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jeudi, 09 mai 2013

MERCI A ETIENNE CHOUARD

Un grand merci à Etienne Chouard, vrai ami du peuple, pour avoir présenté mon "Robespierre parle aux Français" sur son blog.

07:37 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook | |  Imprimer |

lundi, 17 décembre 2012

DEBAT Reynald Secher vs Philippe Landeux - Robespierre (la Vendée)

Enquête & débat : Pour ou contre Robespierre ? (Robespierre et la Vendée)

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Le débat entre Reynald Secher et moi a eu lieu samedi 15 décembre 2012, au matin. Dans mon esprit, ce débat devait porter, non sur Robespierre, dont je suis un « spécialiste », mais sur la guerre de Vendée, puisque M. Secher a consacré sa vie à clamer sur tous les toits que la République a commis un génocide en Vendée. Du reste, en apprenant le véritable objet du débat, je ne me suis fait aucune illusion. Comme certains brandissent hystériquement la loi du 22 prairial an II pour condamner Robespierre sans rémission, je me doutais bien que M. Secher ramènerait tout à la question de la Vendée pour condamner et Robespierre et le Comité de salut public et la République et la Révolution.

Sachant que tel serait de même le réflexe de beaucoup, j’ai consacré un chapitre de mon « Robespierre » à cette question qui, pourtant, ne le concerne en rien, si ce n’est de très loin. Ayant vu tous les arrêtés du Comité de salut public, je savais que la thèse du génocide (et celle d’un Robespierre « génocideur ») ne tenait pas (même si cet épisode de l’histoire de France a effectivement été affreux) et, partant, qu’un livre ne pourrait prouver réellement le contraire. De fait, il n’y a rien dans le livre de M. Secher. (Deux arrêtés : celui du 26 juillet 1793 qui dément toute intention génocidaire, et celui du 27 novembre 1793, signé entre autres par Robespierre, sur la nomination du général Turreau (qui ne conçut et ne mit en œuvre son plan qu’en janvier 1794).) Il y en a moins dans son livre de 400 pages que dans mon chapitre de 20 pages.

Il s’ensuit que, pour soutenir sa thèse, en particulier ses accusations contre Robespierre, M. Secher est obligé de noyer le poisson en recourant à des procédés surprenants pour un historien : procès d’intention, interprétations ridicules, extrapolations fantastiques, exagérations manifestes, parallèles douteux, généralités insipides, comparaisons grotesques, raccourcis spectaculaires, citations hors sujet, affirmations gratuites, négation des faits, mépris de la chronologie, anachronismes, amalgames, diversions, omissions, dissimulations, insinuations, inversions, etc. Lui qui accuse la République d’avoir mené une guerre idéologique est dans l’idéologie pure !

Je ne suis pas encore à l’aise devant une caméra et c'était la première fois que je débattais, contrairement à M. Secher. Ce dernier l’emporte donc sur la forme. Mais soyez attentif au fond. Les procédés que je viens de signaler devraient vous sauter aux yeux. Il était question de Robespierre… M. Secher n’a fait que parler à tort et à travers en prenant ses élucubrations pour des arguments historiques. Ce qu’il dit n’est pas forcément faux, mais cela n’a jamais aucun rapport direct avec le sujet, à savoir Robespierre. Bref, M. Secher n’est pas un historien mais un impressionniste, un prestidigitateur.

A vous de juger. Bon visionnage…

 

Pour info : Je soutiens que le Comité a toujours essayé de distinguer les rebelles de la population en général, que sa tactique était de faire évacuer autant que possible la population des départements constituant la "Vendée militaire" pour ne plus avoir en face que les rebelles, qu'il prescrivait de traiter avec soin les évacués et qu'il envisageait même de les indemniser. Dans ces conditions, il est impossible de lui attribuer des intentions génocidaires. Je le dis, et je le prouve :

Le 20 février 1794, Garrau, Hentz et Francastel, représentants à l’armée de l’Ouest, arrêtent que les habitants du département de la guerre [c’est-à-dire la Vendée] se retireront à 20 lieues au moins. — Cet arrêté est connu par l’arrêté du Comité de salut public du 29 ventôse (19 mars) par lequel ce dernier demanda au Conseil exécutif provisoire de prendre « les mesures nécessaires pour que ces réfugiés ne puissent approcher de Paris à moins de vingt lieues ». (Tome XII, p. 53, n° 2)

26 février 1794. Lettre. De Nantes, Hentz, représentant à l’armée de l’Ouest, et Francastel, représentant dans l’Indre-et-Loire et le Maine-et-Loire, écrivent au Comité : « Voulez-vous faire une déportation des habitants de ce pays ? La voilà exécutée d’avance ; il ne restera plus qu’à prendre des mesures pour faire un sort aux Vendéens dispersés dans la République, pour les indemniser même généreusement, de sorte que, tout à la fois, nous trouverons les moyens de purger plus facilement la Vendée en détruisant ce qui va rester, et de disperser dans la République des gens qu’il sera toujours dangereux de laisser ensemble. Jamais les femmes de ce pays ne deviendront raisonnables ; c’est surtout elles qu’il faut expatrier. » (Tome XI, p. 425)

6 mars 1794. Lettre. De Cholet, Hentz, représentant à l’armée de l’Ouest, et Francastel, représentant dans l’Indre-et-Loire et le Maine-et-Loire, écrivent au Comité : « Le désespoir des brigands augmente en raison de leur détresse, et cet état les rend par moment redoutables. L’obligation de n’avoir que des petites colonnes laisse des vides, et ils se portent avec fureur là où nous ne sommes pas, là où tout n’est pas détruit ; nous venons d’apprendre qu’ils commettent leurs horreurs, c’est-à-dire leurs massacres des patriotes dans le canton de Loroux et autour de Saint-Florent. L’opiniâtreté des habitants de ce pays est inconcevable ; malgré nos proclamations de se retirer, les facilités que nous donnons aux réfugiés, il en est beaucoup qui restent. Cependant, notre mesure a produit le plus grand effet et il vient d’évacuer plus de dix mille personnes de la Vendée. Cela désole les brigands, qui vont se trouver seuls, et qui voient bien qu’on les fera infailliblement périr. Tout Cholet a évacué hier ; il n’y reste personne, on n’a rien brûlé. » (Tome XI, p. 577)

27 mars 1794. Lettre. Le Comité (sans autre précision) écrit aux représentants en Vendée : « Lorsqu’il se fait par vos ordres, citoyens collègues, des émigrations de citoyens de la Vendée, vous devez dans votre sagesse aviser aux moyens de leur assurer, dans les départements où ils passent et où ils arrivent, des moyens de subsistances, et ces moyens, les extraire des départements d’où ils sortent. » (In extenso) (Tome XII, p. 226)

Le 4 juin, le Comité (Billaud-Varenne, R. Lindet et B. Barère) arrêta que : “Les agents de la Commission feront publier dans le département Vengé une proclamation pour annoncer l’objet de leur mission, ordonner à tous les habitants de se retirer dans leurs communes et de se présenter au jour qui sera indiqué pour se faire inscrire sur la liste qui sera dressée de tous les habitants, et déclarer que ceux qui ne seront pas inscrits sur ces listes seront traités en rebelles. » (Supplément 3, p. 193)

12 juin 1794. Lettres. De Niort, Ingrand, représentant à l’armée de l’Ouest, écrit au Comité de salut public : « Chaque jour les brigands se portent sur les communes qui se trouvent entre le camp de Chiché et la Châtaigneraie et y égorgent les citoyens qu’ils rencontrent. Hier, douze hommes sont tombés à l’Absie, sous le fer de ces féroces assassins. Il est important de faire évacuer les communes qui se trouvent entre les camps et qui ne sont pas assez fortes pour se garder. » (Tome XIV, p. 280)

11 juillet 1794. Lettre. Bo, représentant à Nantes, écrit au Comité de salut public : « Faut-il ne nommer qu’une commission pour délivrer des certificats de civisme à tous les citoyens des départements qui ont fait partie du théâtre de la guerre de la Vendée et qui réclament des indemnités ? Si cela est, ces opérations seront très longues, car les certificats de civisme qu’elle accordera, devant être confirmés par les agents nationaux de districts et révisés ensuite par les représentants du peuple, demanderont beaucoup de temps avant que toutes ces formalités soient remplies. » (Tome XV, p. 91)

22:00 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (8) |  Facebook | |  Imprimer |

mardi, 11 décembre 2012

Philippe Landeux sur ICI & MAINTENANT 06-12-2012 (video)

Sujet : Largent et la Cité.

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Cliquez sur l'image pour voir la vidéo

L'intégralité de l'émission (4h 37min) est disponible ICI en audio (en rimcast) pour la somme de 3€50, seule source de financement de la radio ICI & MAINTENANT.

08:47 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |

mercredi, 05 décembre 2012

6 DECEMBRE 2012 : le début de la fin du monde

Le jeudi 6 décembre, à partir de 23 heures jusqu'à pas d'heure, je serai l'invité de Lisandre, sur radio Ici & Maintenant (95.2 en région parisienne et sur Internet).

Ici_et_maintenant.jpg

J'ai été invité d'abord pour parler de Largent, mais nous aborderons aussi la question de la Cité, c'est-à-dire une société en système non-monétaire.

Le 6 décembre 2012 sera presque jour pour jour le 15e anniversaire de la naissance du Civisme. C'est en effet le 4 décembre 1997 que j'ai mis le doigt sur une idée inconcevable et d'une portée inimaginable, à savoir qu'un Citoyen a des droits, dont celui d'accéder au marché, parce qu'il est Citoyen.

Ce principe, cette simple phrase, révolutionne toute la philosophie politico-économique ; elle sape les fondements du système actuel ; elle anéantira tôt ou tard, non pas le monde, mais notre monde, celui que nous connaissons, celui de Largent. Dès lors, faut-il voir comme un signe de la Providence ou un hasard le fait que les idées les plus révolutionnaires qui soient seront diffusées pour la première fois sur les ondes françaises en décembre 2012 ?

Il ne se passera rien de tangible ce 6 décembre 2012, mais l'Histoire se souviendra que ce jour a été le début de la fin d'un monde

16:38 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |  Imprimer |

mercredi, 14 novembre 2012

ENTRETIEN avec RIPOSTE LAIQUE au sujet de ROBESPIERRE

Publié le 12 novembre 2012

Robespierre - recto (léger).JPGRiposte Laïque : Tu viens de publier le livre « Robespierre, la Terreur des traîtres à la Nation » (Les Editions du Pont d’Arcole). Ceux qui te connaissent savent quelle est ton admiration pour ce personnage historique, par ailleurs fort contesté. Peux-tu d’abord te présenter à nos lecteurs ?

Philippe Landeux : Je suis originaire de Montpellier. J’approche la quarantaine ! Bon Dieu que le temps passe ! C’est en arrivant à Paris, en 1996, après mon service militaire, que j’ai réellement découvert Robespierre et la Révolution, en lisant dans le métro. Après avoir lu les journaux quelques temps, j’ai voulu lire des choses plus consistantes. Mon père m’avait parlé de Robespierre et je m’y étais déjà intéressé. Mais, cette fois, la chance ou autre chose a voulu que je tombe sur une de ses meilleures biographies, celle de Jean Massin. Son parcours surréaliste, son courage jusqu’au sacrifice en faveur du peuple, de l’Egalité, de la vraie démocratie, ses discours exaltants m’ont soufflé. A partir de là, j’ai lu tout ce que j’ai pu trouver sur lui et la Révolution. Ces lectures m’ont amené, comme à cette époque, à réfléchir à des sujets de philosophie politique et à écrire, ce que je n’avais jamais fait, ayant eu un parcours scolaire plutôt scientifique. C’est ainsi que j’en suis venu à concevoir ma propre théorie, le « Civisme » avec son volet sur « Largent ». Je l’ai rédigée en quelques mois. Ne trouvant pas d’éditeur, j’ai voulu me faire connaître en écrivant sur un sujet plus consensuel. Robespierre pourrait paraître un mauvais choix dans cette optique, mais quand on sait ce que je prône par ailleurs, la difficulté devient toute relative !

Je me suis donc lancé dans un « Robespierre et la Révolution au jour le jour », c’est-à-dire une chronologie très détaillée de la Révolution avec, insérés en encadrés, les lettres, les interventions, les discours de Robespierre tant à l’Assemblée qu’aux Jacobins. Pour ce faire, je me suis bien sûr appuyé sur les Œuvres complètes publiées par la Société des études robespierristes. Pour compléter ce travail, j’ai également lu et compilé les arrêtés du Comité de salut public et la correspondance des représentants en mission (Recueils d’Aulard, suppléments de Bouloiseau). Enfin, je me suis plongé dans les archives du Tribunal révolutionnaire de Paris, intactes, fort heureusement !, afin d’avoir des chiffres exacts non seulement des exécutions, mais aussi des acquittements et des autres condamnations. Car, chose étrange, ce travail n’a pas été fait par les historiens professionnels, sinon mal. Ce travail m’a également permis d’acquérir une connaissance de première main sur les Commissions populaires et le Bureau de police générale.

Je suis donc un autodidacte, mais je crois pouvoir dire que, sur mon terrain, je n’ai guère de rivaux. Serge Ayoub que j’ai rencontré il y a trois ans et que je vois comme un jacobin, un robespierriste, n’en déplaise aux médias et à la gaucherie, l’a bien senti et m’a rapidement demandé d’écrire une notice sur Robespierre pour faire connaître cette figure du patriotisme français dans le milieu « nationaliste ». Aussitôt dit, aussitôt fait. 

Riposte Laïque : D’où te vient cette ferveur pour Robespierre ?

Philippe Landeux : De la grande, de la terrible injustice dont cet homme que l’on appelait à juste titre l’Incorruptible est victime. Il a été le champion de l’Egalité et de la démocratie, la pierre angulaire de la Révolution, le bon sens et la modération au milieu de la tempête, l’espoir des faibles et des innocents, le summum du patriotisme, le meilleur de la France, généreuse et intransigeante, le verbe de la République populaire, la terreur des traîtres à la nation, des démagogues, des va-t-en-guerre, des sanguinaires, des pourris, des profiteurs et des égoïstes, le père de la Gauche, de la vraie gauche, reconnu comme tel jusqu’à Jean Jaurès et on l’accuse encore de tout ce qu’il a combattu, on lui impute les crimes de ses ennemis, on perpétue les calomnies de ses détracteurs sans se demander qui étaient ces derniers ! Toutes les accusations atroces dirigées contre lui ont eu pour but d’étouffer ses paroles. Alors je citerai simplement celle-ci, tirée de sa déclaration des droits :

« Toute institution qui ne suppose pas le peuple bon et le magistrat corruptible est vicieuse ».

Vous imaginez tous les intérêts que cet homme dérangeait ? Vous comprenez pourquoi il s’est fait tant d’ennemis, pourquoi leurs motifs contre lui étaient inavouables et pourquoi il a fallu en inventer ? Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. C’est exactement ce qu’ils ont fait avec Robespierre. Et Robespierre ne se faisait lui-même aucune illusion ! Il a fait son devoir d’honnête homme jusqu’au bout. Il défendait le peuple. En défendant Robespierre, tout homme du peuple ne fait que défendre sa propre cause. C’est, en somme, ce que disait Babeuf : « En relevant le robespierrisme, vous êtes sûrs de relever la démocratie ».

Riposte Laïque : Mais tu es conscient qu’aux yeux de nombre de nos compatriotes, il incarne l’époque sanglante de la Terreur, et l’exécution de nombre de ses compagnons révolutionnaires… qui finit par être victime de ses propres méthodes ?

Philippe Landeux : Bien évidemment ! Mais que valent les considérations de gens qui se permettent d’avoir un avis sur un tribun sans avoir jamais lu un de ses discours ? Du reste, cette opinion, cette idée reçue, n’est pas étonnante et je viens d’en donner la raison et l’origine. Il serait intéressant que les gens qui ont de Robespierre une opinion négative se demandent d’où ils la tiennent, qui la leur a inculquée ? J’aimerais bien qu’ils me disent quelle aurait été leur position à chacune des étapes de la Révolution, quel parti ils auraient pris, qui ils auraient suivi… Mais, pour cela, encore faudrait-il qu’ils connaissent la Révolution ! Alors, je suis sûr que, pour la plupart, ils s’apercevraient qu’ils auraient été constamment derrière Robespierre, comme le fut en son temps le peuple français.

Puisque je conseille de lire Robespierre, voici quelques-uns de ses textes et discours incontournables que l’on peut facilement trouver sur Internet : Discours contre le veto royal (septembre 1789), discours sur l’organisation des gardes nationales (décembre 1790), discours contre le Marc d’argent (avril 1791), article sur la liberté de la presse (11 mai 1791), discours contre la peine de mort (30 mai 1791), article sur le respect dû aux lois (juin 1792), discours sur les subsistances (2 décembre 1792), déclaration des droits (21 avril 1793), discours sur la Constitution à donner à la France (10 mai 1793), discours pour la liberté des cultes (21 novembre 1793), discours sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention dans l’administration intérieure de la République (5 février 1794) et, enfin, son discours testament (8 thermidor – 23 juillet 1794).

Riposte Laïque : Que réponds-tu à ceux qui font le parallèle entre la Révolution française, et la période de la Terreur, avec l’Union soviétique de Staline, et les purges permanentes qui marquèrent son règne ?

Philippe Landeux : Je dirais, pour commencer, que Robespierre jouissait d’un immense prestige mais qu’il n’a jamais réellement eu LE pouvoir. Les révolutionnaires ont renversé la monarchie et se défiaient du pouvoir personnel. Ils n’ont jamais instauré de fonction présidentielle. Le pouvoir était éparpillé entre divers Comités et s’exerçait, en leur sein, de manière collégiale. Ainsi, Robespierre qui fit partie du Comité de salut public n’a jamais eu ni la position ni les ambitions ni les moyens d’un Staline ou d’un Hitler (auquel on le compare aussi parfois), puisque c’est bien à cette analogie que conduit cette comparaison. L’accusation est en elle-même ridicule !

Je dirais, ensuite, que c’est, une fois de plus, ignorer tout de la Révolution et de sa complexité que de supposer que tout ce qui arriva fut la volonté d’un seul homme alors même que nombre de choses arrivèrent malgré lui. Il en a cautionné certaines, il a été emporté par d’autres, il a fait ce qu’il pouvait, comme tout le monde !

Je dirais, enfin, que la Terreur fut un accident et non un projet ou une idéologie. Elle fut imposée par la guerre étrangère et la guerre civile, situation désespérée dont la République ne put sortir que par des mesures énergiques et violentes. Or qui est assez naïf pour croire qu’il y a des guerres propres, qu’elles se gagnent en gants blancs ? Qui est assez de mauvaise fois pour croire qu’il y avait d’un côté les gentils, de l’autre les méchants ? Tous les partis, quels que fussent leurs mobiles, se livraient une guerre à mort. Les vaincus étaient exécutés. C’était la règle du jeu. Et, à ce jeu-là, Robespierre était un modéré. Il est perçu comme le symbole de la Terreur, alors que ses contemporains connaissaient sa modération et celle de son frère et de ses amis. Les crimes reprochés à la Révolution ne furent pas commis par les « robespierristes » mais, précisément, par les ennemis de Robespierre (Fouché, Collot-d’Herbois, Fréron, Barras, Carrier, Fouquier-Tinville, etc.), c’est-à-dire par ceux qui eurent sa peau le 9 thermidor. N’oublions pas, d’ailleurs, que c’est la France, entraînée par les Girondins et la Cour, qui déclara la guerre, et que Robespierre (qui n’était plus député) s’était opposé de toutes ses forces à cette aventure qui, sans le sursaut du 10 août, faillit perdre la Révolution. Une de ses raisons était la crainte du césarisme…

Riposte Laïque : Dans la France du 21e siècle, qu’est-ce, selon toi, être révolutionnaire ?

Philippe Landeux : La réponse que je vais faire est toute personnelle. Un révolutionnaire lutte pour l’égalité des citoyens (en devoirs et en droits), connaît le moyen de l’instaurer (voir le Civisme) et, partant, s’attaque à la cause de l’inégalité. Pour moi, la cause de l’inégalité est Largent, c’est-à-dire la « croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échange ». De cette croyance, née du troc, découle la monnaie et le système monétaire sous toutes ses formes et avec tous ses vices. Or, dans un système monétaire, il y a nécessairement des riches et des pauvres qui, par définition, ne sont pas égaux en droits ; ils ne sont pas même égaux devant la loi (selon que vous serez puissants ou misérables…). L’Egalité dans un contexte monétaire est une vue de l’esprit, tout comme la démocratie. En fait, il est impossible de la concevoir correctement si l’on intègre Largent dans le raisonnement parce que l’on ne sait comment s’en affranchir. C’était la limite de Robespierre. Il est celui qui a posé le mieux les principes de l’ordre social, mais la Révolution n’a jamais été à sa portée. Il me plait de croire qu’il a eu cette intuition quand il a écrit et aussitôt raturé : « Quand leur intérêt [celui des riches] sera-t-il confondu avec celui du peuple ? Jamais. »

Bref, qui ne dénonce pas Largent ne peut être un révolutionnaire ; même bardé de bonnes intentions, c’est, de facto, un capitaliste et un contre-révolutionnaire. Robespierre était en son temps un révolutionnaire condamné à l’échec. Son exemple peut nous inspirer. Il a encore beaucoup de leçons à nous donner. La plus importante de toutes est qu’il a échoué et que ce ne fut pas sans raison. Les communistes ont cru que c’était parce qu’il refusait précisément d’être un dictateur. Je dis, moi, qu’il s’est fracassé contre Largent et que tous ceux qui suivront exactement ses traces connaîtront la même fin.

Je sais que s’attaquer à Largent paraît fou. Mais un révolutionnaire ne poursuit pas des hochets ; il vise au cœur ou, comme disait Marat, il porte la cognée à la racine.

19:34 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |

vendredi, 28 octobre 2011

LE PETIT DERNIER : Le CIVISME illustré

Couverture.jpgLa Matrice est une prison pour l’esprit. C’est donc une croyance inconsciente qui fixe une tournure d’esprit et impose une conception du monde. Rien ne correspond mieux à ces caractéristiques que Largent, c’est-à-dire la croyance selon laquelle la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger. La Matrice, c’est Largent.

Dans son « Réquisitoire contre Largent ou théorie de l’Egalité », Philippe Landeux a arraché le masque du tyran. Dans « Le Civisme ou théorie de la Cité », il explique concrètement comment sortir de la Matrice, comment organiser une Société sans monnaie.

Ces deux livres sont complémentaires. Le premier démonte la logique d’aujourd’hui ; le second met en oeuvre une logique nouvelle. Dans les deux cas, le lecteur tombe à chaque pas sur un concept révolutionnaire.

Le présent ouvrage est un essai de vulgarisation du Civisme. Il traite des principaux concepts, schémas à l’appui. Tous les documents qu’il contient ont été publiés sur ce blog, mais ils sont ici présentés dans un ordre permettant au lecteur d’entrer progressivement dans la logique du Civisme.

Détails :

100 pages de textes et documents

10 € + frais de port

Civisme illustré - Bandeau pub.jpg

mardi, 11 octobre 2011

VIDEO PERSO : conférence "Largent, le tyran à abattre" (22 sept 2011)

A l'heure où Largent menace de faire vaciller le monde une fois de plus, il est temps que les peuples reconnaissent leur véritable ennemi. Largent est le nerf de la guerre... c'est aussi le talon d'Achille du capitalisme.

Conférence 22 sept 2011.jpg

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Cette conférence s'appuie sur le plan du texte ci-joint.

Merci d'être indulgent pour mes hésitations. C'était ma première conférence sur le sujet le plus essentiel. Je n'ai pas voulu lire de texte pour ne pas être trop monocorde, d'autant plus que les conditions ne s'y prétaient guère. La forme vaut ce qu'elle vaut, elle n'est pas si mauvaise après tout, et le fond est on ne peut plus révolutionnaire.

Bon visionnage.

13:40 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vidéo, conférence |  Facebook | |  Imprimer |

dimanche, 09 octobre 2011

VIDEO PERSO : Entretien avec Franck Abed, 23 août 2011

Ma première vidéo :

Philippe Landeux interrogé par Franck Abed

Sujets abordés : la monnaie, Largent, l'Egalité, la Citoyenneté, la Nationalité, etc.

moi.jpg

http://www.dailymotion.com/video/xl0uv4_franck-abed-recoi...

Si la vidéo ne s'ouvre pas, essayez le lien avec un autre explorateur (Mozilla ou Explorer).

