou bourgeois) furent décrétés rachetables. En d'autres termes, les victimes d'abus, pour ne plus en être victimes, devaient indemniser le coupable, & ce dans des proportions telles que cela leur était souvent impossible. En fait, les privilèges ne furent véritablement abolis & sans indemnités que le 17 juillet 1793.

Vous dites encore " Rappelons-nous que, finalement, pendant la Terreur, c'est finalement la racaille qui avait intronisé les Marat, Danton, Robespierre et la guillotine. Les "modérés" sont toujours emportés par la tourmente... " Rappelons-nous surtout que la peine de mort fut maintenue par la Constituante (composée de nobles & de ce que vous appelez bourgeois modérés) contre l'avis, entre autres, de Robespierre, & que la guillotine fonctionna pour la première fois le 25 avril 1792, c'est-à-dire durant la Législative dominée par les Girondins, 5 jours après que ceux-ci soient parvenus à entraîner la France dans la guerre (soi-disant pour conjurer le péril des émigrés). Ce sont ceux que vous appelez modérés qui ont plongé la France dans la guerre & la guerre civile & qui firent la réaction qui fit peut-être autant sinon plus de vicitmes que la Terreur elle-même. Bel exemple de modération ! Vous oubliez que les modérés qui n'ont de modéré que le nom sont toujours emportés par les tourmentes qu'ils déclenchent eux-mêmes ! Sachez également que vous désignez par racaille les gens ordinaires : ouvriers, employés, petit propriétaires, &c. La racaille de l'époque, comme celle d'aujourd'hui, n'était pas politisée.

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux



dimanche 02 avril 2006 12:03

Jacques,

Vous dites : « Sachant qu'une plus grande richesse générale ne peut être réalisée que par une plus grande "inégalité" de répartition de la "richesse", à quel niveau l'équilibre doit-il se réaliser et y a-t-il un équilibre naturel? »

Avant de vous répondre, je vous rappelle ce que j’ai dit plus haut : « je ne crois pas que les « Robespierristes » auraient pu atteindre leur but, ce pour trois raisons : 1) il n’était pas clair dans leur tête, 2) l’heure n’était pas à l’Egalité des citoyens mais à la domination de la bourgeoise, c’est-à-dire l’aristocratie de Largent, 3) Largent & l’Egalité sont incompatibles, ce dont ils n’avaient pas conscience, d’où la première raison. » La seconde raison n’est plus d’actualité (sur le plan historique), mais les deux autres nous concernent & nous éclairent sur notre propre situation. Nous sommes atteints de la même cécité que les robespierristes qui, avec 200 ans d’avance, avaient des excuses que nous n’avons plus.

Pour en venir donc à votre réflexion, il est impossible de traduire l’égalité en droits de façon financière, car, dans un système monétaire, les droits passent par la monnaie & il est impossible que la masse monétaire se répartisse également entre les individus composant ce que l’on appelle la « société ». Mais ce n’est pas parce que l’égalité est en soi impossible qu’elle est impossible dans un système monétaire ; c’est uniquement parce que notre système est monétaire. Les rares droits qui, aujourd’hui, ne passent pas par Largent sont égaux pour tous les « citoyens ». C’est le cas du droit de vote. Remarquons d’ailleurs qu’il n’y a pas si longtemps, ce droit aussi était assujetti à la fortune. Hé bien ! l’arbitraire qui avait assujetti ce droit à la fortune préside encore aujourd’hui pour tous les autres droits. Il ne peut en être autrement dans un système monétaire. Toute la question est de savoir à quoi l’on s’attache : à Largent ou aux principes de l’ordre social ? On ne peut servir deux maîtres à la fois.

Vous dites encore : « Et puis on semble toujours ramener l'inégalité à une question d'argent (cf Jaurès) alors que c'est l'inégalité du bonheur/bien être individuel qui est plus importante. » David Martin vous fait écho en disant : « L'argent n'est pas tout, la qualité de vie l'est aussi. » Ces réflexions n’ont pas de sens. La rôle de la Société est de maintenir les Citoyens dans l’égalité en Devoirs & de garantir leur égalité en Droits. Son souci, c’est la justice ; le bonheur des individus, qu’elle serait bien en peine de définir, ne la concerne pas. Cela dit, il y a fort à parier que les individus sont plus heureux quand ils jouissent de leurs droits que quand ils en sont privés, à moins bien sûr de soutenir qu’un homme est plus heureux en étant esclave qu’en étant libre. Quoique je ne partage pas les positions de Jaurès qui, en la matière, commet l’erreur de base que j’ai signalée plus haut & s’acharne à poursuivre le miroir aux alouettes, il a raison de tout ramener à Largent comme vous avez tort de sous-estimer son rôle. C’est le propre des capitalo-libéraux de tout ramener à l’individu. Mais les individus évoluent dans un contexte & ce contexte est aujourd’hui monétaire. Nous avons parler de l’impact direct de Largent au niveau des droits individuels, mais croyez-vous que Largent n’a pas des conséquences sur le contexte & donc sur les individus eux-mêmes. Quand une entreprise pollue pour faire du profit, au mépris de l’environnement & des populations, cela ne touche-t-il pas les individus ? Quand l’Etat cautionne la monnaie, c’est-à-dire un moyen d’échange sans odeur ni moralité, valide entre toutes les mains, valide entre les mains de voleurs, n’encourage-t-il pas les individus sans moralité à dépouiller les gens honnêtes ? Est-il déjà oublié l’épisode exemplaire des Barbares qui ont torturé à mort un homme au nom de Largent ? Je veux croire que cet homme est plus heureux là où il est maintenant que nous qui sommes toujours là, mais je ne suis pas sûr que ce soit ce que vous entendiez par « bonheur » !

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux


lundi 03 avril 2006 12:23

Jacques,

Je n’ai pas le temps de vous répondre aujourd’hui, je le ferai demain.

Jean-Claude Lahitte,

« Contrairement à ce que vous écrivez, la noblesse a voté l'abolition de ses privlèges non pas parce que les campagnes étaient à feu est à sang, mais simplement dans l'euphorie qui avait suivi la réunion des Etats-Généraux. » Je ne nie pas que la nuit du 4 août ait existé, que ce fut un moment d’euphorie (plus ou moins sincère), mais la Révolution ne s’est pas arrêtée au 4 août. Il y eut un 5 août, un 6 août, &c. Or dans les jours qui suivirent la nuit du 4, les intentions qui avaient été annoncées durent être converties en décrets. Si les droits sur les personnes (qui au fond ne représentaient plus rien) furent bien abolis, les « droits » disons « économiques » furent maintenus & décrétés rachetables. Comme je l’ai dit, ce n’est que le 17 juillet 1793 que ces « droits » furent abolis sans indemnité. Ce n’est pas de la propagande, ce n’est pas de la philosophie, c’est l’Histoire.

« Et ce n'est pas la noblesse qui dirigeait la Constituante ou elle était en minorité mais bien plutôt le Tiers-Etat. » C’est vrai, mais quel tiers ? Les bourgeois qui, pour la plupart, méprisaient le peuple autant que les nobles.

« Quant à Robespierre, on lui doit bien le summum de la terreur... » Outre qu’en disant cela vous conférez à Robespierre un pouvoir qu’il n’a jamais & lui imputez des actes qui, non seulement ne furent pas les siens, mais furent celui de ses ennemis personnels (je pense à certains représentants en mission, Fouché, Tallien, Barras, et aux membres du Comité de sûreté générale, Vadier, Amar, Louis du Bas Rhin, Jagot, &c.), vous oubliez une fois de plus que la Terreur fut la conséquence de circonstances créées contre l’avis même de Robespierre. C’est un peu comme si demain on tenait pour responsable celui ou ceux qui dirigeront le parti de la France dans la guerre civile que nos gentils gauchistes, à force de jouer les autruches ou les citoyens du monde, nous préparent aujourd’hui. Le problème, avec Robespierre, c’est que tous les partis ont eu intérêt à raconter n’importe quoi sur son compte & à tout lui mettre sur le dos. Les événements même de la révolution ont été déformés pour accréditer leurs fables. Robespierre n’était pas un homme sanguinaire, tout le contraire. Il avait un grand prestige depuis la Constituante, mais, en l’an II, il partageait le pouvoir avoir d’autres, jaloux de son prestige & pas forcément d’accord avec ses idées. Comme je l’ai déjà dit, il s’était opposé à la déclaration de guerre, mais, une fois déclarée, il fit tout ce qui était en lui pour la gagner, ni plus ni moins. C’est ce qui le divisa d’avec Carnot, qui voulait prolonger la guerre même une fois le territoire national libéré, comme c’était le cas à l’époque du 9 thermidor. (Faut-il signaler que ce sont les guerres prolongées qui, comme l’avait craint Robespierre, ouvrirent la porte au césarisme ?) …

Enfin, je ne vais pas ici vous exposer toute l’histoire de la Révolution & de Robespierre, mais elle est bien loin de l’image d’Epinal que vous en avez. Je vous dirais seulement que, quand vous parlez de la Révolution, on dirait notre Jaurès parlant de l’immigration.

Salut & Fraternité quand même !

Philippe Landeux

mardi 04 avril 2006 14:21

Salut Jacques,

Vous faites le même genre d’erreur que les communistes qui ne veulent pas voir que leur système est bancal à l’origine & que toute tentative d’application est vouée à l’échec. Vous dites : « Dans un pays libéral le principe du contrat libre élimine la présence d'argent chez les voleurs. L'argent volé n'appartient pas aux voleurs, qui doivent le restituer + compensation pour les coûts de restitution (police, justice, intérêt, etc). Ce n'est pas parce qu'une application d'un principe est imparfaite que le principe n'est pas valable. » Tout d’abord, vous oubliez que, dans un système monétaire, il n’y a pas de vrai libéralisme, que ce que vous appelez « libéralisme » n’est jamais que du « capitalo-libéralisme », c’est-à-dire un libéralisme dont les principes sont faussés par les lois de Largent. Ensuite, vous prétendez que, parce qu’il est interdit de voler (seule certaines formes de vol sont d’ailleurs interdites), il est en théorie impossible de voler. C’est ici que vous rejoignez les communistes. Allons ! à qui espérez-vous faire croire que, quelle que soit l’organisation politique &/ou économique, Largent, tant qu’il existe, peut cesser d’avoir une influence funeste sur les rapports sociaux & les choses ?

« Ce n'est pas parce qu'une application d'un principe est imparfaite que le principe n'est pas valable. » Mais savez-vous au moins de quel principe il s’agit ? Pour moi, Larent n’est pas seulement la monnaie. Mais si nous parlons de la monnaie, qu’est-elle ? C’est un étalon de la valeur marchande & un moyen d’échange, de paiement ou d’achat, c’est-à-dire un moyen d’accéder au travail d’autrui (sous forme de services ou de biens).