10:37 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |

dimanche, 02 octobre 2011

REQUISITOIRE CONTRE LARGENT : le livre enfin dispo

réquisitoire,contre,largent,livre,commander,landeuxTout au long des pages de ce blog j'aborde la question de Largent, c'est-à-dire le coeur de notre système et, en même temps, le fondement de l'inégalité. Mais un blog n'est pas un livre.

Le Réquisitoire contre Largent ou théorie de l'Egalité, comme son nom l'indique, est le procès de Largent, appuyé sur une conception révolutionnaire de l'Egalité. L'accusateur public expose les faits et répond à toutes les questions que les jurés se posent, lesquels réalisent qu'ils ignoraient tout de ce que sont véritablement Largent et l'Egalité.

Cet ouvrage (de 169 pages de texte) présente, sous forme théorique, les bases de la Cité et constitue le premier volet de la théorie du Civisme. Il règle la question de Largent, ce qui permet, par la suite, de se consacrer exclusivement à l'organisation concrète de la Cité, laquelle repose sur l'Egalité. Mais on ne peut pas courir avant de savoir marcher. Avant de vouloir construire la Cité, il faut être persuadé de la nécessité de détruire le système présent, ou plutôt d'y renoncer consciemment, car il court tout seul à sa ruine.

Rares sont les personnes à avoir lu ce livre, n'étant pas édité. Mais toutes rejoignent le comité de lecture d'une maison d'édition qui, en raison de problèmes internes, a du cesser ses activités :

« Nous avons tous subi le choc de la grandeur et de la force de l'idée révolutionnaire qui est à la base de votre travail, il y a effectivement là un noyau d'idées suffisamment nettement articulées pour se rendre capables de faire événement dans la théorie de l'économie politique, et destiné potentiellement à entrer dans l'histoire, et à ce titre, il nous est impossible de ne pas envisager une publication de cette idée sous une forme ou une autre. […] Oui, nous sommes très très intéressés par votre démarche, et convaincus qu'il faut vous publier d'une façon ou d'une autre. Trop d’analyses excellentes, novatrices et urgentes sont dites au cours de votre réquisitoire pour passer à côté. »

réquisitoire,contre,largent,livre,commander,landeuxJ'ai longtemps espéré trouver un éditeur. Mais les grosses maisons d'éditions sont aux mains des grands financiers, et les petites n'ont pas les finances quand bien même elles auraient le courage. J'ai donc du attendre, pour publier, qu'une solution se présente. La crise qui menace m'a encouragé à chercher cette solution et un hasard m'a mis sur sa piste.

Je ne sais pas si l'édition en ligne a évolué de manière générale, mais TheBookEdition propose le service que de nombreux auteurs attendaient. Elle s'occupe de tout (impression et expédition) sans qu'il leur en coûte rien, comme il se doit ; elle se paye sur les ventes.

Maintenant, je reste propriétaire de tous les droits d'exploitation et je cherche toujours un éditeur qui en a.

Détails :

169 pages de texte

14 € + frais de port

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J'ai souvent cité un passage de la réponse du comité de lecture de la maison d'édition qui était disposée à publier le Réquisitoire. Il m'apparaît qu'il pourrait être utile et instructif de la divulger en entier, tout en préservant l'anonymat des intéressés, et de présenter également ma réponse. 

 

18 février 2008

Cher Philippe Landeux,

Notre comité de lecture s'est réuni ce matin pour faire un point sur votre manuscrit. Il en ressort que nous nous trouvons dans une situation très délicate. En effet, nous avons tous subi le choc de la grandeur et de la force de l'idée révolutionnaire qui est à la base de votre travail, il y a effectivement là un noyau d'idées suffisamment nettement articulées pour se rendre capables de faire événement dans la théorie de l'économie politique, et destiné potentiellement à entrer dans l'histoire, et à ce titre, il nous est impossible de ne pas envisager une publication de cette idée sous une forme ou une autre.

Maintenant, en tant qu'éditeurs, deux ordres de réserves nous plongent dans l'embarras et la perplexité.

La première continue à être la non visibilité de notre planning éditorial au delà de fin 2008, essentiellement au niveau financier (c'est dire l'ironie tragique de la situation !!). Nous avons si peu droit à l'erreur que nous nous devons, avant toute autre considération, d'être particulièrement vigilants pour assurer notre survie d'éditeur indépendant.

En fait, il nous serait plus douloureux de vous faire maintenant la promesse de vous publier à coup sûr courant 2009, et d'être finalement incapable de le faire le moment venu (alors qu'un contrat entre nous serait signé), que de rester, par prudence, dans cette position ambiguë, inconfortable et frustrante  pour nous comme pour vous.

Oui, nous sommes très très intéressés par votre démarche, et convaincus qu'il faut vous publier d'une façon ou d'une autre. Trop d’analyses excellentes, novatrices et urgentes sont dites au cours de votre réquisitoire pour passer à côté. Mais nous n'aurons pas l'assurance de pouvoir le mettre en oeuvre à coup sûr avant la fin 2008... Voilà notre dilemme... Et il est douloureux autant que pour vous, bien que d'une autre manière, forcément.

Aussi, rien que pour cette raison, nous comprendrions très bien que lassés d'attendre que notre situation s'éclaircisse, vous vous tourniez vers d'autres portes éditoriales. Nous en serions très déçus et frustrés, mais la lucidité vitale nous contraint à ne pas pouvoir vous proposer mieux que d'attendre la fin de l'année pour vous donner enfin une réponse ferme et définitive, et de laisser la vie chercher son cours comme elle le veut.

Mais notre embarras et notre perplexité ne s'arrêtent pas seulement à cet aspect matériel de la chose. Le contenu de votre réquisitoire tel qu'il est suscite aussi un certain nombre de réserves qui nous empêchent encore d'être complètement acquis à l'idée que la meilleure stratégie soit de publier votre réquisitoire tel qu'il est. Elles sont au nombre de 5 et je vais tenter de vous les exposer le plus simplement possible, car elles sont d’un enjeu très profond et très délicat sur tous les plans entre nous. Mais nous ne pouvons faire autrement que d’être francs et directs quitte à blesser quelque peu votre amour-propre comme vous n’avez pas hésité à être aussi direct avec moi dans certains de vos mails.

1) Vous êtes résolument convaincu qu'il n'est pas nécessaire, dans ce premier volet de prise de contact avec l'ensemble de votre démarche que constitue ce réquisitoire, d'exposer quel est exactement ce nouveau moyen d'échange susceptible d'abolir radicalement non seulement la monnaie, mais la racine de l'inégalité sociale que vous appelez "Largent", autrement dit "la croyance que la notion de valeur (marchande) est nécessaire pour échanger". Vous n'avez cessé de nous en expliquer la raison et je l'ai expliquée à chacun des membres de notre comité de lecture : l'exposition de la solution pratique, c'est-à-dire la carte civique, n'est et ne saura jamais être autre chose pour vous que la "cerise sur la gâteau" de toute votre démarche. L'essentiel étant avant tout autre chose d'établir d'une façon irrécusable le principe théorique de l'équivalence absolue entre "Largent" et l'inégalité sociale (c'est la raison d'être de ce réquisitoire). Cependant, dans nos lectures respectives, nous avons été unanimes, et cela sans nous concerter, à ressentir non seulement une frustration à ne pas être informé de cette solution, mais une incohérence dans le cadre même d'une démonstration de la nocivité absolue de Largent.

En effet, puisque vous avez fait en sorte que votre lecteur s'identifie à faire partie des jurés, je dois vous dire que sans l'exposition de cette clé, aucun d'entre nous n'a le sentiment qu'il détient le pouvoir effectif de condamner Largent. On peut bien sûr le condamner théoriquement et moralement autant qu'on voudra, mais tant que nous ne saurons pas qu'il est cette fois en notre pouvoir technologique, pour la première fois dans l'histoire, peut-être, d'abolir définitivement le règne de Largent, la nature de notre condamnation n'entrera pas vraiment dans le seul tribunal qui puisse avoir la force d'un événement historique : le tribunal du droit politique ou citoyen.

Cette évidence est pour nous d'autant plus grande que vous n'avez cessé tout au long de votre réquisitoire de nous faire miroiter en même temps que vous détenez déjà la connaissance effective de cette clé. (p 63, 64, 96, 98, 99, 107, 111, 115,117,119, 120, 138, 142, 147). Au contraire de votre conviction stratégique, nous éprouvons comme une évidence que la connaissance de cette clé de la carte civique n'est rien moins que le nerf de la guerre qui doit fonder le caractère, cad la force juridique de ce tribunal citoyen. Car c'est une chose d'être intellectuellement convaincu de la nocivité de largent après avoir lu votre réquisitoire tel qu’il est actuellement, c'en est une tout autre de savoir que nous avons peut-être les moyens de commencer à faire de cette belle évidence inutile une idée-force capable de révolutionner effectivement, cad techniquement le monde;  car ce n'est qu'à partir de cette révélation du caractère technique de la solution que nous pourrons être définitivement convaincus qu'il ne s'agit pas d'une utopie de plus, à jamais inefficace, mais que le changement d'organisation sociale ne relève plus désormais que d'une réelle volonté politique de chaque citoyen.

Il en découle qu’il faudrait à nos yeux impérativement introduire l’exposition de cette clé dès ce réquisitoire, et bien davantage que du bout des lèvres : en répondant à la première vague des questions incontournables que le dévoilement de cette clé suscitera immanquablement dans l’entendement de chaque lecteur de bonne volonté, autrement dit en commençant, réponse après réponse, à FAIRE VOIR TECHNIQUEMENT qu’il y a bel et bien moyen, selon vous, et si on veut bien s’y pencher tous ensemble attentivement, de résoudre finalement la plupart des immenses problèmes d’organisation pratique que susciterait l’usage généralisé à une nation (ou plus, je vais y revenir)  de cette carte civique. La victoire de l’avocat à charge doit donc pour nous se payer à cette première condition supplémentaire qui impliquerait une augmentation de son nombre de pages, et une remise en question de votre idée du tryptique, à notre avis impubliable en tant que tel.

2) Compte tenu de l’importance de l’enjeu, nous nous étonnons que vous n’abordiez pas une seule fois la question ultra épineuse mais élémentaire de la propriété des moyens de production, notamment industriels dans une société égalitaire. Que le principe de la propriété privée ne soit non seulement pas incompatible mais qu’il soit même indispensable à la bonne marche d’une société délivrée de Largent dans la sphère privée de chaque citoyen, c’est une chose, peut-être encore discutable, mais qu’il nous est permis d’envisager à titre d’hypothèse de travail incontournable, à mettre positivement au ban d’essai à l’intérieur de la vision radicalement bouleversée dans laquelle vous invitez votre lecteur à pénétrer. Mais  l’inégalité sociale implique tellement la question de la propriété privée des moyens de production économique structurels qu’il nous semble impossible d’en faire une si totale impasse dans votre réquisitoire. Car si ce n’est pas l’Etat, qui d’autre qu’une nouvelle caste de puissants non par Largent, mais par la propriété privée des moyens de production, en jouirait d’une façon inégale, comme tout instrument de pouvoir socioéconomique décisif ? Bien sûr, vos notes en bas de page de votre article laisse entendre que c’est l’Etat qui imposerait des quotas de vente aux patrons. Mais juridiquement, et principiellement parlant, la question reste entière de savoir au nom de quoi la propriété des moyens de la production devrait rester privée. (cela ne veut pas dire que nous soyons pour autant attaché à une économie centralisée par l’Etat, au contraire, l’une des trouvailles fortes de votre dispositif consiste à nos yeux à donner un essor sans précédent au principe d’un libéralisme délivré des torts du capitalisme, et de réconcilier ce faisant des siècles d’opposition entre “droite” et “gauche”. Mais nous nous devons de poser cette question, car comme vous le savez, c’est bien là qu’est le nerf de l’analyse de l’aliénation chez Marx, et si fausse et périmée que soit son analyse dans votre optique, la question du fondement juridique, cad politique, de la propriété privée des moyens de production dans une société égalitaire mérite éclaircissement dès le départ.

3) ce qui nous conduit naturellement à ce qui nous apparaît comme une des grandes carences de votre travail, pour le peu que nous en connaissons à ce jour : Pourquoi, dans votre stratégie polémique, ne jamais situer directement et clairement votre théorie de l’égalité par rapport à la doctrine marxiste ? Alors que nombre de fondements de vos analyses sont des radicalisations extrêmes du Capital ? Marx a fait le réquisitoire du Capital au nom de l’instauration de l’égalité civique, d’une société sans classes, d’un homme nouveau, au nom, comme vous, d’un primat d’une conception déterministe de la vie humaine, où prime le milieu sur l’homme, et par conséquent où il est décisif, et même exclusif d’attendre un changement du monde à partir d’un changement du milieu techno-socio-économique de sa vie individuel et collectif, et nombre de vos critiques de Largent au sens de la monnaie ne sont que des variantes de ce que Marx appelait déjà le fétichisme de la marchandise, (largement repris par Debord (société du spectacle) et Baudrillard (concept de simulacre)).

Cette omission totale de votre part est-elle volontaire ? Et si oui, pourquoi ? Nous nous permettons de vous poser directement cette question, car là aussi, il nous semble qu’en éludant une confrontation directe avec Marx dès le réquisitoire, vous amoindrissez considérablement la portée théorique de votre idée centrale. Et il ne s’agit pas là d’une opinion subjective de notre part. Et il ne s’agit pas là d’une incitation de notre part à ce que vous donniez dans la prétention narcissique de vous présenter comme le nouveau supplanteur historique de Marx, ce dont vous vous contrefoutrez royalement (si je puis dire) et avec raison. Non, c’est d’un point de vue historique et purement théorique que nous nous plaçons. Dans tous les domaines théoriques, les révolutions conceptuelles impliquent à chaque fois et nécessairement des meurtres symboliques inévitables avec les instances passées qui dominent l’état du débat en cours. C’est une loi qui est sans exception. Or, le spectre de Marx règne encore fortement dans l’intelligentsia des penseurs de l’égalité sociale aujourd’hui, au delà même des frontières de l’Europe, assurément, il règne encore partout dans le monde, Derrida et Deleuze faisaient retour à Marx dans les dernières années de leurs vies.

Et je dirai que, eu égard à la gravité de la situation, toute la tradition des penseurs révolutionnaires contemporains issus de la révolution française sont coincés par l’ombre de Marx. Nous estimons donc qu’une entrée en scène à hauteur de l’histoire de votre idée révolutionnaire ne peut faire l’économie (si je puis dire) d’une confrontation explicite avec Marx, qui montrerait, même succintement dans votre réquisitoire, et ce dès l’introduction, ainsi que dans certaines analyses ultérieures sur l’aliénation sociale produite, ce que vous devez honnêtement à l’héritage de Marx, et la part de génie révolutionnaire qui vous revient au plan théorique. Avec votre noyau d’idées tel qu’il est déjà, vous avez la possibilité de faire une critique philosophique décisive de Marx, c’est-à-dire une critique “interne” : en prenant Marx sur son terrain, en étant plus marxien (je ne dis pas marxiste) que Marx lui-même, c’est-à-dire en démontrant que ce que Marx a prétendu faire (instaurer les bases socioéconomiques d’une société égalitaire), il ne l’a pas fait, et que votre théorie est mieux placée pour accomplir son propre espoir. Bref montrer, en quelques paragraphes, (car il ne s’agit pas de réécrire un traité !), que vous n’avez dépassé Marx qu’en l’intégrant, cad en montrant où résidait son erreur foncière, sa confusion fatale : croire qu’une critique du Capital suffisait à fonder la Cité, alors que cette forme de fétichisation inaperçue par Marx du Capital était encore une stratégie de l’ignorance où nous tient Largent pour nous empêcher de remonter jusqu’à lui en tant que tel comme cause première de l’injustice (de votre point de vue). Et qu’au fond, ce n’est pas la religion, mais Largent qui est l’opium véritable de notre enfer monétaire. Bref, au vu de ce nous avons lu dans le réquisitoire tel qu’il est, il nous semble qu’il y a déjà beaucoup d’éléments susceptibles, moyennant quelques reprises polémiques avec certains éléments de la vulgate marxiste (notamment la fétichisation de la marchandise qui a masqué et qui masque... le vrai fétiche qu’est Largent lui-même (dans votre optique), de commencer à renverser avec force l’idole d’une idée révolutionnaire qui a fait son temps et qui doit maintenant mourir, (encore une fois non par gloriole personnelle, artificiellement, mais parce que la discipline de l’économie politique dans laquelle vous vous inscrivez l’exige historiquement si vous voulez donner toutes les chances à votre idée d’entrer dans le débat contemporain. Faute de quoi vous manqueriez votre entrée en scène, en restant si je puis dire en périphérie du débat, comme un franc tireur inspiré mais contraint à rester en 2ème zone, car incapable de prouver par lui-même que la force même de son idée lui donne les moyens d’en découdre aisément avec l’instance d’une idée révolutionnaire aujourd’hui mensongère et périmée. Et vous devriez laisser à d’autres le soin d’introniser plus tard votre idée dans le champ des recherches contemporaines, alors qu’à notre sens, un peu de travail sur votre réquisitoire (si vous ne connaissez pas encore bien Marx) vous mettrait rapidement en position de le faire vous-même – (encore une fois, il s’agirait de commencer à porter les premiers coups fatals... Ce serait suffisant, pas d’un traité d’érudition...).

4)  il est une question si incontournable pour le bon sens que vous invoquez dans ce réquisitoire que vous n’avez pas d’ailleurs hésité à la poser par la bouche de Monsieur Neurone :  la dernière. Or, encore une fois vous espérez emporter l’assentiment de vos lecteurs en éludant une réponse que vous avez pourtant déjà. Mais vous faites pire : non seulement vous ne répondez pas clairement cad techniquement à la question que vous mettez dans la bouche d’un juré (cf p 133 : Mais, “nous n’avons pas à expliquer ici comment une Cité ayant anéanti Largent en son sein pourrait continuer à changer avec les autres pays”.)  - et les raisons ultérieures que vous évoquez ne suffisent pas à le faire oublier - , mais une page plus loin, vous faites comme si vous aviez suffisamment répondu à une question que vous n’avez pas vraiment traité (cf p134 : “Non seulement nous avons vu qu’un pays développé pourrait le faire, puisque etc...”, Non, nous n’avons encore rien vu de cette possibilité. Et il est vraiment cavalier de le faire croire.

5) ce qui nous amène à la dernière réserve : la scénographie générale de votre réquisitoire a un grand avantage : elle rend votre démonstration vivante et vibrante d’actualité. Mais outre les faiblesses du contenu de votre démonstration évoquée plus haut, qui empêchent encore fortement les lecteurs que nous sommes d’accorder un crédit décisif à votre thèse, il y a une incohérence tactique qui a trait au ton même avec lequel vous vous adressez à maintes reprises aux jurés de ce tribunal citoyen improvisé  : comment voulez-vous convaincre qui que ce soit en le traitant si ouvertement et outrancièrement d’imbécile ?  En lui disant régulièrement que les questions qu’il pose sont soit ridicules, déraisonnables, ou en lui faisant régulièrement un procès d’intention ? (en le traitant de complice, de lâche, en étalant aussi fièrement votre mépris d’autodidacte à l’égard des savants, des diplômés, en reprochant à un questionneur de n’avoir pas suffisamment précisé sa question alors que vous ne lui en avez pas laissé une seconde les moyens (cf p 94 : “Vous oubliez de préciser etc...  ) Croyez-vous donc qu’avec un ton de suffisance aussi grossier, un manque de tact psychologique aussi élémentaire,  et des actes ponctuels d’une aussi mauvaise foi, vous ayez une  quelconque chance d’emporter un vrai assentiment sur un sujet et dans une situation aussi grave ? Pourquoi les questions de vos interlocuteurs se transforment-elles à ce point au fil de vos réponses en un vulgaire bêtisier de l’ignorance humaine ? On a jamais vu un avocat humilier un parterre de jurés et obtenir gain de cause. Du coup, la dimension comique de la mise en scène vire rapidement au ratage. C’est pourquoi nous vous demandons de bien méditer si le nom même de vos jurés, censés représenter chacun d’entre nous, est la solution la plus adaptée au but même que vous recherchez.

5bis) l’analyse des torts de la monnaie au moment où il s’agit de conclure fait aussi du tort à la qualité lyrique de ce moment terminal. Il s’agit de rassembler l’ensemble des points que vous avez marqués, pas de réembarquer votre lecteur dans une analyse. Ne pourrait-on pas découvrir ces analyses avant le moment de conclusion ?

Voici donc explicitement formulé tout ce qui fait notre embarras d’éditeur, et nous voudrions que vous compreniez bien que c’est parce que votre travail nous tient à vraiment à coeur que nous nous devons d’être aussi exigeants et directs avec vous eu égard à son enjeu.  Dans quelle mesure serez-vous prêt à tenir compte de toutes nos remarques et de notre situation, voilà la question que nous nous posons à présent. Mais il était incontournable de vous donner à voir à quelles conditions nous serions prêts à donner notre meilleur pour servir la publication de votre sublime travail.

En espérant que vous comprendrez nos raisons, et en vous remerciant quoiqu’il en soit de l’avenir, pour l’extraordinaire audace et ténacité de votre démarche,
Nous vous saluons tous très cordialement,

L.
Pour le comité de lecture des éditions ...

P.S. personnel cette fois :  savez-vous que l’abolition de toute forme de monnaie était une des mesures  préconisée par celle qui s’est faire appelée la “Mère”, la fondatrice d’Auroville, cette “ville de l’Aurore”, située à 5 kilomètres de Pondicherry, en Inde du Sud ? Que l’expérience a été tenté durant les toutes premières années de sa création, à partir de 1968, mais que la monnaie a été finalement réindroduite faute de solution depuis ?... (cf les textes : Mère parle d’Auroville).

Cela dit, si attentifs à votre juste critique des idéalistes de tous poils qui n’ont rien su changer au système d’organisation sociale depuis des millénaires, nous ne sommes pas convaincus, en tant que philosophes nous-mêmes, que le changement du système de l’échange seul suffirait à changer la société. Nous nous demandons s’il est encore temps de poser le problème à partir d’une telle dualité, comme Marx l’avait fait, lors même qu’il est devenu de plus en plus impossible d’un point de vue philosophique de dissocier l’humanité même de l’homme de son milieu technique associé  : l’homme EST son milieu technique. Voilà ce que démontre avec une force inégalée jusqu’alors tous les travaux de Bernard Stiegler aujourd’hui. Nous avons plutôt le sentiment que c’est le changement simultané et dialectique de l’homme en son intériorité inconnue et de son milieu technique qui générera progressivement cette victoire sur Largent. Car il est vrai qu’il faut déjà historiquement que, comme vous le dites si bien, “Largent soit mûr”, techniquement mûr (par l’informatique notamment) pour entrevoir sa fin possible. Mais cela n’est pour nous qu’une des conditions nécessaires à sa possible et nécessaire abolition. Et c’est certainement là, au delà de notre position d’éditeur cette fois, que réside depuis le début notre désaccord personnel de fond avec vous je crois. Contrairement au déterminisme social que vous invoquez à la suite de Marx pour refuser la primauté d’un nécessaire changement de la conscience humaine “avant” le changement de son milieu technique (alors que nous sommes toujours déjà dans un “pendant”, dans une simultanéité interactive des deux jusqu’à l’indivisible), nous avons une vision de ce qui fait le mécanisme de Largent qui implique une philosophie différente du rationalisme cartésien qui semble vous habiter (autorité du seul bon sens de la raison). C’est aussi, selon nous, (mais notre exigence d’éditeur serait déjà comblée si vous teniez compte de toutes nos remarques ci-dessus), ce qui fait la limite de votre démonstration : le refus de voir dans cette “croyance” qu’est Largent autre chose qu’une idée fausse que le milieu socio-technique aurait introduit de l’extérieur dans notre esprit “vierge” pour innocenter d’avance l’homme d’un quelconque pêché originel. Personnellement je ne suis ni chrétien, ni bouddhiste, ni freudien, mais il me semble que “Largent”, cette racine invisible de l’enfer monétaire” a beaucoup a voir avec l’inconscient, en tous cas une certaine zone de l’inconscient : le subconscient. Et qu’à mon sens, vous faites philosophiquement trop rapidement l’impasse sur tout ce qui s’est déjà dit de pertinent en psychanalyse sur l’étroitesse extrême des rapports entre l’énergie-argent et l’énergie de la libido. Et si le déracinement de Largent relève d’une conquête d’une certaine zone de l’inconscient, le problème pourrait alors être moins unilatéralement simple que ce que votre approche laisse entendre, bien que votre thèse représente, sur son propre plan d’analyse, une avancée théorique décisive selon nous dans la résolution du problème de l’injustice sociale.