C’est un moyen d’échange que les individus se procurent, en théorie, par l’échange de leur propre travail. Sur le plan théorique, la monnaie repose donc sur des principes fondamentalement anti-sociaux. Pourquoi ? Parce que la monnaie dont les individus se servent pour accéder au marché (de la « société ») ne prend pas en compte & étouffe la dimension sociale des individus & des droits. Ce n’est pas en tant que citoyen, c’est-à-dire en tant qu’individu ayant rempli ses devoirs envers la cité, notamment le devoir de participer à la vie de la cité, ce n’est pas en tant que citoyen, dis-je, qu’un individu à la droit d’accéder au marché de la cité & de jouir, comme tous ses concitoyens, de ses bienfaits, mais en tant que détenteur d’une certaine somme d’unités monétaires. En fait, dans un système monétaire, les droits ne sont pas attachés aux individus mais à la monnaie. Les droits des « citoyens » ne résident pas dans l’accomplissement de devoirs envers la cité ; ils sont incarnés & contenus dans la monnaie. Les droits des individus n’est pas en rapport avec ce qu’ils font ; ils dépendent uniquement de la monnaie qu’ils ont, quels que soient les moyens, légitimes ou non, par lesquels ils se la sont procurée. C’est la raison pour laquelle « l’argent n’a pas d’odeur ». Cette expression n’est pas de moi. C’est le constat d’une réalité dont il serait temps de réaliser le tragique.

Je n’ai pour le moment abordé que l’aspect théorique de la monnaie. Mais il n’est pas difficile d’en voir les conséquences pratiques immédiates & éternelles. La monnaie incarne les droits des individus & c’est un moyen d’échange qui S’ECHANGE. Les droits que la monnaie incarne passent donc en permanence d’un individu à un autre, ce qui confirme ce que j’ai dit plus haut, savoir que les droits ne sont pas attachés à la citoyenneté. Théoriquement, les droits circulent au gré des échanges commerciaux. Mais, étant volatiles & anonymes, alors qu’ils sont par ailleurs indispensables pour tout un chacun, rien n’empêche que certains s’en emparent d’une manière ou d’une autre. Même si la loi condamne certaines pratiques (pas toutes, loin s’en faut), il n’en demeure pas moins que la monnaie ainsi obtenue permet aux individus qui s’en sont emparés, de jouir des droits qu’elle incarne. Contre cela, il n’y a rien à faire. L’utilisation exclusive de cartes de crédits (ce vers quoi nous tendons) & la virtualisation de la monnaie permettront certes d’éliminer certaines fraudes & la délinquance sous certaines formes, mais la monnaie offrira toujours des prises pour dépouiller les individus des droits que les unités monétaires dont ils disposent leur confère.

Il faut d’ailleurs penser que la monnaie repose sur la notion de valeur. De ce fait, les biens qui ont eux-mêmes de la valeur représentent aussi de la monnaie, plus exactement des droits (droit d’accéder au marché), de sorte que le vol ne concerne pas seulement la monnaie mais aussi & surtout les biens.

Il serait bon également de remarquer que, avec la monnaie, les droits s’épuisent à mesure qu’ils sont exercés. Acheter (pour un retirer un droit de propriété) ou payer (pour, dans le meilleur des cas, en retirer en droit tout court), revient à se dépouiller de ses droits. Ainsi, en début de mois, un individu a autant de droits que ses revenus lui en assure en début de mois &, ayant payé tout au long du mois, n’a plus ou presque plus de droits en fin de mois. Les droits d’un « citoyen » étant inégaux selon le moment, il ne devrait même pas être besoin d’aller plus loin pour comprendre que l’égalité en droits entre tous les « citoyens » est par nature impossible dans un système monétaire. Mais je reviendrais après sur la question de l’inégalité. Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que, lorsqu’il est reconnu des droits à un citoyen, parce qu’il s’acquitte de devoirs, ses droits n’ont pas à s’épuiser lorsqu’il les exerce. Ce n’est pas parce que l’on vote à une élection, que l’on n’a plus le droit de voter aux suivantes. Voter est un droit attaché à la « citoyenneté » (plus exactement, à la nationalité, le problème étant qu’aujourd’hui la nationalité s’obtient sans mérite) & les individus en jouissent tant qu’ils sont citoyens. Tel devrait aussi être le cas pour le droit d’accéder au marché (droit qu’incarne aujourd’hui la monnaie). Ce droit qui permet de jouir des bienfaits de la « cité » s’acquiert en théorie en participant à la vie de la cité (la citoyenneté n’est donc jamais acquise définitivement mais doit se mériter en permanence). C’est la cité qui, en reconnaissant le citoyenneté d’un individu, lui confère le droit d’accéder, droit dont l’individu doit jouir tant qu’il est citoyen. Les droits du citoyens sont alors attachés au statut de citoyen, & comme le statut de citoyen est unique, les citoyens sont égaux en droits, & en amont en devoirs. Il n’en va évidemment pas ainsi avec la monnaie. Les individus ne tiennent pas leurs droits de la « cité », mais de leurs parents en ce qui concerne les enfants (argent de poche) & les riches héritiers ; de leur entreprise, ou plus exactement leur patron, en ce qui concerne salariés & employés ; de l’Etat, en ce qui concerne les retraités, les chômeurs, les Rmistes, certains handicapés ; de leurs victimes, en ce qui concerne les escrocs, les voleurs, les dealers, &c. On peut expliquer comment on en est arrivé là, mais l’on doit admettre que cela va contre tous les principes de l’ordre social.

Un mot à propos des salariés. Ils participent à la vie de la « cité » dans le cadre des entreprises. Ils sont donc citoyens & devraient, en tant que tels, & du seul fait d’être citoyens, avoir accès au marché, puisque telle est la principale façon pour un citoyen de jouir des bienfaits de la « cité ». Si les choses étaient ainsi, les salariés étant tous citoyens seraient égaux en droits. Mais dans un système monétaire, la monnaie constitue un intermédiaire entre les devoirs & les droits, entre le citoyen & ses droits (je parle ici de ses droits dans l’absolu, & non des droits qu’incarne la monnaie), un intermédiaire non seulement inutile mais nuisible.

J’en viens enfin à la question de l’inégalité. Vous conviendrez que, par quelque bout que l’on prenne le problème, toutes les propriétés de la monnaie interdise que s’établisse entre les « citoyens » l’égalité en droits. Pour vous éclairer davantage, j’ajoute la monnaie circule selon deux principes : celui des vases communicants (pour qu’il y en ait ici il faut en prendre là), & celui de l’attraction (« l’argent attire l’argent » « on ne prête qu’aux riches »). J’ai déjà expliqué pour la monnaie circule selon le principes des vases communicants. Quant au principe de l’attraction, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la monnaie, incarnant des droits, confère du pouvoir à ceux qui en détiennent en quantité & peuvent ainsi exercer toutes sortes de pression, à tous les niveaux, pour en acquérir davantage.

Je pourrais encore entrer dans bien des détails, mais j’essaye de faire court (si si) & il me semble que j’en ai déjà dit beaucoup pour qui est de bonne foi. Or quiconque est de bonne foi doit convenir (d’après ce que j’ai dit & en réfléchissant un peu par lui-même) que la monnaie repose sur des principes fondamentalement anti-sociaux (c’est-à-dire contraire aux principes fondamentaux de l’ordre social) & rend impossible l’égalité des « citoyens » en droits, donc en devoirs (car pourquoi les individus se sentiraient autant de devoirs en ne jouissant pas d’autant de droits ?). L’Egalité étant le principe fondamental de l’ordre social, il s’ensuit que, dans l’inégalité, il n’y a pas vraiment de société (seulement des concentrations d’individus), de citoyens, de droits, il ne peut pas y avoir de véritable démocratie, de véritable libéralisme, &c. C’est d’ailleurs un problème. Lorsque j’écris sur ces sujets, j’utilise des mots qui existent mais qui, au fond, sont aujourd’hui vide de sens.

Vous dites : « Tout le monde n'a pas la même idée sur ce qu'est un "Droit" » C’est très juste. Mais laissez vous exposer comment moi je les conçois.

Tout d’abord, avant les droits, il y a les devoirs. La raison en est simple : un droit est une liberté reconnue & garantie par d’autres. Un individu seul n’a aucun droit. (La notion de droits naturels est une des grandes erreurs de la Révolution française.) Un individu seul peut faire tout ce qu’il peut, dans la mesure de ses forces, & dispose de tout ce qui l’entoure, mais il n’a aucun droit, vu qu’il n’y a personne pour les lui reconnaître & les lui garantir. Il s’ensuit que la notion de droits n’existe qu’en société. Or pourquoi les individus se constituent-ils en société ? Pour augmenter leurs chances de survie. Mais les chances de survie des membres d’une société n’accroissent que si les membres de cette société mettent leurs forces en commun, s’ils sont liés les uns aux autres par un devoir d’assistance & de solidarité. C’est la force du groupe qui assure la sécurité des individus, la sécurité en tant que droit proprement dit. Ainsi, chacun génère la sécurité de l’autre, mais nul ne génère sa propre sécurité (en tant que droit). Cela dit, pour pouvoir jouir de cette sécurité, il faut d’abord faire partie du groupe, donc s’engager à assurer la sécurité de ses futurs concitoyens & l’assurer effectivement. Avant d’avoir des droits dans une société donnée, un citoyen a donc des devoirs, des obligations envers cette société (ou cité = ensemble des citoyens). Ensuite, il a certes mérité les droits dont il jouit, mais ses droits n’ont pas été générés par lui, quoiqu’il les ait générés pour les autres. Ceci est vrai pour tous les droits fondamentaux & indirects.

Il me faut ici introduire une nouvelle notion. On entend toujours parler des « droits ». Mais tous les droits ne se situent pas sur le même plan. En fait, il y a trois niveaux de droits (idem pour les devoirs) : les droits fondamentaux, qui sont des principes (Sécurité & Liberté), des droits indirects, qui ont une portée pratique (ex : accès au marché), & des droits particuliers (ex : la propriété), qui découlent de l’exercice de droits indirects ou sont conférés par l’accomplissement de devoirs particuliers. L’Egalité, qui n’est pas un droit mais le principe fondamental de l’ordre social, ne s’applique pas à tous les niveaux.

Concernant les devoirs, il ne s’applique qu’au niveau fondamental. Ainsi, tous les citoyens ont le devoir de participer à la vie de la cité, d’une manière acceptée ou définie par la cité, & ceci est suffisant pour qu’il leur soit reconnu le statut de citoyens & qu’ils jouissent de tous les droits attachés à la citoyenneté. La cité ne peut pas imposer & n’a pas intérêt à imposer à chacun de faire concrètement la même chose, c’est-à-dire des devoirs indirects (déclinaisons du devoir fondamental) d’une même nature, car c’est la variété des activités qui fait la complémentarité des citoyens & la richesse de la cité.

Concernant les droits, l’Egalité s’applique autant au niveau fondamental qu’au niveau indirect. Tous les citoyens doivent jouir de la même Sécurité ou de la même Liberté (en tant que principes) & de tous les droits qui, en pratique, en assurent la jouissance. Ainsi il ne suffit pas de déclarer que les citoyens sont libres & jouissent de la même Liberté ; encore faut-il qu’ils jouissent des droits qui, en pratique, concourent à la Liberté & à ce que chacun soit effectivement aussi libre que son voisin (la Liberté découle de l’Egalité ; Egalité & Liberté sont complémentaires). Celui qui démontrera qu’un milliardaire qui a accès à tout ce qu’offre la « société » est aussi libre, d’un point de vue social, qu’un smicard qui mange des pommes de terre pour arriver à la fin du mois, peut tout de suite postuler pour le prix Carambar. Il faut bien comprendre que, quand on parle de la liberté en tant que droit, du faisceau de droits que la société doit garantir à ses citoyens, les facultés naturelles des individus n’entrent pas en ligne de compte. Dans une société qui fabrique des voitures, être libre de circuler ne se réduit pas à la possibilité d’utiliser ses jambes pour se déplacer ; de même qu’être libre de s’exprimer ne se réduit pas à la faculté d’ouvrir la bouche. Remarquons au passage que, plus une société a de potentiel, plus les droits des citoyens sont étendus. Et inversement.