Cher monsieur L.,

Une fois de plus, je suis impressionné par le soin que vous prenez à me répondre. Et je vous rassure tout de suite, votre maison d’édition est la plus ouverte et compréhensive que je connaisse grâce à vous. Vous m’avez trouvé, je ferai tout mon possible pour ne pas vous perdre.

Pour vous répondre, je commencerai par des remarques générales. Je ne sais pas quel est exactement votre problème, si vous n’avez pas les fonds pour publier le Réquisitoire ou si vous n’en avez pas assez pour le publier en plus d’autres ouvrages. Mais, d’après ce que vous m’avez dit, vous confirmez que tous ceux qui l’ont lu ont été impressionné. Vous le dites, et j’en ai la conviction, cet ouvrage est destiné à marquer d’un sceau indélébile une page de l’histoire non seulement de la pensée, mais de l’Humanité. Il y aura avant et après le Réquisitoire, le temps de l’inconscience face à Largent et celui de l’accusation. Mais le plus fort, c’est que le Réquisitoire n’est (c’est ainsi que je le conçois) qu’une bombe à neutrons. La théorie du Civisme, qui va suivre et qu’il ne me reste plus qu’à conclure, sera une bombe atomique. Or c’est précisément parce que la théorie du Civisme sera d’une puissance sans égale que j’ai écrit le Réquisitoire, plus philosophique et donc moins violent pour les esprits. Du reste, et c’est une autre de mes raisons, je pense qu’il est de l’intérêt de l’éditeur de publier deux livres plutôt qu’un, surtout que ces deux livres feront chacun un bruit que l’on ne peut sans doute pas encore imaginer. Si j’en juge par la longueur de votre réponse, le Réquisitoire suscite et déchaînera assurément le débat. C’est précisément son but. Car son but, n’est pas, ne peut pas et ne doit pas être (à mon sens) de répondre à toutes les questions qu’il amène, aussi légitimes soient-elles. J’ai été obligé d’opposé l’Egalité à Largent, mais il est impossible d’opposer la Carte civique à la monnaie sans entrer dans une foule de détails, alors hors de propos. En un mot, le Réquisitoire est censé ouvrir l’appétit, non apaiser la faim.

Je n’ai pas la prétention de vous apprendre votre travail, mais peut-on dire, d’après les réactions de vos collègues, que le Réquisitoire, avec ses qualités et ses défauts, fera parler de lui et de moi ? En bien ou en mal, peu importe. Et pensez-vous que ceux qui l’auront lu seront impatients de lire la suite ? Si oui, je ne vois pas où est le problème pour vous. Votre mission est de le diffuser et d’en tirer profit ; je me charge de mes détracteurs, et, croyez-moi, ils ne seront pas à la fête.

J’en viens maintenant à vos remarques. Je vous dirai tout d’abord que je suis bien entendu prêt à apporter toutes les modifications utiles que vous souhaiterez, tant qu’elles me paraîtront conformes à mes idées. Je crains cependant que vous n’exigiez de moi que je corrige des points qui suscitent de votre part des reproches souvent fondés sur des désaccords (mais doit-on être d’accord sur tout ?), des malentendus, des incompréhensions (soit de mes idées, soit de ma stratégie), des anticipations erronées, etc. Examinons donc vos remarques.

1) La première concerne le fait que je n’expose pas la solution que j’annonce. Vous dites que cela suscite une « frustration » chez le lecteur. C’est fait exprès. Vous dites encore qu’il s’agit-là d’une « incohérence dans le cadre même d'une démonstration de la nocivité absolue de Largent. » Vous ajoutez que, dans ces conditions, « aucun d'entre nous n'a le sentiment qu'il détient le pouvoir effectif de condamner Largent. » Mais le Réquisitoire, seul, n’a pas la prétention de convaincre tout un chacun qu’il faut condamner Largent. Comme je vous l’ai dit, le but est uniquement de susciter la réflexion, d’inspirer le doute, de déchirer un tabou. Le Réquisitoire est un livre. Il n’y a pas de tribunal jugeant réellement Largent. Aucun livre ne le terrassera. Mais des livres peuvent amener les hommes à prendre conscience qu’il est leur ennemi. Dans cette optique, le Réquisitoire est un premier pas. Je suis du reste le premier à savoir et à dire que, tant que les hommes ne sauront pas par quoi remplacer la monnaie, ils n’oseront pas y toucher. Mais le Réquisitoire est le prélude à la théorie du Civisme. Ces deux ouvrages sont complémentaires mais ne doivent pas être confondus. Ce n’est qu’après la lecture de la théorie du Civisme que tout ce qui paraît flou dans le Réquisitoire apparaîtra soudain clair comme de l’eau de roche. J’insiste : le flou et les manques ne sont qu’une impression. Le Réquisitoire est bien plus complet que vous ne croyez ; tout est déjà dedans. Pour prendre une image : tout est écrit, il ne reste au lecteur qu’à savoir lire, et ce n’est pas le rôle de cet ouvrage de lui apprendre.

Une chose m’étonne cependant et me convainc en même temps : je vous ai déjà exposé la solution de la Carte civique qui traduit dans les faits le Principe selon lequel des individus qui participent à la vie de la Cité sont Citoyens et doivent, en tant que tels, pouvoir accéder au marché. Vous savez donc que des Principes aux solutions il n’y a qu’un pas. Car, enfin, il n’est pas difficile, a priori, d’après le Principe posé, de concevoir la Carte civique. Or il en est de même pour tous les Principes. Mais les demandes d’explication m’inclinent à penser qu’il n’est pas si évident que je le crois de passer des Principes aux solutions concrètes. La question est donc de savoir si je dois céder ici aux demandes d’explication qui, ne pouvant aller qu’en se multipliant, me feront sortir de mon propos d’ordre philosophique, ou renvoyer, comme je le fais, le lecteur à l’ouvrage suivant et qui, cette fois, laissera de côté le côté philosophique pour se consacrer essentiellement aux aspects pratiques de l’Egalité. En un mot, un auteur doit-il suivre les lecteurs ou doit-il amener les lecteurs à le suivre ?

« On peut bien sûr le condamner théoriquement et moralement autant qu'on voudra » — Ne serait-ce pas un résultat déjà extraordinaire ? Si les hommes condamnent Largent dans leur esprit, combien de temps croyez-vous qu’il survivra dans les faits ? Ne soyez donc pas impatient ! On ne terrassera pas Largent en deux jours.

« ce n'est qu'à partir de cette révélation du caractère technique de la solution que nous pourrons être définitivement convaincus qu'il ne s'agit pas d'une utopie de plus, à jamais inefficace, mais que le changement d'organisation sociale ne relève plus désormais que d'une réelle volonté politique de chaque citoyen. » — Certes, mais vous savez que cette théorie existe, je vous en ai déjà livré la clé et je serai bientôt en mesure de vous la présenter tout entière.

« Il en découle qu’il faudrait à nos yeux impérativement introduire l’exposition de cette clé dès ce réquisitoire, et bien davantage que du bout des lèvres ». — En clair, vous voudriez que je transforme le Réquisitoire en théorie du Civisme. Cela n’a pas de sens puisque cette théorie que vous voudriez que j’écrive est déjà écrite. Je vous la présenterai d’ici peu. La vraie question est donc de savoir si le Réquisitoire est en soi révolutionnaire et vous intéresse ou non. Qu’il ne réponde pas à toutes vos attentes est une chose ; qu’il ne puisse être publié en l’état en est une autre. Vu le désert d’idées dans lequel nous errons, il ne peut qu’attirer l’attention même s’il n’emporte pas les adhésions. Son titre seul sonne comme le tocsin.

« La victoire de l’avocat à charge doit donc pour nous se payer à cette première condition supplémentaire qui impliquerait une augmentation de son nombre de pages, et une remise en question de votre idée du tryptique, à notre avis impubliable en tant que tel. » — Contrairement à ce que vous semblez croire, le Réquisitoire n’est pas un livre ordinaire. On le ferme quand on l’a lu, mais on ne peut oublier ce qu’on a lu. D’ailleurs, les jurés ne se prononcent pas. Le procès n’est pas clos à la fin du Réquisitoire. La question de la culpabilité de Largent reste en fait en suspens. Un lecteur peut bien se précipiter et se prononcer pour la vie, mais la question reste ouverte. Si ces premiers arguments n’ont pas emporté sa conviction, ils n’en ont pas moins instauré le doute dans son esprit. Le jour où il aura d’autres éléments, il ne balancera plus.

Quant à la trilogie, à vrai dire, j’ai laissé de côté, pour le moment, ma théorie de la Propriété (dans laquelle je traite la question des moyens de production).

2) Votre seconde remarque concerne les moyens de production. Vous voudriez que j’explique à qui ils appartiendront afin que j’oppose une vision des choses à celle de Marx. Vous aurez pourtant remarqué que je ne cherche pas et que j’évite même d’ouvrir des polémiques avec d’autres auteurs. J’expose ma vision des choses sans me laisser perturber, sans entrer dans des débats parasites. Le Civisme (sous sa forme philosophique dans le Réquisitoire) n’est pas une réaction au capitalisme encore moins au marxisme. S’opposer, c’est entrer dans la logique de l’autre. Ce n’est pas ainsi que je suis parvenu aux idées dont vous constatez la nouveauté et la radicalité. Je suis parti d’une réflexion sur l’argent (parce que j’en était prisonnier comme tout le monde) et tout a basculé quand j’ai compris que des Citoyens avaient des Droits, dont celui d’accéder au marché, parce qu’ils sont Citoyens. Ma démarche a dès lors consisté à tirer et à exposer les conséquences philosophiques et pratiques de ce Principe. Contrairement au Réquisitoire contre Largent, qui est un ouvrage tactique, il n’est fait quasiment aucune référence à Largent dans la théorie du Civisme.

Cette remarque montre deux choses : 1) que vous êtes encore trop conditionné par vos lectures, les idées actuelle ou, de manière plus large, par notre contexte, 2) que, de ce fait, vous n’arrivez pas toujours à entrer dans la logique de la Cité, même quand les choses sont évidentes ou dites clairement. Ainsi, si je ne parle pas de la propriété des moyens de production dans la Cité, c’est qu’elle n’a aucune importance. Seule la Citoyenneté confèrera des Droits dans la Cité et tous les Citoyens pourront potentiellement accéder aux moyens de production. On ne peut donc pas craindre que les propriétés confèrent de la puissance à certains, comme c’est le cas aujourd’hui. En outre, Travailler sera un Devoir envers la Cité qui seule permettra que l’on Travaille, et donc que l’on accède à des moyens de production (sol, machines, etc.). Les moyens de production n’appartiendront pas à des Citoyens à titre privé, mais aux entreprises, et seront remis sur le marché en cas de faillite. De plus, du point de vue de la Cité, une entreprise sera l’ensemble de ses employés. D’où ce passage du Réquisitoire : « Les employés d’une entreprise seraient collectivement responsables de ses résultats aux yeux de la Cité. (note 47 : Des Travailleurs indépendants auraient des résultats à atteindre et seraient personnellement contrôlés par la Cité. Mais le Travail personnel de Citoyens regroupés dans une entreprise serait incontrôlable par la Cité. Celle-ci ne pourrait contrôler que les résultats de l’entreprise dans son ensemble, chaque employé en étant un représentant.) » Je peux donc, si vous y tenez, et si vous m’indiquez où, rajouter un mot sur les moyens de production, mais vous voyez qu’en raisonnant deux minutes sur le sujet on en arrive à se demander pourquoi on s’est posé cette question futile.

« vos notes en bas de page de votre article laisse entendre que c’est l’Etat qui imposerait des quotas de vente aux patrons. » — Cette remarque me donne l’occasion de signaler une confusion que vous faites régulièrement entre la Cité et l’Etat. La Cité n’est pas l’Etat. C’est, au départ, l’ensemble des Citoyens. Mais le terme « Cité » peut aussi désigner l’Etat (cad le Gouvernement et/ou les instances dirigeantes nationales), ou les institutions qui dans certains cas « représentent » la Cité d’un point de vue individuel, ou encore un Citoyen. En l’occurrence, dans le passage que vous évoquez, la Cité ne sera pas l’Etat, mais des institutions économiques qui n’existent pas aujourd’hui et qu’il serait trop long de vous présenter ici.

3) « Pourquoi, dans votre stratégie polémique, ne jamais situer directement et clairement votre théorie de l’égalité par rapport à la doctrine marxiste, alors que nombre de fondements de vos analyses sont des radicalisations extrêmes du Capital ? » — J’ai déjà répondu en partie à cette question. Je vous ai donné ma raison fondamentale. Une autre raison est que je connais mal Marx. Il ne m’a pas inspiré et je ne peux pas le critiquer. J’avoue d’ailleurs être heureux de ne pas l’avoir lu. Il m’aurait sans doute égaré. Mais, quand bien même je le lirais maintenant (et que c’est dur à lire !), je ne me livrerai pas davantage à une critique, tant il y aurait de choses à dire. Du reste, je ne vois pas bien l’intérêt d’une telle critique. Elle alourdirait mon discours sans rien n’apporter à ceux qui ne l’ont pas lu. Et ceux qui l’ont lu n’ont pas besoin de moi pour voir d’emblée tout ce qui nous sépare. Je suis du reste persuadé qu’une fois le Réquisitoire publié, d’autres auteurs se chargeront de comparer nos théories et le feront mieux que moi.

« Nous estimons donc qu’une entrée en scène à hauteur de l’histoire de votre idée révolutionnaire ne peut faire l’économie (si je puis dire) d’une confrontation explicite avec Marx » — Je pense à une autre solution : pourquoi quelqu’un (vous ?) n’écrirait-il pas une préface ou une introduction au Réquisitoire qui, sans en trahir l’esprit, aborderait les points que vous soulevez et les réponses que je fais, un texte qui montrerait les pièges dans lequel un lecteur tombe par précipitation et le mettrait donc en garde, un texte qui signalerait que le Réquisitoire est seulement un début et qu’il y aura bien une suite encore plus époustouflante ?

« Et je dirai que, eu égard à la gravité de la situation, toute la tradition des penseurs révolutionnaires contemporains issus de la révolution française sont coincés par l’ombre de Marx. » — Vous voyez ! Vous ne pouvez pas d’un côté déplorer que les penseurs « révolutionnaires » soient coincés par Marx, d’un autre me reprocher de ne pas l’évoquer, alors que c’est précisément parce que je ne l’ai pas lu et ne me suis pas fait coincer par lui que je ne l’évoque pas.

« ce que vous devez honnêtement à l’héritage de Marx » « vous n’avez dépassé Marx qu’en l’intégrant » Je vous avoue que je ne crois pas lui devoir quelque chose. Je ne sais même pas ce qu’il prônait. Si je dois quelque chose à quelqu’un, ce n’est donc pas à Marx, mais à Marat, à Saint-Just et surtout à Robespierre (le vrai, pas celui de la légende). C’est lui qui m’a appris à raisonner, à poser des Principes avant tout autres considérations. C’est à la Révolution française que je dois tout ou presque. C’est à elle, plus exactement à un texte de Barnave, que Marx doit peut-être lui aussi le concept de déterminisme historique.

4)  Sur la question des échanges internationaux (je viens de terminer le chapitre consacré à ce sujet dans la théorie du Civisme), je vous assure, une fois de plus, que le Principe posé répond amplement à la question. Il est dit : « 1) Il n’y a aucune raison pour qu’un corps social purgé de Largent ne puisse pas évoluer aussi bien dans un monde monétaire qu’un individu, ayant un corps physique, plongé dans une « Société » monétaire ; 2) Les pays étant interdépendants, une Cité aurait autant besoin d’échanger avec les autres pays qu’eux avec elle. La question ne se poserait donc pas seulement du point de vue de la Cité, mais également du point de vue des pays monétaires. Autrement dit, l’intérêt de trouver une solution serait partagé par tous et, dès lors, une solution serait trouvée à coup sûr. » Vous me dites que cela ou rien, c’est pareil. Il vous faut une explication technique. Mais, si je vous disais que la Cité pourra exporter et constituer ainsi un budget qui lui permettra de payer ses importations, comme le fait un individu qui vend ses productions ou son travail pour gagner de l’argent et pouvoir se payer ensuite ce qu’il peut, qu’aurais-je dis de plus ? cela suffirait-il à vous éclairer ? Maintenant, si vous voulez plus de détails (qui va garder l’argent, etc.), ils sont dans la théorie du Civisme et n’ont rien à faire, à mon sens, dans le Réquisitoire.

5) Votre avant dernière remarque concerne le ton de l’accusateur public et le nom des jurés. Ce point est sans doute celui que je pourrais corriger le plus facilement. Je dois cependant vous dire qu’il y a un malentendu. Il est logique que le lecteur se prenne a priori pour un des jurés qui posent les questions qu’il aurait posées, et qu’il se sente donc malmené. Mais, dans mon esprit, le lecteur est un spectateur ou doit vouloir prendre la place de l’accusateur (ce que chacun fera quand il connaîtra la théorie du Civisme). Tout est fait pour qu’il ne se reconnaisse pas dans les jurés (d’où leurs noms improbables) ou du moins pour qu’il prenne du recul par rapport aux questions qu’ils posent et dont l’accusateur admet la légitimité tout en en démontrant la bêtise, le ridicule et, en dernière analyse, l’influence de Largent. Le lecteur n’est pas impliqué dans le procès, même s’il est implicitement appelé à se prononcer lui aussi. Voilà comment je vois les choses. Je comprends cependant qu’un capitaliste se sente agressé et mis à nu par le discours de l’accusateur public, mais n’est-ce pas le but ? Et puis, au-delà de l’impression du moment, il serait peut-être bon de savoir quel regard jette sur Largent les ex-lecteurs du Réquisitoire. S’opère-t-il en eux l’effet que je recherche ou sont-ils définitivement bloqués et acquis à Largent ? C’est de la réponse à cette question que devrait dépendre les modifications que vous suggérez.

Maintenant, si vous tenez absolument à ce que je modifie des passages et que je change les noms, il faudrait que vous me signaliez les premiers et que vous m’inspiriez pour les seconds.

6) 5bis) Enfin, ma conclusion. Vous avez raison, j’entreprends en quelque sorte une nouvelle analyse, je rassemble non pas les diverses réponses faites aux jurés mais tout ce qu’il y a à savoir sur Largent pour pouvoir le condamner moralement. Il y a des choses que je ne pouvais pas dire en introduction et d’autres que je n’ai pu glisser dans les réponses aux jurés. Or ils posent les questions qui viennent naturellement à l’esprit de tout un chacun et qui sont généralement inspirées ou font suite à ce que l’accusateur vient de dire. Il est dès lors difficile d’ajouter d’autres questions ou d’insérer de nouvelles idées dans les réponses. Cela dit, en survolant la conclusion, je ne vois pas bien à quelles analyses inédites vous faites allusion. Là encore, il faudrait que vous me conseilliez. Il serait d’ailleurs peut-être bon que je rencontre enfin quelqu’un en chair et en os.

Voilà, je ne sais pas si j’ai répondu à vos attentes. Je peux faire encore des efforts sur certains points. Il faudrait voir cela ensemble. A vous de voir néanmoins si vous n’en exigez pas trop de moi, notamment parce que vous savez que le Réquisitoire n’est qu’une mise en bouche. Car, imaginez que je n’ai pas de solution concrète, comme la plupart des auteurs, dont Marx lui-même ; cela enlèverait-il pour autant à l’intérêt philosophique du Réquisitoire ? Enfin, je vous rappelle une idée qui suffirait à satisfaire plusieurs de vos remarques, celle d’une introduction ou d’une préface.

Très cordialement,

Philippe Landeux

P.-S. : Je me suis justement intéressé à Auroville il y a peu de temps. Ce n’est pas franchement un succès, c’est même un échec, et l’idée de départ n’avait du reste rien à voir avec la Cité. Comme je l’explique, la monnaie ne peut être supprimée que si elle est remplacée par un moyen d’échange reposant sur les Principes de l’ordre social et qui plus est sur une grande échelle (au moins à un niveau national) et à une époque maîtrisant l’informatique et la production de masse.

Vous revenez enfin sur la fameuse question de savoir si l’Homme doit changer « en son intériorité inconnue » avant ou en même temps que son contexte. Je vous avoue que je ne comprends pas ce que cela veut dire, ce que cela implique, ni comment cela pourrait se faire. Vous dites : l’Homme doit changer. D’accord, mais qui, quoi, comment, dans quel sens ? et quel résultat pratique cela aurait-il en théorie ? et à qui revient-il de dire ce qu’il doit changer en lui pour qu’enfin il ait le droit de s’en prendre à Largent ? Et s’il avait l’opportunité d’anéantir Largent avant que soit intervenu ce fameux changement, devrait-il la saisir selon vous ?

« il me semble que “Largent”, cette racine invisible de l’enfer monétaire” a beaucoup a voir avec l’inconscient » Voulez-vous dire par-là qu’il répond à un besoin inconscient. Je crois moi que c’est parce qu’il est là (en tant que monnaie) qu’il devient un moyen de satisfaire lesdits besoins, dont certains sont d’ailleurs suscité par Largent ou le système monétaire lui-même. C’est un peu comme les grosses voitures. Certains ont inconsciemment besoin d’une grosse voiture, mais ce n’est pas pour satisfaire leur besoin inconscient (et naturel, cad ancré depuis toujours en l’Homme) que de grosses voitures existent aujourd’hui, mais parce qu’on sait les fabriquer. Je crois aussi que ce genre d’argument est le fait de gens qui, faute de savoir comment combattre Largent, l’ont intégré et justifié. Il est d’ailleurs facile de faire passer Largent pour un besoin inconscient, puisque c’est une croyance. Cela dit, je lirais volontiers des ouvrages sur le sujet si vous m’en indiquez.

« ce qui fait la limite de votre démonstration : le refus de voir dans cette “croyance” qu’est Largent autre chose qu’une idée fausse que le milieu socio-technique aurait introduit de l’extérieur dans notre esprit “vierge” pour innocenter d’avance l’homme d’un quelconque pêché originel. » J’ai dit ça, moi ? Je dis que Largent, cette croyance, est né du troc. Je n’ai jamais parlé, sous un non ou un autre, d’un quelconque pêché originel ! Largent n’a pas de but, même s’il a des effets. [L’erreur est justement de croire que, parce qu’il a des effets, son existence à un but. Non ! Il existe bien pour une raison (l’impossibilité d’échanger autrement que par troc à un certain moment de l’évolution humaine), mais il n’a pas de but, c’est-à-dire qu’il ne répond pas à un besoin psychologique.]

22 février 2008

Cher Monsieur L.,

Excusez-moi de vous écrire avant d’avoir reçu une réponse de votre part, mais, comme vous pouvez l’imaginer, je n’ai cessé de lire et relire votre courrier et le mien, que je voudrais compléter.  

Sur la propriété privée des moyens de production, voici trois autres passages du Réquisitoire :

 « autant les Principes de l’ordre social contestent aux Citoyens la Propriété de leur production qui résulte de l’accomplissement d’un Devoir envers la Cité, autant être propriétaire de sa production est d’une nécessité absolue dans un système d’échange par troc, puisque les individus doivent posséder ce qu’ils échangent. » (p. 23) Faut-il ajouter que la propriété de ce que l’on produit va de pair avec la propriété des moyens de produire, que l’une n’a pas de sens sans l’autre, et vice versa, que la propriété privée des moyens de production n’a donc pas de sens si les Citoyens ne sont pas propriétaires de leur propre production ?