Je m’arrête ici. J’ai été un peu long mais les idées sous-jacentes à mes propos antérieurs méritaient quelques explications. Comme je l’ai dit, j’ai essayé de faire simple. J’ai laissé de côté nombre d’aspects qui pourraient susciter autant de questions. Mais je n’allais pas ici d’écrire un livre. Je n’ai pas pu répondu à tout, mais toutes tes objections devraient trouver en substance leur réponse. Ceci s’adresse également à Dan87 dont je partage assez la position mais qui s’est emballé sans que je comprenne pourquoi.

Salut & Fraternité,

 Philippe Landeux

mardi 04 avril 2006 17:07

Jean-Claude,

Pour une fois, je suis en grande partie d’accord avec votre dernier message (mardi 4, 11 h 49). On ne peut cependant pas laisser dire qu’il n’y avait rien de commun entre la noblesse & le Tiers Etat, ni que tous les nobles étaient misérables (même si le cas semble effectivement avoir été assez répandu en Vendée). Les nobles avaient des terres. Les riches bourgeois aussi. C’est d’ailleurs pour cela que, leurs intérêts se rejoignant sur ce point, riches bourgeois & les nobles libéraux (partisans d’une monarchie constitutionnel) adoptèrent sur la question de la propriété foncière la même position & rendirent caducs les déclarations du 4 août. Il est également étrange que, concernant les nobles, vous fassiez la distinction entre ceux de la Cour & ceux des campagnes, alors que, concernant le Tiers Etat, représentant 99 % de la nation, vous mettiez tout le monde dans le même sac. Ainsi dire que Robespierre était représentant du Tiers Etat, c’est vrai, mais cela n’avance à rien. Mais vous dénoncez ensuite, avec raison, la bourgeoisie affairiste qui dirige encore la France. A l’époque, cela s’appelait les Girondins, la Plaine ou le Marais, les Modérés, les accapareurs, les Muscadins, &c. Il représentait cette « aristocratie des riches » que Robespierre dénonçait lui aussi.

Du reste, mon cher Jean-Claude, je ne vois pas pourquoi vous vous acharnez à défendre les nobles alors que je ne songe pas à eux. Vous devez également savoir que la Révolution ne proscrivit pas les nobles en tant que tels. Soit ils émigrèrent de leur propre chef (laissant souvent les femmes derrières eux pour garder leurs biens), soit ils furent proscrits au cas par cas en tant que contre-révolutionnaires (& on ne peut nier qu’il y ait eu des contre-révolutionnaires parmi les nobles). Etant néanmoins une classe éminemment suspecte, les nobles furent parfois chassés des administrations, ils furent chassés des Jacobins, ils durent s’éloigner de Paris & des frontières, mais ils ne furent pas arrêtés en masse comme ce fut le cas des ressortissants des pays en guerre contre la France (ce qui n’était d’ailleurs, là encore, qu’une mesure de précaution, arrêté ne voulant pas dire envoyé au Tribunal ou condamné à mort). Mais le personnel révolutionnaire fourmille de ci-devant nobles. Beaucoup de conventionnels étaient des ci-devant. Comme je l’ai dit ailleurs, le but de la Révolution (du moins des révolutionnaires sincères) était l’Egalité des citoyens en droits, non la dictature d’une classe & la proscription d’une autre.

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux

PS : Mon pauvre sas, à force de voir des maçons partout vous vous êtes emmuré. Pour votre gouverne, Robespierre n’était pas franc-maçon. [Moi non plus, au passage.]

mercredi 05 avril 2006 21:32 

Salut Jacques,

Il est tout de même curieux que vous passiez sous silence mon analyse de la monnaie alors que tout ce que je dis en découle. Il est ensuite consternant de voir le peu d’effort que vous faites pour comprendre le fond de mes propos & que vous sautiez sur la moindre imprécision pour critiquer des idées que vous avez préalablement dénaturées.

Quand je dis : « En fait, il y a trois niveaux de droits. » Vous rétorquez : « Oups! Et qui en a décidé ainsi? La définition de "Droits" du citoyen Philippe peut ne pas être la même que celle du citoyen Jacques ou de d'autres citoyens. Qui va arbitrer ? » Vous avez raison, je n’ai jamais entendu personne soutenir qu’il y avait 3 niveaux de droits. C’est une conception toute personnelle. Mais est-elle pour autant fausse ?

Je soutiens que les droits particuliers découlent de droits indirects qui eux-mêmes découlent des droits fondamentaux. Ainsi, le droit d’accéder au marché (droit indirect) découle du droit que les citoyens ont d’être libres, de jouir de la Liberté (droit fondamental) ; & la propriété, le droit de posséder (droit particulier), découle de l’exercice du droit d’accès. Comme certains droits découlent d’autres, il est évident qu’il y a plusieurs niveaux de droits. Je disais également que l’Egalité ne s’applique qu’aux droits fondamentaux & indirects. Pour reprendre l’exemple précédent : les citoyens doivent être également libres. Mais la Liberté ne signifie rien par elle-même. La Liberté désigne en fait l’ensemble des libertés du citoyen, chaque citoyen devant avoir les mêmes libertés. Parmi ces libertés se trouve le droit d’accéder au marché, droit par lequel le citoyen jouit effectivement des bienfaits de la cité. Les citoyens peuvent jouir ou exercer librement leurs droits, tant qu’ils ne nuisent pas aux droits (égaux) d’autrui. Or si tous les citoyens jouissent du même droit d’accéder au marché & exercent librement ce droit, ils ne peuvent retirer du marché les mêmes biens. Ainsi, quoique égaux dans le droit d’accéder au marché (ce n’est pas le cas dans le système monétaire), ils ne peuvent posséder les mêmes choses, choses sur lesquelles ils jouissent du droit de propriété (ceci est valable dans le système monétaire). Quand on est libre d’aller où l’on veut, tout le monde ne va pas au même endroit. Voilà pourquoi il y a différents niveaux dans les droits. Je le constate. Libre à vous de le contester.

Quand je dis « Celui qui démontrera qu’un milliardaire qui a accès à tout ce qu’offre la « société » est aussi libre, d’un point de vue social, qu’un smicard qui mange des pommes de terre pour arriver à la fin du mois, peut tout de suite postuler pour le prix Carambar. » Vous rétorquez « Inscrivez mon nom et celui de Jaurès ! » Je ne suis pas sûr que Jaurès partage votre avis sur ce point, lui qui plus haut a écrit « Quel patron peut dire qu'il mérite et travaille 200 fois plus qu'un smicard ? » Mais Jaurès ne sait sur quel pied danser : il critique le capitalisme & raisonne en capitaliste. Ainsi, pour lui « La CGT préconise une augmentation hiérarchique des salaires. Les disparités de revenus ne sont pas choquantes si elles sont raisonnables et méritées. » C’était également l’opinion de Robespierre… mais en 1789. C’était alors révolutionnaire ; aujourd’hui, c’est réactionnaire. Du reste, votre réponse n’est pas à la hauteur du défi que vous relevez. Vous auriez déjà pu comprendre que, pour moi, il n’y a de liberté pour les citoyens que s’ils sont égaux en droits (& bien sûr en devoirs, en amont). Il est dès lors évident qu’un milliardaire n’a pas les mêmes droits qu’un smicard (vous admettez vous-mêmes, implicitement, que les droits sont proportionnels à la fortune). Ils sont peut-être égaux sur le papier, mais pas dans les faits, & ce à cause de la monnaie. Et vous croyez que, pour démontrer le contraire, il suffit d’aligner deux phrases.

« Si les deux n'ont rien hérité… » Et les riches qui doivent leur richesse à leur papa, comme c’est le cas généralement ? Ainsi, vous écartez le cas général pour vous appuyer sur les cas particuliers. Soit ! Vous dites : « Puisque le milliard du milliardaire représente la reconnaissance sociale des travaux productifs bénéfiques rendus à la société (Ce que vous appeler "devoirs") et qu'il peut utiliser comme des "droits". Bref comme il a fait PLUS de devoir, il a PLUS de droits. » Pour commencer, il est faux de dire que la fortune, de quelque niveau quelle soit, représente une reconnaissance sociale du travail. C’est précisément ce que l’analyse de la monnaie démontre. C’est la monnaie qui confère des droits, les droits qu’elle incarne, pas la « Société ». Quand l’Etat cautionne la monnaie, il défausse la Société de son rôle qui est de garantir les droits de ses Citoyens, car, alors, il appartient aux individus de se débrouiller comme ils peuvent pour se procurer des revenus (des droits). Où voyez-vous la Société jugeant & se prononçant sur le mérite des uns & des autres ? Que le système monétaire ne conteste pas la façon dont la masse monétaire se répartit (le contester l’amènerait à se remettre en cause) ne peut en rien être considéré comme une reconnaissance sociale du travail ! En fait, c’est le pouvoir & la fortune qui s’auto-récompensent & s’auto-félicitent ! Qui ira les contredire ? Vous ne réalisez pas à quel point le système monétaire pervertit les choses & imposent aux hommes de trouver des justifications (aussi nulles soient-elles) à l’absurde de la situation dans laquelle ils sont plongés. Quand un individu touche un milliard, quand il gagne en peu de temps ce qu’un smicard mettrait un millénaire à gagner, comment oser dire que cette individu récolte des droits à la hauteur de ses devoirs ? Il a donc sauvé la planète ? Et on apprend que c’est parce qu’il a ruiné des milliers de travailleurs ! Mais d’ailleurs, où avez-vous vu que travailler soit aujourd’hui un Devoir ? Encore une fois, c’est le système monétaire qui impose aux individus de travailler pour gagner de quoi vivre, pas la « société » ! La « société » reconnaît (aujourd’hui) que les individus qui travaillent doivent être rémunérés, mais aucun texte de loi ne fait du travail ou de la participation à la vie de la cité un Devoir de citoyen entraînant la reconnaissance du statut de citoyen & la garantit des droits attachés à la citoyenneté . Il n’est pas bien difficile de comprendre pourquoi !

« Votre notion de devoir/droit 100% "égalitaire", est 100% communiste, extrêmement restrictive et brime la liberté d'entreprendre, ne respecte pas la différence entre les gens, réduit la prospérité générale et la liberté tout court puisqu'il ne permet pas à un individu qui voudrait "surfer" toute sa vie (mais vivre très simplement) de le faire (puisque vous le contraignez à des devoirs et droits compensatoires qu'il ne désire pas). Idem, vous brimez l'entrepreneur ambitieux. Bref et Jaurès et moi ne voudrions vivre dans votre pays. » Et si, au lieu de poursuivre votre idée, vous entendiez ce que je dis ! Qui a parlé de contrainte ? Libre à chacun de ne pas remplir les Devoirs que la cité impose à ses citoyens pour jouir en retour des Droits du citoyen. Mais chacun doit assumer ses choix. Celui qui ne veut pas être citoyen en a le droit mais ne peut prétendre aux Droits qu’il na pas voulu mériter. Ainsi, seuls les citoyens, seuls les individus qui veulent être citoyens, ont des Devoirs envers la cité & des Droits dans la cité. Pourquoi votre surfer qui ne veut pas jouir des Droits que la cité garantit aurait-il des Devoirs envers elle ? Pourquoi la cité le contraindrait-elle à remplir des Devoirs alors qu’il n’attend rien d’elle ? Cela dit, quoique des cas de ce genre puissent exister au fin fond de l’Amazonie, les exemples de ce genre sont de pures spéculations. Les hommes capables de vivre à l’écart de leurs semblables sont extrêmement rares. Ceux qui, aujourd’hui, prétendent vivre en marge de la « société » profitent en réalité de la « société » de mille manières & volent indirectement les « citoyens ». Quant au fait de brimer les entrepreneurs… Je cherche. Je ne vois pas. Je ne vois pas ce qui empêcherait des citoyens véritablement libres & égaux en Droits (ne sont-ils pas censés l’être aujourd’hui) d’être créatifs, quel que soit le domaine. Vous négligez le fait que tout système constitue un cadre dans lequel les individus évoluent ensuite à leur gré, selon leur tempérament, selon les possibilités qu’offre le système. Je vois parfaitement comment le fameux « manque de moyens financiers » entrave aujourd’hui la créativité ; je ne vois pas ce qui ferait obstacle à la créativité de citoyens, certes obligés de participer à la vie de la cité (Devoir fondamental) selon un mode de participation reconnu par elle, mais libres de participer comme ils veulent (Devoirs indirects), libres de choisir entre toutes les formes de participation possibles, libres de détourner de leur sens premier certaines formes de participation, libres même d’en inventer, sous la condition que la cité la reconnaîtra.

« "Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que, lorsqu’il est reconnu des droits à un citoyen, parce qu’il s’acquitte de devoirs, ses droits n’ont pas à s’épuiser lorsqu’il les exerce." C'est beaucoup mieux pour le capitaliste. Non seulement les "droits" (votre définition pour "biens") ne s'épuisent pas mais ils augmentent sans cesse (c'est la notion fondamentale de profit et de rentabilité). S'il achète une pomme pour un euro, il perd le pouvoir d'achat lié à l'euro (ce que vous appelez le droit de l'argent) mais il gagne celui lié à la pomme (le droit lié au bien). » Que vous êtes prévisible ! J’avais mis de côté cet aspect de la question pour ne pas être trop long, mais il paraît utile de le traiter. Je sais aussi bien que vous que le système monétaire justifie le fait de se dépouiller de ses « droits » (en achetant, perte d’autant de droit d’accéder au marché) par le bien (propriété) que l’on en retire en contrepartie. Cette justification vient du troc dont la monnaie est l’héritière. Mais, voyez-vous, s’il est vrai que la monnaie permet de pratiquer un troc indirect, elle pervertit aussi les principes du troc & introduit de nouvelles notions. En fait, aujourd’hui, notre mode d’échange est bien loin du troc. Le troc consiste, pour les protagonistes de l’échange, à s’échanger des biens, des propriétés. Il se pratique entre individus (d’où, à terme, les principes individualistes de la monnaie incompatibles avec les principes de l’ordre social). C’est individus échangent entre eux des droits d’une même nature (propriété). Mais, aujourd’hui, la monnaie est davantage qu’une incarnation de droits de propriété ; elle est devenue le droit d’accéder au marché. Ainsi, quand on achète avec de la monnaie, on échange un droit indirect (accéder au marché) contre un droit particulier (propriété). Sont donc impliqués des droits d’une nature différente, ce qui rend cet échange aberrant. Par ailleurs, les revenus de chacun sont moins liés à un travail propre qu’à un statut. Les entreprises paient moins les individus & leur travail que leur fonction dans l’entreprise. Quand l’Etat fixe un salaire minimum applicable à des millions de travailleurs, on voit bien que la rémunération n’est pas directement liée à ce qu’ils produisent (plus personne ne produit rien seul) mais à leur statut. Autrement dit, le droit d’accéder au marché est essentiellement lié à un statut, lui-même lié en théorie au fait de travailler. Ceci est très proche, sur le principe, de ce que je dis quand je dis que le Droit d’accéder au marché doit être attaché à la Citoyenneté seule. En fait, nous sommes à une époque charnière de l’histoire. L’évolution conduit vers ce que je dis, mais nous sommes encore empêtrés dans le capitalisme & subjugués par les préjugés monétaires.

Vous me dites que celui qui achète une pomme 1 euro « n'a rien perdu du tout, et tout probablement GAGNE. » Eh bien ! un citoyen (tel que je l’entends) n’aurait pas un euro mais pourrait accéder (dans la mesure du possible) à toutes les pomme qu’il voudrait. Sur ce, je vous laisse débattre du prix des pommes & de leur valeur nutritive.

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux

PS : Ce forum n’étant peut-être pas le lieu indiqué pour traiter de telles questions, j’aurais aimé vous envoyer ces messages en privé, même si je ne crains pas d’exposer mes idées en public ; mais vous ne laissez pas votre adresse e-mail.

 

jeudi 06 avril 2006 10:18

Florent, sas,

Je vous accorde que beaucoup de "révolutionnaires" étaient ou avaient été franc-maçons, mais ce n'était pas le cas de Robespierre. Il avait bien fait partie des Rosati, mais les Rosatis d'Arras étaient une société littéraire, non une loge maçonnique. Du reste, si la franc-maçonnerie eut sans doute de l'influence avant & au début de la Révolution, très vite son rôle devint nul. On trouve des ci-devant franc-maçons dans tous les camps &, quand on sait que ces camps se livrèrent une guerre à mort, on ne peut pas croire que les franc-maçons se divisèrent ainsi pour le plaisir ou par tactique. Ce sont bien les convictions personnelles, & non des mots d'ordre maçonniques, qui dirigèrent alors le choix de chacun. Dans ces conditions, je ne vois pas bien comment la franc-maçonnerie aurait conservé de l'influence durant la Révolution.

 

vendredi 07 avril 2006 03:24


Salut Jacques,

Vous vous doutez que je ne peux pas vous restituer en quelques pages tout ce que j’ai dans la tête, toutes les considérations qui condamnent le capitalisme, toutes les conséquences des principes que je vous ai exposés.

Vous soulevez la question de l’héritage. C’est loin d’être le cœur de mes préoccupations, mais il pose en effet problème. Or, encore une fois, ce problème est lié à la nature & aux principes du moyen d’échange qu’est la monnaie. Un individu doit être citoyen en s’acquittant de devoirs envers la cité & doit jouir des droits attachés à la Citoyenneté, droits qui, d’une certain façon, sont donc le fruit de ses devoirs. En dissociant le droit d’accéder au marché du devoir de participer à la vie de la cité, en incarnant le droit d’accéder au marché, en rendant ce droit anonyme & volatile, la monnaie impose aux individus de se procurer ce droit matérialisé (au lieu d’en jouir en raison de leur citoyenneté), leur permet de s’en dépouiller, de les transmettre, & permet à d’autres de les en dépouiller. L’héritage n’est qu’une conséquence parmi tant d’autres de cette situation inhérente au système monétaire. Personnellement, je ne suis pas fondamentalement contre le concept d’héritage : c’est seulement dans le contexte actuel qu’il pose problème.

La monnaie permet d’acheter ; les biens représentent de la valeur &, s’ils sont vendus, procurent à leur tour le droit d’accéder au marché. (C’est la raison d’être du vol d’objets aujourd’hui.) Mais, si le droit d’accéder au marché était conféré par la citoyenneté, elle-même lié au fait de s’acquitter de devoirs envers la cité, les biens retirés du marché par l’exercice de ce droit seraient toujours des propriétés, mais celles-ci ne pourraient procurer le droit d’accéder au marché. Les individus pourraient donner ou transmettre leurs biens personnels sans que cela n’altère l’égalité en droits entre les citoyens (l’égalité qui, comme je l’ai dit précédemment, concerne les droits indirects, ici le droit d’accéder au marché, & non les droits particuliers, ici la propriété). Aujourd’hui, les héritages (sous forme de monnaie ou de biens) attisent les convoitises & les rivalités entre ayant droit parce que ce dont ils vont hériter peut accroître leur droit d’accéder au marché ou leur éviter de payer (se dépouiller de droits d’accès) pour se procurer le genre de chose dont ils vont hériter. Sauf exception, ils se foutent complètement de la nature même de l’héritage. Mais, dans ce contexte, lorsque le défunt était riche, sa richesse passe entre des mains d’héritiers qui ne peuvent plus invoquer pour justifier leurs nouveaux droits le prétendu mérite personnel. (Ceci est bien sûr vrai quelle que soit la fortune du défunt, mais cela, évidemment, n’a pas de conséquences invisibles lorsqu’il ne lègue pas grand chose, quoique cela soit toujours aussi condamnable sur le principe.) Les droits du défunt lui survivent & ce sont des vivants qui ne les ont en rien mérités qui les exercent ou en jouissent. Si cela n’est pas une aberration, un renversement de tous les principes de l’ordre social, qu’est-ce donc ?

Je vous ai dit précédemment que le RÔLE de la cité est de garantir l’égalité EN DROITS entre SES citoyens. Or il va de soi que tous les individus sont naturellement différents. Ces différences les empêchent-elles de remplir leurs devoirs, d’être citoyens, & de jouir en tant que tels des droits attachés à la citoyenneté ? Non ! Donc l’égalité en droits entre citoyens ne peut en rien être compromise par les différences naturelles entre les individus.

Vous objectez contre l’Egalité : « Dans certains régimes politiques, il a des droits acquis à la naissance (royauté) ou les liens familiaux (dictatures - cette semaine Fidel Castro annonçait en entrevue que le pouvoir à sa mort irait à son frère). Donc vous voyez que le problème n'est pas lié à la monnaie spécifiquement mais peut tout aussi bien se produire dans un système de droits aléatoirement définis. Mais bon, en France post-révolutionnaire ce ne devrait plus être un problème, et tout le monde sait qu'être le fils d'un politicien célèbre ne confère évidemment aucun avantage... » Mais ces régimes sont-ils (réellement) fondés sur l’Egalité telle que je vous la présente ? Non.

Vous dites encore : « l'inégalité lié au LIEU de la naissance. Tout le monde sur la terre n'est pas égal à la naissance, puisque si je nais au Canada (même de parents très modeste) je serai foncièrement plus avantagé que si je nais en Ethiopie. » Les principes de l’ordre social sont universels. Toute société repose sur les mêmes principes fondamentaux. (Vous me direz que toutes les « sociétés » ne reposent pas sur les principes que j’expose ; je vous répondrais que ce ne sont pas des Sociétés au sens propre, mais des concentrations d’individus. Il n’y a aujourd’hui de véritables sociétés que chez les animaux, chez les animaux sociables bien sûr.) Mais tous les individus d’une espèce ne forment pas une Société. (C’est possible en théorie, c’est sans doute à terme ce que fera l’Homme, mais nous n’en sommes pas là, loin s’en faut, puisqu’il n’y a même pas encore de Société humaine digne de ce nom.) Or chaque société n’a de devoirs, en principe, qu’envers ses membres. L’égalité se mesure entre citoyens d’une même cité. Vous présentez une conception utopique, ridicule & irréalisable de l’Egalité pour vous convaincre que l’Egalité, qui n’a rien à voir avec ce que vous dites, est une chimère.