 « Précisons enfin que l’Egalité ne proscrit pas la Propriété et que, quoique tous les Citoyens aient le même Droit d’accéder aux biens présents sur le marché, ces biens deviennent les propriétés privées de ceux qui ont exercé leur Droit et les ont retirés du marché. La reconnaissance du Droit (particulier) de posséder des biens [Note : Le Droit de propriété ne porte pas sur tout et n’importe quoi. Découlant de l’exercice du Droit d’accès, qui lui-même résulte du Devoir de participer à la vie de la Cité, il ne peut porter que sur les fruits collectifs du Devoir en question, autrement dit sur des produits.] est essentielle, car c’est principalement au travers de ce Droit que les Citoyens jouissent en pratique du Droit (fondamental) de profiter des bienfaits de la Cité. » (p. 64) La note condamne la propriété des ressources naturelles (non produits) mais aussi la notion de propriété intellectuelle (immatérielle, donc impossible à posséder) à laquelle je substitue, dans ma théorie de la Propriété, le concept de paternité. Mais ce passage rappelle également que les Citoyens sont égaux dans le Droit d’accéder au marché, donc aux moyens de production destinés par nature à un usage collectif. Quel est dès lors l’intérêt, pour un Citoyen, de posséder à titre privé de tels biens que n’importe qui ou n’importe quel employé peut se procurer ? Celui qui les acquiert ne fait, pour ainsi dire, que rendre service aux autres. Il serait théoriquement possible de posséder à titre privé les moyens de production, mais cela n’aurait aucun sens. Du reste, il existera des catégories de biens auxquels les Citoyens ne pourront accéder à titre privé, mais seulement par le biais de leur entreprise qui en sera donc propriétaire.

 « Les chefs d’entreprises seraient toujours chefs, mais ils ne seraient plus seuls responsables, puisque pour la Cité l’entreprise ne serait plus incarnée par eux seuls, mais par tous les employés, eux compris. » (p. 77) En clair, l’entreprise serait l’ensemble des Citoyens. Les moyens de production appartiendraient donc à tous les employés, ou du moins à l’entreprise en tant que personne morale, mais non à une personne privée.

Comme je vous l’avais dit, on trouve tout dans le Réquisitoire. Je ne sais pas s’il est pertinent d’être toujours explicite, comme vous me le demandez, ou si, au contraire, il est bon d’être parfois subtil, quitte à être critiqué, auquel cas, celui qui prête le flanc n’est pas celui qu’on croit.

Si vous le permettez, j’aimerais vous citer quelques passages de l’art de la guerre de Sun Tzu : « Ainsi ceux qui s’entendent à provoquer un mouvement de l’ennemi y réussissent en créant une situation à laquelle celui-ci doit se plier ; ils l’attirent par l’appât d’une prise assurée et, tout en lui faisant miroiter une apparence de profit, ils l’attendent en force. » « Ceux qui sont experts dans l’art militaire font venir l’ennemi sur le champ de bataille et ne s’y laissent pas emmené par lui. Celui qui est capable de faire venir l’ennemi de son plein gré y parvient en lui offrant quelque avantage. »

C’est, je crois, la tactique que j’ai adoptée naturellement. Comme vous l’avez remarqué, mes idées sont puissantes, mais mon Réquisitoire semble présenter des faiblesses (et il en a de réelles sur la forme, mais qu’importe ?). D’autres tomberont dans ce piège. Ils péroreront. Je laisserai faire. Ils s’énerveront de plus belle. Ils mordront dans le vide à se casser les dents. Ce faisant, ils me feront la meilleure publicité. Et, quand la théorie du Civisme paraîtra, ils seront anéantis. La lutte ne sera pas terminée pour autant, mais j’aurai l’avantage et ils seront en position de défense, alors même qu’ils n’auront rien à défendre, car que pourront-ils bien défendre sans se discréditer eux-mêmes ? Le capitalisme, l’inégalité ? 

Il est donc important que l’attaque ait lieu en deux temps, d’où mon hostilité à l’idée que vous avez naguère évoquée d’un ouvrage rassemblant le Réquisitoire et la théorie du Civisme, et plus encore à celle de ne faire paraître que cette dernière.

Une dernière raison pour laquelle je n’ai pas parlé ouvertement de la propriété privée des moyens de production, à laquelle Marx ou en tout cas les communistes opposaient la propriété d’Etat, c’est que je ne voulais pas entrer dans ce débat soulever par les communistes et être confondu avec eux. Car, à force de se défendre de ressembler à quelqu’un, les autres croient que vous vous en défendez parce que précisément vous lui ressemblez. On peut aussi dire qu’à force de faire référence à quelqu’un, c’est vous qui faites de lui une référence et les autres croient que c’est secrètement votre idole.

Sur Marx :

Je vous ai déjà donné des raisons de mon silence à son sujet. J’en ai apporté une nouvelle ci-dessus. Dans la même lignée, je vous dirais que la meilleure façon d’enterrer Marx est de l’ignorer. J’ai bien entendu ce que vous avez dit, vous voulez que je fasse avec lui ce que la Carte civique fera avec la monnaie, l’anéantissement par le remplacement. Mais je ne suis pas aussi sûr que vous de la place que Marx occupe actuellement. Vous êtes les premiers à me parler de lui. Prendre l’initiative d’en parler pour désamorcer les critiques que pourraient faire quelques intellectuels au risque d’entrer dans une polémique qui n’intéressera pas la plupart des lecteurs ne me semble pas a priori judicieux, car ce ne serait peut-être pas sans effets pervers. Inversement, je vois mal qui pourrait invoquer Marx (avec tout ce que son nom évoque, à tort ou à raison) contre moi et se discréditer lui-même.

Dans votre message, vous me disiez qu’il ne s’agissait pas de le pourfendre par narcissisme ou gloriole. Mais pourra-t-on s’empêcher de m’imputer de telles arrières pensées ? Alors que, si je ne parle pas de lui, il sera quand même pourfendu et on ne pourra pas me reprocher d’avoir frappé un homme à terre.

Quand, dans ma réponse, j’ai cité mes références, j’ai oublié Rousseau. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que le Contrat social est l’ouvrage qui m’a le plus inspiré, comme il fut la principale source d’inspiration des grands révolutionnaires français. Or, dans ce livre qui a marqué l’histoire, Rousseau expose ses conceptions sans tenir compte, sans critiquer ce que d’autres (Hobbes, par exemple) avaient dit avant lui. Il n’en est pas moins le plus connu des philosophes du XVIIIe. J’en arrive donc encore à me demander si pour supplanter Marx je dois impérativement, comme vous me le conseillez, le tuer moi-même en m’en prenant ouvertement à lui.

Je n’ai d’ailleurs pas compris si parler de lui était pour vous un conseil ou une condition. Voici, en attendant une précision, des solutions auxquelles j’ai pensé. La première, je vous l’ai déjà exposée, serait celle d’une préface dans laquelle l’auteur ferait lui-même des comparaisons, de sorte que Marx serait bien évoqué, mais pas par moi. La seconde serait que vous qui connaissez sans doute mieux Marx que moi me proposiez une question qu’un juré pourrait poser, laquelle présenterait en quelques mots clés, sans même citer Marx, ses idées centrales. Ce clin d’œil satisferait à la fois ceux qui le connaissent et ceux qui n’en ont rien à faire.

Très cordialement,

Philippe Landeux

vendredi, 23 septembre 2011

CONFERENCE du 22 septembre 2011

Comme annoncé, j'ai tenu, hier soir, jeudi 22 septembre 2011, au Local, à Paris XV, ma première conférence. Une vidéo devrait être disponible d'ici peu. Je n'ai pas lu le texte ci-dessous (en cours d'achèvement), je me suis simplement appuyé sur son plan. Les choses furent donc moins bien présentées et je me suis rendu compte que j'en avais ommis quelques-unes, parfois importantes. Par ailleurs, faute d'écran, je n'ai pas pu illustrer mes propos par les documents inserrés ici.

 0 3 - Affiche - Conf 22 sept 2001.jpg

CONFERENCE

LARGENT :
LE TYRAN A ABATTRE

Jeudi 22 septembre 2011

 

« Blythe Masters n’a jamais fait de politique, elle s’est contentée simplement de travailler la source même de l’activité humaine, sa passion, le nerf de la guerre, le fruit des travaux des uns et des autres : l’argent. »

Pierre Jovanovic, Blythe Masters, p. 41

I. AVANT PROPOS

Bonsoir à tous,

Je vous remercie d’être venus assister à cette conférence qui sera la première de ma carrière et qui porte sur un sujet inédit. Je tiens aussi à remercier immédiatement et publiquement Serge Ayoub qui m’a proposé de la faire et m’a offert ainsi ma première tribune. L’Histoire s’en souviendra.

Le sujet de ce soir, « Largent, le tyran à abattre », semble original, extravagant, certains pourraient même dire rébarbatif, alors que, paradoxalement, Largent est au cœur de notre système et qu’il n’y a donc pas de sujet plus capital, c'est le cas de le dire. En fait, il n’y a pas aujourd’hui de plus grand tabou. Même s’il n’est pas bien vu d’aborder certains sujets dans certains milieux, on peut parler de tout… de tout sauf de Largent.

Notre monde tourne autour de lui, son influence sur la marche des choses est incontestable, et pourtant personne ne s’intéresse à lui, à sa nature, comme si le sujet n’avait aucun intérêt. Imaginez que l’on parle de véhicules sans jamais s’intéresser à la question du carburant ! Nous en sommes là concernant Largent. Pourquoi ?

D’abord, parce que tout le monde croit le connaître et que, du coup, personne ne s’interroge et ne sait ce qu’il est réellement. Ensuite, parce que chacun sait d’instinct la place centrale qu’il occupe dans notre système et le rôle funeste qu’il joue, que chacun perçoit sa puissance et pressent l’ampleur des bouleversements que sa chute provoquerait, que chacun a conscience qu’ouvrir le débat suppose ou conduit à une remise en cause, de sorte que tout le monde a peur pour de multiples raisons de s’attaquer à lui et donne le change sur sa lâcheté en prétendant, contre toute évidence, qu’il est insignifiant, que ce n’est qu’un moyen, que le problème est ailleurs, qu’il ne faut pas ouvrir la boite de Pandore, etc. Ainsi Largent est-il validé avant même d’avoir été considéré. Hé bien, je vous le dis, ces temps d’aveuglement et de lâcheté sont révolus : l’heure est à la vérité et à la révolution.

Je vais vous montrez Largent comme vous ne l’avez jamais vu. Je vais vous dire des évidences qui ne sont encore évidentes pour personne.

Je me présente. Je m’appelle Philippe Landeux. Je ne suis pas économiste, quoique j’ai fait un peu d’économie, en faculté — un peu, car je me suis vite aperçu que les études servaient moins à rendre libre qu’à nous transformer moralement et physiquement en rouage du système. De toute façon, malgré les apparences, mon sujet est surtout affaire d’honnêteté, de logique, d’imagination et de courage.

Je suis monté à Paris il y a une quinzaine d’années pour faire du dessin1 3 - Vive la France.jpg de presse, avec l’intention de remettre le patriotisme au goût du jour.Il s’est vite avéré que cela relevait de l’utopie, d’une part parce que le patriotisme n’étouffe pas les journaux ayant pignon sur rue, d’autre part parce que je suis incapable de dessiner sur ordre. J’ai donc abandonné rapidement cette voie. Mais, entre-temps je m’étais mis à lire et, pour je ne sais quelle raison, mon intérêt s’était porté sur la Révolution française et en particulier sur Robespierre. Ce fut le choc de ma vie. Je peux dire que c’est Robespierre qui m’a éveillé à la politique. C’est lui qui m’a amené à réfléchir, tout en me fournissant une méthode, celle qui consiste à poser le principe et à en tirer l’une après l’autre toutes les conséquences. C’est lui qui, indirectement, m’a amené à avoir les idées que je vais développer ce soir. De manière générale, la Révolution et les nombreux débats qui l’ont agité m’ont donné envie de coucher sur le papier mes réflexions sur divers sujets de société, sur des thèmes de philosophie politique, alors que je n’avais jamais écrit de ma vie, le dessin ayant été jusque-là mon moyen d’expression. Au bout de quelques mois mon attention s’est portée naturellement sur la monnaie, dont j’ignorais alors tout. Trois jours après le début de mes réflexions, le 4 décembre 1997, il m’est venu, je ne sais comment, une idée impensable : un principe m’est apparu clairement et j’ai su ipso facto par quoi remplacer la monnaie, comment anéantir ce que je n’appelais pas encore Largent.

1 5 - Matrice - Largent.jpg

Je n’avais pas de talent pour écrire mais j’avais désormais le devoir de répandre cette idée par tous les moyens en mon pouvoir et quoi qu’il m’en coûte. C’est ainsi que je me retrouve devant vous ce soir.

Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas économiste. Je ne vais donc pas analyser les mécanismes du système monétaire ou de la finance internationale, c’est-à-dire les jongleries et les tripotages. D’autres ne font que ça et le font très bien, je pense notamment à Pierre Jovanovic et François Asselineau. Pour ma part, je m’intéresse à la nature même de la monnaie et à ce que j’appelle « Largent ». Car le système peut être plus ou moins bien géré et prendre différents noms, il reste que tous les systèmes que nous connaissons sont monétaires, que tous utilisent pour ainsi dire les mêmes matériaux, que tous ont des traits communs hideux parce qu’ils sont vicieux et antisociaux à la base, ce que je vais démontrer.

II. INTRODUCTION

Maintenant, cette conférence n’a pas pour objet d’expliquer comment anéantir Largent, comment organiser une société sans monnaie, mais seulement d’expliquer pourquoi Largent doit être anéanti et la monnaie abolie. Le « comment » est dans le « pourquoi ». L’erreur commune est de se précipiter sur le « comment » sans maîtriser le « pourquoi », donc sans savoir les mécanismes qu’il faut briser, les principes qu’il faut reconnaître et les préjugés dont il faut se débarrasser.

En réalité, je pourrais expliquer par le menu comment organiser une Société sans monnaie. La théorie — car ce ne peut être aujourd’hui qu’une théorie — est déjà écrite. C’est l’objet de cet ouvrage : Le Civisme ou la théorie de la Cité. On peut lire ce livre d’emblée, le comprendre et y adhérer. Mais, bien que j’y rappelle rapidement les raisons pour lesquelles Largent doit être anéanti, le lecteur, à moins de les développer par lui-même, ne dispose pas de suffisamment d’arguments pour soutenir son opinion et répandre ces idées autour de lui. Ces arguments étant exposés en long, en large et en travers dans le Réquisitoire contre Largent ou théorie de l’Egalité, je les laisse de côté pour la plupart. En fait, chacun de ces livres contient tout mais présenté d’une manière différente. Le premier, le Réquisitoire, est théorique, philosophique en quelque sorte, le second, Le Civisme, est accès sur le côté pratique.

Ces deux ouvrages sont disponibles sur Internet, sur TheBookEdition. Il faut, pour les commander, se rendre sur le site de « TheBookEdition » et taper « Landeux » dans « rechercher ». J’indique les liens sur mon blog « Philippe Landeux » dans la rubrique « livres et actualités perso ». On peut aussi les trouver en passant par google en tapant « Philippe Landeux Réquisitoire ». Je précise au passage que TheBookEdition n’est pas un véritable éditeur — il ne participe ni à la promotion ni à la diffusion — et que j’en cherche donc toujours un. Si un éditeur courageux m’entend…

1 6 - Mes livres.jpg

Pour en revenir à nos moutons, j’ai dis que « Largent doit être anéanti » et non pas « aboli ». Cette nuance est importante. Elle tient à la nature de Largent. Ceux qui parlent « d’abolition de l’argent » désignent la monnaie, ignorent ce qu’est véritablement Largent, ils ignorent même qu’ils l’ignorent, ils se trompent d’ennemi et de tactique et, partant, ne peuvent pas le combattre sérieusement. Or c’est un principe de guerre intemporel : il faut connaître son ennemi comme soi-même pour pouvoir en triompher.


III. LARGENT, LA MONNAIE ET LE MOYEN D’ECHANGE

Il faut distinguer trois notions : celle de monnaie, celle de moyen d’échange et Largent. Ceux qui ne font pas cette distinction, ceux qui en omettent ne serait-ce qu’une seule ne feront jamais de révolution. Ils ne peuvent pas penser Largent, ils n’ont aucun recul par rapport au système, ils sont, pour ainsi dire, coincés dans la matrice capitaliste.

Pour faire simple, disons que :

  • Un moyen d’échange est le moyen pour les individus ou les citoyens qui en disposent de participer aux échanges, d’échanger leurs productions ou leur travail, sans échanger directement entre eux, plus exactement sans troquer ; c’est un moyen d’accéder au marché et d’acquérir les biens qu’il permet d’en retirer ou de jouir des services qu’il permet de s’offrir.

Vous noterez que cette définition n’indique pas sa nature, sa forme, son origine, la façon de se le procurer, ses modalités d’utilisation, son mode de fonctionnement, etc. Ce n’est pas celle de la monnaie bien que ce soit elle, la monnaie, qui inaugure ce concept. Le piège est évidemment de donner du moyen d’échange la définition de la monnaie et, dès lors, de ne pouvoir en concevoir d’autre qu’elle.

  • La monnaie, elle, une unité de valeur qui permet, d’une part, d’attribuer un prix aux choses, c’est-à-dire d’en déterminer la valeur en nombre d’unités monétaires, d’autre part, d’acquérir les choses en échange de la quantité d’unités exigée par les vendeurs ou suivant le prix fixé avec eux d’un commun accord. Or tout ce qui est à vendre constitue un marché — le marché étant l’ensemble des marchés —, et disposer d’unités monétaires est en général la condition nécessaire et suffisante pour y accéder et participer aux échanges. La monnaie est donc aussi un moyen d’échange, le moyen d’échange du système monétaire. Elle fonctionne selon un certain mode d’échange parce qu’elle met en œuvre une certaine conception de l’échange. Je n’en dis pas davantage ; je vais y revenir en détail.
  • Largent, lui, qui s’écrit avec un « L » majuscule et sans apostrophe, écoutez bien : c’est la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger. Je répète… C’est donc à la fois une croyance et un raccourci pour désigner la notion de « valeur marchande ». Tel est du moins le sens strict de ce nouveau terme. Telle est aussi la raison pour laquelle parler « d’abolition de Largent » est impropre et révélateur. On n’abolit pas une croyance : on l’anéantit, on l’éradique, on la supplante.

Contrairement à ce qu’imagine instantanément un esprit capitaliste, ces concepts ne sont pas indivisibles. Ils sont effectivement liés dans le système monétaire, mais ils ne sont pas confondus par nature.

  • La monnaie est un moyen d’échange, mais un moyen d’échange n’est pas nécessairement de la monnaie.
  • La monnaie repose sur Largent, mais Largent peut exister sans la monnaie.
  • Par suite, un moyen d’échange peut ne pas être de la monnaie et ne pas reposer sur Largent.

Que se passe-t-il si l’on ne fait pas ces distinctions, ce qui est lié au fait que l’on maîtrise mal les concepts de monnaie et de moyen d’échange et pas du tout celui de Largent ?

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  • Evidemment, celui qui, par intérêt ou manque d’audace intellectuelle, défend la monnaie conserve à la fois le principe de moyen d’échange et Largent. Autant dire qu’il ne change rien, quelle que soit l’ampleur des réformes qu’il propose par ailleurs. (figure 1)
  • Maintenant, celui qui, malgré tout, reconnaît que la monnaie est pernicieuse mais qu’un moyen d’échange est nécessaire en est réduit, s’il est toujours sous l’emprise de Largent, ce qui est généralement le cas, à reproduire un système d’unité, à imaginer un moyen d’échange reposant sur la notion de valeur, bref à proposer une nouvelle forme de monnaie. En réalité, il ne distingue pas la monnaie du moyen d’échange : il ignore seulement qu’il ne conçoit pas d’autre moyen d’échange que la monnaie, c’est-à-dire un moyen d’échange reposant sur Largent. Il ne réalise pas que la monnaie telle qu’elle a toujours été est telle qu’elle doit être, que le système monétaire ne peut pas s’en passer, et qu’en modifier les propriétés et le fonctionnement (dans l’idée de créer un nouveau moyen d’échange) est insensé, illusoire et catastrophique. (figure 2)
  • Enfin, il y a les adeptes de la facilité qui, pour conjurer certains effets de la monnaie, imaginent naïvement qu’il suffit de la supprimer, et avec elle tout moyen d’échange, donc de revenir au troc (ce qui est impossible) ou de promouvoir le don (ce qui est absurde). Mais ils oublient Largent — qui est le cœur et l’esprit du système qu’ils prétendent balayer et que leur solution en apparence radicale est incapable d’anéantir. Or, Largent vivant, la monnaie réapparaîtra tôt ou tard et sûrement plus tôt qu’ils ne pensent — si tant est qu’ils soient capables de penser. Cette démarche ne consiste pas à changer les choses, mais à renoncer à certaines, à créer ainsi des vides dont la nature a horreur. (figure 3)

 

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La Belle Verte - Une planète sans monnaie où une poignée de va-nu-pieds

résolvent tout par l'opération du Saint Esprit tel le bon sauvage de Rousseau.

On voit donc que l’ignorance de ce qu’est Largent conduit à lier moyen d’échange et monnaie, qu’il s’agisse de conserver le premier ou de supprimer la seconde, et, ce faisant, à perpétuer la nature fondamentale du système en recourant à des solutions qui sont alors contre-nature. Pour être plus clair, le système monétaire s’articule autour de trois concepts : le moyen d’échange, la monnaie et Largent (à la base). Il y a donc, en théorie, trois angles d’attaque possibles. Mais il n’y en a plus que deux si on néglige Largent. Dans ces conditions, il n’y a que deux stratégies envisageables, à défaut d’être judicieuses, pour changer le système : 1) conserver le moyen d’échange moyennant une modification de la monnaie — puisqu’il n’est pas question de renoncer à la notion de valeur, 2) supprimer la monnaie et tout moyen d’échange par la même occasion, puisque conserver un moyen d’échange serait la première stratégie, et adopter un mode d’échange direct basé sur la notion de valeur, puisque la notion de valeur n’a pas été identifiée comme la véritable base du système monétaire. Ces deux stratégies, opposées en apparence, ont donc en commun, outre le fait d’être aussi absurdes et inapplicables l’une que l’autre, de lier le sort du moyen d’échange et de la monnaie et, dans la mesure où aucune n’éradique Largent, de promouvoir des systèmes objectivement ou potentiellement monétaires. Moralité : ne pas s’attaquer à Largent condamne à l’impuissance ou à l’échec ou, comme dirait le poète, à pisser dans un violon.

Telle est la conséquence de la « croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger » qui par définition, empêche d’envisager un mode ou un moyen d’échange ne reposant pas sur la notion de valeur. En revanche, les conclusions que cette étude oblige à tirer sont, d’une part, que le système monétaire doit être attaqué par Largent pour atteindre la monnaie et proscrire tout mode d’échange reposant sur la notion de valeur, et éviter ainsi de commettre l’erreur fatale de la première stratégie, à savoir modifier simplement le fonctionnement de la monnaie ; d’autre part, qu’il ne faut pas rejeter le principe de moyen d’échange, qu’il faut au contraire en adopter un fondé sur une autre logique et capable de l’inculquer, sous peine de tomber dans le piège de la deuxième stratégie, à savoir créer un vide dans lequel Largent serait comme un poisson dans l’eau.


IV. POURQUOI « LARGENT »

Je m’arrête un instant sur ce terme insolite de « Largent ».

On ne peut ni penser ni combattre ce que l’on ne peut nommer, et si une chose n’a pas de nom, c’est qu’on ne la conçoit pas ou, du moins, qu’on la cerne mal. Or il n’existe aujourd’hui aucun mot pour désigner ce que je nomme Largent. Tous ceux qui l’évoquent se rapportent en fait à la monnaie.

Certes, la notion de valeur n’est pas nouvelle, et tout le monde sait que la monnaie en est l’étalon. La nouveauté, c’est de qualifier de « croyance » le postulat selon lequel « la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger ». Ce postulat sous-entend qu’il n’y a pas d’autre mode d’échange possible que le troc et d’autre moyen d’échange que la monnaie. C’est évidemment ce que l’on est enclin à croire quand on n’en connaît pas d’autres alors que, en raison même de ce postulat tacite, on n’en cherche pas d’autre. Au mieux cherche-t-on, pour ainsi dire, au même endroit. Résultat : on tourne en rond et le système triomphe.

De fait, il est aussi impossible de concevoir Largent — c’est-à-dire de qualifier de « croyance » et de considérer comme fausse l’idée que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger — sans connaître une alternative crédible au système monétaire, que de découvrir une alternative crédible au système monétaire sans concevoir Largent. C’est le serpent qui se mord la queue. Ceci explique (en

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Néo comprenant ce qu'est la Matrice une fois que son esprit est

déconnecté et qu'il l'a sous les yeux.

partie) pourquoi même les plus grands penseurs politiques, les plus grands révolutionnaires, ont éludé le problème ou s’y sont cassés les dents. On ne peut sortir de la quadrature du cercle que par hasard, pour ne pas dire par miracle. Et ce hasard s’est produit le 4 décembre 1997. C’est ce jour qu’un déclic s’est produit, que j’ai pensé, sans pouvoir expliquer comment, un moyen d’échange reposant sur une logique à des années lumières de la logique monétaire. Cette clé m’a permis d’échafauder en quelques jours une théorie que j’ai d’abord baptisée « SDT » (Société du Travail) et depuis « Civisme » (janvier 2003).