« Je vois tous les jours sur tous les marchés publics des gens produisant des produits non désirés s'appauvrir et d'autres vendant des produits désirés s'enrichir. » Et vous en concluez que celui qui est riche a du mérite. Est-ce une blague ? Quel rapport entre la qualité d’un produit & la fortune d’un patron ou d’un actionnaire ? Sauf exception, la qualité des produits d’une entreprise ne doit rien au chef de l’entreprise. Qu’il exige que les employés fassent correctement leur travail, il n’empêche que se sont les employés qui travaillent bien. Du reste vous vous méprenez : je n’ai rien contre les patrons & la notion de hiérarchie qui ne pourrait en rien altérer l’Egalité dans un système où les droits seraient attachés à la citoyenneté. Or c’est face à ce concept que l’on réalise que les richesses ne sont pas riches en raison de leur mérite ou de leurs efforts ou de je ne sais quoi d’autre, mais parce que nous sommes dans un système monétaire. Si un patron était un citoyen (tel que je l’entends), il n’aurait ni plus ni moins que les droits d’un citoyen. Cela n’empêcherait pas les hommes de reconnaître son mérite personnel, ce mérite ne pouvant d’ailleurs plus, comme aujourd’hui, être contesté ou exagéré par les pauvres. Au milieu de citoyens égaux en droits, seuls les talents & les vertus brilleraient, & le besoin de reconnaissance que cherchent les êtres exceptionnels serait pleinement assouvi.

« Dans un système capitaliste: Société=ensemble d'INDIVIDUS libres qui choisissent et décident tous les jours le mérite des produits offers. » Ce n’est pas là la définition du capitalisme, mais en partie celle du libéralisme. Imaginez que TOUS les citoyens jouissent d’un égal droit d’accès au marché. Ce que vous dites resterait vrai, avec cette différence que tous les produits subiraient le jugement de tous les citoyens, au lieu d’être seulement « jugés » par ceux qui ont aujourd’hui la possibilité d’y accéder. Ce serait du libéralisme à l’état pur, contrairement au capitalo-libéralisme actuel.

« Je ne comprend pas pourquoi vous pouvez croire qu'une personne sans monnaie ne puisse pas accéder au marché, c'est-à-dire vendre sa pomme ou sa maison. » Demandez au premier clochard venu !

Pour finir, je vous remercie, Jacques, de prêter quelque attention à mon discours, contrairement à certains qui se croient malins parce qu’ils n’ont rien à dire & se plaisent à le faire savoir. Je sais par ailleurs que ces idées sont difficiles à intégrer tant elles vont à l’encontre des idées reçues que nous inculque le système monétaire. Il faut souvent du temps pour en saisir la logique pourtant simple.

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux

vendredi 07 avril 2006 11:20

Florent,

Je ne suis pas un spécialiste de la franc-maçonnerie & je me doute qu'il ne devait pas y avoir beaucoup de maçons parmi les "noirs". On ne peut évidemment pas en dire autant des nobles "libéraux" partisans d'une monarchie constitutionnelles. Cela dit, vous essayez de noyer le poisson concernant Robespierre !

Vous dites, à son sujet "j'ai bien la certitude qu'il a appartenu à cet ordre un moment ou un autre, sans doute l'a t-il vite quitté par la suite. Voila cher Philippe, des faits, rien que des faits." Si votre certitude est un fait, je veux bien, mais je vous dis, pour ma part, que Robespierre n'a jamais appartenu à une loge maçonnique. La société des Rosati dont il était membre, malgré son nom n'était en rien une loge maçonnique. L'objet de ses réunions était plutôt léger. "Des jeunes gens réunis par l'amitié, par le goût des vers, des roses et du vin." Ainsi cette société est-elle décrite par l'abbé Ménage. (Il y a peu, j'ai vu la "constitution" exacte de cette société, mais je n'arrive plus à mettre la main dessus. Du reste, elle ne fait que confirmer cette définition.) Robespierre a également fait partie de l'Académie d'Arras, il en fut même le président. Mais, là encore, rien à voir avec la maçonnerie.

Il y a quand même une chose que je n'arrive pas à comprendre : pourquoi voulez-vous à toute force que Robespierre ait été franc-maçon ? Cela ne me dérangerait pas de le reconnaître si tel avait été le cas. (Ainsi, je vous le dis, Couthon, son ami, avait bien été franc-maçon, lui.) Je ne vois qu'une réponse : accréditer la thèse du complot maçonnique. Or, là encore, je ne nie pas que la franc-maçonnerie ait eu de l'influence avant & au debut de la Révolution, mais très vite elle fut dépassée par les événements. (Le maitre du Grand Orient de France, Philippe d'Orléans, fut même exécuté.) Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas retrouvé son influence après & qu'elle n'en a pas de nos jours. Mais il faudrait quand même arrêter de tout mélanger, de tout déformer.

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux

 

vendredi 07 avril 2006 21:19

Salut Jacques,

Tout ce que je vous dis est lié. Vous ne pouvez pas comprendre ce que je vous dis sur tel ou tel point si vous ne le considérez comme partie d’un ensemble. En particulier, vous ne prêtez pas assez attention à ce que je vous ai dit sur la monnaie & à la réponse que j’ai apportée à votre question sur ce qu’est un droit.

« Si je vous ai compris, ce qui vous appelé "accès au marché" signifie que tous auraient les mêmes "droits" d'achats des produits, donc recevraient le même montant d'argent (lié à un droit acquis par un devoir et NON au mérite), ou plutôt, puisque vous avez une appréhension ídiosyncratique de l'argent, j'imagine qu'ils recevraient des "bons d'achats". » Pas du tout. Je me tue à vous dire que le problème, avec la monnaie, c’est qu’elle matérialise le droit d’accéder au marché & en fait pour ainsi dire des entités indépendantes des hommes. Vos bons d’achat, sans être de la monnaie au sens propre, auraient le même défaut. Non ! je vous répète qu’un citoyen est un individu qui participe à la vie de la cité, selon ce qu’elle considère comme une participation, & jouit en retour, à l’égal de ses concitoyens, des bienfaits de la cité EN RAISON DE SA CITOYENNETÉ MÊME. Le droit d’accéder au marché étant le principal droit permettant de jouir des bienfaits de la cité, il s’ensuit que ce droit doit être attaché à la citoyenneté. Les citoyens n’ont pas besoin de disposer d’unités de quelque nature que ce soit pour accéder au marché puisqu’ils ont le droit d’y accédé du fait d’être citoyens. Tout ce dont ils ont besoin, c’est d’un moyen permettant de prouver aux commerçants leur citoyenneté, un peu comme les employés d’une entreprise ayant un badge magnétique pour pénétrer dans l’entreprise. Vous me direz que ce badge matérialise le droit d’accéder au marché, mais, si vous y réfléchissez, vous verrez qu’en réalité il n’est qu’un accessoire pour faire valoir le droit qu’ils ont de par leur statut & que, sitôt la perte de leur badge constatée, l’entreprise qui connaît ses employés peut sans peine leur fournir un nouveau badge & désactiver les badges perdus. Pensez au victimes des casseurs de novembre 2005 qui n’ont toujours pas été remboursées de la perte de leur voiture, qui depuis ce temps n’ont plus de voiture, ni les moyens d’en acheter une autre, alors qu’il est reconnu que ces personnes sont à la fois « citoyennes » & victimes.

« Et que feriez-vous avec ceux qui ne voudraient pas faire leur "devoir": leur retireriez-vous leur "droits" (une sorte d'acceptation par la porte d'en arrière du principe de mérite), les metteriez-vous en prison ?, ou mieux encore, (comme Marx le proposait *explicitement* dans Le Capital) les forceriez-vous manu militari à travailler (ce qu'on appelle "travaux forçés" ...) ? » Là encore, je vous ai déjà répondu. Libre à chacun de ne pas remplir les devoirs que la cité attend de lui, mais quiconque ne veut pas s’acquitter desdits devoirs (il y a une distinction à faire avec ceux qui ne PEUVENT PAS), quiconque ne veut pas être citoyen, ne jouit pas des droits du citoyen. La cité n’a aucune raison de le forcer. Il veut se débrouiller seul : qu’il se débrouille. Mais alors, il n’a pas à réclamer, au nom de l’humanité, des droits dont il prétend pouvoir se passer & qu’il ne veut pas mériter. Inutile de le proscrire, il s’est proscrit lui-même. Du reste, vous devez réaliser que vous supposez à certains citoyens ou individus une mentalité que vous observez autour de vous aujourd’hui. Mais qu’y aurait-il de commun entre une cité développant le sens civique, élevant le fait de participer en principe, assurant à ses citoyens autant de droits que possible, avec le système actuel encourageant à travailler le moins possible, n’incitant pas les travailleurs à se décarcasser (vu qu’il ne gagne rien ou presque) & permettant de vivre aux crochets de la « société » sans travailler. On comprend qu’aujourd’hui certains rejettent cette « société » & que d’autres, tout en prétendant la rejeter, cherchent par tous les moyens à en profiter. Aujourd’hui, tout est flou, aberrant, immoral. Celui qui sert la « société » n’a pas plus de droits, voire en a parfois moins, que celui qui ne la sert pas. Mais que les individus aient le choix entre tout, en étant citoyen, ou rien, en ne l’étant pas, & il n’est pas difficile de deviner à quelle attitude les porterait LEUR INTÉRÊT.

Vous évoquez souvent le communisme. Mais en quoi le communisme a-t-il approché, en principe ou en pratique, le système que je vous expose ? Les communistes n’ont jamais réalisé l’égalité en droits. Ils n’ont jamais remis en cause la monnaie. Ils ont voulu la répartir différemment, selon des lois humaines contraires aux lois de Largent, érigeant ainsi des systèmes contre-nature (contre la nature du système monétaire), toujours inégalitaires & fatalement dictatoriaux. L’emploi de la force est nécessaire pour s’opposer à la force des choses mais devient inutile lorsque les principes de l’ordre social sont en harmonie avec la nature des choses.

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux

samedi 08 avril 2006 12:50

Salut Jacques,

Il faudra bien, un jour, que l’on comprenne qu’une société est, par définition, une communauté & que vouloir faire en sorte que la « société » renoue avec ses principes fondamentaux n’est en rien du communisme même si, dans ce genre d’entreprise, tous les mots & toutes les idées ne sont pas nouvelles. Non nova, sed nove. Tous ceux qui tendent vers un même but, quoique de manières différentes, se rencontrent fatalement sur certains points.

Le Civisme, c’est-à-dire les idées que je vous expose, diffère fondamentalement du communisme dans la mesure où il considère que, pour fonder la cité, il suffit de considérer les individus qui composent l’ancienne « société », la « société » sous régime monétaire, comme des citoyens, alors que le communisme ne voit dans les individus appartenant à des classes différentes, certaines devant être vengées, d’autres détruites, d’où la perpétuations des classes sous une autre forme, mais une forme aberrante car contre-nature. Les communistes n’ont d’ailleurs pas suffisamment prêter attention au rôle de Largent & n’en conteste pas l’existence, se faisant ainsi les complices du capitalisme & des inégalités qu’ils prétendent combattre. Voilà un siècle qu’ils se battent pour des augmentations de salaires, comme si cela allait changer quelque chose ! Faut-il qu’ils soient bornés !