Cette théorie offre enfin une alternative et permet d’affirmer que la notion de valeur marchande non seulement n’est plus nécessaire pour échanger mais est même un obstacle aux échanges et un fléau dans tous les domaines. Et pourtant, il m’aura encore fallu plusieurs années avant de forger le terme « Largent ». C’est après avoir entrepris d’écrire un réquisitoire contre « l’argent », en février 2000, que me vint l’idée, le mois suivant, de personnifier l’accusé et d’éviter ainsi les périphrases. C’est alors seulement que, malgré l’infinité de choses auxquelles il renvoie, j’ai pu saisir la quintessence de Largent et le définir avec précision.

J’ai déjà donné la définition de Largent, mais j’ai dit que c’était sa définition au « sens strict ». En effet, tout ce qui découle de la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger — et vous n’imaginez pas l’étendue et la profondeur des conséquences matérielles et morales de cette croyance — est une conséquence de Largent. Il est donc possible de donner à Largent un sens large, d’invoquer « Largent » pour toute chose qui se rapporte directement ou indirectement à lui. Cet usage présente plusieurs avantages mais aussi un dangereux inconvénient.

Il n’est pas faux de dire « Largent » au lieu d’énoncer clairement la conséquence précise à laquelle on fait référence. Dans ces conditions, il est possible d’évoquer Largent à tout propos — et c’est d’ailleurs ce que je fais. A force de le citer, de le dénoncer, d’attirer l’attention sur lui, les autres finiront bien par être intrigués, par s’interroger, par admettre qu’il y a en effet un problème avec « l’argent » tel qu’ils le conçoivent. Il est en effet peu probable qu’ils connaissent la définition de Largent, et donc certain qu’une partie du discours contre Largent leur échappera ; mais ils comprendront néanmoins quelque chose qui ne sera pas totalement inexact. C’est tout l’intérêt de ce terme qui semble familier et qui, au sens large, contient bien le sens que la plupart des gens lui prêtent. Mais cet avantage est aussi un inconvénient dans la mesure où ceux qui croient savoir ce qu’est Largent risquent de ne pas se poser de questions et de rester dans l’ignorance, avec pour conséquences de mal maîtriser ce concept de base, d’être incapables de le défendre correctement et, au final, d’être plus nuisibles qu’utiles à la cause malgré leurs bonnes intentions. Ce terme étant aussi trompeur que le concept est nouveau, il ne faut donc pas hésiter à en rappeler la définition, à signaler que Largent (« L » majuscule) n’est pas « l’argent » (avec apostrophe). Ceux qui relèvent et déplorent cette répétition sont d’ailleurs ceux qui font l’erreur contre laquelle il s’agit de les mettre en garde.


V. POURQUOI L’EGALITE ? QU’EST-CE QU’UNE SOCIETE ?


J’ai dit plus haut que l’erreur commune est de se précipiter sur le « comment » sans maîtriser le « pourquoi ».

Largent est un paramètre social, un paramètre central de la « société » (citer la phrase de Pierre Jovanovic). On ne peut donc pas comprendre la nature et l’ensemble des effets antisociaux de Largent sans connaître les principes d’une Société digne de ce nom. Inversement, on ne peut pas comprendre quel mode d’échange il convient d’adopter, c’est-à-dire « comment échanger dans le respect des principes de l’ordre social », si l’on ne sait pas ou si l’on a des idées fausses sur ce que doit être une Société.

Toute Société, quelle soit humaine ou animale, a pour origine et moteur l’instinct de conservation pour la simple raison qu’hors de l’état social, dans ce que les philosophes ont baptisé l’état de Nature, règne la loi du plus fort. Les individus sont livrés à eux-mêmes, ils n’ont aucun droit et, quelle que soit leur force, ils sont perpétuellement en danger, ils doivent sans cesse être aux aguets. La seule façon d’accroître sa sécurité dans un monde régit par les rapports de force est de s’associer, de s’unir, de constituer un groupe avec d’autres congénères qui, tous, tourneront leurs forces respectives contre les ennemis extérieurs et qui, au lieu de se déchirer, se défendront mutuellement. Il s’ensuit que des Citoyens ont le devoir de défendre leur Cité et chacun de leurs Concitoyens. Ce n’est pas le concept de Société qui garantit par lui-même la sécurité en tant que droit. Ce n’est pas non plus le Citoyen qui génère ce droit pour lui-même. La sécurité de chaque Citoyen est le fait de la protection dont l’entourent ses Concitoyens, ce qu’ils ne font qu’envers ceux qui font la même chose envers eux. Or, en ayant le devoir mutuel de se défendre, de se protéger, de se secourir, les Citoyens génèrent et se garantissent mutuellement le même droit : la sécurité. Ceci est vrai pour tous les droits. L’égalité en devoirs implique l’égalité en droits. L’Egalité — c’est-à-dire l’égalité des Citoyens en devoirs et en droits, ni plus ni moins — est le principe fondamental de l’ordre social. Le concept de droit n’a aucun sens que ce soit hors de la Société ou dans l’inégalité.

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Je passe sur les développements qui amènent à cette autre conclusion : un Citoyen a le devoir de participer à la vie de la Cité sous une forme reconnue par la Cité. En retour, il a le droit de profiter de tous les bienfaits de sa Cité. Et ce qui est vrai pour un Citoyen l’est aussi pour tous les Citoyens. Autrement dit, la Citoyenneté s’acquiert en remplissant un ensemble de devoirs (fondamentaux), dont celui de participer à la vie de la Cité, et confère un ensemble de droits (fondamentaux et indirects), dont celui de profiter des bienfaits de la Cité. Ceci implique soit que les Citoyens ont droit à une part égale du produit commun, fruit de la combinaison de leurs efforts, soit qu’ils ont un égal droit d’accéder au marché, ce droit étant donc conféré par la Citoyenneté. Ce sont les conditions de « production » qui déterminent quel est le meilleur voire le seul mode possible de partage ou de redistribution. Problème : Largent exclut l’un et l’autre.

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VI. LARGENT & LE TROC

Largent — la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger — naît du troc.

1) LE TROC : raisons, conséquences

Le troc n’est pas un moyen d’échange, mais un mode d’échange. Il consiste en un échange d’objets entre individus, donc à échanger des objets les uns contre les autres. Ce mode d’échange est le seul praticable pour des hommes qui commencent à fabriquer des objets convoités avec l’intention de les échanger. Alors, le mode de fabrication est artisanal, et les artisans qui ne participent plus aux activités collectives et n’ont donc plus droit à une part du produit commun ne peuvent pas donner leurs produits (ce qui ne satisferaient personne, sauf l’heureux élu), ils doivent les échanger, et ils échangent naturellement avec le plus offrant. Mais ceux qui participent à la vie de la Cité dans le cadre d’activités collectives et qui en retirent une part égale n’ont rien de particulier à échanger et ne peuvent déterminer l’artisan à échanger avec eux. Petit à petit, tous les Citoyens se mettent donc à s’activer pour leur propre compte afin de posséder quelque chose en propre à échanger au besoin. Car le troc implique que les protagonistes de l’échange soient propriétaires de ce qu’ils échangent. On ne peut pas échanger des biens qui ne nous appartiennent pas !

Mais pourquoi la Société reconnaît-elle et garantit-elle aux individus la propriété sur des objets qui n’ont pas été produits pour elle, dans le cadre d’un devoir envers elle, et qui sont échangés sans qu’elle ait son mot à dire ? Elle devrait s’en laver les mains ! Mais c’est précisément parce que les individus eux-mêmes n’ont pas d’autre choix pour échanger que la Cité cautionne une pratique contraire aux principes de l’ordre social, qui la dépouille de sa fonction « économique ». Alors que le troc prouve que les capacités des hommes et de la société se sont étendues, alors que le champ d’application des devoirs et des droits devraient être étendu en proportion, la Cité est paradoxalement réduite à sa fonction « politique », ramenée à sa raison première et au sens primaire : la sécurité. Les individus n’ont plus le devoir de participer à la vie de la Cité, ni les droits qui en découlaient sous sa garantie ; ils n’ont plus du Citoyen que le devoir de défendre la Cité.

Dans ces conditions, il n’est pas difficile de comprendre comment la dichotomie entre le politique et l’économique a permis, avec l’évolution, la marginalisation des femmes et l’institution de l’esclavage. Quand un Citoyen ne peut plus être défini comme un « individu participant à la vie économique et sociale de la Cité », il devient possible de « travailler », d’être utile à la Cité sans être Citoyen, sans même avoir aucun droit. C’est aussi de la réduction du Citoyen à un être politique que viennent la confusion actuelle entre citoyenneté et nationalité et l’insignifiance de ces deux concepts.

Alors que nous n’avons pas encore abordé le cœur du sujet, nous voyons que le troc — l’échange direct entre individus — est un mode d’échange dramatique d’un point de vue social. Avec lui, ce n’est plus « un pour tous, tous pour un » mais « chacun pour soi ». Quoique le cadre restreint dans lequel il se pratique limite les dégâts, il n’en détruit pas moins la Société du point de vue des Principes, les choses ne pouvant aller qu’en s’aggravant. Mais c’est précisément parce qu’il semble inoffensif en plus d’être incontournable pendant très longtemps que le troc est perçu comme un mode d’échange naturel, juste, équitable, presque vertueux, et que les réflexes qu’il induit deviennent des préjugés incurables.

2) LARGENT : origine, conséquences

Lorsque les individus échangent entre eux, lorsque, ce faisant, ils mettent des objets en équivalence (j’insiste sur le mot « objets »), ils finissent par concevoir la notion de valeur marchande, la valeur d’un objet étant déterminée par une quantité d’autres objets. Ce mode d’échange est le troc, et nous avons vu que les hommes qui commencent à produire y recourent naturellement, sans réfléchir, sans philosopher, sans entrevoir ses conséquences. On peut donc dire que le troc s’impose à eux. Or c’est la pratique du troc qui leur inculque à son tour la notion de valeur marchande, la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger, en un mot Largent.

Les hommes n’ont pas inventé Largent ; il s’est lui aussi imposé à eux. Ils ne peuvent pas concevoir Largent avant de troquer : c’est parce qu’ils troquent qu’ils finissent par comprendre et par admettre que leur mode d’échange repose sur la notion de valeur (marchande) et que cette notion indissociable du seul mode d’échange qu’ils peuvent alors pratiquer et concevoir leur apparaît nécessaire. Plus exactement, ils raisonnent ainsi sans même en avoir conscience, ce qui est d’autant plus pervers et redoutable. Dans leur esprit, la notion de valeur marchande n’est pas seulement « nécessaire » : elle est naturelle, évidente, incontestable. Ils sont donc à la fois incapables d’envisager la possibilité de la remettre en cause, ce qui serait démentiel et sacrilège à leurs yeux, et d’imaginer un autre mode d’échange. Ils sont mentalement prisonniers de Largent. Ceci est encore vrai aujourd’hui. Autrement dit, les hommes du XXIe siècle sont toujours prisonniers de concepts hérités de la nuit des temps (il y a quelques dizaines de milliers d’années) ; ils les perpétuent machinalement ; ils se laissent entraîner par un mode d’échange qui n’a jamais été pensé. Il n’en faut pourtant pas beaucoup pour s’apercevoir que Largent est funeste et antisocial. (Combien d’expressions populaires l’attestent sans que personne n’en tire les conséquences ?)

Pour faire ce constat, nul n’est besoin d’étudier le monde de Largent d’un point de vue pratique : une simple analyse dialectique suffit.

 Il n’y a pas de notion de valeur sans différence de valeurs. Par suite, tout système, tout mode d’échange fondé sur la notion de valeur marchande suppose une différence de valeur entre les choses, entre les produits, entre les producteurs, donc entre les « citoyens ». En clair, elle implique des différences de prix, des différences de salaires et, à terme, l’inégalité en droits. Un système régi par la notion de valeur marchande est donc inégalitaire par nature, quoi que pensent les hommes et quoi qu’ils fassent. Largent est synonyme d’inégalité. Or, quand on sait que l’Egalité est le principe fondamental de l’ordre social, il est inutile de se demander plus longtemps pourquoi aucune Société — du moins ce qui en tient lieu — ne connaît l’harmonie sous le règne de Largent.

Par ailleurs, il saute aux yeux que Largent qui est au cœur de nos « Sociétés » n’a aucune dimension sociale. La croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger résulte d’un mode d’échange ; elle induit une conception de l’échange ; elle est concentrée sur les objets, leur soi-disant valeur et le moyen de la mesurer, non sur les citoyens, leurs droits et le moyen de les garantir ; aucune considération sociale n’entre en ligne de compte. Elle a bien sûr des conséquences sociales, mais cela n’en fait pas une conception sociale. En outre, la notion de valeur résulte d’un mode d’échange individualiste, réduit les Citoyens, en tant que protagonistes des échanges, à de simples individus et développe ainsi l’individualisme au point que nous parlons aujourd’hui, sans être choqués par la contradiction, de « sociétés individualistes ». Des individus ayant pour devise « chacun sa gueule » sont-ils vraiment Citoyens ? constituent-ils vraiment une Cité ?

Enfin, peut-être faudrait-il s’interroger aussi sur la valeur tant vantée de la notion de valeur marchande elle-même ! Que représente-t-elle en effet du point de vue des objets et de celui des hommes ?

La valeur marchande d’un objet est supposée correspondre à la valeur de l’objet lui-même. Or elle varie selon la rareté de l’objet, selon la puissance et la cupidité du propriétaire, selon les besoins du demandeur, selon l’époque, selon le lieu, etc., bref selon des considérations essentiellement extérieures à l’objet. Elle n’a donc aucun sens et n’est donc pas nécessaire du point de vue des objets. Il est possible et même probable que, dans les premiers temps du troc, les protagonistes des échanges aient pris en considération le temps et la difficulté de fabriquer, de se procurer, de déplacer les objets afin d’établir entre eux une équivalence globale. Comme ils se connaissaient et avaient encore le sens de la communauté, ils mêlaient sans doute à ces considérations matérielles des considérations humaines. On voit donc que, dès le départ, la valeur marchande des objets n’avait guère de rapport avec leur valeur intrinsèque — car ils n’en ont aucune en réalité, la seule valeur, la vraie valeur d’un objet étant celle que chaque individu lui accorde selon ses critères personnels —, que c’est donc en soi une notion artificielle et arbitraire. Encore était-ce là la situation idéale. Mais il aura sans doute fallu peu de temps pour que l’intérêt personnel prenne le pas sur toute autre considération, pour que chaque protagoniste des échanges exagère la valeur des objets qu’il était prêt à céder et dénigre celle de ceux qu’ils convoitaient, pour que la valeur marchande des objets soit finalement dictée par le plus puissant ou le moins pressé et devienne plus artificielle et plus arbitraire qu’elle ne l’est déjà par nature.

Remarquons bien que nous n’avons étudié ici que les conséquences directes de Largent, indépendamment du mode de mesure et du système d’unité que la notion de valeur implique. A ces conséquences directes de Largent au sens strict s’ajoutent donc celles du troc que nous avons vues plus haut et celles de la monnaie qu’il nous reste à voir.

VII. LA MONNAIE

Tout ce que je vais dire maintenant se rapporte à Largent au sens large et découle de Largent au sens strict.

1) Origine

Une monnaie, au sens large, est un moyen d’échange. Son principe vient du troc. En effet, bien que le troc soit un échange direct entre individus, deux individus doivent parfois passer par un tiers pour parvenir à un échange satisfaisant les trois parties. Autrement dit, l’un d’eux doit échanger n’importe quoi avec un troisième pour obtenir de lui un bien qui intéresse le deuxième et qu’il pourra échanger avec ce dernier contre l’objet qu’il détient. Le bien ayant servi d’intermédiaire, que le premier n’a acquis que pour l’échanger aussitôt et n’est pas désiré pour lui-même, a servi de moyen d’échange. L’échange triangulaire ou indirect peut aussi être réalisé de manière involontaire : un individu acquiert par échange un objet, puis, après un certain temps, il s’en lasse ou désire acquérir autre chose et l’échange à son tour. Il est d’ailleurs probable que l’idée de pratiquer l’échange indirect et de recourir à des moyens d’échange ait été inspirée par ce genre d’expérience.

Sous le troc tout (excepté les services) est potentiellement un moyen d’échange : il n’y a donc pas de moyen d’échange, c’est-à-dire d’objet ayant exclusivement cette fonction. Pour autant, la pratique de l’échange indirect existe et c’est elle qui, avec l’évolution, entraîne la sélection d’objets de référence de plus en plus pratique du point de vue des échanges (monnaies primitives) puis la création de moyens d’échange standards sur le plan de la forme, de la taille, des matériaux, du poids, etc. (monnaies modernes).

Les premiers moyens d’échange, les monnaies primitives, furent des objets ayant, pour une raison ou une autre, une grande valeur aux yeux des intéressés. Ils pouvaient être désirés aussi bien pour eux-mêmes, pour être utilisés en tant qu’objets, que pour leur capacité à représenter de la valeur et à servir au besoin de moyen d’échange. Servirent de monnaies primitives des animaux (bœufs, vaches, chevaux, moutons, etc.), des objets fabriqués (armes, bijoux, etc.) ou des objets naturels (pierres, coquillages, etc.). Plusieurs monnaies primitives coexistaient. Inutile de dire que la possession en grande quantité de ces biens était déjà un symbole de richesse, de pouvoir, de réussite, de vertu et que, par conséquent, les hommes étaient prêts à toutes les bassesses pour s’en procurer le plus possible. Déjà la monnaie — le fait d’en avoir ou d’en manquer — inspirait tous les vices : l’envie, l’orgueil, le mépris, l’avarice, la servilité, etc.
 
Par la suite, avec la spécialisation toujours plus poussée des producteurs et l’accroissement de leur complémentarité, la fréquence des échanges augmenta et le besoin de monnaies de plus en plus pratiques se fit sentir. J’insiste sur le fait que c’est uniquement par rapport aux échanges, en tant qu’étalons de la valeur, que les monnaies devinrent pratiques, non d’un point de vue social. Pour qu’elles remplissent toujours mieux leur office, les hommes adoptèrent des standards visant à garantir la valeur de l’unité monétaire. Ils abandonnèrent progressivement les biens périssables, imposants, irréguliers ; ils donnèrent à leurs monnaies une forme (d’abord inspirée par celle de leurs monnaies primitives), donc un poids, de plus en plus uniforme ; ils réduisirent la taille, donc la valeur, de l’unité monétaire pour permettre les petites transactions comme les plus importantes ; ils comprirent assez rapidement que le métal (or, argent, cuivre) répondait le mieux à ces critères et à leur souci de rendre leur monnaie aussi infalsifiable que possible ; ils punirent de la peine capitale les contrefacteurs. Plus tard, la technique permis d’imaginer le papier monnaie dont la valeur fut gagée sur des réserves métalliques et garantie par la puissance de l’Etat. Aujourd’hui, la valeur des unités monétaires virtuelles repose presque exclusivement sur la puissance de l’Etat et la soumission générale.

Remarquons bien que les hommes ont inventé des monnaies, mais pas le principe du moyen d’échange qu’ils avaient hérité du troc et qui ne devait rien à leur imagination. Il serait donc plus juste de dire qu’ils ont façonné des monnaies plus qu’ils ne les ont inventées. Cette nuance est importante car elle réfute l’affirmation aussi courante que fausse selon laquelle « les hommes ont inventé l’argent », sous-entendu « ils avaient de bonnes raisons, ils savaient ce qu’ils faisaient, l’agent est donc une bonne chose ». Nous voyons, au contraire, qu’ils n’ont pensé à rien, qu’ils n’ont fait que suivre le chemin tracé par Largent, c’est-à-dire la notion de valeur et l’échange individualiste.

Les premières monnaies modernes furent l’œuvre de particuliers puissants pour asseoir et étendre leur puissance. Puis les Etats, afin de payer leurs troupes et prélever des impôts sur leurs sujets, se réservèrent le monopole de la création monétaire. Enfin, les grandes banques dépouillèrent les Etats du contrôle monétaire et même de la création de monnaie pour asservir les nations par la dette. Pourtant, les monnaies sont toujours garanties par les Etats qui sont donc les complices des banques et coupables de trahison envers leurs sujets.

De par leur nature, les monnaies primitives puis standards masquèrent longtemps leur véritable raison d’être, à savoir qu’une monnaie matérielle n’est que le support de la valeur marchande qui, elle, est nécessaire à l’échange individualiste. La notion de valeur marchande est une abstraction ; tout support matériel est donc fondamentalement une illusion. J’en veux pour preuve le fait que la monnaie puisse être intégralement dématérialisée aujourd’hui sans que le système monétaire en souffre (même si cela a finalement ouvert la porte à de nouveaux abus). Dans ces conditions, la monnaie qui n’est qu’une question de confiance se confond avec Largent qui n’est qu’une croyance. Des chiffres sur un compte bancaire, sans aucune forme de réalité, ne sont de la monnaie que pour celui qui y croit, que pour celui qui a confiance dans le système. Un tel système ne repose sur rien ; il peut s’effondrer du jour au lendemain.

La monnaie sous quelque forme que ce soit est inconcevable sans Largent. Elle répond à une logique qui est celle de Largent, héritée du troc. C’est parce que Largent implique une conception individualiste de l’échange que nous concevons la monnaie comme moyen d’échange et même comme le seul et unique moyen d’échange répondant à cette logique. Or l’échange sur le mode monétaire, forme de troc indirect, perpétue Largent, la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger. La boucle est bouclée.

2) Nature

Quand on demande aux gens « qu’est-ce que la monnaie ? », ils répondent infailliblement : un moyen d’échange, un étalon de valeur et, pour les plus inspirés, un moyen de pouvoir. La monnaie est tout cela, mais elle est bien davantage.

La monnaie, c’est entendu, est :

  • une unité de valeur
  • un étalon de la valeur
  • un moyen d’échange, c’est-à-dire un moyen de paiement ou d’achat

Sur ce dernier point, il faut préciser que la monnaie est à la fois un moyen d’échange individualiste et un moyen d’échange qui s’échange, caractéristiques qu’elle tient du troc. 

Mais c’est également :

  • une représentation de la propriété

Puisqu’elle permet d’acheter des biens, une somme de monnaie représente potentiellement tous les biens de valeur équivalente. Inversement, tous les biens ont une valeur et représentent potentiellement de la monnaie.

  • un bien, une propriété

La monnaie qui remplace les objets qui, sous le troc, étaient échangés directement est elle-même un objet, un bien, une propriété. Une propriété éphémère, certes, puisqu’elle est destinée à payer, mais une propriété quand même. En tant que telle, elle peut être accumulée, échangée, donnée, perdue ou volée.

Même virtuelles, sous forme de chiffres sur papier ou sur écran, des unités monétaires ont une existence parce que tout le monde convient qu’elles existent, parce qu’elles ont les mêmes capacités et les mêmes défauts que des unités matérielles, parce que, comme nous l’avons vu, la monnaie est un concept qui, en dernière analyse, n’a pas besoin de support.

Elle est de ce fait :

  • un moyen d’appropriation et de dépossession

La monnaie, comme tout moyen d’échange, sert à acheter et transforme les objets payés en propriétés. Mais, dans un système monétaire, tout est question de valeur et, comme tout a une certaine valeur marchande, tout peut-être représenté par de la monnaie, tout peut-être vendu ou acheté. Fut un temps où les hommes eux-mêmes étaient littéralement des marchandises (l’achat couvrant le crime de l’asservissement) et où les dettes transformaient les débiteurs en esclaves.

Avoir de la monnaie ouvre autant la porte de la propriété que ne pas en avoir la ferme. Par ailleurs, comme nous l’avons vu, la monnaie est en soit un objet qui peut être perdu ou volé comme n’importe quel objet, et plus facilement que beaucoup puisqu’elle est faite pour être « pratique ». Or ce qui la rend pratique pour les gens honnêtes la rend tout aussi pratique pour les voleurs qui ne sont pas tous hors la loi.