Pour en venir à votre question, oui, en théorie, un citoyen muni de sa « carte civique », de la preuve qu’il a participé à la vie de la cité & est reconnu comme citoyen, peut prendre ce qu’il veut sur le marché. Mais, je le redis, cela est de la théorie. En pratique, ce pouvoir d’achat théoriquement illimité des citoyens rencontre différentes bornes : 1) ses goûts & ses envies, 2) l’offre, 3) l’exercice par les autres citoyens de leur propre droit d’accès, 4) les lois (égales pour tous). Un citoyen-client ne pourra a lui seul dévaliser un commerçant, d’une part parce que cela serait absurde, d’autre part parce que se procurer des quantités industrielles d’un produit sera réservé, de par la loi, aux industriels ou aux entreprises, enfin parce que le commerçant s’y opposera. — Pour ce dernier point il faut préciser qu’un commerçant doit lui aussi mériter le statut de citoyen en faisant en l’occurrence son métier de commerçant, en ayant donc une certaine activité. Or l’activité d’un commerçant, l’activité utile pour la cité, se mesure de deux manières : en quantités « vendues » ou en nombre de clients. Un commerçant, suivant la nature de son commerce, le lieu où il est situé, &c., aura donc des conventions à satisfaire, conventions qui, entre autres, lui imposeront d’atteindre des résultats minimum (minimum ne voulant pas dire ridicule) &, en pratique, de les dépasser. Tout étant informatisé (& c’est le capitalisme qui aura mis en place les infrastructures de la cité), rien de plus simple pour vérifier. Ceci vaut pour toute entreprise. — Pour en revenir à nos moutons, l’intérêt des commerçants non grossistes s’opposera à ce que leurs clients exagèrent vraiment de trop, même pour des produits non soumis à réglementation. Mais un client raisonnable voire légèrement excessif ne buttera jamais sur la loi.

Vous me vantez le capitalisme avec des arguments plutôt douteux (il permet de travailler au niveau que l'on désire pour recevoir des avantages correspondants) ; laissez-moi plutôt vous faire entrevoir les avantages du Civisme. Pour ce qui est de l’emploi, c’est mathématique, c’est le plein emploi : face à une demande colossale, il y a plus d’emplois que d’individus pour les pourvoir. Alors le fait de pouvoir embaucher & licencier à volonté ne pause plus de problème, car celui qui veut travailler trouve toujours du travail. Pour ce qui est des retraites dont on se demande comment on va bien pouvoir les payer dans 30 ou 50 ans : c’est réglé ; les retraités, c’est-à-dire des citoyens dispensés de participer à la vie de la cité après un certain temps, sont toujours citoyens & jouissent donc toujours des droits attachés à la citoyenneté. Pour ce qui est de la délinquance : elle n’a plus ni mobile ni moyens. Pour ce qui est de la pollution : tout ce qu’il sera possible de faire sera fait. Pour ce qui est des délocalisations : elles n’auront plus de raison d’être, puisque les citoyens « gratuits » ici seront toujours moins chers que des employés mal payés ailleurs. On peut continuer ainsi longtemps. Il n’y a pas de miracle. Le corps social aura seulement été purgé du poison qui le ronge depuis des millénaires.

Cela dit, je ne prétends pas que la cité règlera tous les problèmes. Ne seront réglés que les problèmes d’ordre social. La vie réservera toujours aux hommes des surprises, des souffrances, des peines. C’est assez pour que la Société n’ait pas besoin d’en rajouter.

Je vois déjà les questions que vous allez me poser. Je vous laisse l’initiative. Mais sachez qu’elles ont toutes une ou plusieurs réponses possibles. Ne croyez donc pas que, parce qu’une difficulté vous apparaît, elle soit un obstacle infranchissable. En cherchant un peu, & avec un peu de bonne volonté, vous trouverez vous-mêmes toutes les réponses.

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux

dimanche 09 avril 2006 07:48

Salut Jacques,

La dernière fois, je vous est demandé de réfléchir face aux problèmes que vous entrevoyez avec raison mais auxquels vous imaginez des réponses absurdes, croyant que cela sera suffisant pour dénigrer le Civisme & justifier le système monétaire que vous défendez de fait sans vous appuyer sur le moindre principe social.

Vous ne semblez pas entendre quand je vous dis que la Cité serait un système économiquement libéral : liberté d’entreprendre (tous les citoyens qui le voudront auront la possibilité de montez leur entreprise), liberté pour les entreprises d’embaucher & de licencier, pas de fonctionnariat (dans le sens d’emploi garanti à vie, la seule garantie étant de faire correctement son travail), liberté pour les citoyens de choisir leur forme de participation à la vie de la cité (dans la mesure des places disponibles ou sous condition d’un accord de la cité, ce qui, en d’autres termes, signifie que, comme aujourd’hui, à défaut de faire ce que l’on voudra, on fera ce que l’on pourra) celui qui ne trouvera pas la place qu’il désire ), liberté de consommer (là encore avec les restrictions que je vous ai déjà indiquées, mais qui n’ôteront pas à l’individu lambda l’impression d’un pouvoir d’achat sinon illimité du moins énorme par rapport à aujourd’hui), produits & entreprises plébiscités ou sanctionnés par le marché (donc par les consommateurs, non par l’Etat), &c. Si vous voyez là une idéologie communiste & un système soviétique, je ne vois pas ce que je peux dire de plus pour vous détromper ! Si vous croyez que les jeunes tiennent ce langage ou l’adoptent d’enthousiasme, tendez l’oreille ! Si vous croyez enfin que l’idée d’anéantir Largent pour que règne l’Egalité en devoirs & en droits entre citoyens est largement répandue ou facile à répandre, vous vous mettez le doigt dans l’œil !

Vous me dites qu’un anar de votre connaissance vous décrivait presque le même système, c’est possible, mais le « presque » peut être une différence fondamentale. En supposant, que votre anar imagine lui aussi un système sans monnaie, sa façon même de concevoir la monnaie & ses vices déterminent la nature & la forme du système qu’il préconise. Pour moi, Largent est l’obstacle à l’égalité des citoyens en droits, & conséquemment en devoirs, ce qui suppose que la cité doit garantir non seulement des droits égaux à ses citoyens, mais aussi leur imposer des devoirs. Vous connaissez beaucoup d’anars qui parlent de devoirs, de travail, de patrie, &c. ?

Vous me demandez à votre tour de réfléchir. « Vous allez devoir arbitrer les choix des gens avec des "compensations" pour travail pénible. » D’une part, cela fait des années que je réfléchis à ces questions. Je vous ai dis qu’elles avaient toutes des réponses, des réponses solides, & non des réponses à la Pieds-Nickelés. D’autre part, si au lieu de vous braquer, vous aviez seulement pensé trente secondes à la question que vous me posez, vous n’auriez pas osé le faire. Quelle compensation la Cité apportera aux citoyens qui feront des travaux « pénibles » (de leur plein gré ou faute d’avoir trouvé mieux). Le fait de jouir d’autant de droits que tous leurs concitoyens, d’avoir un pouvoir d’achat énorme, n’est-il pas une compensation en soi ? Vous faites implicitement au Civisme le reproche de ne pas leur reconnaître plus de droits qu’aux autres citoyens, alors que, aujourd’hui, ces travailleurs sont payés le minimum ou très peu. Autrement dit, selon vos critères capitalistes, ils n’ont pas ou peu de mérite & vous n’avez que du mépris pour eux, mais, pour discréditer l’Egalité, vous êtes prêt à leur accorder toute votre attention & même à soutenir qu’ils doivent jouir de plus de droits que les autres. Et c’est moi le démagogue, le communiste ! ! ! !

Philippe Landeux

lundi 10 avril 2006 10:30

Salut Jacques,

Je n’ai pas répondu dernièrement à votre question précise, d’une part, parce qu’elle est ridicule, étant fondée sur des soi-disant promesses que ferait la cité, alors que c’est vous qui les faites, d’autre part, parce que la réponse est complexe dans la mesure où elle est liée à une multitude de notions, enfin parce que j’espérais qu’après tout ce que je vous ai dit vous réaliseriez que mes idées sont moins naïves que vous le supposez & que vous chercheriez par vous-mêmes les réponses réalistes que le Civisme apporte aux problèmes que vous entrevoyez, à tort ou à raison. Mais puisque vous y tenez... Je rappelle d’abord vos propos :

« Aujourd'hui 1 millions de français aimeraient vivre dans le 1,000 plus beaux appartements de Paris, et tous savent qu'ils ont les mêmes droits liés à leur "badge de citoyen"... Répondant à l'appel de Jaurès, Ils sont venues par centaines de milliers de tous les coins de la France en autobus, en TGV et en avions privés, prendre possession de leur nouveau "droit"... Que se passera-t-il à la réunion des citoyens présidée par le valeureux Philippe alors qu'ils s'attendent tous à recevoir tous les clés! »

Tout d’abord, il faut préciser que le droit d’accéder au marché, étant le pendant du devoir de participer à la vie de la Cité, ne porte que sur le fruit du travail (biens & services) des citoyens. Le sol n’est donc pas concerné. Le sol appartient à la Cité. Si elle en confie des portions à des citoyens, pour quelque but que soit, elle ne leur concède aucun titre de propriété. Sauf Largent qui masque les choses, c’est déjà le cas aujourd’hui : n’importe qui peut être exproprié si l’intérêt général l’exige. Le fait d’être indemnisé ne change rien à l’affaire.

Ensuite, il faut distinguer entre appartements & villas ; il faut également savoir de quel pays on parle, car tous les pays n’ont pas les mêmes capacités foncières en fonction de leur étendue & de leur population.

Il faut enfin savoir que le Civisme distingue la Citoyenneté de la Nationalité. On peut être Citoyen de France sans être Citoyen français. La différence, ce sont des devoirs particuliers que les Citoyens français acceptent de remplir (en premier lieu un véritable service national) & qui leur confèrent des droits particuliers, à savoir les droits politiques & les droits sur le sol.


Remarquez que je ne vous ai jamais dit que la Citoyenneté, le fait de participer à la vie de la cité d’un point de vue économique, confère des droits politiques, droits secondaires. Remarquez encore que le fait que les droits politiques ne soient pas attachés à la Citoyenneté, n’empêche pas ceux qui veulent en jouir, d’en jouir, à condition qu’ils remplissent les devoirs qui les confèrent. Que votre surfeur se rassure ; personne ne le forcera à faire un service national s’il ne le désire pas. Mais qu’il ne vienne pas ensuite réclamer les droits conférés par les devoirs qu’il a refusé de remplir. Je suis bien certain que vous désapprouvez vous-mêmes ces gens qui croient que les droits tombent du ciel, & veulent & le beurre & l’argent du beurre.

Quoiqu’il faudrait encore aborder la question de la formation des lois, de la représentation de la Cité suivant les cas, &c., venons-en à votre question.

Le droit d’un Citoyen n’est pas d’avoir une villa, mais de pouvoir se loger. Or il est évident qu’une cité a toujours la possibilité de construire des appartements, alors que la construction de villas exige, pour loger beaucoup moins de monde, beaucoup plus de surface. Mettons donc de côté, pour le moment, la question des villas. La Cité pouvant toujours construire des appartements, on peut imaginer que les appartements (vacants ou en construction) constituent une sorte de marché, accessible à tous les Citoyens, y accéder nécessitant cependant des démarches administratives. La Cité fixant une limite à la surface que peut occuper chaque citoyen, lesdites démarches administratives serviront, outre à valider le nom de l’occupant, à vérifier que le candidat a droit à l’appartement en question. Quand je dis « limite », je ne veux pas dire que la surface par Citoyen sera ridicule, mais seulement que, même élevée, il y aura une limite. Il peut également y avoir une limite en nombre d’appartements. Un Citoyen pourra donc cumuler les appartements jusqu’à ce qu’il atteigne ces limites &, s’il veut autre chose, il devra alors renoncer à un ou plusieurs de ses appartements. Remarquons cependant que cumuler des appartements n’aura pas grand intérêt dans la Cité, puisqu’ils ne permettront pas d’en tirer des loyers, & pourrait même avoir des inconvénients, car un appartement confèrera des responsabilités. Quant à la question de savoir qui obtiendra tel ou tel appartement : comme sur le marché des biens ordinaires : le premier arrivé remplissant les exigences. On peut enfin imaginer différents offreurs : 1) les particuliers sur le point de quitter leur appartement, 2) des agences immobilières, 3) les municipalités.