Il s’ensuit qu’elle est :

  • un moyen d’accéder au marché

Ceci fut vrai de tout temps mais l’est plus encore à l’heure où tous les échanges passent par la monnaie, où les individus ne fabriquent plus rien seuls et où la satisfaction de leur moindre besoin exige qu’ils aient accès au marché, droit que seule la monnaie confère. Cette caractéristique est, du reste, celle de tout moyen d’échange. Seules les modalités particulières pour accéder au marché dépendent de la nature du moyen d’échange en question.

  • une portion de tous les droits dont la jouissance ou l’exercice passe par l’accès au marché

Nous avons dit que la monnaie est un moyen de posséder, c’est-à-dire d’acquérir le droit de propriété sur les biens achetés. Nous avons ajouté qu’elle confère le droit d’accéder au marché. La propriété découle d’ailleurs de l’exercice de ce dernier droit. Mais combien d’autres droits sont-ils eux aussi soumis à la condition d’accéder au marché, de pouvoir acheter ou payer, bref de disposer de monnaie ? Même les droits fondamentaux tels que manger, se loger, se vêtir passent par elle. Celui qui dispose d’un budget inépuisable à tous les droits ; celui qui n’a pas d’argent n’en a aucun.

  • Une matérialisation des droits, en commençant par celui d’accéder au marché

La monnaie est à la fois un bien et l’incarnation de droits. Elle matérialise donc les droits, en commençant par celui d’accéder au marché. Ils s’ensuit que les droits sont extérieurs aux individus, qu’ils sont pour ainsi dire autonomes. Ce ne sont pas les individus qui ont des droits, ce n’est pas non plus la « société » qui garantit ces droits, c’est la monnaie qui les détient et en confère aux individus qui parviennent à s’en procurer. Un individu n’a aucun droit par lui-même : il n’en a éventuellement qu’en tant que détenteur de monnaie.

  • une limite intrinsèque des droits, en commençant par celui d’accéder au marché

Un droit est naturellement borné par les besoins et les envies du citoyen, par l’exercice par ses concitoyens du même droit, par le respect des autres droits d’autrui, par la nature des choses et, au besoin par la loi. En matérialisant le droit d’accéder au marché sous forme d’unités, la monnaie fixe seule et selon ses propres règles les bornes de ce droit et de bien d’autres ; elle n’en limite pas un, elle les limite tous ; elle ne limite pas seulement leur exercice mais leur existence ; elle ne les limite pas ponctuellement mais universellement.  

Par ailleurs, l’exercice d’un droit n’en ôte pas la jouissance. Un Citoyen ne perd pas ses droits à mesure qu’il les exerce. Il peut ne plus pouvoir les exercer en raison des bornes « naturelles » que leur exercice rencontre, mais il n'en est pas dépouillé. Or la monnaie impose la logique inverse. Il n’est possible de jouir des droits qu’elle incarne qu’à la condition de la céder lors de leur exercice, c’est-à-dire lors du payement. Quand on paye une chose, la somme nécessaire au paiement passe en d’autres mains et on n’en dispose plus soi-même pour payer autre chose. Quand on utilise toute sa monnaie, on n’a plus aucun droit.

  • un moyen de pression, d’exploitation, d’oppression, de corruption

Conséquence des diverses fonctions et caractéristiques de la monnaie : celui qui paye ou qui est en position d’exiger un paiement est le maître de celui qui (se) vend ou doit casquer. Comme tout le monde a un besoin vital de monnaie et que ceux qui en ont peu sont dans la dépendance de ceux qui en ont beaucoup, la monnaie est un moyen pour les puissants — qu’ils tiennent leur puissance d’une position élevée ou de leur richesse — de tout marchander, de tout acheter, de tout écraser, de tout corrompre pour, in fine, dépouiller les faibles de leurs droits (d’abord de ceux dont la jouissance ou l’exercice passe par la monnaie, puis de tous les autres) et asseoir leur domination sous le nom d’exploitation (sens économique) ou d’oppression (sens politique). Ceci est aussi vrai pour les individus, que pour tous les groupes d’individus (collectivités, associations, entreprises, états).

La monnaie, c’est du droit. De toutes ses caractéristiques, celle-là est la plus importante. Parler de droits sans jamais tenir compte du fait que la jouissance de la plupart d’entre eux dépend à l’évidence du moyen d’échange en vigueur, en l’occurrence de la monnaie, revient à brasser du vent ; c’est se condamner à ne rien comprendre aux droits, aux inégalités et à la « société » en général. Présenter la monnaie comme un simple « moyen d’échange », la réduire à un instrument économique passif, sert précisément à évacuer sa dimension (anti)sociale, à nier son rapport avec les droits, et, par la même occasion, à enterrer la question de son abolition. En effet, il n’est pas possible d’analyser sérieusement la monnaie sans se rendre compte rapidement qu’elle est aberrante à tous les niveaux et qu’il est impératif de l’abolir. Minimiser le sujet pour l’occulter complètement est donc le meilleur moyen de cautionner l’ordre des choses présent ou plutôt le désordre. Il faut donc aussi se poser la question : ceux qui détournent leur regard et intiment le silence le font-ils par ignorance, bêtise, lâcheté ou hypocrisie ? Aujourd’hui, en tout cas, cela ne peut plus être seulement de l’ignorance !

VIII. LA MONNAIE : PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT & REGLE D’OR

La monnaie est une évolution du troc qui fut le mode d’échange adopté sans réfléchir et faute de mieux par les « hommes des cavernes ». Elle repose sur Largent qui sous-tend également le troc et n’a pas davantage été pensé. Autant dire que les concepts de base du système monétaire sont d’une extrême simplicité. Sans doute l’économie moderne est-elle complexe sous certains rapports. Il n’en demeure pas moins que ses mécanismes fondamentaux sont à la portée du premier venu. N’échappent au bon sens que les astuces des experts et les folies des escrocs. Mais les experts gèrent-ils mieux les nations qu’un bon père son foyer ? L’expérience nous apprend que non et l’avenir risque fort de nous rappeler cruellement cette vérité. La complexité de l’économie n’est finalement qu’un prétexte pour dépouiller les « citoyens » ordinaires de leur droit de gérer ou du moins de contrôler la gestion du bien commun. Celui-ci est bientôt regardé par les spécialistes comme leur bien propre et ils agissent, comme tout un chacun, en fonction de leurs intérêts particuliers.

Principes de fonctionnement

Nous avons vu que la monnaie, de par sa nature, est une calamité. Elle fonctionne, en outre, selon deux principes qui n’arrangent rien : celui des vases communicants et celui de l’attraction.

  • vases communicants

L’échange monétaire est un troc représentatif. La monnaie représente, en terme de valeur, les biens qu’elle achète et les services qu’elle paye. Elle change donc de mains au cours de la transaction, comme une vulgaire balle, et est valide entre toutes quels que soient les moyens par lesquels elles s’en sont emparés, d’où l’adage « l’argent n’a pas d’odeur ». Mis à part l’Etat et aujourd’hui les banques, personne ne la crée. Pour en avoir, il faut s’en procurer. Pour qu’il y en ait ici, il faut en prendre là. C’est le principe des vases communicants. Tout est soumis à ce principe. Quand l’Etat annonce une baisse d’impôts alors que ses dépenses augmentent, seuls les contribuables naïfs peuvent croire qu’ils ne vont pas payer autrement et doublement ; ils vont bien sûr être taxés en tant que consommateurs. Quand une entreprise investit d’un côté ou réserve son argent pour une chose, elle fait par ailleurs des économies de bouts de chandelles. Quand un client achètent, il paye avec de l’argent qu’il a lui-même reçu en tant que vendeur (travailleur). Même les produits « gratuits » pour les consommateurs sont toujours payants pour les producteurs et payés par des tiers qui y trouvent profit, lequel se réalise in fine sur les consommateurs.

Ce fonctionnement n’a rien de choquant pour un capitaliste. Pourtant, comment ne pas comprendre qu’un moyen d’échange obligeant chacun à se le procurer auprès ou aux dépens d’autrui dresse fatalement les individus les uns contre les autres ? Un tel moyen d’échange est vecteur de division et d’hostilité ; il plonge les « citoyens » dans une sorte de guerre civile larvée permanente.

  • attraction

La monnaie circule : chacun doit donc s’en procurer avant de la dépenser. Elle repose en outre sur Largent, sur la notion de valeur marchande : il est donc inévitable qu’elle se répartisse inégalement par le simple jeu des valeurs. Enfin, elle incarne les droits : en avoir est vital ; chacun doit s’en procurer par tous les moyens et autant que possible ; ceux qui parviennent à en avoir beaucoup ont plus de droits que les autres, ils ont du pouvoir sur eux, pouvoir dont ils usent pour s’enrichir davantage et accroître encore leur pouvoir. Autrement dit, de par ses propriétés et son mode de fonctionnement, la monnaie se concentre inévitablement entre certaines mains, elle forme en quelque sorte des caillots dans le corps social, caillots qui, ayant un pouvoir d’attraction de par leur nature, ont plus tendance à grossir qu’à réduire. C’est la réalité et les mécanisme que sous-entendent les phrases suivantes : « On ne prête qu’aux riches », « l’argent va à l’argent », « selon que vous serez puissants ou misérables les jugements de cour vous feront blanc ou noir ».

La règle d’or :

Gagner de l’argent ou ne pas en perdre.

Dans un système monétaire, quelle que soit sa forme, il faut avoir de l’argent, au sens de « monnaie », donc en gagner par n’importe quel moyen aux dépens d’autrui voire à ses propres dépens ou ne pas en perdre, c’est-à-dire payer le moins possible.

Cette règle s’impose à tous (riches et pauvres, Etats et individus, patrons et syndicats), dans tous les domaines et à tous les niveaux (local, national, international). Tous ceux qui prétendent contester l’ordre des choses mais ne dénoncent pas la monnaie sont eux-mêmes des agents du système. Ils raisonnent comme leurs ennemis. Ils sont eux-mêmes les ennemis du changement. Ce sont des rebelles de carnaval, des anti-capitalistes de posture, des contre-révolutionnaires qui s’ignorent. Un employé qui court après les augmentations de salaire n’est guère différent de son patron qui court après le profit : tous les deux veulent de l’argent et cautionnent le système monétaire.

La manière légale de gagner de l’argent, de se procurer de la monnaie, est de vendre soit un bien personnel (acheté ou fabriqué) soit son travail. La loi, c’est la logique du troc. Il est également légal d’en recevoir en guise de don ou de cadeau, le donateur étant libre d’user librement de ses biens, donc de les donner s’il le désire. Inversement, il est illégal et considéré comme un vol de s’emparer de l’argent d’autrui par la force ou sans contrepartie s’il n’est pas consentant. Voilà pour la théorie ! En pratique, la notion artificielle et arbitraire de valeur sur laquelle repose la monnaie crée un flou artistique propice à de nombreux abus. Toute transaction est une escroquerie pour l’une des parties. La loi ne peut donc condamner que les plus flagrantes. De même, il n’y a aucune différence fondamentale, du point de vue de la victime, entre voler un bien de vive force ou spolier des droits par le jeu des valeurs qu’une position dominante permet d’imposer. Il y a loin dans le système monétaire entre ce qui est légal et ce qui est légitime. Tout est tellement absurde que rien n’est légitime et que la loi n’est que sophismes.

Par exemple, on sait que la monnaie vient du troc sous lequel l’échange d’objets entre eux établit leur équivalence en terme de valeur. La valeur est une notion changeante, mais il est admis que la valeur d’un objet est celle sur laquelle les protagonistes de l’échange se sont entendus. Autrement dit, l’échange consacre « la juste valeur » des choses, ce qui, dans le système monétaire, se traduit par « le juste prix ». On paye et on vend donc toujours au juste prix. Ainsi tout salaire accepté est de même le juste prix du travail. C’est oublié un peu vite que celui qui est en position de force peut imposer ses conditions et fixer la valeur de l’objet en question selon ses intérêts, sans aucun rapport avec l’objet lui-même. C’est ce que se gardaient bien d’évoquer les patrons quand ils payaient leurs employés au lance-pierre en prétendant que c’était le juste prix, quand ils les spoliaient légalement et avaient encore le front de se trouver généreux parce qu’ils leur donnaient du travail ! L’exploitation n’est jamais que du vol, un vol subtil, celui de tous les droits (sous forme monétaire) que le patron retient. Comme il ne les a pas ravis, puisqu’il ne les a pas remis à ses employés, il n’y a pas de délit ; et comme il en redistribue quand même quelques-uns, il noie le poisson et la pratique est parfaitement légale. S’il les retenait tous, ce serait manifestement de l’esclavage, lequel n’a pas toujours été interdit. Le problème est que, dans un système monétaire, il est impossible, en dehors des cas extrêmes, de fixer une limite précise entre riches et pauvres, entre normalité et exploitation, entre l’honnêteté et l’escroquerie. Combien faut-il gagner pour être riche ou pour ne pas être exploité ? Combien faut-il vendre un objet pour être honnête ou ne pas être un escroc ? Posée en termes monétaires la question est insoluble.

Nous venons de voir comment l’argent se gagne légalement et comment, inversement, les droits peuvent être spoliés tout aussi légalement au nom de la sacro-sainte valeur marchande. Par ailleurs, nous savons que la monnaie est vitale, suscite l’envie et donne du pouvoir et que, du fait même de reposer sur la notion de valeur, elle se présente sous forme d’unités anonymes et vagabondes. Entre ce qu’elle oblige à faire et ce qu’elle permet de faire, faut-il beaucoup d’imagination pour deviner tout ce que les hommes feront, légalement ou illégalement, de gré ou de force, pour s’en procurer ou ne pas en dépenser ? Certains sont prêts à tout, ils tueraient père et mère, ils sacrifieraient le monde entier, ils vendraient leur âme. Tous, à des degrés différents, sont prêts à s’abaisser pour des miettes et se prostituent d’une certaine manière. Ceux qui ne s’abaissent pas volontairement y sont contraints par la nécessité. C’est ainsi que la monnaie, l’espoir d’en gagner et la crainte d’en perdre, pousse à tous les vices et fait commettre des erreurs, des folies, des délits, des crimes, des accidents, des catastrophes.

IX. CONSEQUENCES DE LARGENT ET DE LA MONNAIE CONFONDUS

Largent n’est pas neutre. Ce n’est pas un instrument, mais une croyance. Par définition, le fait que Largent soit une croyance, qui plus est une croyance universellement partagée, implique qu’il façonne l’esprit des hommes et commande leurs actions. En les enfermant dans une conception de l’échange, il fixe la règle du jeu, il les oblige à jouer au Monopoly grandeur nature. Ils pensent bien sûr être libres d’agir, mais ils ne peuvent agir que selon ses règles, dans le cadre de ses lois. Ils peuvent d’autant moins s’échapper que les murs de leur prison sont uniquement dans leur esprit et qu’ils croient être maîtres de leurs pensées.

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La conséquence immédiate de Largent, c’est-à-dire de la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour changer, est un mode d’échange individualiste et inégalitaire. L’individualisme et l’inégalité ont à leur tour des conséquences sur les conceptions et les actes des hommes.

Avec l’évolution sociale et technique, ce mode d’échange engendre un moyen d’échange fondé sur la notion de valeur : la monnaie. Aux conséquences intrinsèques de Largent s’ajoutent alors celles de la monnaie. Toutes ces conséquences sont directement ou indirectement celles de Largent, c’est à lui qu’en revient la paternité, de sorte qu’il est correct, quoique parfois troublant, de dire Largent à propos de chacune d’elles.

En dehors de la manière même dont est organisé le monde sous Largent, ces conséquences sont de trois ordres : philosophiques, psychologiques et concrètes.

Les premières conséquences portent sur la façon dont les hommes conçoivent les paramètres sociaux.

  • Largent à la place de l’Homme.  Largent est le cœur du système monétaire. Les considérations humaines, l’Homme, sont secondaires. Il ne peut en être autrement tant que les hommes conservent la monnaie qui les assujettit à Largent et leur inculque une conception de l’échange vide de toute dimension sociale et contraire à tous les principes de l’ordre social. L’Homme ne peut être au centre du système, c’est-à-dire de la société, qu’en tant que Citoyen. Il faut, pour cela, que la Citoyenneté ait un sens, que les individus soient considérés comme des Citoyens et traités comme tels quand ils en sont d’après les Principes, que les hommes cessent d’être obsédés par la notion de valeur et pensent en terme de droits.
  • Ignorance des Principes. Il est impossible d’établir l’harmonie sociale si l’on ignore les principes de l’ordre social. Or Largent impose une logique tout autre, laquelle est mise en pratique par la monnaie. Bien que les hommes sentent, en tant qu’êtres êtres sociables, que leur système ne tourne pas rond, ils sont incapables d’en comprendre la cause et de trouver le remède. Etant imprégnés de préjugés monétaires, Largent est pour eux un paramètre naturel. Ils font leur sa logique et, avec elle, toutes ses aberrations. Ils considèrent comme la dernière des évidences des choses complètement absurdes. Dans ces conditions, tous les mots relatifs à des concepts sociaux, en commençant pas la définition même d’une société, sont faussés, insignifiants ou vides de sens.
  • Matérialisation, extériorisation et circulation des droits. Largent, qui naît du troc autant qu’il le sous-tend, et qui sous-tend la monnaie autant qu’elle le perpétue, implique une forme d’échange particulière. Aux cours des échanges, des objets changent de mains. C’est de là que viennent les notions de valeur marchande et d’unité de valeur, la monnaie. Représentant les objets en terme de valeur, la monnaie change elle aussi de mains au cours des échanges. Or la monnaie n’est pas simplement une unité de valeur. En tant que moyen d’échange, elle incarne le droit d’accéder au marché. Sous Largent, ce droit est donc matérialisé dans les unités monétaires qui seules le confèrent, il est extérieur aux individus et il circule. Autrement dit, ce droit qui permet de jouir du droit plus général de profiter des bienfaits de la Cité n’appartient pas aux Citoyens, il ne dépend en rien de la Citoyenneté, il est tout entier dans ces misérables unités que les individus doivent se disputer. C’est une logique, celle de Largent et du système monétaire, mais ce n’est certes pas celle d’une Société digne de ce nom.
  • Limitation artificielle des droits. En matérialisant les droits, en réduisant le droit d’accéder au marché à une somme d’unités, Largent (la monnaie) en fixe les bornes en proportion. Les « citoyens » ne jouissent donc pas d’un droit conféré par la citoyenneté, d’une portée indéfinie et borné par leurs besoins et envies, par l’exercice par leurs Concitoyens de ce même droit, par la nature des choses et au besoin par la loi : leur pouvoir d’achat est limité uniquement par le nombre d’unités dont ils disposent, indépendamment de toute contrainte réelle. Même si rien en réalité ne s’opposent à ce qu’ils achètent plus, même si l’intérêt général serait qu’ils achètent davantage, leur pouvoir d’achat, leur pouvoir tout court, est bridé sans autre raison que les lois de Largent. Cette limite inutile est aussi arbitraire qu’artificielle. Mais comme les hommes pratiquent un mode d’échange reposant sur la notion de valeur et croient mordicus qu’elle est nécessaire pour échanger, ils acceptent tout ce que cela implique (droits extériorisés, matérialisés, mobiles et restreints) aussi absurde et funeste que cela soit. 
  • Incompréhension de l’inégalité / Ignorance de ce qu’est l’Egalité. La monnaie ne peut pas se répartir également et, le pourrait-elle, que les droits qu’elle confère seraient dénaturés (voir les deux points précédents). Le système monétaire est inégalitaire par nature. Mais, comme les hommes ne remettent pas Largent en cause et ne font pas le lien entre la monnaie et les droits, ils admettent que l’Egalité est impossible (ce qui est bien sûr le cas dans ces conditions) et l’imputent aux différences naturelles entre les individus. En fait, ils ne comprennent rien aux droits et à l’Egalité. Ils constatent l’inégalité entre riches et pauvres, inégalité qui se manifeste par des différences de fortune, mais au lieu d’en déduire que les uns ont plus de droits que les autres tout simplement parce qu’ils ont plus d’argent, ils l’expliquent par le fait que les riches ont plus de talents et de vertus. Outre qu’il serait facile de démonter cet argument, il est évident qu’avoir plus ou moins de monnaie n’a de sens que dans un système monétaire, puisque, dans un système non-monétaire, un homme avec ou sans talent ne peut être ni riche ni pauvre en terme de monnaie, qu’il est tout simplement Citoyen. En fait, la monnaie oblige à justifier, tant bien que mal, l’inégalité en droits qu’elle occasionne par les différences naturelles, comme si l’état de Société était l’état de Nature ; elle empêche d’admettre que l’inégalité en droits est un non sens, dans la mesure où il n’y a de droits qu’en Société et où une Société n’établit pas les droits en fonction des individus mais les attache à la Citoyenneté ; enfin, elle interdit de formuler le principe suivant : Des Citoyens ont des droits, dont celui d’accéder au marché, parce qu’ils sont Citoyens.

 

La conséquence générale de ces conceptions philosophiques en matière politique et économique est l’incapacité des hommes à comprendre ce qui ne tourne pas rond dans leur système et à le reproduire en tout ou partie chaque fois qu’ils essayent d’en sortir. Comme chaque partie est liée au tout, à Largent, les modifications partielles sont illusoires, condamnées d’avance ou avec le temps. Ayant pour ainsi dire foi en Largent, acceptant sans réserve ses commandements, ils cherchent généralement ailleurs que dans leur mode d’échange la cause du malheur commun, réflexe moins pertinent et tout aussi inefficace. 

Le fait de concevoir ainsi le monde, les droits, les échanges et les rapports sociaux a à son tour des conséquences psychologiques sur la mentalité des individus, lesquelles déterminent leur comportement et leurs actes. L’ensemble des comportements et des actes, imposés par Largent ou permis par la monnaie, façonne un contexte particulier qui marque lui aussi le caractère individuel des hommes et enfonce le clou.

REDACTION EN COURS...

 

Largent
=> individualisme et inégalité
=> conséquences sur la perception du monde
=> conséquences sur les conceptions et les actes des hommes

Monnaie
=> conséquences “philosophiques”
- Largent à la place de l’Homme. 
- Ignorance des Principes.
- Matérialisation, extériorisation et circulation des droits.
- Limitation artificielle des droits.
- Incompréhension de l’inégalité / Ignorance de l’Egalité.

=> conséquences “morales”
- Individualisme
- Mesquinerie
- Avarice
- vénalité
- Arrogance 
- Jalousie
- Colère
- Stress

=> conséquences "concrètes"
- Pauvreté
- Privations
- Richesse
- gaspillage
- Exploitation (travailleurs, contribuables, automobilistes, fumeurs)
- Oppression (pas de démocratie)
- Magouilles
- Escroquerie
- Vol
- Chantage
- Rapt
- Meurtres
- Crises chroniques
- Chômage
- Divorces
- Pollution
- Oligarchie
- TOUT TOUT TOUT, du moins tout ce qui est négatif

IX. LARGENT EST UN TYRAN

Largent est une croyance. Il est dans la tête des hommes. Les hommes ne peuvent pas en faire abstraction. Ils ne peuvent qu’accepter ses conséquences et se soumettre à lui. Or il commande leur conception de l’échange, la façon dont ils sont reliés entre eux ; il est au cœur des rapports sociaux et donc au centre de la Société. L’en déloger, pour mettre l’Homme à sa place, est une vue de l’esprit, d’autant plus que les hommes ne savent pas ce qu’il est. Ils ne savent d’ailleurs même pas ce qu’est la monnaie qui focalise leur attention. En effet, leur désir de recentrer la « société » sur l’Homme est une réaction aux contraintes financières qui font accorder la priorité aux considérations financières, autrement dit à la monnaie qu’ils réduisent à des unités neutres ou du moins susceptibles d’être domptées. Cette idée est la preuve qu’ils ignorent ce qu’est la monnaie, sa nature et en particulier ses principes de fonctionnement qu’il est impossible de contrarier et qui, à eux seuls, rendent vain de prétendre faire passer les considérations humaines avant les considérations financières dans un système monétaire. Mais cette idée souvent exprimée est aussi la preuve que les hommes suivent, par nature, une autre logique que celle de Largent.

Les hommes sont des êtres sociables. Ils aspirent à vivre en Société, dans la paix, la justice et l’harmonie. Ils sentent d’instinct que l’Egalité en est la condition, ils l’invoquent depuis longtemps, ils lui courent après, ils essayent en vain de l’instaurer. De manière générale, l’Humanité tend vers l’Egalité. Je ne veux pas dire par-là que l’Egalité doit être universelle mais qu’elle doit régner parmi les hommes constitués en Société. Comme tous appartiennent à un groupe à caractère social, l’Egalité n’est étrangère à aucun. Elle est la boussole de tout citoyen et de tout individu censé l’être. Malheureusement, Largent n’a, lui, aucune dimension sociale.