Pour les villas ou l’accès au sol à bâtir, les choses seront sensiblement identiques, avec cette différence que n’y auront accès que les Citoyens français proprement dits. Le marché comprendra alors les villas vacantes ainsi que les terrains destinés par les communes à la construction de villas. Là encore la Cité fixera des limites soit en surface soit en nombre de terrains, ces limites se combinant avec celles pour les appartements.

Si vous vous rappelez de ce que je vous disais sur l’héritage, vous comprendrez maintenant pourquoi je ne suis pas hostile à ce qu’un appartement ou même une maison fasse l’objet d’un legs, à la condition que l’héritier, malgré cette héritage, n’excède les limites dont j’ai parlées.

Voilà. Le sujet mériterait d’être encore développé, mais je pense vous avoir dit l’essentiel. Retenez donc que la Cité ne promettra rien à personne. Elle reconnaîtra des droits aux Citoyens, droits qu’il leur appartiendra de faire valoir dans la mesure du possible. Le rôle de la Cité est de garantir l’Egalité en Droits entre Citoyens, pas de réaliser l’impossible. Elle peut augmenter le nombre d’appartements, en construire de plus spacieux, &c., mais en un temps « T » les choses sont ce qu’elles sont. Avec le temps, les Citoyens seront de mieux en mieux logés (même sans changer de logement, ils auront d’ailleurs les « moyens » de l’entretenir & de l’améliorer), voilà tout ce que la Cité peut promettre.

Maintenant, pardonnez-moi, mais je commence à fatiguer. Si vous n’admettez pas l’égalité des Citoyens en devoirs & en droits comme principe fondamental de l’ordre social, si après tout ce que je vous ai dit vous n’en sentez pas encore les avantages, je ne vois pas ce que je peux faire de plus, sinon passer en vain ma vie à vous expliquer. Je vous invite du moins une dernière fois à imaginer que le droit d’accéder au marché soit attaché à la Citoyenneté & à chercher par vous-mêmes la façon réaliste d’adapter les choses à cette nouvelle donne (car, de la même manière que notre monde a évolué autour de Largent, faute de pouvoir faire autrement, les choses, une fois la carte civique instaurée, s’adapteront & évolueront autour l’Egalité).

Salut & Fraternité,

Philippe Landeux

06:40 Écrit par Philippe Landeux dans 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : revolution, guerre, civile, robespierre, cité, civisme, abolition, argent |  Facebook | |  Imprimer |

samedi, 20 novembre 2010

DECLARATION DES DEVOIRS ET DES DROITS...

Projet de

DECLARATION UNIVERSELLE
DES DEVOIRS ET DES DROITS
de l’Homme, du Citoyen et de la Cité

Une Déclaration des Devoirs et des Droits n’a à tenir compte ni du contexte social, politique, économique et technique du moment ni des craintes anticipées. Elle doit exposer sans détour les Principes fondamentaux et immuables de l’association politique, et établir les Devoirs et les Droits des Citoyens dans l’absolu, c’est-à-dire ce vers quoi doit tendre la réalité, ce que les lois doivent en pratique défendre ou observer pour être conformes à la logique sociale, ce que tout homme probe peut légitimement réclamer, ce qu’une Société ne peut bafouer sans être criminelle, ce qu’aucun tribunal ne peut méconnaître sans être arbitraire et tyrannique. Ce texte est la bible des opprimés et l’arme des innocents. Mais comment pourrait-il l’être si, excès d’humanité ou défaut d’honnêteté, les Droits n’y sont pas reconnus, si les injustices n’y sont pas dévoilées, si l’oppression n’y est pas dénoncée, si les oppresseurs peuvent l’invoquer pour se renforcer, si les esclaves ne peuvent y puiser la force de briser leurs chaînes, si la rébellion ne peut y trouver son but et sa raison d’être, si l’innocence, dans un état dit de droits, ne peut se reposer sur lui en toute confiance ?



PREAMBULES ET ARTICLES FORMENT UN TOUT INDIVISIBLE

 

Préambule 1 : Est homme tout hominidé, quels que soient son sexe, son âge, la couleur de sa peau, sa langue, ses coutumes, ses croyances, ses passions, son niveau intellectuel, la manière dont il a été conçu ou mis au monde, etc.. 

Préambule 2 : Tout Citoyen est homme ; tout homme n'est pas nécessairement Citoyen. Est Citoyen tout homme reconnu tel par la Cité.

Préambule 3 : Est une Cité ou une association politique tout ensemble d’individus unis à l’origine pour survivre, donc pour être en sécurité, et qui, de ce fait, ont les uns envers les autres les mêmes Devoirs et se garantissent mutuellement les mêmes Droits.

Préambule 4 : L’accomplissement de Devoirs envers la Cité, c'est-à-dire envers l’ensemble des Citoyens, confère aux Citoyens des Droits dans la Cité, Droits que celle-ci a le Devoir de garantir. Les Devoirs de la Cité, c’est-à-dire des Citoyens en corps, sont aussi les Devoirs de chaque Citoyen en particulier.

Préambule 5 : Est un Contrat Social toute convention adoptée par les Citoyens, définissant les Devoirs élémentaires du Citoyen envers la Cité et ceux de la Cité envers chaque Citoyen, imposant à tous les individus voulant être Citoyens les mêmes Devoirs, reconnaissant à tous les individus s’en étant acquittés les mêmes Droits, posant ainsi l’Egalité comme le Principe fondamental de l’ordre social.

Préambule 6 : Les Devoirs et les Droits fondamentaux du Citoyen découlent de l'acte d'association politique. Les Principes de la Cité sont communs à toutes les Sociétés dignes de ce nom.

Préambule 7 : Il existe trois niveaux de Devoirs et de Droits : fondamentaux, indirects, particuliers, les Devoirs ou les Droits d’un niveau découlant des Devoirs ou des Droits du niveau supérieur.

Préambule 8 : Les Devoirs fondamentaux sont les obligations générales dont tout individu doit impérativement s’acquitter pour devenir ou demeurer Citoyen. Les Droits fondamentaux sont les jouissances théoriques que la Cité doit reconnaître et garantir à tous ses Citoyens.

Préambule 9 : Les Devoirs indirects sont les différentes actions concrètes par lesquelles les Citoyens peuvent remplir leurs Devoirs fondamentaux. Les Droits indirects sont les différentes formes pratiques par lesquelles les Citoyens exercent ou jouissent des Droits fondamentaux.

Préambule 10 : Les Devoirs particuliers sont les actions précises que les Citoyens doivent accomplir pour remplir un Devoir indirect ou mériter un Droit particulier. Les Droits particuliers, eux, découlent soit de l’exercice de Droits indirects, soit de l’accomplissement de Devoirs particuliers.

Préambule 11 : L’Egalité ne concerne que les Devoirs fondamentaux et les Droits fondamentaux et indirects. Il est en revanche impossible que les Citoyens s’acquittent tous des mêmes Devoirs indirects ou particuliers et jouissent des mêmes Droits particuliers.

Préambule 12 : Est une oppression tout acte de la part d’un particulier, d’un groupe ou d’un système attentant aux Droits d’au moins un individu. Il y a état d'oppression dès lors que l’Egalité entre « Citoyens » n'est pas.

Préambule 13 : Est une usurpation tout acte par lequel un individu, soit directement soit en se soustrayant à ses Devoirs, détourne à son profit des Droits générés par d’autres et dont il est indigne. L’usurpation est une oppression.

Préambule 14 : Citoyenneté et Nationalité sont deux choses distinctes : la première est un choix d’ordre économique et vital, la seconde, d’ordre politique et sentimental. L’une comme l’autre implique des devoirs et confère des droits.

Préambule 15 : Est un Citoyen national tout Citoyen considérant ses Concitoyens comme sa seule Patrie temporelle (l’Humanité étant la patrie métaphysique de tout homme) et joignant les actes à la parole. La Cité au sens large est l’ensemble des Citoyens ; la Cité au sens strict, la Nation, le Peuple souverain, est l’ensemble des Citoyens nationaux.

Préambule 16 : Est une loi toute règle ratifiée par les Citoyens nationaux et égale pour tous les Citoyens. Toute règle fondée sur d’autres principes n’a d’une loi que le nom.

Préambule 17 : Une loi ne doit défendre que ce qui est nuisible à la Cité et ordonner que ce qui lui est utile.

Préambule 18 : Les Cités étant des ensembles d’individus unis pour augmenter leurs chances de survie face au monde extérieur n’entretiennent théoriquement entre elles que des rapports de force. Leur capacité à dépasser ces considérations primaires sans pour autant saper les Principes de l’ordre social est la mesure de leur humanité.

Préambule 19 : Les Cités doivent, non par Principe, mais par humanité, cultiver entre elles les rapports qu’ont entre eux des Concitoyens.

Préambule 20 : La Cité ne connaît pas le pardon du crime. L’Humanité ne reconnaît aucun asile à la tyrannie et à la barbarie.

 

ARTICLE  PREMIER 

Les hommes naissent libres et égaux sans Droit, et doivent être égaux en Devoirs et en Droits en tant que Citoyens. Un Droit n’existe que s’il est reconnu et garanti par une Société. Les hommes ne naissent pas Citoyens et bardés de Droits ; ils le deviennent et doivent mériter et conserver leurs Droits par leurs actes.

 

I. L'HOMME

 

ART. II — Tout homme a le Devoir d’agir conformément à la présente Déclaration.

ART. III — Tout homme valide a le Devoir de pourvoir lui-même à ses besoins par l’exploitation de son propre potentiel. Tout homme est propriétaire de tout ce qu’il produit pour lui-même à partir de biens reconnus siens ou dont la propriété ne lui est pas contestée.

ART. IV — Tout homme a le Devoir de se soumettre aux lois de la Cité sur le sol de laquelle il se trouve, à moins que s’y soumettre mette en danger sa personne ou revienne à cautionner une tyrannie.

ART. V — Tout homme a le Droit de combattre ses oppresseurs, et le Devoir de combattre les oppresseurs d’autrui. Les moyens employés dans ce combat, pour être légitimes, doivent être tournés contre les oppresseurs seuls. Assujettir à des formes légales la résistance à l’oppression est le dernier raffinement de la tyrannie.

ART. VI — Tout homme a le Devoir d’élever, d’éduquer et de chérir sa progéniture jusqu’à son autonomie ou sa majorité légale.

ART. VII — Tout homme qui prétend à des Droits est responsable de ses actes, de l’usage qu’il fait de ses biens et, dans une certaine mesure, du comportement de sa progéniture.

ART. VIII — Tout homme a le Droit de disposer librement de son corps et même de sa vie tant qu’il ne met pas en péril des personnes non consentantes ou inconscientes.

ART. IX a — Tout homme accusé d’un acte considéré par la Cité comme un délit ou un crime a le Droit d’être jugé équitablement et défendu correctement. Nul ne peut être condamné sans preuves.

ART. IX b — Les peines doivent servir l’intérêt de la Cité et si possible celui des coupables. Elles sont faites moins pour sanctionner ceux qui ont enfreint les lois que pour dissuader de les enfreindre, moins pour punir les coupables que pour leur faire réparer leurs torts, leur ôter à jamais l’envie de récidiver et, dans les cas extrêmes, les empêcher de nuire à nouveau à quiconque. Elles sont utiles et justes quand elles remplissent leur objet.

ART. X — A moins d’être Citoyen, un homme a droit, dans la mesure des possibilités de la Cité, à une portion de sol propre à assurer son existence. Il a aussi le Droit de chasser et de cueillir dans le domaine public.

ART. XI — Tout homme a le Droit de choisir sa Cité, sous réserve que ladite Cité accepte de l’accueillir et que lui-même se montre digne par ses actes d’en faire partie.

ART. XII — Tout homme a le Droit de choisir sa Nationalité, sous réserve que la Nation concernée le reconnaisse comme un des siens et que lui-même assume son choix.

ART. XIII — Les enfants, qui ne peuvent être naturalisés, les étrangers, les apatrides et les Citoyens qui n’ont pas demandé ou obtenu la Nationalité n’en sont pas moins sous la protection de la Cité dont ils dépendent aux yeux du monde ou sur le sol de laquelle ils se trouvent.

 

II. LE CITOYEN

 

ART. XIV — Tout homme pour être Citoyen, et tout Citoyen pour le demeurer, doit être solidaire de ses Concitoyens, participer à la vie de la Cité selon ce que celle-ci considère comme une participation, se soumettre à ses lois et la défendre. Tels sont les Devoirs fondamentaux du Citoyen.

ART. XV — Tout Citoyen a le Devoir de mettre une partie de son potentiel au service de la Cité, selon ses exigences.

ART. XVI — La justice étant rendue au nom du Peuple, tout jugement nécessite la réunion d’un jury populaire. Tout Citoyen a le Devoir de respecter et faire respecter la loi. Tout Citoyen national a le Devoir de répondre présent à l’appel de la Cité lorsque celle-ci a besoin de son concours pour rendre la justice.

ART. XVII — Tout Citoyen doit jouir des Droits fondamentaux et indirects que la Cité reconnaît à ne serait-ce qu’un seul de ses Citoyens. Les Droits fondamentaux du Citoyen sont : la Sécurité et la Liberté, autrement dit Profiter de tous les bienfaits de sa Cité.

ART. XVIII — La Sécurité, premier but de l'association politique, consiste à être protégé par la Cité dans toute la mesure du possible, à exercer librement ses Droits de Citoyen et à jouir en paix de ses biens légitimes. Elle implique l’égalité en Droits (indirects) entre Citoyens et se conserve par l’accomplissement de ses Devoirs (fondamentaux) et le respect des Droits d’autrui.

ART. XIX a — Tout Citoyen a le Droit inaliénable de défendre lui-même les Droits que la Cité lui reconnaît lorsque celle-ci est provisoirement inapte à les lui garantir.

ART. XIX b — Un Citoyen menacé dans ses Droits et peut-être dans sa personne, ne pouvant compter que sur ses propres forces et devant réagir rapidement et violemment sous peine d’être une victime, est seul juge des moyens qu’il peut employer à sa défense, quelles que soient les conséquences pour son agresseur. La Cité qui n’a rien pu ou rien voulu faire pour lui sur le moment ne peut rien lui reprocher par la suite et doit au contraire et dans tous les cas poursuivre celui qui a créé cette situation en manquant à ses Devoirs et en attentant aux Droits d’un Citoyen.

ART. XX — Tout Citoyen a le Droit d’être armé pour sa défense et celle de ses Concitoyens. Tout Citoyen qui intervient pour défendre la personne ou les Droits d’un Concitoyen, comme il en a le Devoir, ne peut en aucun cas être poursuivi par la Cité.

ART. XXI — La Liberté consiste à jouir des mêmes Droits indirects que ses Concitoyens et à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas aux Droits d’autrui ou n’est pas interdit par la loi, égale pour tous. Quiconque outrepasse ses Droits manque à ses Devoirs, attente aux Droits d’autrui, viole la loi et s’expose à être privé momentanément ou définitivement des Droits dont il a abusé, voire de toutes les libertés.

ART. XXII — Tous les Citoyens ayant le Droit de profiter de tous les bienfaits de leur Cité, fruits de leurs Devoirs, ont Droit soit à une part égale du produit commun, soit à la possibilité d’accéder librement au marché du simple fait d’être Citoyens. Dans ce second cas, le Droit d’Accès, conféré par la Citoyenneté, donc égal pour tous les Citoyens car théoriquement illimité, a pour seules bornes les envies du Citoyen qui l’exerce, l’exercice par ses Concitoyens de ce même Droit, la nature des choses et au besoin la loi. 

ART. XXIII — Tout ce qui est produit dans le cadre d’un Devoir envers la Cité appartient en premier lieu à la Cité. Quand la Cité ne répartit pas elle-même le produit commun, les Citoyens se le répartissent par l’exercice de leur Droit d’Accès. Les biens attribués par la Cité ou retirés du marché deviennent des propriétés privées légitimes.

ART. XXIV — Les Citoyens peuvent également posséder, c’est-à-dire jouir et disposer à leur gré, dans le respect des Droits d’autrui, de tout ce dont la Cité les reconnaît propriétaires et de tout ce sur quoi elle ne leur conteste pas la Propriété.

ART. XXV a — Extraire les richesses du sol ou du sous-sol pour les mettre à disposition de la Cité est le Devoir des Citoyens auxquels celle-ci confie son sol comme outils de Travail. Ces richesses sont une production comme une autre.

ART. XXV b — Les richesses naturelles, appartenant à tous en général et à personne en particulier, ne peuvent en aucun cas devenir des propriétés privées, pas même lorsque l’intérêt de la Cité l’oblige à confier à des particuliers leur utilisation, leur exploitation, leur gestion, etc.

ART. XXVI a — Etre logé dignement et choisir lui-même son logement parmi ceux disponibles est le Droit de tout Citoyen. Ce Droit ne s’étend pas nécessairement aux maisons individuelles, celles-ci étant, plus que toute autre forme d’habitation, le prolongement d’une ressource naturelle, en l’occurrence le sol.

ART. XXVI b — Suivant son étendue et l’espace disponible, la Cité peut reconnaître le Droit de disposer de son sol pour se loger soit à tous les Citoyens, soit prioritairement aux Citoyens nationaux, soit exclusivement à ces derniers, soit à personne.

Art. XXVII — Tous les Citoyens ont Droit de regard sur toutes les parties de l’administration des affaires publiques.

ART. XXVIII — Tous les Citoyens ont le Droit de concourir à la formation des lois qui, cependant, ne peuvent être formulées, entérinées et servies que par les Citoyens nationaux.

ART. XXIX a — Lorsque les Citoyens nationaux sont trop nombreux pour pouvoir prendre directement et ensemble des décisions, chacun d’eux a le Droit de choisir son porte-parole et d’être lui-même choisi pour être celui de ses Concitoyens.

ART. XXIX b — Les décisions prises par des mandataires doivent être ratifiées par les mandants pour être légitimes et avoir force de loi. Les mandants peuvent à tout moment révoquer leurs mandataires suivant les formes établies par la loi.

ART. XXIX c — Un gouvernement qui adopte des lois sans consulter le Peuple souverain est anti-démocratique. Un régime qui ne laisse au Peuple d’autre voie que l’insurrection pour changer son gouvernement est tyrannique. Le Peuple a le droit inaliénable de les renverser par une action pacifique si possible, armée si nécessaire ; tous les hommes libres en ont le devoir.

ART. XXIX d — Le salut du Peuple est la loi suprême. Lorsque le gouvernement viole les droits du Peuple ou pactise avec ses ennemis, l’insurrection est pour le Peuple et pour chaque portion du Peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

 

III. LA CITE

 

ART. XXX — Le premier Devoir de la Cité est d’adopter un Contrat Social unique qui définisse les Devoirs et les Droits fondamentaux du Citoyen, c’est-à-dire les Devoirs qui confèrent la Citoyenneté et les Droits que celle-ci confère. Sans lui, il n’y a ni Citoyens ni Egalité ni état de Droits ni Société digne de ce nom.

ART. XXXI — La Cité, comme la Nation, a le Droit d’accueillir sur son territoire ou en son sein, ou d’en chasser, qui elle veut, conformément à ses lois.

ART. XXXII — La Cité a le Devoir d’assurer sa propre conservation, de défendre l’intégrité de son territoire, de préserver l’indépendance, l’identité et l’existence du Peuple ; de garantir l’égalité des Citoyens en Droits fondamentaux et indirects et de s’assurer qu’ils remplissent tous au préalable leurs Devoirs fondamentaux ; en un mot de garantir les droits collectifs et individuels des Citoyens.

ART. XXXIII — La Cité a le Devoir d’agir dans l’intérêt général, c’est-à-dire de satisfaire les intérêts légitimes du plus grand nombre de ses Citoyens. L’intérêt général prime les intérêts particuliers. La Cité doit cependant ménager autant que possible les intérêts particuliers légitimes et trouver une forme de compensation acceptable par les intéressés lorsque l’intérêt général l’oblige à en froisser certains.

ART. XXXIV — La Cité ne reconnaissant comme siennes que les lois adoptées par elle a le Devoir de soumettre l’ouvrage des élus à l’approbation des électeurs.

ART. XXXV — La Cité a le Devoir de faire connaître ses lois et les peines que les enfreindre fait encourir avant d’avoir le Droit d’exiger que chacun les respecte. Nul ne peut être empêché de faire ce qu’une loi n’interdit pas au moins en principe ni être contraint à faire ce qu’aucune n’ordonne.

ART. XXXVI — La Cité a le Devoir de punir sévèrement ceux qui abusent de l’autorité qu’elle leur a confiée. Nul n’est au-dessus des lois.

ART. XXXVII — La Cité, afin de savoir qui participe et qui prévarique, qui est Citoyen et qui usurpe des Droits, a autant le Droit d’exiger des Travailleurs un effort minimum significatif que celui de s’assurer qu’ils l’ont effectivement fourni.

ART. XXXVIII — La Cité a le Devoir de prendre en charge, sans restreindre leurs Droits, les Citoyens ne pouvant pas ou ne pouvant plus participer à la vie de la Cité.

ART. XXXIX — La Cité a le Devoir d’apporter aux enfants attention, protection et instruction, aux adolescents une formation civique et professionnelle, aux malheureux du réconfort et à l’Humanité opprimée ou en danger du secours.

ART. XL — La Cité a le Devoir de protéger son patrimoine culturel et naturel afin de le transmettre aux générations futures dans le meilleur état possible.   

ART. XLI — La Cité a le Devoir de protéger le Droit à la vie privée, étant de l’ordre du privé tout fait qui, échappant au public, à la Justice ou à l’Histoire, veut être conservé secret ou discret par l’intéressé.

ART. XLII — La Cité, ayant l’obligation de protéger ses Citoyens et d’assurer sa propre conservation, a le Devoir de mettre hors d’état de nuire les dangers publics et le Droit d’anéantir ses ennemis mortels.

ART . XLIII — La Cité n’a le Droit de garder en détention que les individus qui, ayant volontairement ôté ou bouleversé à jamais la vie de leurs victimes, ont de fait perdu tous leurs Droits, et ceux qui, ne pouvant ou ne voulant pas réparer leurs torts, ne peuvent être sanctionnés autrement.

ART. XLIV — La Cité doit soutenir les Peuples opprimés et est en dernier recours un asile pour les révoltés en danger de mort.

ART. XLV — Tout ce que la Cité accorde par humanité n’est point un dû de sa part et ne peut être regardé comme un Droit inaliénable par le bénéficiaire qui doit autant que possible s’en montrer digne et, s’il le peut, puiser dans cette aide les forces pour intégrer une Cité ou assumer seul son existence à l’avenir.

 

Philippe Landeux

Le Civisme ou théorie de la Cité

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