Ainsi, deux logiques, deux forces opposées se partagent l’Empire et les esprits : celle de Largent, individualiste et inégalitaire, et celle de l’Egalité, de la Société, de l’Humanité, bref des êtres sociables que sont les hommes. La première est négative et destructrice ; la deuxième est positive et constructive. Les hommes sont donc condamnés à accomplir leur destinée avec des instruments inadéquats et des préjugés dramatiques. En Occident, ils ont malgré tout réussi à faire, sur le plan social, tout ce qui était en leur pouvoir, tout ce qui ne dépendait pas expressément de Largent. Aujourd’hui, tout nouveau progrès doit se faire aux dépens d’une conséquence naturelle de Largent. Il ne leur est donc possible d’avancer qu’en s’attaquant à Largent lui-même. Toute hésitation permet à ce dernier de reprendre du terrain, ce qui se traduit, du point de vue des hommes, par une régression sociale. Cette reculade permet éventuellement de refaire un pas en avant et de masquer une lâcheté par une illusion. Les choses en resteront là tant que les hommes n’auront pas conscience de l’obstacle qui désormais se dresse nu devant eux. Cet obstacle n’est pas insurmontable par nature, mais il l’est dans le système monétaire. Dans ce système, c’est lui le roi.

Largent ne peut exister sans régner. Il règne à la lumière ou dans l’ombre quel que soit le régime politique et le système économique. Il ne laisse aux hommes d’autre alternative que le capitalo-libéralisme ou le capitalisme d’Etat, c’est-à-dire une soumission totale ou une insubordination de façade sinon passagère. Dans tous les cas, les hommes trinquent. Quand Largent règne sans entrave, l’aristocratie des riches, la pire, est toute puissante ; quand un pouvoir politique fort le gène aux entournures, la masse subit à la fois la dictature et la misère qui résulte des dérèglements économiques. Autrement dit, que les lois de Largent soient respectées ou faussées, les hommes, dans leur ensemble, sont toujours perdants. Le drame est qu’ils ignorent aussi toujours la cause de leur malheur qu’ils imputent, par facilité, à leurs semblables et au régime. Quand ils sont sous une botte, ils veulent de la liberté ; quand ils ont la « liberté » et s’aperçoivent qu’elle ne profite qu’aux riches, ils veulent de l’Egalité et de l’Etat dont ils déchanteront tout autant. Ils sont ainsi pris dans un jeu de bascule : dictature ou démocrature.

La démocrature, c’est la dictature sous l’apparence d’une démocratie. Les riches ont bien compris qu’ils n’ont pas besoin de la force physique pour dominer. Celle-ci leur attire l’attention, suscite la haine contre eux et provoque des réactions violentes légitimes parfois incontrôlables. La Liberté est bien plus désarmante. Elle a meilleure presse, elle en impose aux naïfs, elle favorise la prospérité générale et assure leur domination. Sous le règne absolu de Largent, les riches sont en effet assurés d’avoir tous les pouvoirs car il (la monnaie) leur permet d’acheter et de posséder aussi bien les choses que les hommes. Ils ont par nature le pouvoir économique quels que soient les hommes aux manettes du pouvoir politique et ont en outre la possibilité soit de se faire élire, soit de faire élire qui ils veulent, soit de corrompre les élus, soit d’éliminer physiquement ou moralement leurs opposants.

Les riches ont, par définition, plus de droits, qu’ils emploient pour conserver leur suprématie en faisant simplement respecter à la lettre les lois de Largent — dont ils sont les seuls à profiter pleinement, mais dont tout le monde espère profiter un jour. Dans ces conditions, la démocratie, le gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple, est une foutaise. La démocratie est une vue de l’esprit dans l’inégalité qui est le terreau de la tyrannie. L’idée selon laquelle la démocratie apportera l’Egalité grâce à l’adoption de lois « plus justes » est un non-sens puisqu’elle prouve par elle-même que l’inégalité est et que la démocratie n’est pas. L’Egalité apportera fatalement la démocratie, mais l’inverse est un sophisme. La « Liberté » a toujours accouché de la démocratie représentative qui est une négation de la démocratie, faite par les riches, pour les riches. Et derrière les riches : Largent.

Largent est au-dessus des peuples, des lois humaines, des gouvernements, des riches, des banques. Ses lois s’imposent à tous car tous le vénèrent, tous l’épargnent, tous l’ignorent, tous le servent. Il règne parce qu’il est incontesté. Il tyrannise l’Humanité parce que les hommes ne l’ont pas encore reconnu comme le tyran à abattre. Aucun régime ne peut échapper à son emprise à moins de lui passer sur le corps. Aucune révolution ne peut aboutir à moins de frapper l’ancien régime à la tête.

X. LES DISCIDENTS CONTRE-REVOLUTIONNAIRES

Ce qui ne tue pas le système le rend plus fort. Or le système est tout entier dans Largent, dans la croyance que la notion de valeur marchande est nécessaire pour échanger. C’est cette croyance qu’il faut anéantir grâce à un moyen d’échange autre que la monnaie, reposant sur les principes de l’ordre social et imposant de fait une autre conception de l’échange. Toute autre mesure en vue de changer les choses est illusoire et vaine. Largent induit un ordre des choses inégalitaire, et l’inégalité est le terreau de la tyrannie. Tout désordre social, toute forme de tyrannie est le fruit de Largent. Les hommes qui concourent aux désordres et agissent en tyrans ne sont que les symptômes de l’inégalité, ils ne sont que les instruments, les valets, les esclaves de Largent. Du reste, ceux qui pâtissent de cet ordre des choses ne sont pas plus innocents que ceux qui en profitent. Les bougres au bas de l’échelle sociale sont eux aussi des adeptes de Largent et cautionnent le système qui engendre les monstres qui les oppriment. Ils déplorent des effets dont ils chérissent la cause. Quiconque ne se dresse pas intelligemment contre Largent est objectivement complice de tous ses forfaits. Quiconque désire malgré tout s’opposer au désordre des choses en est réduit à courir après des leurres.

Si tout tourne autour de Largent, tout est adapté à lui, tout est fonction de lui. Largent ne peut pas être le cœur du système sans apposer sa marque sur toutes les composantes du système, sans provoquer des dérèglements dans tous les domaines. Il est donc fatal que des problèmes apparaissent de tous côtés et que certains problèmes soient d’ailleurs purement monétaires. C’est donc à Largent lui-même qu’il faut s’attaquer pour tout changer… ou rien ne change. Tout sujet autre que Largent est secondaire et devient un leurre dès lors qu’il est présenté comme une priorité et que son traitement isolé (et illusoire) est considéré comme une finalité.

Voici la liste des leurres les plus courants :
- L’Etat
- Les gouvernants
- Les institutions
- Les fonctionnaires
- Les francs-maçons
- Les Bilderberg et Cie
- Les sionistes
- Les patrons
- Les syndicats
- Les riches
- Les médias (les journalistes)
- Les spéculateurs
- Les banquiers
- Les commerçants
- Les variations de prix
- La monnaie ou certaines de ses caractéristiques (thésaurisation, ciculation)
- La propriété
- La délinquance
- L’éducation
- L’école
- La religion
- La corruption
- La pollution
 
Ces leurres donnent lieu à des propositions voire à des courants politiques qui, à leur tour, deviennent des leurres aux yeux de leurs adversaires. Or, ceux qui font d’un de ces thèmes l’objet exclusif de leur lutte divergent et s’affrontent entre eux, mais ne diffèrent en réalité, les uns des autres, que par leurs sensibilités qui les portent vers l’un de ces thèmes plutôt que vers un autre et par leurs caractères qui les poussent vers une solution plutôt qu’une autre. Ils ont tous en commun de se tromper de cible, de se débattre en vain et d’être voués à l’échec. Largent les condamne en quelque sorte au supplice de Sisyphe — qui devait rouler un rocher au sommet d’une montagne et devait sans cesse recommencer.



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Attention ! je ne dis pas que certains de ces leurres ne sont pas de réels problèmes et qu’il ne faut rien faire dans les domaines en question, mais que se concentrer sur eux enferme dans une réponse partielle qui ne résout pas le problème global, qui, au contraire, aggrave la situation et crée d’autres leurres, bref que vouloir agir dans ces domaines, sans s’attaquer en premier lieu à Largent ou du moins sans avoir l’intention de s’en prendre à lui in fine, ne sert non seulement à rien mais est souvent un remède pire que le mal. Il faudra bien sûr intervenir dans certains domaines, car la Révolution trouvera en eux des obstacles et des ennemis, mais ces interventions ne sont pas l’objectif en soi. Il faut comprendre et garder à l’esprit que l’ennemi, c’est Largent, que, s’il est indispensable d’écraser ses satellites, le but est de renverser le tyran.

Choisissez un de ces leurres. Sachant que l’Egalité est possible même si vous ne savez pas encore comment, imaginez un monde sans monnaie, une société réellement égalitaire et démocratique. Réfléchissez. Le problème posé aujourd’hui existe-t-il encore ? En est-il toujours un ? S’il ne disparaît pas de facto, les conditions ne sont-elles pas idéales pour le résoudre ? Enfin, après avoir triomphé des profiteurs et pour les empêcher à coup sûr de renaître, ne faut-il pas abolir la monnaie et éradiquer Largent ? Conclusion : Concentrez-vous sur un de ces problèmes : vous ne le résoudrez jamais. Renversez Largent : vous les aurez tous résolus.

Ceux qui mettent ces leurres en avant, ceux qui les agitent protègent Largent. Ils se trompent d’ennemi et égarent les autres. Ils ne feront jamais de révolution. Ce sont, au mieux, des contre-révolutionnaires qui s’ignorent, au pire, des agents du système. Ils dénoncent des effets, ils poursuivent des lubies, mais ils ne visent pas le cœur du système. Ils peuvent tout au plus l’ébranler un temps, mais pas le renverser puisqu’ils sont eux-mêmes imprégnés des préjugés qui le soutiennent et font une mauvaise analyse du problème. Quoi qu’ils fassent dans ces conditions, même abolir la monnaie, Largent demeure, continue de sévir et remonte bientôt sur le trône par la force des choses. Chassez le naturel, il revient au galop.

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Fight Club - La destruction des serveurs bancaires vue comme l'audace absolue.

XI. UNE TRANSITION EN COURS

Heureusement, la Révolution ne dépend pas entièrement de la volonté des hommes. Ils devront un jour se lever, mais c’est le système présent, poussé par Largent, qui, sans le savoir, leur prépare le terrain et creuse sa propre tombe. Les révolutionnaires auront moins à créer les conditions de la Révolution qu’à saisir l’occasion qui ne manquera pas de se présenter. Ils auront moins à renverser Largent qu’à lui donner le coup de grâce.

Si vous connaissez l’histoire des « révolutions » passées, vous savez  qu’un système peut s’effondrer en quelques jours voire en quelques heures. A un moment donné, l’ordre en place est miné de l’intérieur, les rapports de force s’inversent et, avec un peu d’audace et de courage, tout bascule. C’est le fait qu’il n’y ait jamais eu réellement de Révolution, puisque jamais l’Egalité n’a été instaurée, qui a permis à de nouvelles puissances de se constituer ou aux anciennes de relever la tête. La Révolution qui apportera l’Egalité sera, elle, invincible et irréversible.

Or, comme je l’ai expliqué, la Révolution implique une révolution au niveau de la conception de l’échange, donc l’anéantissement de Largent et, par suite, l’abolition de la monnaie. Si j’ai raison, une évolution doit être perceptible à ce niveau dès aujourd’hui. Est-ce le cas ?

On ne peut pas nier que l’informatique a amené de grands changements dans ce domaine, qu’elle a même bouleversé le monde de la finance. Elle a permis d’effectuer sans effort des calculs jusqu’alors impossibles, de doter tous les individus d’un compte bancaire, de tout financiariser et d’accélérer les transactions jusqu’à effectuer des opérations démentes. Elle a dopé le système monétaire ; elle a rendu Largent tout puissant. Mais la roche tarpéienne est plus proche du Capitole qu’on ne croit. Le système devenu fou et complètement virtuel est au bord de l’effondrement. Largent croyait triompher : il ne vivait que son apothéose et s’apprête à pousser le chant du cygne. Or, quand on sait que le moyen d’échange de la Cité est inconcevable sans l’informatique, quand on sait que l’informatique est une des conditions de la Révolution selon le Civisme, il devient clair que, malgré les apparences, l’informatique est mortelle pour Largent et la monnaie. Il est dans l’ordre des choses que le capitalisme ouvre la voie à la Révolution en favorisant une innovation qui scie la branche sur laquelle il est assis.

Plus concrètement, l’informatique permet la dématérialisation de la monnaie et sa manipulation via des cartes de crédits. La monnaie reste le moyen d’échange du système mais n’a plus de consistance, elle est purement virtuelle, ce n’est plus qu’une croyance : elle se confond désormais avec Largent. A ce stade, la monnaie ne peut plus évoluer ; elle est au bout de son évolution. Mais le temps ne va pas s’arrêter pour autant. Dès lors, deux hypothèse : soit la monnaie n’évolue plus, ce qui contrarie la loi universelle, soit toute nouvelle évolution lui sera fatale, puisque le néant est le seul avenir du virtuel. Dans ce second cas, qui est la seule hypothèse probable, resteraient donc des cartes sans objet. Coïncidence : le Civisme prévoit des Cartes comme moyen d’échange. Ce ne sera plus des cartes de crédits servant à manipuler la monnaie mais des Cartes civiques permettant d’attester la Citoyenneté. Que seront les Cartes civiques sinon une évolution révolutionnaire des cartes de crédits, une évolution fatale à la monnaie ? Autrement dit, l’informatique qui fait la puissance de Largent fait aussi la faiblesse de la monnaie. La dématérialisation de la monnaie, rendue possible par l’informatique, entraîne l’émergence d’un nouveau moyen d’échange et d’une nouvelle conception de l’échange qui seront fatales à Largent et à la monnaie. L’informatique est à la fois un problème aujourd’hui et la solution pour demain.

Un autre indice de la transition en cours est la réalité de notre mode d’échange. En théorie, nous faisons toujours du troc via le système de représentation de la valeur marchande qu’est la monnaie. En théorie, un salaire est fonction de la valeur du travail qu’il rémunère. Sans revenir sur l’absurdité de la soi-disant équivalence entre la valeur marchande et le travail ou tout autre chose, tel était en effet le schéma appliqué du temps où les hommes étaient payés à la pièce ou à la journée. On pourrait croire qu’il en est de même lorsqu’ils sont payés, comme aujourd’hui, au mois. Mais qu’en est-il réellement lorsque des millions de travailleurs, aux activités fort différentes, sont payés au salaire minimum légal ? Dans ces conditions, ils ne sont plus payés en fonction de leur travail, mais selon un statut. Leur paiement n’est plus un troc mais la reconnaissance d’un droit, celui d’accéder au marché en proportion dudit salaire. Autrement dit, leur droit d’accéder au marché est lié d’abord à leur statut puis au nombre d’unités monétaires dont ils disposent. Ce mode d’échange est une étape entre deux modes d’échange ; il dénature le mode d’échange monétaire et annonce l’échange social selon lequel les individus auront le droit d’accéder au marché en raison de leur statut, du seul statut reconnu, celui de Citoyen.
 
Enfin, l’apparition de l’informatique est une conséquence de la maîtrise de l’électricité qui, elle, favorise l’industrialisation de la production. Ces progrès nous ont fait entrer dans l’ère de la production de masse. Or l’informatique et la production de masse sont les conditions nécessaires pour concevoir et mettre en œuvre un moyen d’échange utilisant la technologie de l’informatique et conférant aux Citoyens un pouvoir d’achat indéfini donc élevé. Un tel pouvoir d’achat n’a pas de raison d’être hors du contexte de production de masse, et concevoir un pouvoir d’achat obligatoirement limité, donc limité artificiellement, empêche d’adopter le principe selon lequel le droit d’accéder au marché doit être attaché à la Citoyenneté. L’absence de production industrielle oblige à recourir à la monnaie et enferme dans le système monétaire. Quoi de plus logique si l’on se souvient que la monnaie repose sur la notion de valeur qui naît du troc, c’est-à-dire d’un mode d’échange incontournable dans un contexte de production artisanale ? Il est également logique 1) que Largent et la monnaie survivent un temps à la disparition de la production artisanale, les idées évoluant moins vite que les choses, 2) que le Civisme soit théorisé peu après l’apparition de l’informatique, puisque cela devient possible, 3) que la Cité voit le jour peu après sa théorisation, puisque, alors, toutes les conditions sont réunies et que Largent n’a plus de raison d’être.

L’effondrement de la construction européenne est, elle aussi, l’indice d’une transition. On remarque, d’ailleurs, que l’effondrement de l’Union Européenne a pour cause ce qui semblait être la base de sa solidité : l’Euro. Unir des nations par une monnaie alors que la monnaie, par nature, divise les hommes était un non-sens. L’entreprise était vouée à l’échec. L’expérience le prouve, la vérité s’impose, même à ceux qui ne veulent pas l’admettre. Mais, surtout, l’Union Européenne était une construction contre-révolutionnaire. La Révolution qui doit avoir pour objet l’anéantissement de Largent et l’abolition de la monnaie n’aurait jamais pu se faire dans le carcan capitaliste européen. Une Révolution ne peut avoir lieu qu’à l’échelle des nations existantes qui seules ont l’unité requise pour une telle aventure. On pouvait craindre que les peuples soient à jamais enchaînés ; la force des choses a déjoué les tyrans et  rallumé l’espoir.

Dans le même ordre d’idées, qui ne s’est jamais fait cette réflexion : « Ce n’est pas possible de voir ça à notre époque ! » Cette réflexion sous-entend qu’il y a manifestement une différence énorme entre le potentiel technique de la « société » et les conditions de vie réelles et les droits de la plupart des « citoyens ». Or il est vrai que l’écart n’a jamais était aussi grand. Pour s’en convaincre, il suffit de tracer sur un même graphique les courbes de l’évolution technique et de l’évolution politique. La première croît lentement jusqu’au XVIIIe siècle, s’accélère au XIXe et devient exponentielle au XXe. La courbe de l’évolution politique, du niveau général des droits, si l’on préfère, a la même allure que la précédente jusqu’à la fin du XIXe. Autrement dit, la fulgurante évolution technique de la fin du XXe n’a pas eu d’équivalent dans le domaine politique, et l’écart entre les deux courbes ne cesse de s’agrandir. Pire ! il semble que l’évolution des droits soit en panne, et même qu’il y ait régression. Cette régression n’est qu’un aléa de l’histoire. Une courbe progresse toujours en dents de scie. Par ailleurs, l’évolution des siècles passés indique que le progrès technique a, avec le temps, des effets dans le domaine politique. Logiquement, la modification des structures de production, pour s’adapter à l’évolution des produits, entraîne des changements de mentalité, suscite des revendications et provoque une évolution sociale. L’évolution technique fulgurante de la fin du XXe va infailliblement entraîner d’ici peu une évolution de la même ampleur dans le domaine politique. Sous cet angle, nous sommes là encore dans une période intermédiaire, entre une révolution accomplie et une autre en attente. Or une révolution dans le domaine politique qui portera les droits à un niveau inconnu, qui apportera la Démocratie et l’Egalité authentiques, ne se fera pas dans un contexte monétaire. Cette Révolution impliquera l’anéantissement de Largent et l’abolition de la monnaie (quoi de plus révolutionnaire ?) qui, précisément, font que nous piétinons aujourd’hui.

11 1 - Courbes des évolutions - 1 - théorie.jpgXII. INTERET DE CES IDEES POUR LES PATRIOTES

Les hommes de bonne volonté sont nombreux mais dispersés. Ils aspirent tous à la même chose mais par des moyen différents voire opposés, faute d’avoir identifié correctement l’ennemi. Chacun adapte sa stratégie au leurre qu’il poursuit. Le Civisme est la théorie qui peut tous les rallier dans le présent et à l’avenir. Quand ils auront compris qu’ils se focalisent sur des effets qui plongent leur racines à la même source, le but et les moyens de la lutte s’imposeront d’eux-mêmes.

Ainsi, qui ne sent pas le lien direct entre Largent et la monnaie, entre la monnaie et le capitalisme, entre le capitalisme et l’européisme, entre l’européisme et le mondialisme, entre le mondialisme et l’immigrationnisme, donc entre Largent et le capitalisme, Largent et l’européisme, Largent et le mondialisme, Largent et l’immigrationnisme ?

De même, qui ne sent pas le lien direct entre Largent et la monnaie, entre la monnaie et l’inégalité, entre l’inégalité et l’individualisme, entre l’individualisme et l’universalisme, entre l’universalisme et le droits-de-l’hommisme, entre le droits-de-l’hommisme et l’anti-France, donc entre Largent et l’inégalité, Largent et l’individualisme, Largent et l’universalisme, Largent et le droits-de-l’hommisme, Largent et l’anti-France ?

Un patriote est nécessairement l’ennemi de l’anti-France, de l’immigrationnisme, du droits-de-l’hommisme,  du mondialisme, de l’européisme, du capitalisme, de l’individualisme et de l’inégalité. Mais comment les combattre victorieusement sans renverser Largent qui les alimente directement ou indirectement ?

Il a été question d’inégalité. L’inégalité et l’Egalité sont des notions floues à ce jour. Chacun est pour ou contre selon l’idée fausse qu’il se fait de l’une et de l’autre. Il est cependant évident qu’un patriote digne de ce nom ne considère pas ses compatriotes comme des marchepieds ou de la chair à canon mais comme des frères, comme des égaux. Le patriotisme bien compris est intrinsèquement égalitaire. Les patriotes doivent donc savoir en quoi l’Egalité consiste, pourquoi elle n’est pas, comment l’instaurer, et comprendre que Largent est son obstacle majeur, leur véritable ennemi — les riches, les puissants, les pauvres mêmes n’étant que ses instruments. Ils doivent également comprendre que, de la même manière qu’ils combattent Largent et toutes ses conséquences, ils doivent défendre l’Egalité et toutes ses conséquences.

L’Egalité, qui est une réduction de l’expression « égalité des Citoyens en Devoirs et en Droits », va de pair avec les notions de Devoirs, de Droits, de Citoyenneté, de Contrat Social, de Société, de Nation, de Peuple, de territoire, de pays, de frontières, d’indépendance nationale, de souveraineté populaire et de démocratie. Il y a loin entre ce qu’implique l’Egalité bien pensée, cohérente de bout en bout, et celle que les gauchistes invoquent pour couvrir leur démagogie. Toutes ces conséquences sont liées ; qui en accepte une doit toutes les accepter ; qui en nie une est un ennemi de l’Egalité et de la patrie.

Le Civisme est une doctrine d’une logique implacable et d’un patriotisme absolu. Il est l’aboutissement de la quête de l’humanité sur le plan social. Il n’est combattu que par la mauvaise foi et les préjugés monétaires. Il est autant la voie de la Révolution que de la Résistance. Il sera incontournable demain, mais il est utile dès aujourd’hui, d’où la nécessité de le répandre sans attendre.

Cependant, l’urgence est ailleurs. Aujourd’hui, nous devons sauver la France d’un péril qui ne menace pas seulement sa liberté, comme en 1792 ou 1940, mais son existence. Elle est menacée par l’euro-modialisme qui veut la dissoudre en tant que nation, et par l’immigrationnisme débridé qui tend à l’effacer en tant que peuple. Or pour établir demain l’Egalité en France, pour accomplir la destinée du peuple français, encore faut-il qu’il y ait encore une France et un peuple français. Bien que Largent ne soit pas étranger à ces dangers qui sont les deux faces d’une même pièce, qu’il en soit même la cause première, ce n’est pas de lui que vient la menace immédiate. Nous devons d’abord parer le coup mortel, donc repousser nos ennemis rapprochés, avant de pouvoir rendre à César ce qui est à César.

J’ai dit dans la partie précédente que l’euro-mondialisme est contre-révolutionnaire dans la mesure où la Révolution ne peut se faire que dans le cadre d’une nation. Les multiples conditions nécessaires pour qu’éclate une Révolution sont si rarement réunies qu’il est vain d’attendre qu’elles se rencontrent dans toutes les nations du monde en même temps. D’ailleurs, quand les choses sont mûres, la Révolution éclate et il est impossible de la différer. L’idée insensée que la Révolution doit être mondiale vient du fait qu’elle concernera la monnaie et qu’il semble impossible de l’abolir sans se couper du monde alors que les échanges internationaux sont manifestement nécessaires. Mais le Civisme qui explique comment organiser la Cité sans monnaie explique aussi comment l’intégrer dans un monde toujours monétaire, autrement dit comment procéder aux échanges internationaux. La crainte d’être coupé du monde n’a pas lieu d’être. Remarquons au passage que cette crainte qui pousse à prôner une révolution mondiale désarme la lutte contre le mondialisme, ce qui est de fait contre-révolutionnaire. Au contraire, le Civisme réussit la synthèse entre l’anti-capitalisme et l’anti-mondialisme.

Sur l’immigrationnisme, tous les patriotes savent déjà que l’immigration est organisée par le patronat pour des raisons économiques, pour geler ou tirer à la baisse les salaires des Français grâce au chantage que les immigrés, importés pour être exploités, permettent d’exercer sur eux en matière de rémunération, d’emploi, de condition de travail, etc. Les immigrés sont pour ainsi dire des « jaunes », des briseurs de grève. Mais l’immigration à outrance a une autre fonction aux yeux des « élites » : elle démoralise le peuple, détourne son attention de la chose publique et permet de le rouler dans la farine. L’immigrationnisme s’appuie sur un renversement des valeurs et la proscription du bon sens. Les intérêts des étrangers deviennent la priorité nationale. Quiconque s’insurge est traité de xénophobe, de fasciste. Quiconque constate les frictions inévitables entre autochtones et immigrés est traité de raciste, de nazi. Quiconque dénonce l’absence de réelle démocratie est traité de souverainiste, de populiste. Bref, grâce aux sophismes qu’ils permettent d’imaginer et de soutenir, les immigrés sont un instrument contre le peuple et la démocratie. Mais, plus encore : les immigrés sont, par définition, originaires de pays et de cultures différentes ; leurs traditions, leurs préoccupations, leurs conceptions politiques et leur vision du monde ne sont pas celles des autochtones. Ils vivent à une autre heure et marchent dans une autre direction. Aussi, quand un peuple est prêt techniquement et moralement pour une révolution, une immigration massive, en plus d’être un problème en soi, constitue une force d’inertie, donc un frein à la révolution. Nul doute que les puissants ont conscience du caractère contre-révolutionnaire de l’immigration massive. Si elle favorisait la révolution et menaçait leur suprématie, ils s’y opposeraient. Or ils en sont les promoteurs et font tous leurs efforts pour la rendre problématique. Les plus astucieux vont même jusqu’à proposer le droit de vote pour les étrangers ! C’est donc en tant que phénomène contre-révolutionnaire que le Civisme condamne l’immigration massive et prône l’arrêt de toute immigration après quarante ans de n’importe quoi, rejoignant en cela la position des patriotes  mais apportant un argument de poids capable d’en imposer aux dupes de la gaucherie.

Ainsi, l’heure n’est pas à la Révolution mais à l’insoumission, à la réaction, à l’insurrection. Les idées véritablement révolutionnaires ne sont d’ailleurs pas assez répandues pour qu’une Révolution, c’est-à-dire un véritable changement de système, un changement radical, soit possible. Le fruit n’est pas encore mûr. Ce serait donc une grave erreur de la part des rares révolutionnaires de croire qu’ils peuvent précipiter les choses. Leur rôle, aujourd’hui, est de préparer la Révolution, d’éclairer leurs compatriotes et, à défaut de pouvoir pousser le système à commettre des faux pas, de ne pas le contrarier quand il en commet. Il est bien sûr, aussi, de s’engager à fond dans le combat patriotique, car le salut de la patrie est en permanence à l’ordre du jour. Or, de ce point de vue, ces idées sur Largent et l’Egalité arment le patriotisme de principes solides, d’un idéal limpide, d’une cohérence doctrinaire qui seuls peuvent rallier tous les patriotes authentiques, les unir plus étroitement que jamais et les guider en toutes circonstances. Le Civisme, car c’est finalement de cela qu’il s’agit, est le summum du patriotisme. Il ne fait aucune concession. En fixant le but à atteindre, en traçant la route qui y conduit, il révèle tous les obstacles, il indique tous les pièges, il démasque tous les ennemis. Largent, ses amis, leurs complices et leurs jouets sont, aujourd’hui comme demain, les ennemis de l’Egalité, de l’Humanité, de la Société, des toutes les nations en général et de la notre en particulier.  

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En quoi toutes ces idées sont-elles utiles aux patriotes ? Autant se demander s’il est un temps pour le courage et le bon sens ! Au fort de la tempête, il n’est certes pas nécessaire de savoir où est le port. Mais celui qui le sait est assurément meilleur capitaine que celui qui l’ignore.

XIV. LE MOT DE LA FIN

En vérité, je vous le dis, la Révolution est en marche. Elle a commencé le 4 décembre 1997. Aujourd’hui, aussi modeste soit-il, elle a fait un pas de plus. Rien ne pourra l’arrêter.

LARGENT EST UN TYRAN !
L’EGALITE OU LA MORT !

VIVE LA REVOLUTION !
VIVE LA FRANCE !

 

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Vidéo de la conférence (7 parties)

Conférence 22 sept 2011.jpg

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10:42 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |

mercredi, 21 septembre 2011

CONFERENCE : Largent, le tyran à abattre

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A l'heure où Largent menace de faire vaciller le monde une fois de plus, il est temps que les peuples reconnaissent leur véritable ennemi. Largent est le nerf de la guerre... c'est aussi le talon d'Achille du capitalisme.

 

Je donnerai, le jeudi 22 septembre 2010, au Local, à Paris, la première conférence de ma carrière sur le thème :

 LARGENT :

LE TYRAN A ABATTRE

Cette conférence reprendra les grandes lignes de mon Réquisitoire contre Largent (ou théorie de l'Egalité).

Le Local, 92 rue de Javel, Paris XV

Entrée gratuite

A partir de 19 h 30 

Réquisitoire - Bandeau pub.jpg

09:01 Écrit par Philippe Landeux dans - ACTUALITE & VIDEOS PERSO, 6. MON BLOG | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook | |  Imprimer |

lundi, 22 août 2011

PRINCIPES UNIVERSELS DE L'ORDRE SOCIAL / QU'EST-CE QUE LARGENT ?

Principes universels - couv recto.jpgIl est temps de remettre un peu d’ordre dans les idées, en commençant par les idées élémentaires : Qu’est-ce qu’une Société ? Qu’est-ce qu’un Citoyen ? Qu’est-ce qu’un droit ? Un devoir ? Quels sont les Principes fondamentaux de l’ordre social ? Qu’est-ce qu’une loi ?

Un législateur qui ne maîtriserait pas ces notions serait un charlatan tyrannique : non content de déblatérer en permanence, il condamnerait les autres à le suivre dans son délire et à être les instruments de leur perte. Quelque sujet de société que l’on traite, force est de reconnaître que ces notions sont aussi incontournables que les chiffres, les lettres, les notes ou les couleurs pour calculer, écrire, faire de la musique ou peindre, et que quiconque expose en la matière des conclusions qui supposent leur ignorance ou leur négation, conclusions qui sont donc fondées sur des sophismes et non sur les Principes, est un prodige de bêtise ou d’hypocrisie, dans tous les cas un fléau social.

Ce petit livre d'une cinquantaine de pages reprend les textes écrits pour et publiés sur ce blog. 

Détails :

54 pages de texte

8,50 € +  frais de port

 Principes - Bandeau pub.jpg

mardi, 12 juillet 2011

LE CIVISME : la théorie enfin dispo

Couverture civisme - couv - recto.jpgEt si l’argent n’existait pas ? Tout le monde s’est un jour fait cette réflexion, tant il est évident que l’argent est au cœur du système dans lequel nous vivons, moins pour le meilleur que pour le pire. Mais, à peine formulée, cette question en suscite mille autres qui toutes en appellent de nouvelles ou font envisager des solutions ridicules, de sorte que l’entreprise sous-entendue apparaît vite complexe, dangereuse, surhumaine et au final impossible. Il semble alors vain d’insister et préférable de se détourner de telles idées. L’orgueil commande même d’en détourner les autres. C’est pourtant dans cette voie que Philippe Landeux a persévéré jusqu’à accoucher d’une théorie cohérente, très éloignée des idées naïves sur l’“abolition de l’argent” : le Civisme.

Dans son premier ouvrage, Réquisitoire contre Largent ou théorie de l’Egalité, il a levé la plus grande difficulté pour aller de l’avant, difficulté qui, aussi étrange que cela paraisse, réside dans l’ignorance de la véritable nature de Largent et de ses conséquences sociales intrinsèques. Il le distingue d’ailleurs de la monnaie qui n’en est, pour ainsi dire, que la partie visible. Bref, il explique pourquoi et au nom de quoi Largent doit être dénoncé et condamné.

Dans Le Civisme ou théorie de la Cité, il explique en détail comment l’anéantir et fonder enfin une Société digne de ce nom. Il ne propose pas une utopie. Il lance une révolution.

Détails :

302 pages

18,16 € + frais de port

Civisme - Bandeau pub.jpg

Article de Jacques Philarcheïn publié sur Riposte Laïque, 10 oct. 2011

Cet article mémorable car le premier sur le sujet contient néanmoins des incorrections et des imprécisions que je signale ICI.

La philosophie de Philippe Landeux face à la détresse occidentale : « Largent » et la « Triplice »

Il n’est jamais inutile de faire dialoguer des gens qui aiment philosopher. J’ai quelque prétention en la matière, et notre ami Philippe Landeux aussi. Évidemment, ni Philippe ni moi-même ne sommes de ces intellos médiatiques qui ressassent à longueur de journées que tout va pour le mieux dans le meilleur des bobolands possible…

Philippe a commis récemment trois délicieux ouvrages, dont le plus fourni, intitulé Le civisme ou théorie de la Cité (société sans argent), m’a pas mal réveillé de mon sommeil monétariste. Assez porté à l’analyse systémique du mondialisme (la Triplice de l’horreur), je l’étais en revanche beaucoup moins à imaginer la possibilité d’un nouveau système. Mon analyse restait factuelle, elle n’était pas prospective. Tout au plus, dans une sorte de parti-pris marxo-keynésien, j’appelais de mes vœux un capitalisme régulé par un État-stratège (ce qui, soit dit en passant, sera sans doute une phase indispensable dans le processus de réveil de l’Occident). Mais avec Philippe Landeux, nous avons un vrai penseur révolutionnaire, doublé d’un philosophe constitutionnaliste, une sorte de Jean-Jacques Rousseau du XXI° siècle, un penseur du contrat social, mais avec, en plus, cette proposition d’un anéantissement du panmonétarisme (que Philippe appelle « Largent » : la croyance universelle selon laquelle il est impossible d’échanger sans monnaie. Philippe Landeux, c’est le meilleur du vrai Rousseau (je ne parle pas de l’affreuse vulgate rousseauiste livrée par les pédagogistes des prétendues sciences de l’éducation), qu’il cite souvent, qu’il admire souvent aussi, qu’il dépasse et critique fréquemment malgré tout. Je le dis sans flagornerie, les essais de Philippe Landeux sont ce que j’ai lu de meilleur dans la littérature révolutionnaire d’aujourd’hui, une sorte de tour de force, plus marxien que les marxistes, plus libéral que les libéraux, plus égalitaire que les égalitaristes, plus Lumières que le siècle des Lumières, le tout unifié dans une sorte de patriotisme intransigeant, réhabilitant définitivement la notion de frontière et de nation, et condamnant sans réserve l’immigration de masse comme phénomène contre-révolutionnaire (voir aussi : L'immigration auto-alimentée).

La philosophie républicaine et civique de Philippe Landeux est donc un panpatriotisme ou patriotisme universaliste, libéral et égalitaire, ce qui n’est pas sans paradoxes. C’est du libéralisme sans capitalisme.

Un peu comme Emmanuel Kant, autre grand successeur de Rousseau, Philippe Landeux se réclame d’un idéal d’humanité unifiée dans la paix universelle, mais il avertit, comme Kant, que la paix universelle ne saurait de toute manière passer par des instances supra-nationales despotiques formant un État-global : en clair, l’absence de patriotisme, le pacifisme bêlant, l’antimilitarisme primaire, l’abolition des frontières sous une « gouvernance » mondiale mafieuse, l’immigrationnisme et la xénophilie décomplexée, tout cela ruine jusqu’à l’idée même d’une paix universelle du genre humain.

Par ailleurs, Philippe reconnait la liberté d’entreprendre et les mérites des vrais créateurs d’entreprises. Son système est donc libéral. Mais il est aussi égalitaire, en ce sens que l’abolition de la monnaie, l’anéantissement de l’idéologie panmonétariste (Largent) permet une société où les hiérarchies d’argent n’existent plus, une sorte de vaste classe moyenne, soucieuse de préserver l’intérêt collectif plutôt que de se regarder le nombril, tant la révolution matérielle entraîne aussi celle des mentalités, et la rupture, notamment, avec l’individualisme libéral-capitaliste. Ce qui n’empêche pourtant pas cette Cité, à la fois idéale et réalisable je le maintiens, de se lancer dans l’import-export avec les autres pays, monétaires ceux-là, en stockant des devises étrangères dans des banques nationales, ces devises étrangères n’autorisant, par définition, que le commerce avec l’étranger.

Philippe Landeux affuble d’un nom étrange, une sorte de prénom loufoque tiré d’un nom commun, Largent, ce que j’appellerais volontiers, en ce qui me concerne, le panmonétarisme, en d’autres terme la croyance dans le caractère indispensable de la monnaie pour échanger. Largent, c’est ce fameux personnage mis en accusation dans Le réquisitoire contre Largent : en réalité une idéologie aussi universelle que fausse, selon laquelle on ne peut se passer de monnaie pour réaliser des achats et des ventes. « Largent, c’est la croyance que la notion de valeur (marchande) est nécessaire pour échanger », ce principe revient systématiquement dans l’œuvre de Philippe. On pourrait dire que Largent, c’est une idéologie et même une « idéopraxie » globale, la plus mondialisée de toutes les croyances, et de toutes les pratiques. Ne croyez pas pour autant que Philippe propose de revenir au troc, car le troc c’est déjà Largent à l’état infantile. Si j’échange deux pirogues contre une hutte, que je viens de construire pour un client, ces deux pirogues deviennent bien une « monnaie », dont je me sers alors pour acheter un âne ou plusieurs paniers de légumes. Ni le troc ni la monnaie ne sont de bons systèmes, ils renvoient tous deux à Largent, sous une forme rudimentaire et locale (dans le troc) ou au contraire mondiale et systémique (dans le libéral-capitalisme).

Or, dans l’utopie opératoire de Philippe, ce qui fonde l’échange, c’est la participation vertueuse à la vie de la Cité, de la République. On reconnaîtra ici des accents gaulliens autant que rousseauistes. Faire son métier, accomplir ses devoirs civils et militaires, ou parfois simplement familiaux, tout cela donnerait droit à une Carte Civique fonctionnant comme une carte de crédit (mais faisant plutôt penser à une de nos actuelles Cartes Vitale) : le Citoyen accède au marché à volonté pour satisfaire ses besoins, ses envies, ses caprices même, tant que cela est possible, dans une sorte de gratuité absolue. Des achats et des ventes sont toujours réalisés, mais le pouvoir d’achat est en théorie illimité, ou plutôt indéfini. Chez Philippe Landeux, ce n’est plus la monnaie, l’argent, qui salarie, de manière inégalitaire, des individus, dont certains ne méritent d’ailleurs aucunement leurs revenus , alors que d’autres sont effroyablement mal payés pour l’énormité de leur contribution (injustice sociale). C’est au contraire l’accomplissement du Devoir qui permet aux vrais Citoyens l’accès indéfini au marché. La Loi peut toutefois limiter certains achats, par exemple si les capacités de la Cité sont rationnées, et les prévaricateurs (fainéants et criminels) sont punis voire simplement bannis, dépouillés de la Citoyenneté. La Cité autorise par ailleurs un accès spécial aux biens et aux services, moins lié à l’exercice du Devoir, pour ceux qui sont victimes du sort ou du temps : les infirmes, les malades, les vieux (dans leur cas, ce n’est pas par leurs devoirs qu’ils ont des droits, puisqu’ils sont hors d’état de les remplir, mais parce que leurs Concitoyens ont un devoir de solidarité envers eux). Quelques étrangers peuvent être admis comme Citoyens, voire comme Citoyens Nationaux, encore faut-ils qu’ils soient des plus scrupuleux, comme tout un chacun, dans l’accomplissement de leurs devoirs, professionnels et autres. On appelle Citoyens Nationaux, ceux qui, natifs ou même naturalisés, remplissent les Devoirs politiques et jouissent du droit de cité. Ils constituent une sorte d’élite du Devoir, travaillant exclusivement au bien de la Cité. Ils n’ont pas cependant de privilèges particuliers puisqu’ils ne touchent, à l’instar des autres citoyens, aucun salaire au sens monétaire du terme. Les révolutionnaires qui adhèrent à ces idées sont appelés « Patriciens ».

La doctrine de Philippe Landeux est une philosophie du devoir patriotique au sens strict comme au sens large. Le service rendu à la Patrie est économique (Citoyens) mais aussi politique (Citoyens Nationaux). Bien évidemment, à cela s’ajoute le service militaire et la légitime défense (1). Personne n’est payé, mais tout est « gratuit » (du moins d’un point de vue monétaire, car la notion même de « gratuité », prise absolument, est un non-sens dans la Cité, où chacun est tenu à l’accomplissement du Devoir). Un Citoyen a des droits, dont celui d’accéder au marché, parce qu’il est Citoyen (avec tous les Devoirs que cela suppose dans la Cité). C’est le Civisme, la Citoyenneté effectivement réalisée dans et par le Devoir accompli, qui ouvre les droits du Citoyen. L’honnête Citoyen, homme du Devoir, a Droit à tous les biens et les services. En revanche, sans Largent, il ne peut spéculer sur rien. Les parasites et les fauteurs de troubles, quant à eux, sont toujours punis. Cela étant, il y a peu de fauteurs de troubles, en raison de la disparition de Largent, et la Cité fonctionne de telle façon que la plupart du temps ils se punissent eux-mêmes en suspendant leur droit d’accès au marché. Loin de les enfermer, la Cité leur inflige des sanctions légères ou les bannit. La prison existe, mais elle n’est que pour les cas extrêmes. Par ailleurs, les Patriciens, ou Citoyens Nationaux (compris comme des citoyens-patriotes, et non comme des aristocrates arrogants) sont appelés à siéger dans des commissions, comme le sont des jurés, pour délibérer des affaires de la Cité, fondant une sorte de République des commissaires, pour reprendre l’expression (peut-être un peu « soviétique ») de Maxime Poupeney (2).

Inutile de préciser que le détail de la doctrine est infiniment plus complexe que mon humble résumé ; pour en connaître, je ne peux que recommander la lecture, au moins, de la Théorie de la Cité, qui me semble le meilleur de ce qu’a écrit Philippe (cet ouvrage dispenserait presque, tant il est clair et précis, de lire les deux autres ; à noter malgré tout que pour vouloir instaurer la Cité de toutes ses forces, il faut condamner Largent de manière implacable. Or, contre Largent, les arguments sont dans le Réquisitoire).

Comme je le disais au début de cet écrit, il n’y a rien de mal à faire dialoguer des pensées. Largent vient de me suggérer deux autres personnages, Lislam et Lagôche, mettons, qui n’existent aucunement dans les livres de Philippe Landeux. Cela m’intéresse toutefois de rattacher un peu les idées de Philippe à mes supputations personnelles sur la Triplice de l’horreur.

Si l’on admet que nos nations sont en voie d’effondrement sous l’effet conjugué du Fric, de la Nébuleuse Rouge et du Croissant (la fameuse Triplice capital-islam-gauchisme, ou « capitalislamogauchisme »), il est certain que Philippe Landeux est un des rares penseurs, peut-être le seul actuellement, qui soit allé aussi loin dans cette idée de tordre le coup à l’un des piliers de la Triplice : le capitalisme, système qui ne vit que sous Largent et par Largent.

En ce qui me concerne, avec mon capitalisme régulé et mon État-stratège, je fais pâle figure à côté de Philippe. Je maintiens toutefois que le retour à une sorte d’économie néo-colbertiste constituera un moment incontournable ; une économie mixte, où tout n’est pas privatisé, fondée sur une monnaie nationale et une sortie de l’UE, restaurant un Droit du Travail digne de ce nom, n’hésitant pas à utiliser une fiscalité plus juste et redistributive (pour les vrais pauvres en tout cas). Ce serait en quelque sorte la dévolution, le retour salutaire aux fondamentaux du Conseil National de la Résistance, fût-il provisoire, qui pourrait précéder la véritable révolution à laquelle appelle Philippe, très audacieux, mais toujours avec de bons arguments. Ou alors la révolution interviendrait directement, car le chaos prédispose fortement au basculement révolutionnaire (il n’est pas sûr que la Révolution puisse sortir du calme retrouvé ; Philippe penche plutôt pour l’hypothèse d’une révolution directe, sans moment dévolutionnaire).

Sur ce dossier, je suis sans a priori et j’estime qu’il n’y a pas de sujet tabou. L’audace de Philippe Landeux n’est pas à mes yeux un banal aventurisme. Il existe dans sa pensée de grandes richesses qui pourraient augmenter encore si le philosophe initiait un dialogue avec les sciences économiques (je parle bien entendu d’économistes sincèrement attachés au bien commun, et je les sais rares). Sans avoir les compétences suffisantes pour juger définitivement de la validité opératoire des concepts mobilisés par Philippe, je subodore qu’il a, in fine, raison ; qu’il a touché à l’essence même du dépassement du capitalisme (3). Quelle différence d’ailleurs avec les anticapitalistes (gauchistes) adoubés par le Système, dont l’anticapitalisme d’opérette se réduit à des vagissements xénophiles sur fond d’inversion des valeurs ! Bref : j’invite Philippe et les économistes dissidents à dialoguer sans relâche. Une conférence au sommet serait souhaitable ; je l’appelle de mes vœux, et je suis même prêt à donner un coup de main. Ce serait un beau moment dans l’éviction de la Triplice.

Pour en revenir à mon titre… Lorsque Largent, Lislam et Lagôche sont sur un bateau, un bateau appelé France par exemple, que croyez-vous qu’il arrive ? Le bateau coule, pardi ! Si on réussissait à éliminer le Fric, les deux autres larrons, la Nébuleuse Rouge et le Croissant finiraient par se décomposer : ces deux-là ne vivent de toute manière que par les subventions du Fric, qui se présente parfois comme un adversaire, et qui est en réalité leur plus fidèle allié en sous-main. Tordre le coup au Fric, à Largent, on conviendra que l’idée n’est pas sans intérêt… Non seulement en matière sociale, mais aussi et surtout en matière géopolitique.

Jacques Philarcheïn

(1) Il est notable que le patriotisme défendu par Philippe Landeux ne s’entend pas seulement au sens militaire et géostratégique. Le principe inconditionnel de légitime défense contre les criminels est un des points les plus forts de son ouvrage, et la magistrature actuelle ferait bien de s’en inspirer, qui envoie des victimes en prison à tout de bras, tout en relâchant les pires tortionnaires sans parfois même les condamner. Mais je sais qu’elle ne s’en inspirera pas… Nous, en revanche, nous nous en inspirons. Lire la note 85 du Civisme ou théorie de la Cité, page 107 du traité, « Contre le principe de défense proportionnelle », sans doute le plus beau texte jamais écrit à ce jour sur la légitime défense.

(2) Maxime Poupeney, La République des commissaires, paru en janvier 2011, disponible aux élections Jets d’encre. J’ignore si Maxime Poupeney et Philippe se connaissent, mais il existe quelques ressemblances stimulantes entre les deux analyses, que j’ai lues avec attention.

(3) Il s’agit plus exactement de dépasser le libéral-capitalisme mondialisé, fondé sur la monnaie.Le système de Philippe n’empêche aucunement le commerce, les achats et les ventes, ni la création et la gestion d’entreprises, toutes choses que Philippe encourage et intègre dans sa philosophie du Devoir social. Par ailleurs, les banques nationales détenant, dans son système, des devises étrangères ont bel et bien un capital monétaire, et les stocks des entreprises, sans compter les bâtiments et les machines, constituent bel et bien un capital non monétaire. En clair, le système de Philippe Landeux n’empêche nullement le commerce, les échanges, pas même internationaux, ni la constitution de fonds considérables, consacrant la richesse et la puissance de la Cité.